Le tourbillon de la vie - Tome 2 – Partie II - Caroline Noëlle - E-Book

Le tourbillon de la vie - Tome 2 – Partie II E-Book

Caroline Noëlle

0,0
7,99 €

oder
-100%
Sammeln Sie Punkte in unserem Gutscheinprogramm und kaufen Sie E-Books und Hörbücher mit bis zu 100% Rabatt.
Mehr erfahren.
Beschreibung

L'île de Samania, une île paradisique perdue dans les cieux! Émilie y est envoyée pour son voyage de noces.
La magie de cette île va lui prolonger la vie, mais de quelques jours seulement. Cela laissera-t-il le temps à Tommy Pereira, de mettre en place le plan échafaudé par Daniel pour sauver la jeune femme ?
À Pandémonium, la Chasseresse va faire la conissance de la femelle Blanche : une dragonne terriblement dangereuse, qui va lui apporter une aide précieuse dans la guerre qui se prépare entre Dieu et satan... Mais Anna ira-t-elle jusqu'a bout ?

À PROPOS DE L'AUTEURE

Caroline Noëlle est passionnée depuis toute petite par l'écriture. Elle écrit avec passion jour après jour. Son domaine de prédilection est l'imaginaire.
Passionnée de lecture, elle dévore suspense, romance et surtout fantastique...
Le tourbillon de la vie est son premier roman.

Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:

EPUB

Veröffentlichungsjahr: 2020

Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Caroline Noëlle

Le tourbillon de la vie

Tome II – Partie II

L’île de Samania

Roman

© Lys Bleu Éditions – Caroline Noëlle

ISBN : 979-10-377-0922-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

Chapitre I

Mariage

 

1

 

 

 

— Tu es magnifique, dit Clara en plantant la dernière orchidée blanche dans la chevelure de sa sœur.

Elle recula d’un pas pour l’admirer. La robe de mariée qu’Émilie avait choisie était digne d’un conte de fées. Jamais Clara ne porterait une aussi belle robe.

Émilie replaça une mèche qui lui tombait sur le front et sentit sa poitrine se soulever. Le miroir lui renvoyait l’image d’une jeune femme qu’elle n’était plus. Le maquillage que Clara avait appliqué faisait disparaître ce teint grisâtre qui ne la quittait plus depuis des jours.

Elle songea à reprendre le miroir pour contempler ce reflet éternellement. Elle-même se trouvait magnifique. Émilie avait cru que ce jour n’aurait jamais lieu. Sa jambe lui faisait atrocement mal. Tommy lui avait donné de la force.

— Ça ne durera pas longtemps, Melly, lui avait-il dit.

Cela n’avait aucune importance. Ce qui comptait, c’était qu’elle puisse être présentable et épouser Daniel.

Elle tourna légèrement la tête sur le côté gauche pour admirer l’orchidée dans sa chevelure blonde. Sa main effleura l’émeraude qui s’était glissée dans le creux de son cou, puis ses yeux accrochèrent enfin la robe. Elle avait longuement hésité quand le couturier lui avait proposé ce modèle. Bien sûr, elle avait eu tout de suite un coup de cœur pour ce bustier doré et ce bas en dentelle blanc. Mais elle ne voulait pas quelque chose de trop tape-à-l’œil.

Clara avait débarqué à l’improviste chez elle, s’était d’abord figée dans le salon, et avait dit au garçon qu’Émilie allait l’essayer. Quand la jeune femme était sortie de la salle de bains, sa cadette et le couturier étaient d’abord restés sans voix. Clara avait reculé d’un pas une main devant la bouche et avait longuement contemplé son aînée, puis, sans demander l’avis de sa sœur, elle avait dit au garçon que c’était celle-ci qu’Émilie porterait.

Elle ne lui avait pas laissé le temps d’en placer une. Melly n’avait pas eu la force de s’opposer. De toute façon, ce n’était pas vraiment la robe qui comptait, mais le lien qui allait l’unir à l’homme de sa vie. Aujourd’hui, elle pensait que Clara avait fait le bon choix. Elle n’aurait jamais été aussi belle dans une autre robe.

Trois petits coups à la porte de la chapelle de Notre-Dame la ramenèrent à la réalité et elle sentit son cœur battre à tout rompre.

— Waouh. Tu es… magnifique.

Émilie sourit à Tommy qui venait d’entrer. Elle se tourna face à lui et lui prit les mains dans les siennes. Il y eut un long silence où les jumeaux se contemplèrent, yeux dans les yeux. Heureux l’un pour l’autre.

— Tu es prête ?

Ils avaient décidé que c’était lui qui l’amènerait à l’autel. Elle acquiesça timidement, la gorge douloureuse. Clara n’osa pas bouger, de peur de perturber ce moment magique qu’il y avait entre eux deux.

Le souvenir douloureux des lèvres tièdes de Dany sur les siennes heurta l’esprit de Clara, et cette dernière regretta que ce ne soit pas elle que Daniel épouse. Par-dessus l’épaule d’Émilie, Tommy lui jeta un regard noir, et la jeune femme comprit que son frère venait de lire en elle. Elle ferma les yeux, inspira calmement.

