Les Trois rives du fleuve - Adeline Yzac - E-Book

Les Trois rives du fleuve E-Book

Adeline Yzac

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Beschreibung

Ils n’étaient pas supposés se rencontrer et pourtant c’est cette rencontre qui est la clé de leur avenirTrois destins.Trois accidentés de la vie.Nora, treize ans, mais déjà adulte, à son corps défendant.Toby, cinq ans et demi, blessé dans le corps de sa maman victime des brutalités de son papa.Daniel, aujourd’hui médecin, solitaire, qui cherche le chemin qui le réconciliera avec les autres.Trois rencontres du hasard et de l’espoir.Trois personnes, trois blessures… Il y a Nora, contrainte d’assumer les conséquences d’une nuit dans une remise au fond d’un jardin et de devenir prématurément une adulte. La honte, le secret, la peur… Le petit Toby, qui ne supporte plus de voir, sur le corps de sa maman, les traces laissées par son papa, grossier et violent. Comment pourrait-il la protéger ? Daniel, enfin, qui est médecin et qui vit seul depuis des années. Un événement qui remonte à son adolescence l’a tellement marqué qu’il n’a pas réussi à trouver le chemin vers les autres. La peine et la rancœur sont toujours aussi vives en lui.Trois destins croisés, trois histoires parallèles qui vont se rencontrer au fil de ce roman émouvant, un livre qui (re)donne confiance en les hasards de la vie.EXTRAITNora s’approcha du comptoir. Elle bafouilla un bonjour. Elle tendit son papier sur lequel elle avait écrit ce qu’elle voulait. Jamais elle n’aurait pu demander à voix haute ce qu’elle désirait. La vendeuse la regarda par-dessus ses lunettes puis elle disparut dans l’arrière-boutique. Quelques secondes plus tard, elle réapparut et lui tendit un discret sachet de papier. Nora donna son billet de vingt euros. Son argent de poche. Elle laissa tomber par terre une partie de la monnaie que la vendeuse lui rendait. Elle s’accroupit et mit longtemps à ramasser les pièces. Elle tremblait comme une feuille.CE QU’EN PENSE LA PRESSE« Ce livre crépite d'émotions à toutes les pages. Je suis entré dans ce roman comme dans un tunnel. Il y faisait de plus en plus noir, mais soudain, au loin, est apparue une lueur. Et cette lueur a grandi pour devenir lumière. Un must. » – Libbylit« L'histoire est belle, enrichie par une écriture fluide, au rythme tantôt haché, tantôt long, suivant le personnage. Une histoire à lire, à intégrer et qui porte à réflexion, sur l'amour surtout. » – Lirado« L'écriture épouse parfaitement l'émotion et les blessures qui enferment chacune de ces victimes en elle-même. La rencontre finale et les bouleversements qu'elle laisse entrevoir transforment tout en douceur la paralysie étouffante en une bouffée d'espoir. Une belle ode à la Vie, qui distille des pépites d'espoir au moment où tout semble perdu. » – ECLAT« Une écriture qui prend le rythme de l'état d'esprit de ses personnages et qui décrit avec acuité et sensibilité leur détresse et leurs sentiments. Le récit effleure avec pudeur les passages dramatiques (violence contre la mère, scène d'inceste) et incite les jeunes à communiquer leurs frustrations et leur douleur. » – Réseau des bibliothèques de MontréalA PROPOS DE L’AUTEURAdeline Yzac est née en Aquitaine. Après une formation universitaire en lettres et linguistique à l’université de Montpellier, elle s’est consacrée à l’écriture. La découverte, dès le lycée, de la littérature espagnole et hispano-américaine sera déterminante dans sa quête d’une écriture à la fois poétique et sociale. Elle désire porter à la lumière, la vie, la mort, les non-dits, les écarts, les interdits, le désir… qui fondent la personne humaine. Elle n’envisage d’abord pas de publication. Ce sont des rencontres qui la conduisent à publier un premier roman pour la jeunesse en 1995. Depuis, elle écrit pour les enfants et les adolescents des contes, des histoires et des romans… et, pour les adultes, des nouvelles et des romans.

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CHAPITRE 1

Nora s’approcha du comptoir.

Elle bafouilla un bonjour.

