Lipuce, la luciole et le géant d'argile - Christine Allix - E-Book

Lipuce, la luciole et le géant d'argile E-Book

Christine Allix

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Beschreibung

Pour des raisons très diverses, on peut se retrouver coupé de son corps et être ainsi privé d’une partie de soi. Lipuce, la luciole et le géant d’argile raconte comment Lipuce (l’enfant intérieur), guidé par la luciole (l’âme) va partir à la recherche de son géant d’argile, l’être dont ils sont l’essence, mais qui n’a pas ou plus conscience de leur existence.
Ce livre parle de quête d’amour, de sens et de conscience. Il raconte comment Lipuce, enrichi par les multiples rencontres qu’il va faire tout au long de son périple, va finalement atteindre son but.

À PROPOS DE L'AUTEURE

Originaire de l’Orne, Christine Allix a exercé comme journaliste dans la presse quotidienne régionale avant de partir vivre en Nouvelle-Calédonie où elle a notamment oeuvré en faveur des femmes victimes de violences.
De retour en France, elle crée le blog laccompagnacoeur.fr dans lequel elle écrit sur « des personnes dites ordinaires, mais toujours extraordinaires ». Parallèlement, elle utilise sa perception du monde invisible pour accompagner des personnes en recherche d’elles-mêmes, notamment au travers du site endirectduciel.fr

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CHRISTINE ALLIX

LIPUCE, LA LUCIOLE

ET LE GÉANT D’ARGILE

TABLE DES MATIERES

PRÉFACE                 5

LA PORTE                 9

MARIMAD, LA MAMAN DE SUBSTITUTION       21

SAM, LE GUERRIS ÉQUILIBRISTE           29

HART, L’ARAIGNÉE PRAGMATIQUE         35

DÈNÈ, LE MESSAGER DES CIEUX           41

OLI, LE GINKGO IMMORTEL            47

PUCE, LE FAUX JUMEAU              55

GASPARD, LE CHATON ÉFFAROUCHE         63

LOUPUCE, L’ENFANT-MIROIR            69

SARDONIQUE, LA HYÈNE QUI SE VOYAIT LIONNE

ET INDIANA, L’AIGLE QUI SE COYAIT VAUTOUR     75

JOBBY, LA FOURMI DÉVOUÉE AUX AUTRES      85

MICH, LE HIBOU CLAIRVOYANT           91

BUZZ, LA CHENILLE DEVENUE PAPILLON       97

NOCTISSIMA, LA FLEUR D’UNE NUIT       103

LUCIA, L’OISEAU DU PARADIS QUI VIVAIT

ENTRE CIEL ET TERRE            107

HENRI, LE LOMBRIC OMBRAGEUX        113

TOONS, LE LAPIN POLTRON          119

LOULOUTE, LA LOUVE QUI SE PRENAIT

POUR UN LOUP               127

LILOU, LE KAURI BELLIQUEUX         133

NATOU, LE RENARD AU CŒUR PUR        139

LE DÉPART DE LOUPUCE           147

LE RETOUR DE TOONS            153

TINA, LA GÉANTE D’ARGILE QUI NE CROYAIT

QU’AU CORPS               157

LA CLAIRIÈRE               163

LES RETROUVAILLES             171

PRÉFACE

Enfant, j’ai fait du livre « Le Petit Prince » de Saint-Exupéry mon livre de référence. Je me reconnaissais dans cet être innocent et naïf, dans sa curiosité de l’autre, dans sa folle envie de découvrir le monde, dans sa solitude aussi. J’ai adopté comme philosophie de vie l’une des répliques du renard : « Tu es responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. »

Toute ma vie, je me suis appliquée à respecter ce précepte jusqu’à comprendre qu’on est surtout et avant tout responsable de soi, que prendre la responsabilité de l’autre, de ce qu’il vit, c’est refuser d’assumer ses propres responsabilités, sa propre vie.

Les blessures d’enfance créent des dommages que l’on croit irréparables. Elles nous coupent d’une partie de nous-mêmes. Pourtant, jusqu’à la dernière seconde de notre vie terrestre, nous pouvons réparer ce qui a été cassé ou faire émerger ce qui n’avait pu exister jusqu’alors en nous. Jusqu’à la dernière seconde de notre vie terrestre, nous pouvons aller à la rencontre de ce petit enfant qui s’est barricadé au plus profond de nous pour se protéger et qui a tant de choses à nous dire.