Tommy détourna le regard et posa un doux baiser sur la joue de sa jumelle, avant de l’entraîner vers la porte attenante à la nef. Toutefois, avant de fermer la porte derrière lui, il se pencha vers Clara qui les suivait et lui murmura à l’oreille :

— Tu n’échapperas pas à une petite discussion !

La jeune femme secoua la tête, sentant son cœur se serrer. Elle laissa la porte se refermer devant elle, puis tapa un poing rageur sur celle-ci.

 

***

 

Jamais la Cathédrale de Notre-Dame de Paris ne fut aussi belle que pour le mariage d’Émilie Pereira et de Daniel Müeller.

Clara l’avait rendue plus magique encore que ce qu’elle était déjà. Orchidées blanches et bleues étaient suspendues dans l’allée qui menait jusqu’à l’autel. Avec l’aide d’Haziel, un arceau gigantesque de fleurs où Émilie passerait au bras de Tommy avait été judicieusement placé dans l’entrée centrale. Haziel avait eu recours à la magie pour déposer sur le sol un tapis blanc scintillant de mille et une étoiles. Deux grands rideaux roses, relevés et retenus par de simples attaches, avaient été fixés à l’entrée de la nef.

Émilie se figea un instant devant ce spectacle somptueux. Elle sentit ses yeux lui piquer et le souffle de Tommy lui effleurer l’oreille.

— Je t’interdis de pleurer, petite sœur. Essaie d’être encore présentable quand tu vas arriver au bout de l’allée.

Elle eut un petit rire nerveux, renifla et lui tapa gentiment la main.

— Merci, murmura-t-elle.

Tommy Pereira plissa le front et elle comprit vite qu’il avait armé son bouclier anti-pensée. De ce fait, il ne voyait pas du tout où elle voulait en venir. Alors elle ajouta :

— D’être là.

Elle l’entraîna vers l’autel, la tête haute et un sourire aux lèvres.

 

Daniel ouvrit la bouche sans pouvoir émettre le moindre son. Il la regarda avancer dans l’allée au bras de son frère, en songeant qu’il était l’homme le plus chanceux du monde. Dès leur première rencontre, il l’avait trouvée magnifique, mais aujourd’hui, aucun mot ne pouvait qualifier la beauté d’Émilie Pereira.

Son cœur s’était rarement emballé ainsi. Daniel sentit le sourire d’Haziel derrière son dos. Ce dernier avait accepté d’être son témoin.

L’ex-Ange prit une grande inspiration, se sentant nerveux. Quand la jeune femme s’arrêta, et se tourna face à lui, Dany déglutit difficilement. La mariée afficha un petit sourire ironique. Elle était aussi nerveuse que lui. Elle avait essayé – tant bien que mal – d’évacuer de sa tête ces quelques personnes assises dans les rangées de l’église et qui la regardaient.

Toute sa vie durant, Émilie avait redouté et imaginé à la fois son mariage. Comme toutes les petites filles, elle avait rêvé d’un mariage féérique. Le seul moment qu’elle appréhendait le plus était celui où tous ces yeux seraient braqués sur elle. Elle allait enfin épouser l’homme de sa vie et toutes ces paires d’yeux étaient là, l’observant.

Clara, qui était dame d’honneur, était prête à verser des larmes, sans parler de sa mère bien sûr. Malgré la colère à l’encontre de son beau-fils, Marta trouvait sa fille magnifique et ce mariage touchant. Solène se tenait aux côtés d’Emma, un sourire en coin.

Émilie arriva à la hauteur de son futur époux et elle sentit ses joues s’enflammer. Comme autrefois.

— Salut, murmura-t-elle.

— Salut. Tu es… splendide.

La jeune femme baissa les yeux, les releva aussitôt et accrocha le regard de sa tendre moitié.

— Tu es très beau aussi, Dany.

Elle le pensait. Il portait un costume gris clair et cette chemise blanche, qu’elle avait envie de lui ôter. Émilie se sentit rougir de plus belle. Daniel dut deviner ses pensées, car il lui afficha un sourire sensuel.

Elle osait à peine parler, comme si sa voix ne voulait plus émettre le moindre son. Elle ferma les yeux, essaya tant bien que mal de contrôler ce cœur qui s’affolait.

Le silence s’installa quelques secondes, puis la jeune femme se pencha vers lui, son bouquet de mariée à la main.

— Tu es toujours certain de… ? murmura-t-elle, sans savoir finir sa phrase.

M’épouser ? Oui, c’était le mot qu’elle cherchait. Mais sa bouche avait refusé de le prononcer, par peur que Daniel ne change d’avis. Elle se sentait obligée de lui poser la question. Comme si elle voulait vraiment entendre la réponse. Ce qui était absurde, car même si Daniel avait voulu changer d’avis, Émilie n’aurait pas été prête à l’entendre.

Ce dernier afficha un sourire en coin, laissa un silence planer, comme s’il faisait mine de réfléchir, puis se pencha enfin vers elle et murmura :

— Bien plus certain aujourd’hui qu’hier. Et toi ?

