Les malheurs de Ginette - La comtesse Anne Batté - E-Book

Les malheurs de Ginette E-Book

La comtesse Anne Batté

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Beschreibung

Ginette a décidé d'en finir avec sa vie monotone. Suivez-la dans ses aventures...


Ginette, institutrice, mariée à un boucher-charcutier, pèse quatre-vingt-cinq kilos pour un mètre soixante. Son caractère bien trempé, sa franchise et son franc-parler lui causent moult ennuis dans sa province natale. À quarante-deux ans, virée de l'Éducation nationale, dégoûtée de son environnement étriqué comme de sa vie de couple minable, elle quitte village et mari pour monter à la capitale. Sur un malentendu, elle décroche un job de dame pipi dans une discothèque très en vogue, change de look et devient une figure atypique de la nuit parisienne. Jusqu'au jour où, à son corps défendant, Ginette se trouve mêlée à un trafic de drogue. Elle va gérer cette mésaventure de façon peu conventionnelle.


Un texte comique au langage fleuri, satirique mais poétique.


À PROPOS DE L'AUTEURE


Derrière La comtesse Anne Batté se cache un personnage connu qui ne veut pas mêler son nom à cette histoire.

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Couverture

Page de titre

À mes innombrables adorateurs…

Faut rigoler, faut rigoler

Avant qu’le ciel nous tombe sur la tête

Faut rigoler, faut rigoler

Pour empêcher le ciel de tomber.

Boris Vian

1

– Tu rêves Herbert ?

– Pour sûr pas en regardant ton cul !

C’en était trop. Ginette s’était tirée ce jour-là.

Le soleil brillait d’un printemps radieux. Était-ce la chaleur du renouveau sur son taux d’hormones engourdi qui provoqua, en ce jour d’avril, cette décision impromptue ? Ou plutôt le ras-le-bol de quinze ans de vie commune aux côtés d’un ringard ? Un fils de boucher charcutier imbibé jusqu’à l’os et qui ruina en deux coups les gros son fonds de commerce à Trifouillis-les-Bilots. Même ses saucisses, il n’avait pas su les garder, alors pourquoi garderait-il sa moitié ? Elle était peut-être mal lotie avec sa face de guenuche, mais elle en avait plus que ce crétin dans le ciboulot. Il avait perdu ses vingt ans l’Herbert et c’était bien pire que de perdre le commerce des vieux, parce qu’en fait elle l’avait épousé pour ça Ginette : ses vingt ans et toutes ses dents, comme on disait au pays. Et des dents, aujourd’hui, il n’en avait plus beaucoup. C’est qu’il ne faisait pas confiance au dentiste le bonhomme :

– Tous des arracheurs de chicots !

Ces histoires de quatorze-dix-huit alimentaient encore les conversations du bistrot, haut lieu de transmission du savoir des ancêtres. Ivrognes de père en fils. Pour vous dire si ça volait haut ! Ça pigeonnait comme dans le décolleté de Ginette. Cent vingt de tour de poitrine. Une hypertrophie mammaire à faire baver les timbrées du silicone. Hélas, ils avaient poussé en tombant ou ils étaient tombés en poussant. Le nichon triste dès l’adolescence ! Et pas la première fausse note ! Il y avait d’abord eu son nez méchamment retroussé, comme disait l’Herbert « On y voyait l’cerveau », une bouche en tirelire mal fendue au-dessus d’une mâchoire prognathe et qui s’ouvrait sur un sourire ocre. Sa mère avait pris des antibios pendant la grossesse et bien sûr, de ceux qui font la dent jaune… Et puis, et puis… Une peau blafarde ravagée par le poil. Une tronche d’enfer quoi !

– T’es pas rasée c’matin ! qu’il disait l’Herbert, éclaté lui-même par son humour.

Elle l’aurait tué ce con. Il riait de ses réflexions récurrentes, de ses calembours idiots, jouait au tiercé, bavait devant le boudin du voisin ou les enracinées de la télé, tapait le carton au café, adorait l’accordéon, le bal musette… Et plus encore, la bibine. La piquette bien sûr, vu qu’il n’avait pas de palais ! Le profil cramoisi du suppôt de Bacchus. Le tarin et la joue éclatés. Ah ! Il avait changé en vingt ans.

