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Les enquêtes du brigadier Chaulaix sont un ensemble de petites nouvelles, en plusieurs tomes, dont les intrigues se déroulent principalement dans le Morvan. Notre brigadier, sous les ordres du commandant Bergen de la brigade de Beaune, se dépatouille dans des histoires rocambolesques qu'il résout le plus souvent sans y être pour grand chose ! Cela contribue à rendre ce personnage très attachant.
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Seitenzahl: 81
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une coïncidence.
LE LOUIS DORT
MES TICS VALENT MIEUX QUE LES SIENS
UNE HISTOIRE MERDIQUE
LE VOLTIGEUR
Par Gilles Pitoiset
LE LOUIS DORT
Le jeune brigadier Chaulaix regrettait de ne pas avoir pris ses bottes, la terre rouge des vignobles de Pernand- Vergelesses s’infiltrait jusque dans ses chaussettes. D’habitude, en ce mois de juillet, la terre était plutôt desséchée, mais les pluies torrentielles de ces derniers jours avaient raviné les sols.
Un petit attroupement l’attendait au bout du rang de jeunes ceps dans lequel il s’était engagé, et il n’était pas sûr d’y arriver encore chaussé. Malgré la distance et la nuit qui commençait à napper les visages d’ombres, il reconnut le plus jeune des fils du Louis, le Chris, comme on l’appelait au village. Ils s’étaient sévèrement taugnés autrefois, pour une fille que ni lui, ni le Chris n’avait fini par avoir. Mais bon, le vin avait coulé dans les fûts, depuis.
- Salut le Chris.
- Brigadier !
Les trois autres personnes lui serrèrent la main également, alors que la pluie remettait ça.
- Ah ! Bon Dieu bonsoir de temps à la con ! maugréa le plus ancien.
- Ne jure pas devant un mort, Auguste, bon sang ! Ça porte malheur !
- Bon alors, où il est ?
- Suivez-moi, l’est là au bout d’l’autre rang.
L’Auguste ouvrit la marche alors que les autres laissèrent passer le brigadier Chaulaix dont les chaussures s’étaient transformées en énormes pantoufles.
- Dieu du ciel !
Le jeune brigadier n’avait jamais côtoyé la mort, et c’est ce soir-là qu’elle avait choisi pour s’inviter, le seul de la semaine où il était de permanence.
Le Louis était là, couché dans la boue, rincé jusqu’aux os, les bras en croix et la bouche grande ouverte remplie de terre, comme s’il avait voulu en faire son dernier repas.
- C’est moi qui l’ai trouvé, bredouilla le Chris, j’y ai fermé les yeux.
- C’était horrible, on aurait dit qu’il avait vu l’diable ! commenta l’Auguste.
- Seigneur Dieu ! laisse dont le peûh là où il est ! Y’a pas idée de prononcer son nom devant un mort !
Comme par magie, la pluie redoubla et le vent souffla si violement que la casquette de l’Auguste s’envola, emportée par une masse de nuages noir qui envahirent l’horizon, enveloppant le vignoble dans la pénombre du soir.
Jean remontait de la cave et les effluves du p’tit bourguignon que Lucie faisait mijoter depuis la veille, le tiraient par le nez jusqu’à la cuisine. Cela faisait maintenant huit ans qu’il avait repris, avec sa femme, les vignes de son père et qu’ils avaient tout transformé en culture bio. À Pernand, c’était une première et tout le village les prenait pour des originaux. Mais depuis que le comité de la fédération des viticulteurs lui avait retiré l’appellation des vins du pays, il n’avait plus le droit de faire figurer le nom de Pernand-Vergelesse sur ses étiquettes. La dernière commission lui reprochait de ne plus respecter le cahier des charges. Le préjudice était énorme et injuste. Jean avait battu ciel et terre, mais le comité l’avait dans le collimateur et son président était bien décidé à lui fermer sa grande gueule de baba cool écolo. Jean avait fait appel à la justice, mais cela allait demander des lustres et il n’avait pas le temps d’attendre, ses ventes allaient en pâtir et son exploitation n’allait pas y résister.
Lucie avait eu l’idée d’informer les médias et le canard de la région avait envoyé un journaliste. Celui-ci avait fait un article dithyrambique sur le bio, et le comité avait pris la mouche. Les radios locales s’en étaient mêlées et le combat de Jean et de Lucie avait fait la une des journaux télévisés. La fédération avait été assaillie par les médias et défendait sa position avec fermeté. Le village s’en trouva divisé.
Charles, le patron du “ Dagobert “ ne savait plus où donner de la tête. Il avait demandé à sa fille de lui donner un coup de main en salle. Entre les journalistes et les curieux qui venaient au village, ses affaires tournaient plein pot. La salle de restaurant était complète tous les midis, et le soir, les débats au bar n’en finissaient pas. Le vin coulait autant que l’encre qui commentait les événements. Parce que des événements, y’- en avait ! Le village était en ébullition. Et quand ça fermente à Pernand, d’habitude y a que du bon qui en sort, mais là, y semblait y’avoir overdose de souffre.