Elle se mordit la lèvre. Elle revoyait leur premier baiser, dans cette chambre du Riz, où elle avait trouvé le contrat. Où elle était venue dans un premier temps pour lui demander s’il était marié. Daniel était venu lui ouvrir la porte, torse nu, une serviette enroulée à la taille, et Émilie avait cru que son cœur allait exploser. Quand il avait pressé ses lèvres contre les siennes avec ardeur, la jeune femme avait senti tout son corps frémir et ne plus lui appartenir.

Elle rougit en songeant à ce délicieux souvenir.

— Bien plus certaine aujourd’hui qu’hier, lui répondit-elle.

Daniel acquiesça d’un signe de la tête. Il semblait, lui aussi, être habité par la peur qu’elle change d’avis.

— Alors, on peut y aller ?

Cette fois, ce fut elle qui lui répondit par un hochement de la tête. Ils se tournèrent vers le prêtre et Daniel lui demanda de bien vouloir commencer la cérémonie.

 

***

 

Le jardin de la maison de Solène était méconnaissable, tout comme la Cathédrale de Notre-Dame. Émilie n’y avait plus mis les pieds depuis très longtemps. C’était certainement Clara qui avait eu l’idée de mettre un chapiteau pouvant accueillir une centaine de personnes. Ce qui était inutile, vu que le nombre d’invités était réduit à la famille.

Émilie n’avait pas voulu annoncer cette cérémonie religieuse ni à ses collègues ni à ses amies. À quoi bon ? Sa maladie aurait été l’objet d’une curiosité malsaine, et c’est ce qu’elle redoutait.

Elle avait admiré la décoration des tables rondes, toutes drapées de rose et de blanc, et les coupes en cristal posées sur les tables. Le plafond était décoré de centaines de guirlandes bleues qui représentaient un ciel étoilé. Et le repas, un vrai délice.

Daniel l’entraîna au milieu de la piste pour l’ouverture du bal sur Everything I do de Brian Adams. La jeune mariée rougit et plongea ses yeux bleus dans ceux de son époux. Celui-ci ne prononça pas un mot durant ce qui parut à la jeune femme durer une éternité.

Daniel finit par poser son front contre le sien, et Émilie ferma les yeux, savourant cet instant. Elle entendait encore les paroles qu’il avait prononcées, au moment où ils avaient échangé leurs vœux.

Moi, Daniel, je te prends toi, Émiliepour épouse. Par cette alliance, je deviens ton mari. Par elle, je te promets mon amour, mon soutien et ma fidélité. Je te promets de marcher à tes côtés, dans les moments difficiles. Jusqu’à ce que la mort nous sépare… Et au-delà.

Elle avait senti une larme rouler sur sa joue. Elle avait elle-même répété ses vœux et ajouté avec un sourire timide en prononçant : « Et au-delà. » Seuls eux deux, ainsi qu’Haziel, avaient compris ce que cela signifiait.

— Je t’aime, Daniel Müeller, murmura-t-elle.

Dany releva la tête, des étoiles plein les yeux.

— Je t’aime plus que tout au monde, madame Müeller.

Il lui déposa un baiser sur le front.

 

 

2

 

La cuisine était à l’arrière, au calme avec vue sur le bois. C’était une petite pièce que Solène n’avait jamais trouvé utile d’agrandir. Cela leur avait toujours suffi. La salle de bains était adjacente, ce qui rendait la cuisine plus petite. Mais jamais cela ne l’avait dérangée. Son mari avait souvent pensé à faire la salle de bains à l’étage, mais il n’y avait que deux chambres et la pièce secrète que Solène n’avait montrée à personne.

Elle introduisit la clef dans la serrure de la petite armoire sous l’évier de la cuisine. Elle veillait à ce que cette porte soit toujours bien fermée. Même Marta n’avait jamais eu accès à ce meuble. Enfant, elle avait souvent demandé à sa mère ce que celui-ci contenait sans jamais avoir obtenu une réponse. La petite fille avait fini par lâcher prise et sa mère en avait été soulagée.

Solène attrapa l’une des fioles au verre fumé et referma la porte avec précaution. Elle jeta un œil par la fenêtre devant l’évier. Le jardin était éclairé par le reflet de la lune et les lampes du chapiteau. Grâce à sa double audition, elle entendit une chouette hululer dans les bois. Un sourire étira ses lèvres. Tous les soirs à la même heure, elle l’entendait. Quelquefois durant les nuits, elle s’aventurait dans le sous-bois et voyait l’animal voler ou observer une proie sur un arbre.

L’ancienne guerrière adorait cette végétation qui était à proximité de chez elle. C’est ce qui l’avait décidée à acheter cette maison. La maison en elle-même n’était pas exceptionnelle. Mais avec un seul enfant et son mari, elle n’avait jamais eu besoin d’une grande bâtisse. Seul le jardin était le point majestueux de la demeure.

— Penses-tu que c’est nécessaire d’avaler cette potion ?

Elle sursauta et resta figée un instant, n’osant point se retourner. Malgré toutes ces années écoulées, elle n’avait jamais pu l’oublier.

