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Extrait : "ALEXANDRIE – Depuis que Rome avait sur le charme d'Athènes, Jeté ses légions aux rudes capitaines, Que sous l'olivier pâle où Socrate causait, Le chant pur de la Muse attique se taisait, Sur les bords ensablés de la mer Égyptienne, La ville, née autour d'une bougarde ancienne, À qui le conquérant du Temple de Memnon."
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Seitenzahl: 123
Veröffentlichungsjahr: 2015
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Nous vivons une épopée, la plus grande, la plus belle que le monde ait connue. Il n’est point surprenant qu’on veuille la chanter. Nous sommes environnés de héros, entourés de choses sublimes. Une seule des journées de ces années de guerre suffirait pour une Iliade. C’est plus qu’une Iliade que méritent nos soldats…
Nescio quid majas nascitur Iliade.
Nos grands poètes les célèbrent déjà. Chacun, à côté d’eux, exhale comme il peut son émotion. Dès le premier jour, devant ce peuple tout entier debout contre l’envahisseur, devant l’union des cœurs et des volontés, on a senti qu’il faudrait, pour les raconter, des accents magnifiques : on les a cherchés.
J’ai fait comme tout le monde. Moi qui n’avais guère écrit qu’en prose, si j’excepte les vers de la vingtième année ou des poèmes de théâtre, je me suis mis à invoquer la Muse héroïque. J’ai trouvé, en écrivant les vers qui composent ce recueil, un soulagement pour mon âme, tour à tour agitée par l’enthousiasme, l’indignation et la douleur. Hélas ! combien l’expression est inférieure au sentiment que j’ai essayé de traduire !
Issu par mon père d’une famille alsacienne qui vint se fixer pour une partie dans les Ardennes, pour l’autre en Lorraine, il y a plus de deux cents ans, j’appartiens par ma mère à une des plus anciennes familles de Champagne. Je suis par toutes mes fibres un Français de la frontière de l’Est.
J’ajoute que mon enfance s’est passée à Metz, dans la place de guerre que l’Allemagne nous a arrachée. Tout ce que je me rappelle de mes premiers ans se lève dans ma mémoire comme sur un fond de tableau, qui grouperait les tours de la cathédrale, les remparts baignés par la Moselle, le cimetière où, dans la terre qu’opprime le Barbare, dort une sœur tendrement chérie.
Le patriotisme, même exclusif, n’a besoin d’excuse auprès de personne.
Les vers qu’il a inspirés sont plus exposés aux reproches. Ils n’acceptent pas les derniers caprices de la mode. Ils se soumettent aux règles d’une prosodie sévère. Je puis ici m’appuyer sur d’autres souvenirs de jeunesse. J’ai grandi parmi les parterres réguliers, dans la symétrie des allées droites et l’alignement des avenues de Versailles, où l’ombre de Boileau semble errer encore sur l’herbe des pavés.
J’aurais dû garder pour moi, sans doute, le secret de celle œuvre ou ne l’avouer qu’à quelques confidents éprouvés ; mais j’ai songé à la simplicité des vieux imagiers du Moyen Âge qui taillaient les pierres des portails. Qu’importe s’ils laissaient apercevoir dans leur travail l’incertitude de leur ciseau et la faiblesse de leur main ! Ils avaient fait un acte de foi.
Ce livre aussi est un acte de foi en la patrie, un témoignage de ma tendresse filiale, de ma reconnaissance et de mon admiration pour l’armée et le peuple de France.
ADOLPHE ADERER
(Une pause.)
(Juin, par dépêche.)
L’archiduc Ferdinand vient d’être assassiné.
Pendant les premiers mois de l’année 1914, Guillaume II témoigna d’une activité encore plus grande qu’à l’ordinaire. Il se rencontra plusieurs fois avec l’archiduc François-Ferdinand, héritier présomptif de la couronne d’Autriche-Hongrie, à Konopischt pour chasser, ou « pour voir des roses » à Miramar, et cela sans parler de la visite qu’il rendit à l’empereur François-Joseph. Chez nous, on s’occupait alors d’autre chose ; d’un assassinat resté célèbre et du procès qui le suivit. Quelques journaux, cependant, essayaient d’attirer l’attention de l’opinion publique sur les démarches de l’empereur d’Allemagne. C’est ainsi que le Temps recevait le 16 juin de son correspondant de Vienne la dépêche suivante :
« Le château de Konopischt dresse ses pesantes murailles et son donjon massif en plein cœur de la Bohême. À en juger par les légendes dont on l’entoure depuis quelques jours, on pourrait le croire perdu au fond de la Forêt-Noire, cette terre classique des contes merveilleux.