Elle tendit son papier sur lequel elle avait écrit ce qu’elle voulait. Jamais elle n’aurait pu demander à voix haute ce qu’elle désirait.

La vendeuse la regarda par-dessus ses lunettes puis elle disparut dans l’arrière-boutique. Quelques secondes plus tard, elle réapparut et lui tendit un discret sachet de papier. Nora donna son billet de vingt euros. Son argent de poche. Elle laissa tomber par terre une partie de la monnaie que la vendeuse lui rendait. Elle s’accroupit et mit longtemps à ramasser les pièces.

Elle tremblait comme une feuille.

Elle se releva, elle fourra l’argent et le sachet dans sa poche de blouson. Elle bredouilla un au-revoir-madame-merci. Elle tourna les talons et se précipita vers la porte. Elle sentait le regard de la vendeuse dans son dos. Les deux panneaux vitrés s’ouvrirent brusquement devant elle et la poussèrent sur le trottoir. Nora marqua un arrêt puis elle s’élança dans le mouvement de la foule. Elle eut l’impression de se jeter dans le précipice de son propre vide.

La foule et le vide la glacèrent en même temps.

Une longue phrase de peur la tenait, une longue phrase qui l’enserrait plus fort à chacun de ses pas. Ses cheveux étaient humides, ses mains moites, son dos trempé.

Nora venait d’entrer dans le vif du combat.

Son combat.

Son combat, elle était seule face à lui, un duel entre lui et elle, sa vie entière face à lui, et toute son enfance derrière elle, loin déjà, floue. Elle ne voulait pas de cette vérité qu’elle pressentait, une vérité qu’elle repoussait au fond d’elle-même, loin, loin, très loin. Et pourtant, elle l’appelait tout aussi puissamment qu’elle la refoulait, cette vérité, elle l’invoquait avec détermination.

Elle avait gagné une première victoire, elle avait réussi à entrer dans cette boutique et à demander le produit nécessaire. Bien sûr, elle traînerait la marque de ce moment toute sa vie, mais, au moins, elle avait fait le pas, c’était mieux que rien, c’était mieux que se laisser mourir comme elle le voulait au début. C’était mieux que la fuite. La fuite pour aller où ? Elle ne connaissait que son coin de banlieue, rien d’autre au monde que son coin de banlieue.

D’avoir franchi ce grand pas, de n’avoir pas été lâche, effaçait une part de la honte qui la tenait. Cela lui avait coûté un tel effort. Sortir de l’appartement, passer le dernier immeuble, marcher, entrer dans l’inconnu, se faufiler dans un bus avec la panique d’être découverte par un visage familier, arriver ici, repérer le magasin, entrer.

Mais, à ce prix-là, elle n’allait pas tarder à savoir, savoir… enfin savoir.

De savoir la soulagerait ou la foudroierait, mais après ça, elle verrait bien, elle aviserait.

Nora pressa le pas. Les rues défilaient. Maintenant, elle fuyait ce centre ville. Jamais avant cet après-midi elle n’était venue seule dans ce coin. La peur d’être vue, reconnue, questionnée, la reprit. Si quelqu’un la surprenait, alors là, c’était la fin du monde, ou pire, la fin d’elle-même.

Qu’est-ce qu’elle dirait ? Elle ne savait pas mentir. Au moindre mot de travers, elle rougissait et bafouillait. Elle avait du mal à se tenir debout face aux autres, elle était si souvent indécise, elle avait tellement de mal à dire non. C’était sans doute à cause de tout cela, de sa fragilité et de ce manque de confiance, qu’elle en était là. Si elle avait su dire non, si elle avait su s’affirmer, comme Natacha ou Isis…

Nora jetait des coups d’œil autour d’elle. Bien sûr, les gens de sa banlieue, sa famille ou ses voisins, venaient rarement au centre, et pas en plein après-midi de semaine. Ce n’était pas dans leurs habitudes. Ils avaient le réflexe centre commercial. Mais sûr qu’une prof du collège, le docteur de famille ou un animateur du centre culturel pouvaient s’y trouver.

Les rues continuaient de défiler.

Fallait trouver le bon tram.

La bonne ligne.

