Lois psychologiques de l'évolution des peuples - Gustave Le Bon - E-Book

Lois psychologiques de l'évolution des peuples E-Book

Gustave Le Bon

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Beschreibung

La civilisation d'un peuple repose sur un petit nombre d'idées fondamentales. De ces idées dérivent ses institutions, sa littérature et ses arts. Très lentes à se former, elles sont très lentes aussi à disparaître. Devenues depuis longtemps des erreurs évidentes pour les esprits instruits, elles restent pour les foules des vérités indiscutables et poursuivent leur oeuvre dans les masses profondes des nations. S'il est difficile d'imposer une idée nouvelle, il ne l'est pas moins de détruire une idée ancienne. L'humanité s'est toujours cramponnée désespérément aux idées mortes et aux dieux morts. Il y a un siècle et demi à peine que des philosophes, fort ignorants d'ailleurs de l'histoire primitive de l'homme, des variations de sa constitution mentale et des lois de l'hérédité, ont lancé dans le monde l'idée de l'égalité des individus et des races. Très séduisante pour les foules, cette idée finit par se fixer solidement dans leur esprit et porta bientôt ses fruits. Elle a ébranlé les bases des vieilles sociétés, engendré la plus formidable des révolutions, et jeté le monde occidental dans une série de convulsions violentes dont le terme est impossible à prévoir.

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Gustave Le Bon

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Published by BoD - Books on Demand, NorderstedtISBN: 9783748129820

