Le Sceau de l'Ange - Nadia Boukli-Hacène - E-Book

Le Sceau de l'Ange E-Book

Nadia Boukli-Hacène

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Beschreibung

Au commencement était l’enfance où se mélangent des images tout en couleurs, et des souvenirs en noir et blanc.
Des voix émergent, résonnent…
Les voix de l’enfance.
Au commencement dit-on était le verbe, alors la plume glisse sur l’eau, pour dire, écrire, guérir…
Un écrit, où dans la limpidité de l’eau, se mire l’histoire d’une vie.
Un roman qui rend hommage à mes parents.
Un roman qui raconte l’histoire familiale en quête d’une vie meilleure.
Une odyssée qui vogue sur une mer tantôt sereine, sur une mer tantôt bouleversée et qui se heurte fatalement aux inconstances de la vie.
Histoire émouvante qui pourtant est porteuse de résilience.


À PROPOS DE L'AUTEURE


Née en 1954 à Paris, Nadia Boukli-Hacène a été professeur de Lettres Modernes à Marseille, en particulier en ZEP. Son ouvrage, « L’échec scolaire des enfants de migrants - Pour une éducation interculturelle », évoque ses péripéties d’enseignante dans les quartiers nord de Marseille, où l’acte d’enseigner relève de l’utopie.

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Nadia Boukli-Hacène

Le sceau de l’ange

 

À maman…

À papa…

Qui voulait écrire ce livre et qu’il aurait intitulé :

« Au-Delà des flammes ».

Ce roman est un roman d’amour,

Un hommage fait à mes parents…

À mes enfants et mes petits-enfants,

À mes frères et sœurs,

À mes neveux et nièce,

Un matin dans l’ombre…

 

Un matin dans l’ombre

Se réveille le monde,

Et le jour apeuré

N’ose se lever,

Il regarde en silence

La nuit qui doucement

Déploie d’un geste large

Son étendard noir…

Elle enveloppe le jour

Jusqu’au bout de la nuit,

Afin que nul ne sache,

Qu’un jour, l’aube fut…

 

Manaf Bendahmane1

 

 

Je dédie également ce roman à tous les hommes qui sillonnent les mers, et ce depuis la nuit des temps…

Les Migrants…

Des hommes…

Fuyant la guerre,

Des hommes…

S’enfuyant d’un océan de misère…

Ils mettent les voiles, vers les chemins de mer…

Poussés par les appels criants des vents du large,

Ils voguent de rivages en rivages…

Sur son char auréolé de brume,

Aux couleurs d’algues et d’écume,

Poséidon,

Les accompagne vers d’autres horizons…

Aventuriers à la conquête de la vie, ils larguent les amarres

Sans craindre les embruns ni les vagues scélérates…

Capitaines sans vaisseau et sans gouvernail en quête de rivages,

Ils s’exposent aux tempêtes et aux terribles naufrages…

Vagabonds acharnés, ils traversent téméraires,

L’univers infini de la mer…

Bercés par le mugissement des vagues, qui montent et descendent des écueils,

Ils échouent enfin sur les rivages de la terre d’accueil…

La terre d’accueil…

Ce lieu d’échanges ininterrompus d’Hommes, véritables passeurs des deux rives, qui, à peine échoués sur le rivage, prennent racine, et construisent la ville de leurs espoirs à la force de leurs bras…

Leur sueur, mêlée au sel de l’amer…

Mais qu’en est-il des migrants aujourd’hui ?

Qu’en est-il de ces millions de Ulysse échoués sur les rives d’une impossible Ithaque ?

Ballotés sur des barques sans rame…

Ils chavirent le vague à l’âme…

Nageurs des deux rives,

Ils flottent à la dérive,

Sur une mer sans rive,

Ils flottent…

Sur des vagues déchirées d’amertume,

Leur linceul auréolé d’écume…

Et la mer(e) tourmentée,

Contient les pleurs de l’Éternelle Méditerranée…

Qui…

Accablée, les étreint pour l’éternité…

L’exil ne s’écrit pas, il se vit !

Nous ne sommes pas simplement ce que nous croyons être, nous sommes aussi le fruit des générations passées et ce qu’elles nous ont transmis.

Tel un murmure, la voix de nos aïeux chuchote en nous.

Tout comme chuchotent en nous, les silences et les désordres de l’Histoire…

Silences pleins de bruits et de fureurs…

Silences d’une époque lointaine, désormais révolue et oh combien présente !

Une époque impossible d’accès et qui pourtant, continue de cheminer en nous…

Nous sommes un maillon dans la chaine des générations, marqués par le Sceau des ancêtres.

L’hérédité ne se limite pas aux caractéristiques physiques, nous accueillons en nous, et bien malgré nous, les mémoires émotionnelles de ceux qui nous ont précédés.