Nora regarda fébrilement autour d’elle. Elle ne reconnaissait plus le trajet. Elle ne voulait pas le croire, non, elle ne s’était pas perdue, pas ça, pas maintenant, elle n’avait qu’une demi-heure devant elle. La foule la happait. Pourquoi les gens la regardaient-ils ? Qu’avait-elle ?

Elle dut s’arrêter.

La nausée.

À nouveau.

Le dégoût.

Le soleil noir qui s’était niché en elle depuis dix jours, le soleil noir la tenaillait. Elle serra le petit sachet dans sa main. Ce petit sachet, c’était sa bouée, la marque de son secret, presque un doudou comme en ont les tout-petits. Petite, elle l’était encore tout entière mais son soleil noir lui ricanait qu’elle était sans doute déjà du côté des grands, et tout ça à cause d’une bêtise, d’un non qu’elle n’avait pas su prononcer.

Nora pensa que ses parents allaient la haïr pour ce qu’elle avait fait. Ses parents, même si elle avait treize ans, la préféraient petite, elle le savait bien, elle allait être bien punie et eux malheureux, elle allait les perdre à tout jamais.

Ses jambes se dérobaient. Le tram, il lui fallait joindre le tram, et la bonne station, et trouver la force de gagner sa chambre avant que ses parents ne rentrent du travail.

Onze nuits déjà sans dormir, onze nuits de cauchemar.

Elle s’enfermerait, elle prétexterait un contrôle, les profs, la vie au collège. Sa mère lui ficherait sûrement la paix. De toute façon, le soir, en semaine, ses parents lui fichaient la paix. À part quelques questions de routine où en sont tes notes, combien de tickets pour la cantine te reste-t-il, dimanche, nous irons chez Mamie… ils ne lui demandaient rien. Ils lui faisaient confiance, disaient-ils. Bien sûr, elle, elle les craignait et eux savaient bien qu’elle n’oserait pas déroger.

Ce soir, elle attendrait la nuit.

À ce moment-là, elle pourrait agir, ouvrir le petit paquet, sortir l’objet, faire ce qu’il y avait à faire. Faudrait juste prendre une montagne de précautions. À cause des insomnies de sa mère. Sa mère avait l’ouïe fine.

Commencerait une nouvelle attente, deux à trois minutes d’attente, et, au bout de ce tunnel de patience noire, elle saurait.

Nora zigzaguait dans les rues comme une voleuse. Cette nuit encore dans sa chambre, elle agirait en tricheuse. Depuis dix jours, elle vivait en marge de la vie courante. Comme une évadée. Elle qui disait ne pas savoir dissimuler, que faisait-elle sinon se cacher depuis plus d’une semaine ?

Cette découverte l’arrêta au bord du trottoir.

Elle faisait tous les gestes du quotidien, se lever et déjeuner, aller au collège, essayer d’apprendre ses leçons, écouter de la musique, parler encore et encore avec les copines et les copains de la dernière boum soi-disant si géniale, et pourtant…

Derrière les volets clos de son secret, elle était maintenant une autre. Désormais, elle était deux. Et trois avec ce soleil noir avec lequel il fallait bien compter. Oui, une hors-la-loi, une clandestine, une voleuse.

Une voleuse de quoi ? Qu’avait-elle volé, au fait ? La fin de sa vie de petite fille ? Le droit brutal d’entrer dans le monde des grands ?

Quand il saurait, si toutefois il devait savoir, que ferait son père ?

Peut-être qu’il la giflerait, ah ! celle-là, tu ne l’as pas volée, on peut dire que tu l’as bien méritée !, hurlerait-il.

Ou peut-être qu’il baisserait les yeux. Elle verrait son père honteux, son père déçu, c’était impensable. Ou alors il serait pris d’une colère froide. Dans ce cas, il pouvait la jeter à la rue. Quelquefois, il avait des exaspérations rentrées qu’elle craignait par-dessus tout, comme s’il allait violemment sortir de ses gonds.

Nora repartit.

Elle rebroussa chemin.

Des larmes montaient.

Et sa mère, que ferait-elle ?

Nora jeta vite sa question dans ce qu’elle appelait sa remise aux choses pas permises, elle s’empressa de la briser en mille brindilles, elle la mit à brûler, ce feu lui fit très mal mais elle alla tout de même jusqu’au bout, elle fit un