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table des matières

INTRODUCTION

LIVRE PREMIER

CHAPITRE PREMIER

CHAPITRE II

CHAPITRE III

CHAPITRE IV

CHAPITRE V

LIVRE II

CHAPITRE PREMIER

CHAPITRE II

CHAPITRE III

LIVRE III

CHAPITRE PREMIER

CHAPITRE II

CHAPITRE III

LIVRE IV

CHAPITRE PREMIER

CHAPITRE II

CHAPITRE III

LIVRE V

CHAPITRE PREMIER

CHAPITRE II

INTRODUCTION

LES IDÉES ÉGALITAIRES MODERNES ET LES BASES PSYCHOLOGIQUES DE L’HISTOIRENaissance et développement de l’idée égalitaire. - Les conséquences qu’elle a produites. - Ce qu’a déjà coûté son application. - Son influence actuelle sur les foules. - Problèmes abordés dans cet ouvrage. - Recherche des facteurs principaux de l’évolution générale des peuples. - Cette évolution dérive-t-elle des institutions? - Les éléments de chaque civilisation : institutions, arts, croyances, etc., n’auraient-ils pas certains fondements psychologiques spéciaux à chaque peuple ? - Les hasards de l’histoire et les lois permanentes.La civilisation d’un peuple repose sur un petit nombre d’idées fondamentales. De ces idées dérivent ses institutions, sa littérature et ses arts. Très lentes à se former, elles sont très lentes aussi à disparaître. Devenues depuis longtemps des erreurs évidentes pour les esprits instruits, elles restent pour les foules des vérités indiscutables et poursuivent leur œuvre dans les masses profondes des nations. S’il est difficile d’imposer une idée nouvelle, il ne l’est pas moins de détruire une idée ancienne. L'humanité s’est toujours cramponnée désespérément aux idées mortes et aux dieux morts.Il y a un siècle et demi à peine que des philosophes, fort ignorants d’ailleurs de l’histoire primitive de l’homme, des variations de sa constitution mentale et des lois de l’hérédité, ont lancé dans le monde l’idée de l’égalité des individus et des races.Très séduisante pour les foules, cette idée finit par se fixer solidement dans leur esprit et porta bientôt ses fruits. Elle a ébranlé les bases des vieilles sociétés, engendré la plus formidable des révolutions, et jeté le monde occidental dans une série de convulsions violentes dont le terme est impossible à prévoir.Sans doute, certaines des inégalités qui séparent les individus et les races étaient trop apparentes pour pouvoir être sérieusement contestées; mais on se persuada aisément que ces inégalités n’étaient que les conséquences des différences d’éducation, que tous les hommes naissent également intelligents et bons, et que les institutions seules avaient pu les pervertir. Le remède était dès lors très simple : refaire les institutions et donner à tous les hommes une instruction identique. C’est ainsi que les institutions et l’instruction ont fini par devenir les grandes panacées des démocraties modernes, le moyen de remédier à des inégalités choquantes pour les immortels principes qui sont les dernières divinités d’aujourd’hui.Certes, une science plus avancée a prouvé la vanité des théories égalitaires et montré que l’abîme mental, créé par le passé entre les individus et les races, ne pourrait être comblé que par des accumulations héréditaires fort lentes. La psychologie moderne, à côté des dures leçons de l’expérience, a montré que les institutions et l’éducation qui conviennent à certains individus et à certains peuples sont fort nuisibles à d’autres, Mais il n’est pas au pouvoir des philosophes d’anéantir les idées lancées dans le monde, le jour où ils reconnaissent qu’elles sont erronées. Comme le fleuve débordé qu’aucune digue ne saurait contenir, l’idée poursuit sa course dévastatrice, et rien n’en ralentit le cours.Cette notion chimérique de l’égalité des hommes qui a bouleversé le monde, suscité en Europe une révolution gigantesque, lancé l’Amérique dans la sanglante guerre de sécession et conduit toutes les colonies françaises à un état de lamentable décadence, il n’est pas un psychologue, pas un voyageur, pas un homme d’État un peu instruit, qui ne sache combien elle est erronée; et pourtant il en est bien peu qui ose la combattre.Loin d’ailleurs d’être entrée dans une phase de déclin, l’idée égalitaire continue à grandir encore. C’est en son nom que le socialisme, qui semble devoir asservir bientôt la plupart des peuples de l’Occident, prétend assurer leur bonheur. C’est en son nom que la femme moderne, oubliant les différences mentales profondes qui la séparent de l’homme, réclame les mêmes droits, la même instruction que lui et finira, si elle triomphe, par faire de l’Européen un nomade sans foyer ni famille.Des bouleversements politiques et sociaux que les principes égalitaires ont engendrés, de ceux beaucoup plus graves qu’ils sont destinés à engendrer encore, les peuples ne se soucient guère, et la vie politique des hommes d’État est aujourd’hui trop courte pour qu’ils s’en soucient davantage. L’opinion publique est d’ailleurs devenue maîtresse souveraine, et il serait impossible de ne pas la suivre.L’importance