Ginette l’avait rencontré sur les bancs de l’école. Ils ne partagèrent qu’une seule année scolaire. Après moult redoublements du cancre, monsieur boucher père, ravi, décréta que sa progéniture avait le virus de la bidoche dans le sang. Une vocation atavique en quelque sorte ! Herbert, Glouton Junior pour les intimes, passa alors quelques années à trancher.

– Bien sec le saucisson, M’dame Michu, et j’vous l’coupe en fines tranches, vous m’en direz des nouvelles !

Bientôt, elles ne furent plus très fraîches les nouvelles. À la mort du père, Glouton Junior s’endormant trop souvent beurré sur l’escalope, l’affaire capota en un tournemain. Ginette, qui n’en pouvait plus de patauger dans la barbaque rance, lui avait à peine battu froid. Elle était même devenue végétarienne.

– Si encore ça t’faisait la ligne ta bouffe à cochons, qu’il disait l’Herbert en parlant du maïs dont elle aspergeait ses salades.

Mais il ne comptait pas les gâteaux et les chocolats dont elle s’empiffrait joyeusement entre les repas, à s’en faire péter la sous-ventrière, aurait grognassé son cher époux. D’où ses quatre-vingts et quelques kilos qu’elle promenait avec aisance à l’école maternelle, où elle avait tenté de désandouiller quelques fils de péquins béotiens. Ginette instit, qui l’eût cru aujourd’hui en la voyant, enrobée de panthère, tintinnabulante de verroteries griffées. Elle y songeait parfois, avachie sur son Récamier de velours rouge. Avec un peu de nostalgie… tout en se demandant, comment elle avait si longtemps supporté cet assortiment gratiné de pedzouilles imbecilli. Le plus haut taux national de débilité étant atteint dans ce département, d’après les cancans d’un canard boiteux genre l’imMonde. Le soupçonner de subjectivité dans le domaine eût été désespérant pour la nation. C’est que Ginette en connaissait un rayon, elle vivait à quelques kilomètres de Trémon, une bourgade peuplée quasi par la patientèle d’un hôpital psy, grand procureur d’emploi pour la plouquerie environnante. Dans la région, c’était l’asile, l’usine en déroute ou le chomdu. Et quelle que soit l’option, le premier était souvent l’ultime étape avant le cimetière. À croire que la dinguerie se décalquait à la ronde. Herbert, qui, grâce à la boucherie charcuterie familiale avait échappé à ce choix cornélien dans la première partie de son existence, n’échapperait pas en fin de course à cette calamité locale, vu les critères sélectifs de cette décharge départementale où l’on déversait tout de go les orphelins chelous, les handicapés relous et les criminels itou, mais également et sur dossier pistonné, les vieux gênants ou grabataires, les dingos et les alcoolos. Vous dire nombre d’infirmiers passaient de la vie active à la retraite sans changer d’habitudes !

– C’est que pour le boulot, si on n’a pas la bosse du commerce comme moi (c’était avant l’apocalypse), y’a qu’ça pour les jeunes, à moins d’être instruit, comme le docteur ou le pharmacien ou même ma poule, qu’il disait son époux.

Dernière flatterie accordée à son gallinacé quand il espérait encore ses faveurs.

Elle en avait des frissons d’horreur Ginette, en revivant les scènes scurriles des dernières années de leur cohabitation. Le chicot dévoré par la bactérie et le viscère par la vinasse, Herbert dont l’haleine délétère escortée de postillons nauséabonds la frappait en pleine poire, se plaignait de manquement au devoir conjugal.

– Ma poule, y’a des lunes qu’on n’a pas fait l’câlin.

– Y’a des lunes et y’aura des révolutions sidérales… Tu renifles trop Herbert.

– C’est qu’elle en fait des manières ma poule ! Tout ça parce qu’elle lit des livres.

Un rabâchage infernal chaque fois qu’elle refusait d’écarter les cuisses.

Souvent, il partait en grommelant, la queue basse. Rarement, cette dernière restait dressée du mieux qu’elle le put encore : mollement. Alors, il insistait lourdement. Un pain qu’elle lui balançait pour refroidir ses ardeurs.