« Lipuce, la luciole et le géant d’argile » raconte ce voyage intérieur souvent périlleux, souvent douloureux, souvent difficile, mais ô combien salvateur. Ce livre parle de quête d’amour, de quête de soi, de quête de sens. Lipuce, parce qu’il n’a pas reçu les bons codes lors de sa venue au monde, voit l’amour partout et, paradoxalement, ne sait pas aimer. Il lui faudra l’amour inconditionnel de personnes croisées sur le chemin, une sacrée dose de joie de vivre et une certaine capacité de résilience pour remettre les choses à leur place.

J’ai rencontré chacun des personnages de ce roman initiatique. Certains étaient coupés de leur âme, d’autres de leur corps, d’autres encore de leur enfant intérieur. J’ai reconnu en chacun d’eux une partie de moi et ils ont reconnu en moi une partie d’eux. Chacun d’eux m’a donné une clé pour avancer sur mon chemin de vie et évoluer. Chacun d’eux m’a conduit à la femme désormais entière et épanouie que je suis. Je les en remercie du fond du cœur. Les rencontres sont comme les petits cailloux blancs du petit poucet, elles nous ramènent à nous, l’une après l’autre.

J’ai écrit ce conte initiatique en 2016. Je sentais qu’il n’était pas fini, mais je ne comprenais pas pourquoi. Il m’a fallu 9 ans pour le parachever en accouchant des deux personnages qui manquaient : Loupuce, l’enfant-miroir qui n’arrivait pas à s’aimer, et Tina, la géante d’argile qui ne croyait qu’au corps. Malgré tous mes efforts, faute de réussir à se réunifier, ces deux femmes ont quitté ce monde. J’ai alors compris que je devais travailler à ma propre réunification avant de travailler à celle des autres. Là où elles sont aujourd’hui, j’en suis certaine, elles sont heureuses de me voir arrivée au bout de ma quête.

Quand les choses prennent du temps, on a tendance à baisser les bras, à abandonner. Pourtant, qu’importe la durée ! 9 mois, 9 ans... L’important, c’est d’enfanter. Et quel plus bel événement que d’enfanter de soi !

Vous qui lirez ce livre, je vous souhaite de connaitre ce bonheur absolu.

À mes enfants Ana et Sacha,

mes Amours et mes maîtres d’apprentissage

À mes trois M « Aime »,

Marie-Madeleine, Micheline et Martine

À mes parents,

sans qui je n’aurais pu expérimenter

cette vie terrestre et évoluer

LA PORTE

« N’aie pas peur, mon jeune ami. Cette porte, comme mon arrivée, signifie juste le début d’une nouvelle vie, d’un cheminement qui va te conduire à devenir qui tu es au plus profond. »

Quand il ouvrit les yeux, Lipuce aperçut la porte. Une petite porte bleu azur, ronde comme un hublot. Il crut qu’il rêvait. Il avait si souvent laissé son imaginaire voguer à sa guise, rêver de mondes tour à tour merveilleux ou terribles qu’il crut à un mirage. Il toucha la paroi de sa bulle et fut rassuré de voir son doigt s’y enfoncer sans pour autant la traverser. Il ferma les yeux et les rouvrit plusieurs fois de suite. La porte restait là où il l’avait aperçue à son réveil. Il écouta les bruits pour détecter un changement quelconque qui put expliquer l’arrivée de cette porte.

À première vue, rien n’avait changé. Sa bulle gonflait et dégonflait à intervalles réguliers, l’entraînant dans un mouvement de doux va-et-vient qui le berçait depuis toujours. Altéré par les parois à la fois souples et épaisses de sa bulle, le seul bruit qu’il eut jamais entendu depuis sa naissance lui parvenait toujours de façon aussi distincte. Ce « boum, boumboum, boum, boumboum » un peu étrange représentait son seul lien avec l’extérieur. C’était aussi le seul bruit qui parvenait à filtrer de l’extérieur vers lui.

L’enfant promena son regard sur cet endroit qu’il connaissait si bien. Sur les parois, de fines stries rouges figuraient un parchemin qu’il avait passé sa vie à essayer de déchiffrer. Il y avait vu des chemins à l’issue improbable, des chevaliers au grand cœur partis sauver la veuve et l’orphelin, des animaux plus fantasmagoriques les uns que les autres.