sociale d'une idée n’a d’autre mesure réelle que la puissance qu’elle exerce sur les âmes. Le degré de vérité ou d’erreur qu’elle comporte ne saurait avoir d’intérêt qu’au point de vue philosophique. Quand une idée vraie ou fausse est passée chez les foules à l’état de sentiment, toutes les conséquences qui en découlent doivent être successivement subies.C’est donc au moyen de l’instruction et des institutions que le rêve égalitaire moderne tente de s’accomplir. C’est grâce à elles que, réformant les injustes lois de la nature, nous essayons de couler dans le même moule les cerveaux des nègres de la Martinique, de la Guadeloupe et du Sénégal, ceux des Arabes de l’Algérie et enfin ceux des Asiatiques. C’est là sans doute une bien irréalisable chimère, mais l’expérience seule peut montrer le danger des chimères. La raison ne saurait transformer les convictions des hommes.Cet ouvrage a pour but de décrire les caractères psychologiques qui constituent l’âme des races et de montrer comment l’histoire d’un peuple et sa civilisation dérivent de ces caractères. Laissant de côté les détails, ou ne les envisageant que quand ils seront indispensables pour démontrer les principes exposés, nous examinerons la formation et la constitution mentale des races historiques, c’est-à-dire des races artificielles formées depuis les temps historiques par les hasards des conquêtes, des immigrations ou des changements politiques, et nous tâcherons de démontrer que de cette constitution mentale découle leur histoire. Nous constaterons le degré de fixité et de variabilité des caractères des races. Nous essaierons de découvrir si les individus et les peuples marchent vers l’égalité ou tendent au contraire à se différencier de plus en plus. Nous rechercherons ensuite si les éléments dont se compose une civilisation : arts, institutions, croyances, ne sont pas les manifestations directes de l’âme des races, et ne peuvent pour celte raison passer d’un peuple à un autre. Nous terminerons enfin en tâchant de déterminer sous l’influence de quelles nécessités les civilisations pâlissent, puis s’éteignent. Ce sont des problèmes que nous avons longuement traités dans divers ouvrages sur les civilisations de l’Orient. Ce petit volume doit être considéré simplement comme une brève synthèse.Ce qui m’est resté de plus clair dans l’esprit, après de lointains voyages dans les pays les plus divers, c’est que chaque peuple possède une constitution mentale aussi fixe que ses caractères anatomiques, et d’où ses sentiments, ses pensées, ses institutions, ses croyanceset ses arts dérivent. Tocqueville et d’autres penseurs illustres ont cru trouver dans les institutions des peuples la cause de leur évolution. Je suis persuadé au contraire, et j’espère prouver, en prenant précisément des exemples dans les pays qu’a étudiés Tocqueville, que les institutions ont sur l’évolution des civilisations une importance extrêmement faible. Elles sont le plus souvent des effets, et bien rarement des causes.Sans doute l’histoire des peuples est déterminée par des facteurs fort divers. Elle est pleine de cas particuliers, d’accidents qui ont été et qui auraient pu ne pas être. Mais à côté de ces hasards, de ces circonstances accidentelles, il y a de grandes lois permanentes qui dirigent la marche générale de chaque civilisation. De ces lois permanentes, les plus générales, les plus irréductibles découlent de la constitution mentale des races. La vie d’un peuple, ses institutions, ses croyances et ses arts ne sont que la trame visible de son âme invisible, Pour qu’un peuple transforme ses institutions, ses croyances et ses arts, il lui faut d’abord transformer son âme; pour qu’il pût léguer à un autre sa civilisation, il faudrait qu’il pût lui léguer aussi son âme. Ce n’est pas là sans doute ce que nous dit l’histoire; mais nous montrerons aisément qu’en enregistrant des assertions contraires elle s’est laissé tromper par de vaines apparences.Les réformateurs qui se succèdent depuis un siècle ont essayé de tout changer : les dieux, le sol et les hommes. Sur les caractères séculaires de l’âme des races que le temps a fixés, ils n’ont rien pu encore.La conception des différences irréductibles qui séparent les êtres est tout à fait contraire aux idées des socialistes modernes, mais ce ne sont pas les enseignements de la science qui pourraient faire renoncer à des chimères les apôtres d’un nouveau dogme. Leurs tentatives représentent une phase nouvelle de l’éternelle croisade de l’humanité à la conquête du bonheur, ce trésor des Hespérides que depuis l’aurore de l’histoire les peuples ont poursuivi toujours. Les rêves égalitaires ne vaudraient pas moins peut-être que les vieilles illusions qui nous menaient jadis, s’ils ne devaient se heurter bientôt au roc inébranlable des inégalités naturelles. Avec la vieillesse et la mort ces inégalités font partie des iniquités apparentes dont la nature est pleine et que l'homme doit subir.