– T’es pas niquable, qu’il chouinait après coup, tu devrais êt’e contente que j’te fasse la fête d’temps en temps.

Même pas elle était contente Ginette, même pas elle était flattée. Elle savait qu’Herbert l’avait toujours trouvée laide. Et même si ce crétin aurait pu l’oublier, quelques vaches âmes étaient là pour lui rappeler. Ses philosophes d’estaminet par exemple.

– Un d’ces quat’ matins, elle va t’étouffer dans ses jambonneaux ta bergère !

Il est vrai que le gabarit de Ginette contrastait terriblement avec la silhouette fluette de son mari. Plus les années passaient, plus elle s’épaississait, plus l’autre aviné se ratatinait. Le couple s’étiolait jusque dans ses proportions.

Dans le temps, l’Herbert était pourtant le plus mignon du village. Et Ginette ne résistait pas à la beauté. Tout ce qui ravissait son œil voilait sa raison. Il avait un regard si bleu l’Herbert ado, un peu bovin peut-être mais outremer. On voyageait rien qu’en regardant ses yeux. Une petite bouille à croquer, si l’on se refusait à voir la connerie incommensurable qu’elle abritait. D’ailleurs, la dégradation avait été fulgurante. L’imbécillité vous marque un homme comme la testostérone, favorisant le développement de certains tics primitifs jusqu’à l’apparition de rictus simiesques qui ramollissent et déforment le portrait.

Ça plus le picrate, il ne resta rapidement plus rien de l’épousé. Même la teinte de ses yeux s’était délavée. L’orbite vide de toute substance colorée… Ginette avait jeté l’éponge, refusant de sacrifier d’autres années à ce niquedouille fils de louchébem sans plus d’attraits.

Et lui, pourquoi l’avait-il mariée ? s’était-elle interrogée. Elle ne connaissait que trop la réponse : il avait été esbroufé par sa nomination d’instit du village. Une alliance compensatoire : chacun apportait sa dot. Pour le pire et pour le plus pire. Le deuxième avait vite pris le dessus et tous deux s’étaient retrouvés floués sur la marchandise. Herbert était devenu plus laid qu’un pou à taille humaine et elle ne fut bientôt plus institutrice. Suite à de nombreuses réclamations de parents de gniards, Ginette avait été radiée de l’Éducation nationale. Elle acceptait mal les réflexions récurrentes par morveux interposés et avait joué le même jeu.

– Papa y dit que la maîtresse c’est une grosse vache, mais c’est pas comme toi, une vache !

Malins les rejetons.

– Tu diras à ton papa qu’il en a moins qu’un âne dans la tête et comme un bœuf entre les jambes.

– Maman elle dit que l’charcutier risque pas d’êt’e cocu. C’est quoi cocu ?

– C’est un individu comme ton père parce que ta mère a le feu aux fesses.

Autant les galopins s’emmêlaient les crayons quand il fallait réciter la morale d’une fable, autant ils enregistraient avec facilité ce langage familier et transmettaient les messages sans écornure. Lasse, Ginette décida de s’adresser directement aux coupables et distribua aux fils et filles de butors un courrier polycopié sans fioritures… Chacun se retrouvait dans cette galerie de portraits impitoyables. L’appendice nasal en courgette de la Jumentier, le sein en gant de toilette et le cul en gouttes d’huile de la Malaquine, spécialiste des régimes yoyo, le regard chauve-souris de la bigote… Liste non exhaustive, puisque, comme nous le savons tous, nul n’est parfait. Mais les gueux, n’ayant point d’humour s’agissant de leurs augustes personnes, s’étaient indignés. La bonne aubaine pour faire payer à Ginette le lourd tribut de leurs foireuses ascendances. Ils signèrent pétition sur pétition jusqu’à ce qu’un loufiat de l’inspection académique se déplace et mène l’enquête. Il y avait les écrits décapants et incontournables. Ginette se vanta d’avoir employé le même vocabulaire que ces paltoquets pour être entendue. Elle le fut. Eux aussi.

– Se servir d’enfants innocents ! s’exclama le collet monté de la ville, qui s’était à coup sûr entrevu dans certaines figures qui défrisent.