Après un long moment, Solène se décida enfin à se retourner, lentement. Léandre n’avait pas changé. Ce qui est normal pour un Céleste, pensa-t-elle quelques minutes plus tard. Il avait toujours ces mêmes yeux verts, d’une dureté sans pitié. Sauf avec elle, bien sûr. Et cette longue chevelure blonde, presque blanche, où elle avait tant passé ses doigts.

Ils restèrent là, à s’observer mutuellement de longues minutes sans échanger un mot. Comme si le temps qui les avait séparés s’était arrêté subitement.

Elle déposa la fiole sur l’évier, et sentit la serviette humide sur le rebord de celui-ci.

— Bonsoir, Léandre, dit-elle durement.

— Bonsoir, Solène chérie.

Il répéta son prénom deux, peut-être trois fois, pour être certain que c’était bien elle. Si l’homme politique avait croisé Solène dans la rue, il n’aurait su la reconnaître, à cause de cette potion qu’elle avalait chaque jour.

Elle le détailla de la tête aux pieds. Il était vêtu d’un costume bleu marine. Il a fait un effort vestimentaire pour le mariage de sa petite-fille, pensa-t-elle.

— C’est bien moi, Léandre, finit-elle par déclarer.

Elle avait conscience que les fioles qu’elle avait avalées durant toutes ces années l’avaient vieillie. Mais après tout, n’était-ce pas ce qu’elle avait désiré ? Si la vieille Kesha lui procurait ces philtres magiques, c’était pour paraître aux yeux de la population terrestre, et surtout auprès de ses petits-enfants, une grand-mère ordinaire.

Léandre n’eut aucun mal à lire en elle tout ce qui s’était passé durant toutes ces années. À présent, cette femme qui aurait dû devenir sienne cinquante ans auparavant se tenait face à lui. Il serra la mâchoire et Solène comprit que la sentence pour Kesha serait terrible.

— Je t’interdis de faire le moindre mal à la vieille Kesha ! ordonna-t-elle d’une voix brutale.

Il ne se laissa pas démonter pour autant.

— L’Ange illusionniste ! J’aurais dû y penser plus tôt, siffla-t-il. Elle nous a bernés tous. Elle sera jugée comme la loi l’exige.

Cette fois, Solène fit un pas vers lui. La fiole qui se trouvait sur le rebord de l’évier bascula et se brisa au sol, mais aucun des deux n’y prêta attention.

— De quel droit oses-tu la juger ? C’est moi qui ai sollicité son aide ! Je ne voulais plus de cette vie ! J’avais une petite fille à éloigner de ce monde Céleste et un mari à protéger ! cria-t-elle.

— Cette fille a un père, Solène. Et c’est moi. Ne pense pas me duper encore une fois.

Son visage changea de couleur. Ses mains se mirent à trembler et elle aurait aimé que la vieille Kesha lui vienne en aide. Mais il n’y avait aucun moyen de revenir en arrière. Qui avait révélé à Léandre que Marta était sa fille ? Quant à savoir comment il l’avait retrouvée, Solène le devinait très bien : par l’intermédiaire d’Émilieet Tommy.

— C’est terminé, continua l’homme politique.

Elle se passa les mains sur le visage et fixa à nouveau son ex-amant dans les yeux.

— Je ne reviendrai pas dans la Cité, dit-elle calmement cette fois.

— Je ne te demande pas de revenir. Tu as fait un choix et tu n’es plus la bienvenue.

Elle leva un sourcil, étonnée.

— Sais-tu au moins pourquoi je suis partie ?

Il ne répondit pas. Elle ne savait pas vraiment s’il avait envie de le savoir, car il venait d’armer son bouclier anti-pensées. Mais elle continua quand même :

— Je savais que quand tu allais apprendre que j’étais enceinte, la chasse serait terminée pour moi. J’allais devoir me soumettre à la vie des femmes Célestes : femme au foyer. C’était hors de question. Alors je suis partie un soir chasser, tout en sachant que je ne reviendrai pas.

— Et tu l’as rencontré, lui ! Tu as fait un choix, Solène. Ne reviens pas là-dessus.

— Je ne reviendrai pas là-dessus. Je te demande juste de laisser Kesha tranquille. Si quelqu’un doit être jugé, c’est moi.

Il laissa passer un long moment avant de donner sa réponse. Solène se servit un verre d’eau. Elle ne lui proposa rien. Tout ce qu’elle voulait, c’est que cet homme sorte de sa vie au plus vite.

— À une condition : je veux rencontrer ma fille !

 

***

 

— Dis-moi comment c’est là-haut.

Émilieleva la tête qu’elle avait posée sur l’épaule de Tommy, durant leur slow, et le fixa intensément dans les yeux, attendant sa réponse. Tommy commença par lui sourire faiblement, mais son visage resta à moitié fermé.

Sa sœur le trouvait très séduisant dans son costume blanc. Il avait été hors de question qu’il porte un costume noir. Dans le monde Céleste, le noir était dédié au deuil. Tommy avait même fait l’effort de porter une cravate, ce qui n’avait jamais été dans ses habitudes.