Héritage fantomatique…

Héritage symptomatique…

Marque secrète…

Marque inquiète…

Pas toujours facile à déceler…

Pas toujours facile à porter…

Et…

Si nous n’en prenons pas conscience, nous risquons de la léguer de manière inconsciente et répétitive, à nos enfants et petits-enfants…

Tout se passe, comme si, nous ne pouvions pas oublier, tout se passe, comme si nous ne devions pas oublier…

Serait-ce un pacte de loyauté avec le passé de nos aïeux ?

À transmettre…

Dans le silence et la résilience.

Ne sommes-nous pas prisonniers d’un invisible canevas patiemment tissé ?

Toile d’araignée dont nous sommes, à notre insu, de véritables maîtres d’art ?

Oui ! Dénouer et couper ces fils inextricables tissés dans un passé parfois lointain, et qui nous empêchent d’avancer !

Mais, lorsque l’on comprend, l’indicible peut être dit autrement…

Forts et fortifiés de cette prise de conscience, nous pouvons rompre avec le passé, casser la lignée et se défaire de l’influence silencieuse de cette donation sans héritage !

Se débarrasser chemin faisant de baluchons qui nous encombrent et qui du reste, ne nous appartiennent pas !

Secouer le joug inconscient posé par nos ancêtres et nous libérer de nos blocages, pour nous diriger enfin vers notre propre destinée…

Sortir de cette mosaïque familiale !

Garder la sagesse de nos pères, qui nous sert de repères pour construire enfin, notre propre demeure !

Reconquérir sa liberté…

Et…

Accepter à corps défendant, d’assumer son histoire…

Écrire est une plongée dans des eaux parfois opaques, où il est difficile de nager.

Une descente pleine de turbulences au fond d’un fond sans fond.

Quel immense effort de remontée, pour aller à l’autre bout d’une histoire où mémoire et réalité, intimement liées, s’entremêlent !

Se souvient-on de tout ?

Qui est aux commandes ?

L’affect ?

L’émoi ?

La mémoire…

Bouée dérisoire.

Peut-on déambuler dans les dédales d’une époque ?

L’écrit, peut-il raconter les tenants et les aboutissants d’un monde complexe, avec des phrases simples ?

Peut-on écrire avec des mots simples, des mots errants, des mots frappés d’imposture, une histoire familiale, immergée dans l’Histoire coloniale ?

Peut-on tenter de se retrouver dans les turbulences d’une époque de transition ?

Peut-on tenter de dérouler les fils d’un temps désaccordé pour faire rebrousser chemin à la mémoire ?

Parcourir les sentiers du passé…

Quelle prétention !

Conjuguer le passé au présent.

Quelle dérision !

Plonger dans les méandres de souvenirs opaques…

Plonger dans l’imaginaire et recréer le verbe, pour approcher les visions éparses de vies heureuses, de vies meurtries…

Écrire !

Les mots !

Écrire !

Les maux

Détruire les remparts de la mémoire,

Faire le pas.

Sauter.

Se lancer dans le vide d’une nuit profonde.

Des lambeaux de brume…

Une époque s’éveillant des ténèbres…

Des cris…

Écrire !

Traquer les ombres et, leur insuffler le temps de l’écriture, le vertige de la vie…

Écrire !

Écrire la vie !

Qui…

Dans un cri, vacillant dans un déchirement de soi, s’affirme dans sa négation et sombre dans le vide…

Marqué par le Sceau de l’Ange.

 

*

 

Mon enfance fut marquée par un traumatisme douloureux…

Le temps caché des souvenirs…

Ceux de l’enfance qui vous déchire.

L’instant fatal où tout bascule…

L’instant fatal qui vous bouscule dans un insoutenable crépuscule… Quand j’ai décidé d’écrire l’histoire de mes parents et de tourner les feuilles de l’album familial, il m’a été difficile de retrouver tout ce que j’avais enfoui au fond de ma mémoire…

Parfois il est difficile de dire…

Parfois il est difficile d’écrire…

Les maux refusent tout compromis,

Posent et imposent des non-dits.

Un silence salvateur…

Un silence destructeur…

Lourd à porter qu’il faut pourtant déposer…

Sortir du brouillard…

Éviter l’horrible traquenard…

Et continuer d’avancer…

Pour entreprendre ce travail d’écriture, il m’a fallu remuer la poussière du temps et des souvenirs entourés d’un halo de brume, sont doucement venus à ma rencontre…

Pour écrire mon histoire, immergée dans l’histoire familiale, j’ai dû aller à la rencontre de l’enfant que j’étais…

Une enfant qui n’aurait su…

Une enfant qui n’aurait pu…

Une enfant qui aurait tâtonné le long des longs couloirs d’une histoire…

Couloirs emplis de silences et de vides d’une histoire à reconstruire…

Alors, je lui ai tendu la main et ensemble nous avons fait cette remontée dans le temps.

Je lui ai prêté mes mots, pour la libérer de ses maux…

 

*

 

« Le souvenir est un poète, n’en fais pas un historien. »

Paul Géraldy

Ce roman est un roman sur l’exil…

Ce roman se veut poème.