Pas si innocents ces petits roublards de cinq ans qui ressassaient avec délectation le langage caca boudin de leurs géniteurs. Quant à ces derniers, du stade anal au stade de foot, ils n’eurent qu’un pas à franchir. Compétiteurs dans l’un et supporters dans l’autre, avec la même allégresse.

– Tu t’crois toujours plus maline, mais tu vois, tu t’es fait avoir ! avait ânonné solidairement l’Herbert.

– Au moins, on parle de moi dans le Rurale Tribune !

C’était la feuille de chou régionale qui tentait avec succès de maintenir le niveau : des rats écrasés aux instits virées.

– Ouais, qu’il continuait, mais point pour la médaille !

Herbert était fasciné par les remises de médailles. Qu’il s’agisse de Légion d’honneur ou de quelque autre tartufferie de ce genre. S’il avait un rêve inaccessible, c’était bien celui-là.

– Eh non Herbert, pas de décoration. De la rébellion !

Ginette avait déjà eu son portrait dans ce quotidien douteux pendant les manifs : sa période gaucho. Non qu’elle militât sérieusement, mais qu’elle défilât rageusement. Elle y croyait à la révolution, l’égalité pour tous. À l’adolescence, on veut changer le monde. Quelle illusion. D’abord, il y avait eu sa foi en l’Éternel qui s’était tarie devant la glace. Prières et génuflexions n’avaient point diminué le lot de ses malfaçons. Dieu refusait de réparer. Qu’il aille au Diable ! Alors, à corps perdu, elle s’était lancée dans la religion marxiste, qui faisait, par le truchement d’évangélisateurs rageux et frustrés, grand nombre d’émules chez les démunis. Mais elle avait vite compris que, Dieu et Marx, même combat ! Des diseuses de bonne aventure… À sa fiole croquignole ou à l’encéphale dardé d’Herbert, ces gus-là ne pourraient rien changer… Il n’y avait qu’une chose possible, tabasser gracieux et prospères, histoire de leur amocher la binette parfaite ou la cervelle bien faite… Mais alors, comment les yeux de Ginette se régaleraient de formes voluptueuses ou se gaveraient de débauche littéraire de génie ? Elle choisit d’assumer les drôleries de Mère Nature… Finies les bondieuseries, finis les piquets de grève devant l’usine avec cette bande de malfroqués qui, comble du comble, l’accablaient.

– Si la Ginette lui fout les miches dans la trogne au dirlo, l’est pas près de s’réveiller !

Et de rire, de fou rire. Voilà la gratitude des losers regroupés dans la Confédération des Gogols Tartignolles de son bled… Un échantillon magistral.

Mais tout ça, c’était avant. Avant qu’elle soit virée, avant qu’elle se soit tirée. À plus de deux cents et quelques kilomètres du patelin… Sur une autre planète.

2

– Gigi, ma Gigi, come va ?

Arrivait Cynthia, la truculente hystérique. Une fausse Italienne qui roulait les r comme une Russe avec un vrai accent romain. On eût cru qu’une nuée de spermatozoïdes était coincée entre ses cordes vocales.

– Gigi, ma Gigi, si tou savais ce qui m’arrive…

La moue catastrophée de celle à qui jamais rien de grave n’est tombé sur le crâne, bien qu’il s’agisse de cheveux.

– Guarda mi capelli, plats, plats, plats, c’est un désastre ! Ah ! Gigi, si je pouvais avoir un cheveu épais comme toi, quel bonheur, tou ne sais pas la chance que tou as.

Tout en caquetant, elle se mirait amoureusement dans le grand miroir corail, tirebouchonnant quelques mèches déjà folles. Puis, elle feignit une digne résignation avant de disparaître en roucoulant.

– À tout à l’heure Gigi, j’ai une sourprise pour toi.

La connasse ! Avec sa gueule de biche en préménopause qui faisait bander tous les mecs, elle aurait encore voulu avoir les cheveux de Ginette… Et qu’est-ce qui lui resterait à Ginette pour se planquer les jours de désespoir ?

– Que ses yeux pour pleurer, bredouilla la grosse dame dans sa moustache épilée.