Il ne se rappelait plus quand tout avait commencé mais un jour, il s’était retrouvé seul dans cette petite bulle certes confortable mais un peu étroite et surtout, sans aucune ouverture vers l’extérieur. Il s’était alors assis, les genoux repliés, la tête posée sur ses bras croisés, en attendant que quelqu’un lui parlât. Mais personne n’était jamais venu. Et il avait fini par s’habituer, puis par se résigner, faisant du rêve son arme absolue contre la solitude.

Ce matin-là pourtant, en se réveillant, il ne s’était pas plongé de suite dans le subtil tracé des stries. Pour une raison qui lui échappait encore, il avait relevé la tête, comme mû par une force invisible. Et il avait vu la porte.

— Qu’attends-tu pour l’ouvrir ?

Lipuce sursauta. Il y avait si longtemps qu’on ne lui avait pas adressé la parole…

— Mais qui es-tu ? Où es-tu d’abord ?

Une petite lumière jaune vint doucement se poser sur son épaule. L’enfant n’avait jamais vu ni même imaginé pareil être. Son corps ovale et aplati disparaissait presque totalement sous deux paires d’ailes bleu-gris qui, ainsi repliées, lui faisaient comme un long manteau. Deux yeux énormes, disproportionnés, mangeaient sa tête littéralement, une tête d’où émergeaient à grand peine deux grandes et fines antennes. Six pattes, si ténues qu’elles semblaient prêtes à se briser, donnaient un équilibre à l’ensemble. Mais le plus étonnant était évidemment la lumière qui scintillait d’une partie de son ventre, donnant à cet être une incroyable aura de douceur et de luminescence conjuguées. Et comme si elle n’était pas assez lumineuse, la luciole avait accroché une lampe frontale au niveau de son troisième œil, ce qui ajoutait à sa singularité.

— On m’appelle la luciole et je suis la lumière de ton âme.

— La lumière de mon âme ? Mais… j’ai une âme ?

— Bien sûr, comme tous les enfants.

— Mais où étais-tu jusqu’à maintenant ? Que faisais-tu ? Pourquoi as-tu attendu si longtemps pour venir me voir ?

La luciole se mit à rire et posa un regard affectueux sur l’enfant tout en le détaillant de la tête aux pieds. Depuis leur dernière entrevue, il avait gardé les mêmes boucles en forme de cœur et cette mèche rebelle qui lui donnait un air espiègle. Ses yeux ronds, tantôt marron tantôt vert, semblaient toujours chercher quelque chose. Visiblement il n’avait pas trouvé réponse aux innombrables questions qui se bousculaient dans sa tête. Non, Lipuce n’avait pas changé. Il restait cet enfant curieux, impatient de tout savoir, de tout comprendre, tout de suite.

— J’attendais que tu ouvres les yeux.

— Mais je ne dormais pas, je rêvais. Il fallait me dire que tu étais là.

— Quand on est dans ses rêves, on n’est rarement accessible à la réalité, ni disponible pour elle…

Lipuce n’en revenait pas. Comment pouvait-il expliquer l’inexplicable ? D’abord cette porte qui apparaissait sans crier gare, puis cette luciole qui se disait liée à lui depuis toujours…

— Tu sais, rien n’est venu soudainement. Simplement, tu n’étais pas en capacité de voir. Ni la porte ni moi.

— Mais je n’ai pas changé !

— Si, tu as changé. Tu as ouvert les yeux et tu as accepté de quitter le monde de tes rêves…

L’enfant soupira et se rallongea sur le dos. Il se plongea dans le parchemin des stries pour tenter d’échapper à ces nouveautés qui l’effrayaient. En vain. Pour la première fois de sa vie, les stries restaient des stries. Pas moyen d’y voir un quelconque chemin ou personnage. La luciole observa de nouveau son jeune compagnon. Tout en lui respirait l’amour. Son corps en forme de cœur, ses yeux grands ouverts sur le visible et l’invisible, son sourire perpétuellement à fleur de lèvres, ses bouclettes qui lui donnaient cet air si attendrissant… La luciole tenta de le rassurer.

— N’aie pas peur, mon jeune ami. Cette porte, comme mon arrivée, signifie juste le début d’une nouvelle vie, d’un cheminement qui va te conduire à devenir qui tu es au plus profond de toi-même.

— Mais je ne veux rien changer, moi ! Je n’ai rien demandé !

— Tu n’as peut-être rien exprimé avec des mots, mais si je suis là, c’est que tu m’as appelée et surtout, que tu es prêt à partir à l’aventure.