Émiliese rappelait qu’adolescent, il s’était disputé à plusieurs reprises avec leur père parce qu’il refusait d’en porter une.

Elle avait envie de lui demander des nouvelles de leur paternel. Quand elle le fit, elle le vit mal à l’aise et sentit le cœur de son frère se serrer. Il passa une main sur le visage de sa sœur sans la toucher.

— C’est ton mariage, petite sœur. Profite !

La jeune femme était déçue. Elle afficha une petite grimace et Tommy la serra contre lui. Émilielaissa choir sa tête sur son épaule, respira son odeur. Ce n’était pas la même que celle qui enveloppait Daniel, quand il était venu chercher l’âme d’Emma. Celle de Tommy était moins grisante.

Ils dansèrent un long moment serré l’un contre l’autre, sans échanger un mot. Tommy avait l’impression que Mickaël lui avait planté un couteau chauffé à blanc dans le cœur, pour mieux le retirer quelque temps plus tard.

Il serra sa jumelle un peu plus contre lui et son regard accrocha – par-dessus l’épaule de sa sœur – celui de Daniel qui les observait à l’écart, une coupe de champagne à la main. Ce dernier porta le verre à ses lèvres, tout en jetant une œillade noire vers Tommy Pereira.

À nouveau, Daniel recevait les pensées des jumeaux comme si aucun Don ne l’avait déserté. Il n’avait pas encore eu l’occasion d’en toucher un mot à Haziel. Puis il songea que c’était inutile.

Tommy et lui se dévisagèrent très longtemps. Tu penses savoir aller jusqu’au bout, Tommy ? Parce que moi, j’en doute. Elle souffre, tu souffres. Vous êtes liés par un lien inextricable. Quand elle va s’éteindre, le fil qui vous relie se rompra. Tu ne la verras jamais plus. La différence, Tommy, c’est que quand je vais mourir, j’irai la retrouver. Toi, en revanche, on ne peut pas en dire autant. Tu vivras pour l’éternité avec ce trou dans la poitrine. Tu auras perdu ta moitié. Les paroles que Daniel lui avait jetées à la figure, dans la cuisine de l’appartement, avaient heurté le jeune homme de plein fouet. La scène n’arrêtait pas de le tourmenter.

Tommy plissa le front, regarda Daniel secouer la tête. Puis il ferma les yeux, respira un grand coup avant de se pencher à l’oreille de sa sœur.

— Papa va très bien, Melly, chuchota-t-il.

Elle releva la tête. Elle était pâle. Elle avait l’air exténuée, mais elle arriva tout de même à afficher un petit sourire.

— Il est fier de toi.

Il lui prit le visage entre les mains et lui déposa un baiser sur le front, avant de l’entraîner hors de la piste et de la laisser en compagnie de Marcus et Clara.

L’Ange se dirigea vers la table du fond, où quelques coupes de champagne n’attendaient plus que d’être bues, toutes posées sur une table nappée de blanc et décorée de jolies fleurs : l’œuvre de Clara.

Tommy prit l’un des verres et ignora son beau-frère l’espace de quelques instants. Son cerveau fonctionnait à plein tube. Il serra les dents.

— C’est quoi, ton plan ? demanda-t-il au bout d’un moment.

— Je n’en ai pas !

Le jumeau vida sa coupe, posa son verre et reprit un deuxième. Les deux hommes ne lâchèrent pas la jeune femme du regard.

— Tu n’as plus beaucoup de temps. Alors, trouve un plan, Dany ! Très vite !

Daniel afficha un sourire en coin et cette fois, il planta ses yeux dans ceux de Tommy. Le silence persista quelques secondes et Tommy se sentit mal à l’aise, tout à coup.

— Je ne pourrai pas aller jusqu’au bout, dit-il.

Daniel posa son verre sur la table.

— Je me suis souvenu d’une chose.

Tommy se rapprocha pour mieux entendre. La musique résonnait dans le chapiteau et malgré sa double audition, il avait peur de rater la suite. Daniel marqua une pause, les deux mains appuyées sur la table, fixant les coupes de champagne, il semblait réfléchir.

— Louis Momtbel a attiré Émiliedans un piège, l’an dernier. Il avait pour mission de me faire prisonnier auprès de Lucifer, et ta sœur était son moyen de me faire tomber, dit-il en secouant la tête. Il a aspiré une partie de l’âme de Melly. Juste une infime partie.

Il se mordit la lèvre, fixant toujours le verre de champagne une seconde, avant de s’en emparer et de le vider d’une seule traite, comme s’il avait besoin de courage pour la suite, puis il reprit :

— Cela a suffi… Les migraines et les visions de Melly ont diminué, jusqu’au jour où…

— Où tu es revenu, finit Tommy Pereira à sa place.

Daniel se redressa, attrapa une deuxième coupe et la porta à ses lèvres. Combien de verres avait-il bus depuis le début de la soirée ? Il ne les avait pas comptés, mais il commençait à se sentir groggy. Mais cela n’avait aucune importance. C’était sa soirée après tout !