Certains esprits commençaient à s’échauffer et à faire un lien entre les deux affaires.
- Attends Germain, c’était pas n’importe qui le Louis ! L’était quand même le président de la fédération viticole.
- Ouais, où tu veux en venir le Guiton, j’te suis pas vraiment là ?
- Ben moi j’veux pas semer l’trouble, mais tout de même, c’était pas n’importe qui le Louis.
- Ouais, ben ça j’ai compris et alors ?
- Oh ben toi, quel beusenot ! T’as un chni dans la caboche, ou quoi !!
- Vingt z’ouilles, va jusqu’au bout nom de nom !! Tu m’arguignes !
- Ben j’dis juste que le p’tit Jean là, l’a pas l’air méchant, mais, il l’aimait pas le Louis. Y’avait même, comme on dit, un préjudice entre eux
- Wouaille Guiton !! Faut qu’t’arrête de cannoner ! T’as la réflexion qui tourne au vinaigre, là !
- Ben quoi !! Il n’est quand même pas allé la manger tout seul la terre le Louis, hein ! Y a bien fallu que quéqun lui fourre dans la boquerotte !
- Ouais, ben avant de dire des conneries, tu ferais mieux d’attendre les résultats de l’autopsie, l’Guiton, parce qu’y paraît qu’y vont faire une autopsie !
Chacun y allait de son commentaire et ça commençait à déraper sérieusement. On était allé jusqu’à jeter des cailloux dans les fenêtres du Jean et de la Lucie. Le brigadier Chaulaix était venu constater, et n’avait pas trouvé mieux cette fois, que de mettre des bottes et de saloper toute leur cuisine. Sa visite avait, comme on dit, soufflé sur les braises et des lettres anonymes avaient commencé à arriver dans la boîte aux lettres.
Julien Poussin était viticulteur dans le Jura, et la détresse qu’il avait ressentie dans la voix de Lucie au téléphone, l’avait convaincu de leur rendre visite. Il était contrarié par ce qui leur arrivait. Il se sentait même un peu responsable. Il se souvenait des longues soirées de conversations à refaire le monde, des coups de gueule, des crises de rires, des quantités de bouteilles vidées. En fait, Jean et Lucie n’attendaient qu’un petit coup de pouce pour passer l’exploitation en bio, et il avait été, lui, Julien, ce petit coup de pouce.
C’était décidé, il prit la route le soir même et arriverait avant 10 heures du soir.
Pendant ce temps, le Chris perdait la boule. Tous ces racontars lui montaient au cerveau et Jean devenait insidieusement, le centre de tous ses problèmes. Ce qu’il ne s’avouait pas, c’est que cette Lucie l’excitait terriblement et qu’elle hantait ses rêves érotiques les plus fous. Il la désirait. Lui qui n’avait su retenir sa femme, et ce Jean qui lui faisait barrage. Qu’il ait tué son père en lui faisant manger de la terre jusqu’à l’étouffer, était comme une signature. C’était lui qu’avait tué le Louis, c’était comme une évidence. Il lui ferait payer, c’était sûr.
La journée avait été difficile avec toute la famille qui défilait dans la chambre des parents, transformée en chambre mortuaire. Il avait besoin de changer d’air et toutes ces pleurniches lui avaient donné soif. Il se décida d’aller boire un coup au Dagobert.
En cet fin d’après-midi, le bar était bondé comme à son habitude.
- Ben tient, quand on parle du loup !
- Ouais, ben l’loup l’a soif.
- Allez l ’Charles, magne et mets-nous donc une fiole de vignôlai, c’est moi qui rince.
Tout l’monde était déjà bien éméché, et le vin ne fit que gonfler le désir du Chris pour la p’tiote Lucie. Quand il sortit du bar, il faisait nuit noire. Il traversa le village sans réaliser que ses pas le conduisaient devant la maison de Lucie. La lumière de l’étage était allumée ainsi qu’une autre, dans le bâtiment au fond de la cour où fermentaient les cuves.
Il n’eut pas à réfléchir et se dirigea vers le bâtiment, poussé par une violence sournoise. Il aperçut à travers le carreau, Jean en train de trifouiller dans des tiroirs. Il était dos à la porte ce qui lui facilita la tâche. Muni d’un manche en bois, qu’il venait de ramasser contre un tonneau, il se glissa silencieusement derrière sa victime et lui a asséna un grand coup sur la tête. Jean s’écroula comme une masse emmenant le tiroir avec lui jusqu’au sol. Le silence revint et Chris tendit l’oreille. Aucun bruit ne parvenait de la maison. Il jeta le gourdin à terre et se précipita sur Jean qu’il traîna jusqu’à la première cuve à sa gauche. Il leva le corps qui semblait aussi lourd qu’un cheval et l’accrocha comme un pantin, la tête et les deux bras pendant à l’intérieur de la cuve. Le gaz carbonique qui émanait de la cuve allait le tuer en moins d’un quart d’heure.