Les Quatre Talismans - Charles Nodier - E-Book

Les Quatre Talismans E-Book

Charles Nodier

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Beschreibung

Quatre frères, un cyclope, une forêt et un talisman qui n'a pas révélé tous ses secrets...

Les quatre frères Douban, Mahoud, Pirouz et Ebid sont abandonnés par leur belle mère dans une foret épaisse. Un immense génie cyclope les découvre et remet aux trois premiers un talisman...

Que faire avec ce talisman ? Les quatre frères parviendront-ils à sortir de cette forêt ? Découvrez-le dans un conte oriental fascinant joliment illustré par Natacha de Molènes !

EXTRAIT

— Je suis le prince Mahoud que vous cherchez, répondis-je fièrement, et s’il n’y a point de femmes parmi vous, comme je le suppose, je puis l’avouer sans inconvénient pour la tranquillité publique. Maintenant, que demandez-vous de moi ?
Je ne vous dissimulerai point, seigneur, que ma vue produisit sur ces étourdis son effet accoutumé. Ils se recueillirent toutefois après un moment de sottes risées, et celui d’entre eux qui paraissait exercer une certaine autorité sur les autres, descendant de cheval avec un embarras respectueux, vint ployer le genou et s’humilier à mes pieds.
— Seigneur, dit-il en frappant la terre de son front, qu’il vous plaise d’agréer le timide hommage de vos esclaves. La divine Aïscha, notre reine, qui s’était glissée ce matin derrière une des portières de la salle du conseil, pendant votre entretien avec son auguste époux, et qui en connaît les funestes résultats, n’a pu se défendre d’un mouvement d’amour pour votre glorieuse et ravissante personne. En attendant des jours plus propices pour vous rappeler à sa cour, dont vous êtes destiné à faire l’ornement, elle nous a ordonné de venir vous offrir ces présents et ces équipages, et de vous accompagner partout où il vous conviendra de nous conduire. Dis-lui bien, Chélébi, a-t-elle ajouté en tournant sur moi des yeux pleins de la plus touchante langueur, que les minutes de son absence se compteront par siècles dans la vie de la malheureuse Aïscha, et que la seule espérance de le revoir bientôt peut soumettre mon cœur au cruel tourment de l’attendre !

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

L'auteur fait vivre à ses héros des intrigues fertiles en rebondissements qui convergent vers une morale édifiante. - Takam Tikou

À PROPOS DES AUTEURS

Né en 1780, Charles Nodier fut une référence pour nombre d'écrivains devenus célèbres. En 1824, il était bibliothécaire à l'Arsenal et pendant plus de dix ans, il y anima des salons réunissant ceux qui furent reconnus comme les génies de la littérature du dix-neuvième siècle.
En 1989, Natacha de Molènes effectue une année préparatoire dans les ateliers privés Met de Penninghen et Jacques d'Andon (ESAG), à Paris. En 1992, elle suit une formation infographique (logiciels X-Press, Illustrator, Photoshop).
En 1994, après avoir effectué des travaux de dessin architectural, elle rencontre Claude Touch, avec qui elle collabore pendant 3 ans.
Sa palette de styles englobe tant l'illustration figurative ou documentaire (animaux, paysages étant ses sujets de prédilection, et parmi eux, le cheval en particulier qu'elle étudie depuis l'âge de six ans), comme par exemple les livres de la collection «A travers la fenêtre» des éditions Calligram, que des interprétations plus «graphiques» comme les contes orientaux publiés aux Éditions du Jasmin en noir et blanc et en ombres chinoises. En ce qui concerne la couleur, elle a un faible incontournable pour les personnages imaginaires, costumés le plus richement possible, le plus follement de préférence, avec une profusion parfois excessive de motifs de toute sortes. Travaillés à l'aquarelle ou à l'acrylique sur papiers colorés et filigranés, ils représentent ses rêves fous et l'abandon des limites qu'impose parfois le documentaire.