Il fixa Tommy, attendant une réaction de sa part, qui ne tarda pas. La musique changea et Marcus entraîna Clara sur la piste. Les deux hommes les observèrent un moment.

— Tu es en train de me dire que la seule solution que tu as trouvée est de laisser un Démon aspirer l’âme de ma sœur ?

Daniel souleva les épaules en signe de réponse. Il avait beau retourner le problème dans sa tête, aucune autre solution ne lui apparaissait. Il allait devoir se résoudre à laisser partir sa belle. Sauf… sauf si Louis Momtbel l’aidait.

— Ce n’est pas l’âme de Melly qu’il va aspirer. S’il absorbe la tumeur, elle pourrait certainement vivre normalement.

— Vivre normalement ?

Tommy défit un peu sa cravate. Elle l’étouffait.

— On est en train de parler d’un Démon ! continua-t-il vivement. Il ne pourra pas avaler la tumeur sans avaler l’âme de ma sœur ! Tu préfères la perdre dans les limbes plutôt que de la retrouver derrière cette porte où tu m’as conduit ?

— Je préfère ne pas la perdre du tout !

Il avait brusquement tourné la tête vers son interlocuteur et le fusillait du regard. Ce dernier lui rendit son œillade noire. Thomas Pereira comprit que si lui avait une meilleure idée, Daniel était tout ouïe. Mais il n’en avait pas. C’était perdu d’avance ! Seulement à présent, Daniel l’avait convaincu. Il lui serait impossible d’emporter l’âme de sa jumelle.

— C’est hors de question, répondit enfin Tommy.

— Tu m’as certifié que tu ne me mettrais pas de bâtons dans les roues, Tommy. Si j’avais une meilleure idée, je ne t’aurais même pas parlé de Louis Momtbel.

Il se tut tout à coup. Tous deux regardèrent Haziel se diriger vers eux, en tenant une Émiliepâle comme un linge par la main.

Daniel posa son verre vide sur la table. Tommy en fit autant.

— J’aimerais que tu viennes avec nous, Dany. J’ai quelque chose à vous montrer à tous les deux, dit Haziel en faisant un signe de menton vers la jeune femme.

Il regarda une dernière fois Tommy avant de suivre Haziel dans le fond du jardin, à l’orée du bois.

 

***

 

Émilieplissa les yeux. Quelque chose brillait derrière les troncs d’arbres. Il faisait sombre, il devenait difficile de distinguer quoi que ce soit. Elle marqua une pause à la lisière de la forêt et Haziel, comme Daniel, la regarda. Les deux hommes n’eurent aucun mal à deviner son trouble.

— Il n’y a aucun danger, dit l’Ange.

Elle hésita. Daniel lui tendit la main, elle la fixa un moment, puis se décida enfin. Elle serra ses doigts entre les siens. Et si c’était un monstre qui se terrait dans les bois ? Jamais elle n’avait aimé s’aventurer ici. Petite, elle pleurait souvent alors que Tommy l’entraînait là-bas. Elle était persuadée que des monstres les surveillaient. En grandissant, cela lui était passé. Il faut aussi dire qu’elle n’y avait jamais plus mis les pieds. Aujourd’hui, avec tout ce qu’elle connaissait sur l’enfer, Émilien’était plus certaine que ces monstres n’eussent jamais existé. Il y avait eu certainement des personnes qui les avaient observés.

Un jour, Tommy avait totalement disparu. Elle s’était retrouvée seule au milieu des arbres, attendant. Elle avait crié après lui, la voix remplie de larmes, et l’avait entendu parler au loin avec quelqu’un. Tommy était réapparu vingt minutes plus tard et n’avait jamais voulu lui dire avec qui il avait discuté. Les jumeaux étaient alors à peine âgés de sept ans ! Des souvenirs qui lui revenaient ce soir.

Ils s’enfoncèrent un peu plus et Émiliecomprit que la lumière venait de bien plus loin que ce qu’elle s’était imaginé. Elle releva le bas de sa robe, jura intérieurement. Elle n’avait vraiment pas envie de l’abîmer. De là où ils étaient, on entendait encore la musique.

Elle porta une main à ses yeux. La lumière devenait presque insupportable. C’est quand elle entendit un bruit proche que la jeune femme comprit qu’ils étaient arrivés. Daniel s’arrêta, la freinant dans son élan.

Elle posa une main devant elle, cachant ainsi la lumière brillante qui lui faisait mal aux yeux.La jeune femmedistingua d’abord de grosses ombres couleur de platine, grandes, avec des ailes blanches sur les flancs. Quand l’un des animaux racla le sol du sabot, elle comprit à quelle bête elle avait à faire. Des chevaux !

Elle pencha la tête sur le côté et fit quelques pas dans leur direction. Elle vit deux grandes belles bêtes à la robe baie.

— Des Akhal-Téké, chuchota-t-elle.

Elle avait entendu parler de ces chevaux à la robe dorée, extraordinaires et originaires d’Asie centrale. Bien évidemment, ceux-ci avaient des ailes, ce que les Akhal-Téké vivant sur la terre n’avaient pas. Ils avaient des crins blancs.