— À l’aventure ? Mais de quelle aventure tu parles ?

Lipuce avait pris un air boudeur. Il ne comprenait rien de ce qui se passait et de ce qui se jouait. La luciole prit sa voix la plus douce.

— L’aventure, c’est ce qu’il y a derrière la porte…

— Mais il n’est pas question que je sorte de ma bulle ! Tu entends Luciole ? Jamais je ne franchirai cette porte ! Et puis, laisse-moi tranquille maintenant !

Décidé à en finir avec cette histoire, l’enfant se recoucha et, tournant le dos à son hôte qui voletait doucement à hauteur de son visage, il fixa la paroi pour reprendre son dernier rêve là où il l’avait arrêté. Une première image apparut, mais il ne parvint pas à la fixer. Les mots de la luciole résonnaient dans sa tête. Tout comme l’image de la porte le titillait. Il se leva et n’eut pas le temps de faire un geste que la luciole s’était posée sur son épaule dans un doux bruissement d’ailes.

— Courage. Ouvre la porte. Il ne peut rien t’arriver sinon découvrir des êtres, des bruits et des couleurs que même les rêves ne peuvent créer. Tu vas aimer et tu vas être aimé. Tu ne seras plus jamais seul.

Rendu confiant par les paroles de la luciole, Lipuce se leva. Il regarda autour de lui. Il avait passé tant de temps dans cette bulle qu’il n’y avait plus rien à y découvrir. Il se dirigea doucement vers la porte. Ses jambes, un peu ankylosées par le manque d’exercice, lui semblaient plus lourdes que du plomb. Il respira un grand coup, tourna lentement la poignée et entrouvrit la porte avec précaution avant de la refermer brutalement. Trop de bruit, trop de lumière, trop de couleurs d’un coup. Il resta un moment appuyé contre la paroi, le cœur battant et le souffle court.

La luciole n’avait pas bougé. Elle observait, à la fois compatissante et amusée, le désarroi de l’enfant. Difficile de sortir d’une prison, même dorée, quand on y a été si longtemps enfermé…

— Tu as le choix. Toi seul peux choisir d’ouvrir ou non cette porte. De quoi as-tu peur ?

— Je ne sais pas ce que je vais trouver dehors. Ici je suis seul, c’est vrai, mais je connais chaque centimètre carré de cet endroit. Personne ne me donne d’amour, mais personne ne me fait de mal non plus. Je ne risque rien.

— Tu crois vraiment qu’être seul, ne pas être aimé, ce n’est pas souffrir ? L’oubli, l’abandon, l’absence d’amour sont les pires des fléaux. Pour un enfant comme toi comme pour tout être vivant.

Lipuce ne savait plus que penser. Sa curiosité insatiable le disputait à sa crainte de l’inconnu.

— Tu vas venir avec moi si je sors ?

— Bien sûr. Nous sommes liés à jamais. Et depuis toujours. Même si tu n’en avais pas conscience, j’ai toujours été là. Et je resterai avec toi jusqu’à la fin des temps.

Peu à peu, l’enfant sentit la paix l’envahir. La présence de la luciole le rassurait. Comment avait-il pu ne pas la voir toutes ces années ?

— On est parfois tellement tourné vers soi-même, tellement préoccupé par sa survie qu’on est incapable de voir autre chose, y compris l’essentiel.

Étonné que sa nouvelle amie puisse ainsi lire dans ses pensées, Lipuce se rangea à son avis. Elle avait raison. Il lui fallait prendre son courage à deux mains et sauter dans l’inconnu. Que pouvait-il lui arriver ? Si les choses tournaient mal, il reviendrait dans sa petite bulle familière et il n’en sortirait plus jamais. Il respira profondément et ouvrit la porte toute grande. Plus question de faire marche arrière. Il ferma les yeux pour mieux s’imprégner d’un monde extérieur dont il avait été si longtemps coupé. Tous ses sens se réveillaient. Il sentit le vent fouetter son visage, l’air vivifiant remplir ses poumons, la chaleur du soleil réchauffer sa peau. Il rouvrit les yeux et contempla le spectacle qui s’offrait à lui. Son imaginaire avait beau être puissant, ce n’était qu’une pâle copie de la réalité. Il venait de s’asseoir sur le pas de la porte quand il sentit la bulle s’agiter dans tous les sens. Il s’accrocha au chambranle et, un brin paniqué, il se tourna vers la luciole.