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Couverture

Collection

Contes d’Orient et d’Occident

1.

Histoire d’Aladdin Roi de l’Yemen

William Beckford

2.

Les Quatre Talismans

Charles Nodier

3.

Contes de Fez

Titre

Copyright

Tous droits de reproduction, de traduction

Dédicace

PREMIERE JOURNÉE

Il y avait une fois, à Damas, un vieillard très riche, très riche, qu’on appelait le Bienfaisant, parce qu’il n’usait de ses trésors que pour adoucir les maux du peuple, soulager les malades et les prisonniers, ou héberger les voyageurs ; et il réunissait tous les jours quelques-uns de ceux-ci à sa table, car il n’était pas fier, quoiqu’il fût parvenu. Les plus anciens de Damas se souvenaient qu’il y était arrivé bien pauvre, et qu’il y avait longtemps gagné sa vie à porter des fardeaux pour les marchands ; après quoi, ses petites économies lui permettant d’entreprendre le négoce à son propre compte, on l’avait vu s’élever au plus haut degré de prospérité sans donner lieu au moindre reproche, de sorte que personne ne prenait ombrage de sa fortune, dont il ne semblait jouir que pour en faire part à tout le monde.

Un jour, trois voyageurs fort mal en point et recrus d’âge, de fatigue et de misère s’étant rencontrés au même moment à sa porte pour y demander l’hospitalité, les esclaves du vieillard leur donnèrent à laver suivant l’usage, substituèrent à leurs pauvres haillons et à leurs turbans délabrés des vêtements propres et décents, et distribuèrent entre eux trois bourses pleines d’or. Ils les introduisirent ensuite dans la salle du festin, où le maître les attendait, comme il faisait tous les jours, entouré de ses douze fils, qui étaient de beaux jeunes gens rayonnants d’espérance, de force et de santé, car Dieu avait béni le Bienfaisant dans sa famille.

Quand ils eurent fini leur repas, qui était simple, mais copieux et salutaire, le Bienfaisant leur demanda leur histoire, non pour satisfaire une vaine curiosité, comme le font la plupart des hommes, mais pour s’informer du moyen de les aider dans leurs entreprises et de les secourir dans leurs tribulations. Le plus âgé des trois, auquel il s’était adressé, prit donc la parole et s’exprima ainsi :