Émilieles trouvait magnifiques. Tommy les aurait adorés. Elle n’hésita pas une seconde à les approcher. Ils n’étaient pas attachés, et semblaient attendre leurs cavaliers. Aucun d’eux ne broncha quand la jeune femmeapprocha. La pierre verte qu’elle portait au cou se mit à briller de mille feux et elle stoppa net un court instant. Puis, comprenant rapidement que l’émeraude ne leur ferait aucun mal, elle avança encore de quelques pas, une main tendue vers eux.

Il s’agissait de deux robustes étalons. Le premier renifla le creux de sa main, l’autre la regarda du coin de l’œil. Daniel, tout comme Haziel, ne bougea pas d’un pouce, n’osant pas troubler ce moment. Melly resta un instant à caresser les chevaux. Elle remarqua qu’ils étaient sellés. Elle finit par se tourner vers Haziel et l’interrogea du regard.

Les mains dans les poches de son pantalon, l’Ange la laissa patienter encore quelques secondes, avant d’enfin prendre la parole :

— C’est mon cadeau, dit-il.

Émilieouvrit la bouche, puis la referma aussitôt. Un cheval comme cadeau ? C’était une blague ?

Elle vit Daniel sourire et comprit que les deux étalons cachaient autre chose.

— Combien de temps ? interrogea Daniel.

Il avait à peine jeté un œil aux Akhal-Téké. Haziel afficha un demi-sourire.

— Tu disposes de sept jours.

Le sourire de l’ex-Ange disparut tout à coup.

— Après, tout sera fini, c’est bien ça ?

Émiliene comprenait rien à ce qu’ils étaient en train de se raconter. Mais par cette dernière remarque, elle n’eut aucun mal à deviner que c’était de sa vie que les deux hommes discutaient.

Haziel acquiesça d’un mouvement de la tête.

— Tu as le choix Dany. Ou tu prends ces chevaux et tu vis pleinement les sept jours qu’ils vous restent, ou tu restes ici, et dans trois jours c’est terminé.

Daniel tourna la tête vers Émilie. Elle s’approcha d’eux cette fois. Elle boitait un peu plus que ce matin. La magie de Tommy était en train de se dissiper. D’ici quelques heures, elle ne marcherait plus du tout. Il savait très bien que s’il l’emmenait sur l’île de Samania, la magie des lieux retarderait la maladie. Mais une fois qu’ils reviendraient sur terre, tout serait fini. Daniel ferma les yeux, puis les ouvrit aussi vite. Émilieétait maintenant à quelques centimètres de lui.

— De quoi parle-t-il ? demanda-t-elle.

Elle n’avait pu comprendre qu’une partie de la conversation : celle où elle avait le choix entre trois jours de vie ou sept. Pour ce qui était des chevaux, elle n’y comprenait rien. Elle ne pouvait tout de même pas garder ses bêtes chez elle ! Où les mettrait-elle ?

Haziel ne prononça pas un mot. Daniel le fit à sa place :

— Il existe une île paradisiaque, non loin de la Cité des Anges, commença-t-il. C’est l’île de Samania. La magie qui se dégage de ce lieu pourrait prolonger ta vie, Melly. Juste un peu.

— Mais on ne peut pas y vivre éternellement, c’est ça ?

Il acquiesça et essuya une larme qui venait de rouler sur sa joue droite.

— Ces chevaux peuvent nous y conduire. Seuls eux connaissent le chemin.

— Trois jours, murmura-t-elle. Il me reste trois jours à vivre.

— Ou sept, dit Haziel.

Elle releva la tête vers l’Ange.

— Et Emma ?

— Elle ne peut pas venir avec vous.

Elle tourna sur elle-même. L’angoisse revenait soudain. Elle avait le front moite, son cœur battait de nouveau la chamade.

Daniel l’attrapa par les poignets.

— Je n’ai rien préparé, dit-elle.

— Melly… On devrait saisir cette chance.

Elle se mordit la lèvre. Daniel était en train de chercher à gagner du temps. Elle ne savait encore pour quelle raison. Tommy allait trouver une solution durant leur absence. Elle avait senti tout à l’heure qu’il n’était pas prêt à la laisser partir.

L’un des chevaux piaffa à nouveau. Il s’impatientait. Après tout, c’était son voyage de noces. Quelque chose qu’elle allait vivre pleinement. Son cerveau fonctionnait à cent à l’heure. Elle avait du mal à réfléchir, à prendre des décisions. Emma préoccupait toutes ses pensées. Elle aurait aimé l’emmener avec elle. Elle aurait surtout aimé avoir le choix entre vivre et mourir !

Elle jeta un regard à Haziel, puis tourna la tête désemparée vers son mari, et finit par acquiescer.

 

 

3

 

La musique sur laquelle Clara et Marcus dansaient prit fin, et les deux amis se dirigèrent vers la table de champagne d’où Tommy Pereira les observait.

Après sa conversation avec Daniel, le jeune homme n’avait pas bougé, avait pris un nouveau verre en main et observé sa cadette. Mais ce n’était pas Clara qui occupait ses pensées. C’était plutôt Émilie quiles occupait entièrement.