LIVRE PREMIER

LES CARACTÈRES PSYCHOLOGIQUES DES RACES

CHAPITRE PREMIER

L’AME DES RACES

Comment les naturalistes classent les espèces. - Application à l'homme de leurs méthodes. - Côté défectueux des classifications actuelles des races humaines. - Fondements d'une classification psychologique. - Les types moyens des races. - Comment l'observation permet de les constituer. - Facteurs physiologiques qui déterminent le type moyen d’une race. - L'influence des ancêtres et celle des parents immédiats. - Fonds psychologique commun que possèdent tous les individus d une race. - Immense influence des générations éteintes sur les générations actuelles. - Raisons mathématiques de cette influence. - Comment l’âme collective s’est étendue de la famille au village, à la cité et à la province. - Avantages et dangers de la conception de la cité. - Circonstances dans lesquelles la formation de l’âme collective est impossible. - Exemple de l'Italie. - Comment les races naturelles ont fait place aux races historiques.

Les naturalistes font reposer leur classification des espèces sur la constatation de certains caractères anatomiques se reproduisant par l'hérédité avec régularité et constance. Nous savons aujourd’hui que ces caractères se transforment par l’accumulation héréditaire de changements imperceptibles; mais si l’on ne considère que la courte durée des temps historiques, on peut dire que les espèces sont invariables.

Appliquées à l’homme, les méthodes de classification des naturalistes ont permis d’établir un certain nombre de types parfaitement tranchés. En se basant sur des caractères anatomiques bien nets, tels que la couleur de la peau, la forme et la capacité du crâne, il a été possible d’établir que le genre humain comprend plusieurs espèces nettement séparées et probablement d’origines très différentes. Pour les savants respectueux des traditions religieuses, ces espèces sont simplement des races. Mais, comme on l’a dit avec raison, « si le nègre et le caucasien étaient des colimaçons, tous les zoologistes affirmeraient à l’unanimité qu’ils constituent d’excellentes espèces , n’ayant jamais pu provenir d’un même couple dont ils se seraient graduellement écartés. »

Ces caractères anatomiques, ceux du moins que notre analyse peut atteindre, ne permettent que des divisions générales fort sommaires. Leurs divergences n’apparaissent que chez des espèces humaines bien tranchées : les blancs, les nègres et les jaunes, par exemple. Mais des peuples, très semblables par leur aspect physique, peuvent être fort différents par leurs façons de sentir et d’agir, et par conséquent par leurs civilisations, leurs croyances et leurs arts. Est-il possible, par exemple, de classer dans un même groupe un Espagnol, un Anglais et un Arabe? Les différences mentales existant entre eux n’éclatent-elles pas à tous les yeux et ne se lisent-elles pas à chaque page de leur histoire?

A défaut de caractères anatomiques, on a voulu s’appuyer, pour la classification de certains peuples, sur divers éléments tels que les langues, les croyances et les groupements politiques; mais de telles classifications ne résistent guère à l’examen.

Les éléments de classification que l’anatomie, les langues, le milieu, les groupements politiques ne sauraient fournir, nous sont donnés par la psychologie. Celle-ci montre que, derrière les institutions, les arts, les croyances, les bouleversements politiques de chaque peuple, se trouvent certains caractères moraux et intellectuels dont son évolution dérive. Ce sont ces caractères dont l’ensemble forme ce que l’on peut appeler l’âme d’une race.

Chaque race possède une constitution mentale aussi fixe que sa constitution anatomique. Que la première soit en rapport avec une certaine structure particulière du cerveau, cela ne semble pas douteux; mais comme la science n’est pas assez avancée encore pour nous montrer cette structure, nous sommes dans l’impossibilité de la prendre pour base. Sa connaissance ne saurait nullement modifier d’ailleurs la description de la constitution mentale qui en découle et que l’observation nous révèle.

Les caractères moraux et intellectuels, dont l’association forme l’âme d’un peuple, représentent la synthèse de tout son passé, l’héritage de tous ses ancêtres, les mobiles de sa conduite. Ils semblent très variables chez les individus d’une même race; mais l’observation prouve que la majorité des individus de cette race possède toujours un certain nombre de caractères psychologiques communs, aussi stables que les caractères anatomiques qui permettent de classer les espèces. Comme ces derniers, les caractères psychologiques se reproduisent par l’hérédité avec régularité et constance.

Cet agrégat d’éléments psychologiques observable chez tous les individus d’une race constitue ce qu’on appelle avec raison le caractère national. Leur ensemble forme le type moyen qui permet de définir un peuple. Mille Français, mille Anglais, mille Chinois, pris au hasard, diffèrent notablement entre eux; mais ils possèdent cependant, de par l’hérédité de leur race, des caractères communs qui permettent de construire un type idéal du Français, de l’Anglais, du Chinois, analogue au type idéal que le naturaliste présente lorsqu’il décrit d’une façon générale le chien ou le cheval. Applicable aux diverses variétés de chiens ou de chevaux, une telle description ne peut comprendre que les caractères communs à tous, et nullement ceux qui permettent de distinguer leurs nombreux spécimens.