HISTOIRE DE DOUBAN LE RICHE

Seigneur, je suis né à Fardan, qui est une petite ville du Fitzistan, dans le royaume de Perse, et je m’appelle Douban. Je suis l’aîné de quatre enfants mâles, dont le second s’appelait Mahoud, le troisième Pirouz, et le quatrième Ebid, et mon père nous avait eus tous les quatre d’une seule femme qui mourut fort jeune, ce qui le décida sans doute à se remarier, pour qu’une autre mère eût soin de nous. Celle qu’il nous donna dans ce dessein n’était guère propre à servir ses vues, car elle était avare et méchante. Comme notre fortune passait pour considérable, elle fit le projet de se l’approprier, et mon père ayant été obligé de s’absenter plusieurs mois, elle résolut de mettre ce temps à profit pour exécuter ses desseins. Elle feignit de s’adoucir un peu en notre faveur pour nous inspirer plus de confiance, et les premiers jours ainsi passés avec plus d’agrément que nous n’étions accoutumés à en trouver auprès d’elle, cette mauvaise personne nous leurra tellement des merveilles du Fitzistan et du plaisir que nous goûterions à y voyager en sa compagnie, que nous en pleurâmes de joie. Nous partîmes, en effet, peu de temps après, dans une litière bien fermée, dont elle ne soulevait jamais les portières, par respect, disait-elle, pour la loi qui défend aux femmes de se laisser voir, et nous voyageâmes ainsi pendant soixante journées, sans apercevoir ni le ciel ni la terre, tant il s’en fallait que nous puissions nous faire une idée du chemin que nous avions parcouru et de la direction dans laquelle nous étions conduits. Nous nous arrêtâmes enfin dans une forêt épaisse et obscure, où elle jugea à propos de nous faire reposer sous des ombrages impénétrables au soleil, et je ne doute pas que ce ne fût cette forêt magique qui sert de ceinture à la montagne du Caf *, laquelle est elle-même, comme vous savez, la ceinture du monde. Nous nous divertîmes assez bien dans cet endroit, en buvant des vins qu’elle avait apportés et dont nous ne connaissions pas l’usage. Ces breuvages défendus nous plongèrent dans un sommeil si profond, qu’il me serait difficile d’en déterminer la durée. Mais quelle fut la douleur de Mahoud, celle de Pirouz et la mienne, car notre jeune frère Ebid dormait encore, quand nous ne retrouvâmes au réveil ni la femme de mon père ni la litière qui nous avait amenés ! Notre premier mouvement fut de courir, de chercher, d’appeler à grands cris ; le tout en vain. Nous comprîmes alors aisément le piège où nous étions tombés, car j’avais déjà vingt ans et mes deux frères puînés une seule année de moins, parce qu’ils étaient jumeaux. Dès ce moment nous nous abandonnâmes au plus horrible désespoir et nous remplîmes les airs de nos cris, sans parvenir toutefois à réveiller notre frère Ebid, qui paraissait occupé d’un rêve gracieux, car le malheureux enfant riait dans son sommeil. Cependant nos clameurs devinrent si fortes, qu’elles attirèrent vers nous le seul habitant de ces affreux déserts. C’était un génie de plus de vingt coudées de hauteur, dont l’œil unique scintillait comme une étoile de feu, et dont les pas retentissaient sur la terre comme des rochers tombés de la montagne. Mais il faut convenir qu’il avait d’ailleurs une voix douce et des manières gracieuses qui nous rassurèrent tout de suite.

« C’est bravement crié, garçons, dit-il en nous abordant, mais c’est une affaire faite, et je vous dispense volontiers de vous égosiller davantage, d’autant que je n’aime pas le bruit. La gryphone a délogé à tire-d’aile et sans se faire prier aussitôt qu’elle vous a entendus ; et vous n’ignorez pas certainement, puisque vous mettez tant de zèle à mes intérêts, que mon maître le roi Salomon, trompé par les faux rapports de ce méchant animal, lui avait donné l’autorité souveraine dans mes États, jusqu’au jour où une voix humaine viendrait troubler le silence de ces solitudes. C’était à peu près comme qui aurait dit l’éternité, car il n’était guère probable que vous prissiez un jour fantaisie de venir brailler ici, au lieu de faire endêver * messieurs vos parents à domicile. Grâces au ciel, tout est pour le mieux, et il ne me reste plus qu’à vous récompenser suivant vos mérites. Vous verrez, petits, que je sais être reconnaissant, car je vais vous gratifier entre vous trois de tout ce qui peut combler les désirs de l’homme sur la terre, savoir la fortune, le plaisir et la science.

« Et d’abord pour toi, continua-t-il en me passant un ruban au cou et en me montrant un petit coffret qui y était suspendu, cette amulette aura la propriété de te faire posséder tous les trésors cachés que nous foulons aux pieds sans les connaître, et de t’enrichir de tout ce qui est perdu.

« Toi, qui n’es que médiocrement joli garçon, dit-il à Mahoud avec la même cérémonie, tu m’auras l’obligation d’être aimé, du premier regard, de toutes les femmes que tu rencontreras dans ton chemin. Ce n’est pas ma faute si tu ne fais pas un bon établissement *.

« Toi, dit-il à Pirouz, tu devras à ce talisman l’empire le plus universel qu’il soit possible d’exercer sur le genre humain, puisqu’il te fournira des moyens infaillibles de calmer toutes les douleurs du corps et de guérir toutes ses maladies... — Gardez bien ces précieux joyaux, ajouta-t-il enfin, car c’est en eux seuls que résident les merveilleux talents dont vous voilà revêtus, et ils perdront toute leur puissance au moment où vous en serez séparés. »

En achevant ces paroles, le génie nous tourna le dos, et nous laissa plongés dans le plus profond étonnement.