Surgit dans la seconde un pas feutré qu’elle reconnut au crissement parlant des Berluti. Le coup de sourcil inquiet du patron questionna sans parole : il s’enquérait de son épouse. Gigi l’informa aussi sec.

– Elle sort d’ici, ptit Dav. Tu ne sens pas la tornade de son parfum encore enchâssée dans mes cabinets ?

Contrarié par l’exceptionnelle ponctualité de Madame, il tira nerveusement sur les manches de sa chemise. Pauvre diable qui terrorisait son petit monde mais paniquait au seul nom de Cynthia.

– Si Alexandra tente une descente, tu es en deuxième ligne pour l’arrêter. J’ai prévenu là-haut, mais le planton est capable de se faire doubler au poteau.

Dav, en éternelle situation irrégulière, avait toujours du mouron à se faire, d’autant qu’à cette nouvelle maîtresse empressée, une plantureuse zozoteuse, il promettait le mariage depuis un an, ou plutôt le divorce. Enfin, le premier après le deuxième. Promesse de Gascon oriental. Elle n’avait pas compris qu’il la prenait pour un loukoum et qu’il allait la dévorer bien dorée.

– T’inquiète, je veille au grain, acquiesça Gigi apitoyée.

Elle le trouvait sympa le Dav. Il se compliquait tellement la vie avec ses histoires de cul qu’il en devenait attendrissant. Au début, les rapports avaient été plutôt raides entre eux, vu qu’il ne supportait que le personnel bien roulé… Une chance qu’elle se soit pointée ce jour-là, à quatre heures de l’après-midi, à peine sortie de la gare du Nord et des petites annonces. Elle s’en souvenait comme si c’était maintenant.

– Ordure… Figlio di puttana… Tou veux me refaire le coup mais cette fois, c’est fini !

Cynthia était à l’arrêt sur le gibier de potence, l’œil exorbité, la pommette en feu, les griffes en joue. David mâchonnait nerveusement son havane.

– Chérie, mais qu’est-ce que tu vas encore imaginer ? Tu sais bien que je n’aime que toi !

Il essayait de l’embobiner la Cynthia. Il faut dire qu’il n’avait pas le choix. Ce queutard de première avait épousé une jalouse sanguinaire… Il y a comme ça des alliances qui échappent à toute rationalité élémentaire.

Elle sembla un instant se calmer sous les caresses verbales puis reprit du poil de la bête.

– Cette fois, tou ne m’auras pas avec des beaux discours, rappelle immédiatement cette pouffe, et dis que tou as changé d’avis.

– Mais Cynthia, c’est ridicule !

– Ah tou vois, cette petite étoudiante stupide compte déjà plous que moi.

Elle pleurait maintenant en hoquetant. Une simagrée de crise de nerfs.

– OK, OK… abdiqua David, dépassé par les décibels.

Après tout, il pourrait la sauter ailleurs cette nénette, mais ça lui coûterait un peu plus. Ici, elle était rentable en même temps que serviable, et l’aura du patron dans son antre, ça compte pour les minettes de cette trempe. Mais bon, ça ne valait pas tout ce tintouin !

Gigi, un peu surprise par cette scène de ménage chic mauvais genre, s’était figée sur l’avant-dernière marche.

– C’est pour quoi ? demanda un précieux ridicule en l’envisageant de la tignasse aux tatanes.

– C’est pour l’annonce, hôtesse toilettes.

– Heu… Heu… Merci, nous avons trouvé, qu’il avait répliqué, archi constipé.

Il faut dire, qu’abstraction faite de son physique dans le meilleur des cas, elle n’avait rien pour séduire avec sa touche de profane endimanchée : tailleur en vinyle bleu canard de chez Lepasclerc et chaussures en skaï moutarde non assorties. Sans parler de l’indéfrisable du coupetif de la place du 52e RI au village. Pas franchement le look de ce club trendy de la « notte » parisienne. Quant à ses lunettes de bigleuse conseillées par la Sécu, elles achevaient le tableau catastrophe que le larbin de service guignait avec mépris.

– Vous pouvez disposer, insista l’efféminé en levant une paupière aux cieux.