— Mais que se passe-t-il ?

— Le géant d’argile s’agite parce qu’il ne comprend pas ce qui se passe.

— Le géant d’argile ? Mais qui est-ce ?

— C’est l’être auquel tu es rattaché, un être de corps et d’esprit. Chaque géant d’argile est lié à un enfant intérieur. Tu es l’enfant intérieur de ce géant d’argile et moi son âme. À nous trois, nous représentons un tout unique et indissociable.

— Mais pourquoi le géant d’argile se met-il en colère ?

— C’est sa façon à lui de réagir face à quelque chose qu’il sent mais qu’il ne peut pas encore définir. Il a oublié notre existence. Cela ne l’empêche pas de sentir confusément notre présence. Seulement, il n’est pas encore prêt à nous retrouver. Il faut lui laisser le temps.

Lipuce s’inquiétait.

— C’est lui qui doit ouvrir la porte ? Je dois retourner dans ma bulle pour l’attendre ?

La luciole sourit.

— Tu pourrais, mais tu risquerais d’attendre très longtemps. Tu peux aussi aller explorer le monde extérieur. Les êtres que tu vas rencontrer sur le chemin vont t’apprendre beaucoup sur la vie et ainsi te faire comprendre comment retrouver ton géant d’argile. Si tu sais les écouter, ils te conduiront jusqu’à lui.

— Pourquoi m’a-t-il oublié ?

— Il ne t’a pas oublié, il t’a juste enfoui au plus profond de lui-même.

L’enfant était perplexe. Il ne savait plus trop ce qu’il devait faire : rester, partir…

— Mais que va devenir mon géant d’argile si je le quitte ?

— Ton absence va résonner en lui sans qu’il sache pourquoi. Il va regarder sa vie, contempler ce qu’il en a fait, se poser des questions et un jour, parce qu’il aura compris, c’est lui qui partira à ta recherche. Pour l’instant, il ne sait même plus que tu existes. Que tu t’absentes ou non ne va rien changer à sa vie. Du moins en apparence.

— Quand viendra-t-il me chercher ?

— Tout dépend de son degré d’aveuglement, de l’empreinte qu’ont laissée ses souffrances. Laisse-le faire son chemin et pars à l’aventure !

Comme si la luciole avait le pouvoir de faire tomber les obstacles, Lipuce se retrouva soudain au bord d’un gouffre. Enfin, c’est comme ça qu’il voyait son départ de la bulle. Pour une fois, il n’avait pas envie de se poser des questions. Il se laissa glisser dans ce monde physique grouillant d’activités qu’il ne connaissait pas. Cherchant son géant d’argile des yeux, il le vit s’éloigner comme si de rien n’était.

— Mais comment va-t-il me retrouver ? Et moi, comment vais-je savoir que c’est lui ? Nous sommes des millions, des milliards même et nous nous ressemblons tous.

— Chacun de vous est unique. Même si vous vous ressemblez, même si vous vivez les mêmes choses, ressentez les mêmes peurs, poursuivez la même quête, chacun de vous est unique et exceptionnel. Quand le moment sera venu, nous nous retrouverons tous les trois sans même nous chercher. C’est le cœur qui nous réunira, et le cœur ne se trompe jamais.

L’enfant sentit la colère monter en lui. La luciole l’exaspérait. Elle avait réponse à tout. Et pour quelqu’un qui comme lui avait vécu si longtemps seul, c’était tout simplement insupportable. Il avait appris à penser par lui-même et prenait ses pensées pour seules vérités. Dépendre ainsi de quelqu’un le dérangeait profondément.

La luciole avait senti l’agacement de son jeune compagnon. Il découvrait qu’il n’était pas seul au monde. Cette seule révélation avait de quoi le perturber. Elle se promit d’être plus douce et plus patiente encore pour apaiser ce petit cœur affolé.

— Je ne sais pas tout, mon jeune ami. Je veux juste te faire partager mon expérience. À quoi bon refaire le même chemin ? Appuyons-nous l’un sur l’autre. J’ai autant envie que toi de retrouver notre géant d’argile.

Lipuce se demanda comment la luciole avait pu deviner ses pensées. Il haussa les épaules et se mit en route. Il n’était pas sorti de sa bulle pour faire du surplace !

MARIMAD, LA MAMAN DE SUBSTITUTION