Nous ne revînmes à nous que peu à peu, et sans nous communiquer nos premières réflexions qui s’arrêtèrent probablement sur la même idée. Le génie n’avait disposé en notre faveur que de trois amulettes, et il était probable qu’il n’en possédait pas davantage ; Ebid, qui n’avait pas été appelé au partage, prendrait mal notre soudaine fortune, et peut-être il exigerait de nous une nouvelle répartition qui nous serait également funeste à tous, puisque la vertu de nos amulettes, exclusives à chacun de ceux qui venaient d’en être dotés, ne pouvait se communiquer à d’autres. Un sentiment de justice naturelle révolterait son cœur contre le caprice de cette destinée inégale et nous en ferait un ennemi toujours prêt à contrarier nos desseins et à troubler nos jouissances. Que vous dirais-je, seigneur ? Nous eûmes la cruauté d’abandonner cet innocent enfant qui n’avait que nous pour appuis, en essayant de nous persuader réciproquement que le génie en prendrait soin, mais sans autre motif réel que la honteuse crainte de l’avoir à notre charge. Cette abominable action, qui devait être l’éternel tourment de mon cœur, n’a pas encore été expiée par tous les maux que j’ai soufferts.

Nous marchâmes pendant quelques jours, en nous servant de ce qui nous restait de nos provisions, et soutenus par les brillantes espérances que nous fondions sur nos talismans. Mahoud, qui était le plus laid de nous trois et qui voyait d’avance toutes les belles soumises à son ascendant vainqueur, devenait, à chaque pas, plus insupportable d’impertinence et de fatuité. C’était en vain que le ruisseau où nous allions puiser notre breuvage lui annonçait insolemment deux fois par jour qu’il n’avait pas changé de visage. L’insensé commençait à prendre plaisir à la reproduction de son image, et se pavanait devant nous, dans ses grâces ridicules, de manière à nous inspirer plus de pitié que de jalousie. Pirouz, qui n’avait jamais rien pu apprendre, tant il avait l’esprit borné, n’était pas moins fier de sa science que Mahoud de sa beauté. Il parlait avec assurance de toutes les choses qui peuvent être soumises à l’intelligence de l’homme, et imposait hardiment des noms baroques à tous les objets inconnus que nous présentait notre voyage. Quant à moi, qui me croyais le mieux traité de beaucoup, parce que j’avais assez d’habitude du monde pour savoir déjà que toutes les voluptés de l’amour et toute la célébrité du savoir s’y achètent facilement au prix de l’or, je tremblais que mes frères ne fissent de leur côté les mêmes réflexions, et j’osais à peine me livrer au sommeil sans leur rappeler que nos amulettes perdraient toute leur valeur dans les mains de ceux qui s’en seraient emparés. Cette précaution même ne me rassurait pas entièrement, et il m’arrivait rarement de céder aux fatigues de la journée, sans avoir enfoui la mienne à l’écart dans le sable du désert, ou sous un lit de feuilles sèches. Pendant la nuit, le moindre bruit me réveillait en sursaut ; j’éprouvais des inquiétudes qui ressemblaient à des angoisses ; je me rapprochais furtivement de mon talisman, je le déterrais avec d’horribles battements de cœur et je ne dormais plus.

Ces préoccupations, qui nous étaient sans doute communes, avaient fait naître entre nous la défiance et la haine, et nous en étions venus au point de ne pouvoir plus vivre ensemble. Nous résolûmes de nous séparer et de marcher tous trois dans trois directions différentes, en nous promettant, de la bouche plutôt que du cœur, de nous retrouver un jour. Là-dessus, nous nous embrassâmes froidement, et nous nous dîmes un adieu qui devait être éternel.