Les légendes, ce sont les motifs que l’on donne à la visite de Guillaume II. D’après une première version, l’empereur allemand serait venu à Konopischt pour intriguer contre la Russie et chercher à paralyser la convention maritime anglo-russe. Les devins ont dû imaginer une autre version : ils ont donc prétendu que l’empereur Guillaume avait apporté à l’archiduc François-Ferdinand un projet de convention aux termes duquel l’Autriche-Hongrie, l’Italie et l’Allemagne s’uniraient pour combattre les prétentions de la France à la suprématie dans la Méditerranée occidentale.
Des esprits judicieux ont fait remarquer que Konopischt n’est pas un port de mer où l’on puisse commodément débattre de graves questions maritimes ; qu’avant de songer à la Méditerranée occidentale, l’Autriche-Hongrie doit assurer la sécurité de ses propres côtes dans l’Adriatique ; qu’enfin, si Guillaume II avait voulu faire de la haute politique, il se serait fait accompagner de son chancelier.
Alors est venue la presse officieuse et elle a tout remis au point. Guillaume II s’est rendu à Konopischt et y a été reçu en simple amateur de jardins. Comme l’a dit la Wiener Allgemeine Zeitung, " c’est l’amour commun de la nature " (sic) qui a réuni l’empereur et l’archiduc héritier. Guillaume II adore les roses, et François-Ferdinand possède une roseraie merveilleuse où précisément, en ce mois de juin, la reine des fleurs s’épanouit en mille variétés. L’empereur est venu admirer les roses de l’archiduc ; sa visite n’avait pas d’autre but. Que si l’on en doutait, par hasard, il n’y aurait, pour se convaincre, qu’à méditer sur ce double fait que l’empereur et sa suite avaient revêtu la tenue de chasse de la cour de Prusse, et que Waldi et Haexel, les deux bassets préférés du souverain, étaient du voyage. Peut-on mieux documenter le caractère inofficiel de ce déplacement ?
Nous voilà donc convaincus que, pendant quarante-huit heures, le châtelain de Konopischt et son hôte impérial ont oublié l’Albanie et l’Épire, le conflit turco-grec et les expériences de mobilisation russe, le rapprochement russo-roumain et d’autres fadaises du même genre. Ils ne se sont occupés que de roses. Mais est-ce le même amour immodéré de cette fleur qui a réuni à Konopischt le grand amiral de la flotte allemande von Tirpitz et l’amiral Flaus, commandant en chef les escadres austro-hongroises ? On n’a pas osé le soutenir.
Les organes officieux ont expliqué que l’archiduc François-Ferdinand, passionné pour tout ce qui touche la marine, désirait depuis longtemps faire la connaissance du créateur de la flotte de guerre allemande. L’empereur Guillaume, tenant compte de ce désir, n’avait pu moins faire que d’amener en Bohème son grand-amiral.
C’est abuser des explications simplistes.
Nous voulons bien croire qu’il ne s’est agi, à Konopischt, ni d’intrigues contre la Russie, ni de convention méditerranéenne, mais il a été question de constructions navales, de nouveaux dreadnoughts à mettre en chantier. Il paraîtrait que l’archiduc François-Ferdinand aurait voulu se renseigner auprès de l’amiral von Tirpitz sur l’aide éventuelle que l’Autriche-Hongrie pourrait trouver en Allemagne, auprès de l’administration de la marine, pour certaines livraisons urgentes. Les renseignements ont-ils été satisfaisants ? Un avenir prochain nous le dira. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il faut s’attendre d’ici peu à de nouvelles augmentations de la flotte austro-hongroise. L’opinion publique s’en inquiète déjà : elle se dit qu’il n’y a pas de roses sans épines, pas même à Konopischt. »
Les évènements ont prouvé que les conversations de Konopischt, pendant la chasse ou la visite aux roseraies, avaient dû porter sur les questions ci-dessus énumérées et… d’autres encore.
Guillaume II et François-Ferdinand se mirent-ils d’accord ? Guillaume II, seul, le sait aujourd’hui. Qui pourrait croire d’ailleurs ce qu’il dirait, après tous ses mensonges ? L’assassinat de François-Ferdinand, aux causes restées mystérieuses, laisse le champ ouvert à toutes les hypothèses.
C’est le 1er