Poème du souvenir et de l’enfance…

Une invitation au voyage.

Une odyssée jusqu’aux territoires de l’intime…

Éperdue, une enfant court dans les rues d’Oran.

Le cœur serré…

Le souffle coupé…

Maman…

Un dédale sombre et tortueux.

Un chemin long et sinueux…

Des escaliers interminables à gravir…

Maman…

Un ange à retenir…

Empêcher l’appel béant du néant

Retenir…

La chute…

D’inaudibles cris, des pleurs, des chuchotements…

Des voix muettes frappées d’aphasie…

Une maison désormais vide…

Des évènements renaissent à la mémoire vive.

Des vagues d’émotions ressurgissent, se bousculent, me bousculent, immergeant mon présent dans de sombres abysses…

Des couleurs vives jaillissent, se diluent dans ma tête comme les couleurs d’une aquarelle sous la pluie.

D’insolubles souvenirs couleur sépia, me submergent…

Périlleuse ascension des profondeurs…

À la recherche d’un temps perdu,

À le recherche d’un temps qui n’est plus…

 

Ma naissance et une partie de mon enfance, se sont passées à Paris.

L’autre partie, s’est passée ailleurs…

En Algérie, mon pays natal.

Là, où je ne suis pas née…

Ailleurs…

Au pays des origines.

Au pays des merveilles.

Un Pays rêvé.

Sublimé…

Fantasmé…

Damné…

Pays tragique

L’Algérie ! 2

Tlemcen, mai 1952.

« Éloigne-toi de ton lieu natal et de la demeure paternelle, dit Dieu à Abraham »La genèse.

 

Le jour du départ est arrivé…

Une vieille dame, le cœur chaviré de tristesse, ses beaux yeux bleus noyés d’eau, tente de ramener à elle son fils, pour renouer les fils d’un dialogue désormais rompu.

L’empêcher peut-être de partir, de faire ce choix impossible et irraisonné, celui de quitter son pays pour aller travailler et vivre en Métropole, dans le pays de l’Autre !

Jusqu’au dernier instant, elle croit qu’il va renoncer, hésiter, se retourner, mais non, il est déterminé !

Elle ne croyait pas trop à ce départ, tout comme elle ne croyait pas son fils capable d’aller au bout de sa décision !

Pour elle et ses filles, ce n’était qu’un caprice de jeune premier !

Derrière elle, une silhouette silencieuse, s’efface et reste à distance.

Elle observe discrètement sa belle-mère.

Elle promène un regard silencieux sur les murs épais qui l’entourent.

Des murs grossièrement peints à la chaux.

La maison de ses beaux-parents est simple et modeste.

Une maison dans laquelle elle ne s’est jamais sentie acceptée.

Une maison où vivaient également ses belles-sœurs, leur époux, ainsi que leurs enfants.

Une cohabitation familiale tantôt envieuse, tantôt solidaire…

Cohabitation vivante, pesante, turbulente et persiflante.

Fatiha, porte dans ses bras une enfant qui lui sourit et l’espoir l’envahit.

Noureddine, est debout devant l’embrasure d’une lourde porte, il se retourne et regarde les hautes murailles de la maison paternelle…

De lourdes et d’imposantes barrières qui lui cachent l’horizon…

Un horizon où il n’y aura que l’horizon et où il sera face à la mer…

Submergé d’une émotion vive qui remonte par vagues, il est bouleversé…

Il est en nage…

Il respire à fond comme s’il se préparait à plonger dans l’eau, se ressaisit et reprend vite le gouvernail de ses pensées, embrasse sa mère, ses sœurs, puis franchit le seuil de la maison paternelle.

Ses pas le précèdent comme ceux d’un enfant entraîné dans une pente…

Une voix du passé qui le ramène au présent !

Une marée de pensées noires l’engloutit dans de sombres remous…

Des sentiments de frustration, d’humiliation et d’injustice !

Les coups mesquins d’un quotidien.

Les difficultés d’une époque impitoyable

D’une misère et d’une précarité posée et imposée

Dépossédé !

Difficultés !

Prendre une décision

Partir…

Quitter son pays, vivre ailleurs,

Partir, aller vivre en France, pour un avenir meilleur,

S’éloigner des rancœurs et des fêlures de l’existence.

S’éloigner des aigreurs qui remontent des eaux troubles…

Partir !

Une voix qui déborde, la sienne, et toute l’amertume de la mer(e) remonte…

Un véritable raz de marée.

Turbulences du présent, tempêtes du passé…

 

*

 

Au commencement, sa naissance un 11 septembre 1919.

Il est né coiffé, enveloppé de la membrane fœtale qui permet, dit-on, d’éviter la noyade et plus largement de réussir sa vie.

Ce jour-là, ses parents sont de passage à Tlemcen pour une courte visite chez leurs parents respectifs, mais c’est à Fez, au Maroc, dans une de ces maisons coquettes et cossues de la bourgeoisie marocaine que sa naissance est prévue et attendue.