Pour peu qu'une race soit suffisamment ancienne, et par conséquent homogène, son type moyen est assez nettement établi pour se fixer rapidement dans l’esprit de l’observateur.

Lorsque nous visitons un peuple étranger, les seuls caractères qui puissent nous frapper, parce qu’ils sont les seuls qui soient constamment répétés, sont précisément les caractères communs à tous les habitants du pays parcouru. Les différences individuelles, étant peu répétées, nous échappent; et bientôt, non seulement nous distinguons à première vue un Anglais, un Italien, un Espagnol, mais de plus nous savons très bien leur attribuer certains caractères moraux et intellectuels, qui sont justement les caractères fondamentaux dont nous parlions plus haut. Un Anglais, un Gascon, un Normand, un Flamand correspondent à un type bien défini dans notre esprit et que nous pouvons décrire aisément. Appliquée à un individu isolé, la description pourra être fort insuffisante, et parfois inexacte; appliquée à la majorité des individus d’une de ces races, elle la dépeindra parfaitement. Le travail inconscient qui s’établit dans notre esprit pour déterminer le type physique et mental d’un peuple est tout à fait identique dans son essence à la méthode qui permet au naturaliste de classifier les espèces.

Cette identité dans la constitution mentale de la majorité des individus d’une race a des raisons physiologiques très simples. Chaque individu, en effet, n’est pas seulement le produit de ses parents directs, mais encore de sa race, c’est-à-dire de toute la série de ses ascendants. Un savant économiste, M. Cheysson, a calculé qu’en France, à raison de trois générations par siècle, chacun de nous aurait dans les veines le sang d’au moins 20 millions de contemporains de l’an 1000. « Tous les habitants d’une même localité, d’une même province ont donc nécessairement des ancêtres communs, sont pétris du même limon, portent la même empreinte, et sont sans cesse ramenés au type moyen par cette longue et lourde chaîne dont ils ne sont que les derniers anneaux. Nous sommes à la fois les fils de nos parents et de notre race. Ce n’est pas seulement le sentiment, c’est encore la physiologie et l’hérédité qui font pour nous de la patrie une seconde mère. »

Si l’on voulait traduire en langage mécanique les influences auxquelles est soumis l’individu et qui dirigent sa conduite, on pourrait dire qu’elles sont de trois sortes. La première, et certainement la plus importante, est l’influence des ancêtres; la deuxième, l’influence des parents immédiats; la troisième qu’on croit généralement la plus puissante, et qui cependant est de beaucoup la plus faible, est l’influence des milieux. Ces derniers, en y comprenant les diverses influences physiques et morales auxquelles l'homme est soumis pendant sa vie, et notamment pendant son éducation, ne produisent que des variations très faibles. Ils n’agissent réellement que lorsque l'hérédité les a accumulés dans le même sens pendant longtemps.

Quoi qu’il fasse, l’homme est donc toujours et avant tout le représentant de sa race. L’ensemble d’idées, de sentiments que tous les individus d’un même pays apportent en naissant, forme l’âme de la race. Invisible dans son essence, cette âme est très visible dans ses effets, puisqu’elle régit en réalité toute révolution d’un peuple.

On peut comparer une race à l’ensemble des cellules qui constituent un être vivant. Ces milliards de cellules ont une durée très courte, alors que la durée, de l’être formé par leur union est relativement très longue; elles ont donc à la fois une vie personnelle, la leur, et une vie collective, celle de l’être, dont elles composent la substance. Chaque individu d’une race a, lui aussi, une vie individuelle très courte et une vie collective très longue. Cette dernière est celle de la race dont il est né, qu’il contribue à perpétuer, et dont il dépend toujours.