Marcus posa une question à laquelle Tommy ne répondit pas, et le parrain d’Emma n’insista pas. Ils avaient fait connaissance quelques heures plus tôt. Tommy avait été présenté pour la première fois à Marcus par Clara. La jeune femme n’avait rien caché à son ami : son frère Tommy était décédé quelques années plus tôt, et celui-ci était revenu chercher l’âme d’Émilie.

Durant leur danse, Marcus avait parlé ouvertement à son amie de la maladie de sa sœur. Ils ne s’étaient plus vus depuis quelques semaines et il s’inquiétait pour elle. Elle ne répondait plus au téléphone. Depuis que Daniel avait refait surface dans sa vie, la jeune femme semblait avoir rompu tout lien avec la réalité. « Comme à l’époque », avait déclaré Clara.

Marcus n’appréciait guère l’ex-Ange, mais pour Émilie, il avait promis de faire un effort. Clara devrait en faire autant ! Tout en mettant de côté les sentiments qu’elle nourrissait à l’égard de Daniel. Durant la cérémonie, l’image du baiser n’avait pas quitté l’esprit de la jeune femme. Elle avait beau essayer de ranger ce secret dans un coin de son cerveau, le tiroir refusait de se fermer.

Elle était habillée d’une magnifique robe rouge au décolleté plongeant et avait secrètement espéré que Daniel la remarque. Mais il n’avait eu d’yeux que pour sa belle. Clara s’en voulait de nourrir de pareilles pensées. Elle n’avait même pas dansé une seule fois avec Roger. C’était à peine si elle l’avait regardé.

L’avocat avait couché leur fils dans l’une des chambres de la maison de Solène. « L’avantage de faire un mariage dans la maison de sa grand-mère ! »avait dit la jeune femme.

— Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-elle en rejoignant Tommy.

Il posa les yeux sur elle et sembla enfin remarquer sa présence. Le jeune homme posa son verre sur la table, prit Clara dans ses bras, et lui déposa un léger baiser sur le front. Il la prit par la main et l’entraîna dehors. Sans un mot, elle le suivit.

Dehors, la neige tourbillonnait finement et Clara frissonna. Son manteau était resté à l’intérieur du chapiteau. Elle hésita à aller le chercher. Elle jeta un œil à l’étage de la maison, et ses yeux accrochèrent l’une des pièces où la lumière était allumée. Elle songea que c’était certainement là que Roger venait de coucher Bruno. Il était certainement en train de raconter une histoire au petit garçon pour qu’il s’endorme. Roger devait s’ennuyer à mourir.

La jeune femme fut envahie de remords. Elle se promit qu’une fois son compagnon descendu, elle passerait la soirée avec lui. Roger ne demandait jamais rien.

— Épargne-moi tes états d’âme ! lui fit son frère.

Clara tourna le visage vers lui. Elle s’aperçut qu’ils étaient à l’écart du chapiteau, là où personne ne pourrait venir les embêter. Elle entendait très mal Tommy. La musique résonnait tellement. Elle l’entendait, mais faiblement. Elle avait appris à lire sur les lèvres pour comprendre son amie d’enfance, Marion, qui était sourde et muette. Clara avait adoré cette gamine. Elles ne s’étaient jamais quittées jusqu’au lycée.

Tommy l’attrapa par les épaules, et la fit pivoter de façon à ce qu’elle se retrouve coincée entre le mur du jardin et lui. Il n’y eut aucune brusquerie dans ce geste. Il voulait que sa cadette soit le plus attentive possible, qu’elle le regarde lui et pas autre chose. Tommy sentit qu’elle tremblait, et il lui passa sa veste sur les épaules.

Il l’observa d’un regard insistant, comme s’il essayait de percer à jour toutes ses mauvaises pensées, et la jeune femme se sentit mal à l’aise. Maintenant, elle voyait où il voulait en venir, pourquoi il l’avait entraînée à l’écart. Elle ne voulait pas parler de ce qui s’était passé avec Daniel. « Tu n’échapperas pas à une petite conversation. » C’est ce que son frère lui avait dit tout à l’heure. Et voilà, elle y était !

Cependant, Clara attendit qu’il ouvre les hostilités. Ce n’était peut-être pas de cela qu’il voulait discuter. Alors, pourquoi devait-elle venir d’elle-même sur le sujet ? Ses chaussures à talons lui faisaient horriblement mal. Elle avait emporté une paire de chaussures plates dans la voiture.

— Qu’est-ce qui vous est passé par la tête, à Daniel et à toi ?

Elle l’interrogea du regard, comme si elle ne voyait pas du tout de quoi il voulait parler. Tommy ajouta :

— Arrête de me prendre pour un idiot, Clara. J’ai toujours été le plus fort à ce jeu-là. Je t’ai toujours défendu contre tout, mais là… Il s’agit d’Émilie et de son mari. Comment as-tu laissé Daniel t’embrasser ?

Oh ! Il pensait vraiment que c’était Daniel qui avait posé ses lèvres tièdes et enivrantes sur elle ?

— J’ai été surprise, dit-elle.