La race doit donc être considérée comme un être permanent, affranchi du temps. Cet être permanent est composé non seulement des individus vivants qui le constituent à un moment donné, mais aussi de la longue série des morts qui furent ses ancêtres. Pour comprendre la vraie signification de la race, il faut la prolonger à la fois dans le passé et dans l’avenir. Infiniment plus nombreux que les vivants, les morts sont aussi infiniment plus puissants qu’eux. Ils régissent l’immense domaine de l’inconscient, cet invisible domaine qui tient sous son empire toutes les manifestations de l’intelligence et du caractère. C’est par ses morts, beaucoup plus que par ses vivants, qu’un peuple est conduit. C’est par eux seuls qu’une race est fondée. Siècle après siècle, ils ont créé nos idées et nos sentiments, et par conséquent tous les mobiles de notre conduite. Les générations éteintes ne nous imposent pas seulement leur constitution physique; elles nous imposent aussi leurs pensées. Les morts sont les seuls maîtres indiscutés des vivants. Nous portons le poids de leurs fautes, nous recevons la récompense de leurs vertus.

La formation de la constitution mentale d’un peuple ne demande pas, comme la création des espèces animales, ces âges géologiques dont l’immense durée échappe à tous nos calculs. Elle exige cependant un temps assez long. Pour créer dans un peuple comme le nôtre, et cela à un degré assez faible encore, cette communauté de sentiments et de pensées qui forme son âme, il a fallu plus de dix siècles 1. L’œuvre la plus importante peut être de notre Révolution a été d'activer cette formation en finissant à peu près de briser les petites nationalités : Picards, Flamands, Bourguignons. Gascons, Bretons, Provençaux, etc., entre lesquelles la France était divisée jadis. Il s’en faut, certes, que l’unification soit complète, et c’est surtout parce que nous sommes composés de races trop diverses, et ayant par conséquent des idées et des sentiments trop différents, que nous sommes victimes de dissensions que des peuples plus homogènes, tels que les Anglais, ne connaissent pas. Chez ces derniers, le Saxon, le Normand, l’ancien Breton ont fini par former, en se fusionnant, un type très homogène, et par conséquent tout est homogène dans la conduite. Grâce à cette fusion, ils ont fini par acquérir solidement ces trois bases fondamentales de l’âme d’un peuple : des sentiments communs, des intérêts communs, des croyances communes. Quand une nation en est arrivée là, il y a accord instinctif de tous ses membres sur toutes les grandes questions, et les dissentiments sérieux ne naissent plus dans son sein.

Cette communauté de sentiments, d’idées, de croyances et d’intérêts, créée par de lentes accumulations héréditaires, donne à la constitution mentale d’un peuple une grande identité et une grande fixité. Elle assure du même coup à ce peuple une immense puissance. Elle a fait la grandeur de Rome dans l’antiquité, celle des Anglais de nos jours. Dès qu’elle disparaît, les peuples se désagrègent. Le rôle de Rome fut fini quand elle ne la posséda plus.

Il a toujours plus ou moins existé chez tous les peuples et à tous les âges, ce réseau de sentiments, d’idées, de traditions et de croyances héréditaires qui forme l’âme d’une collectivité d’hommes, mais son extension progressive s’est faite d’une façon très lente. Restreinte d’abord à la famille et graduellement propagée au village, à la cité, à la province, l’âme collective ne s’est étendue à tous les habitants d’un pays qu’à une époque assez moderne. C’est alors seulement qu’est née la notion de patrie telle que nous la comprenons aujourd’hui. Elle n’est possible que lorsqu’une âme nationale est formée. Les Grecs ne s’élevèrent jamais au delà de la notion de cité, et leurs cités restèrent toujours en guerre parce qu’elles étaient en réalité très étrangères l’une à l’autre. L’Inde, depuis 2000 ans, n’a connu d’autre unité que le village, et c’est pourquoi depuis 2000 ans, elle a toujours vécu sous des maîtres étrangers dont les empires éphémères se sont écroulés avec autant de facilité qu'ils s’étaient formés.

Très faible au point de vue de la puissance militaire, la conception de la cité comme patrie exclusive a toujours, au contraire, été très forte au point de vue du développement de la civilisation. Moins grande que l’âme de la patrie, l’âme de la cité fut parfois plus féconde. Athènes dans l’antiquité, Florence et Venise au moyen âge nous montrent le degré de civilisation auquel de petites agglomérations d’hommes peuvent atteindre.

Lorsque les petites cités ou les petites provinces ont vécu pendant longtemps d’une vie indépendante, elles finissent par posséder une âme si stable que sa fusion avec celles de cités et de provinces voisines, pour former une âme nationale, devient presque impossible. Une telle fusion, alors même qu’elle peut se produire, c’est-à-dire lorsque les éléments mis en présence ne sont pas trop dissemblables, n’est jamais l’œuvre d’un jour, mais seulement celle des siècles. Il faut des Richelieu et des Bismarck pour achever une telle œuvre, mais ils ne l’achèvent que lorsqu’elle est élaborée depuis longtemps. Un pays peut bien, comme l’Italie, arriver brusquement, par suite de circonstances exceptionnelles, à former un seul État, mais ce serait une erreur de croire qu’il acquiert du même coup pour cela une âme nationale. Je vois bien en Italie des Piémontais, des Siciliens, des Vénitiens, des Romains, etc., je n’y vois pas encore des Italiens.

Quelle que soit aujourd’hui la race considérée, qu’elle soit homogène, ou ne le soit pas, par le fait seul qu’elle est civilisée et entrée depuis longtemps dans l’histoire, il faut toujours la considérer comme une race artificielle et non comme une race naturelle. De races naturelles, on n’en trouverait guère actuellement que chez les -sauvages. Ce n’est plus que chez eux qu’on peut observer des peuples purs de tout mélange. La plupart des races civilisées ne sont aujourd’hui que des races historiques.

Nous n’avons pas à nous préoccuper maintenant des origines des races. Qu’elles aient été formées par la nature ou par l’histoire, il n’importe. Ce qui nous intéresse, ce sont leurs caractères tels qu’un long passé les a constitués. Maintenus pendant des siècles par les mêmes conditions d’existence et accumulés par l’hérédité, ces caractères ont fini par acquérir une grande fixité et par déterminer le type de chaque peuple.

CHAPITRE II

LIMITES DE VARIABILITÉ DU CARACTÈRE DES RACES

La variabilité du caractère des races, et non sa fixité, constitue la règle apparente. - Raisons de cette apparence. - Invariabilité des caractères fondamentaux et variabilité des caractères secondaires. - Assimilation des caractères psychologiques aux caractères irréductibles et aux caractères modifiables des espèces animales. - Le milieu, les circonstances, l’éducation agissent seulement sur les caractères psychologiques accessoires. - Les possibilités de caractère. - Exemples fournis par diverses époques. - Les hommes de la Terreur. Ce qu'ils fussent devenus à d'autres époques. - Comment malgré les révolutions persistent les caractères nationaux. Exemples divers. - Conclusion.

Ce n’est qu'en étudiant avec soin l’évolution des civilisations qu’on constate la fixité de la constitution mentale des races. Au premier abord, c’est la variabilité et non la fixité qui semble la règle générale. L’histoire des peuples pourrait faire supposer en effet que leur âme subit parfois des transformations très rapides et très grandes. Ne semble-t-il pas, par exemple, qu’il y ait une différence considérable entre le caractère d’un Anglais du temps de Cromwell et celui d’un Anglais moderne? L’Italien actuel, circonspect et subtil, ne paraît-il pas fort différent de l'Italien impulsif et féroce que nous décrit dans ses Mémoires Benvenuto Cellini ? Sans aller si loin, et en nous bornant à la France, que de changements apparents dans le caractère en un petit nombre de siècles, et parfois même d’années ! Quel est l’historien qui n’ait pas noté les différences du caractère national entre le XVIIe et le XVIIIesiècle ? et, de nos jours, ne semble-t-il pas qu’il y ait un monde entre le caractère de nos farouches conventionnels et celui des dociles esclaves de Napoléon ? C’étaient pourtant les mêmes hommes, et, en quelques années, ils semblent avoir entièrement changé.