Ludothèque 18 : Celeste - Valentin Chauvin - E-Book

Ludothèque 18 : Celeste E-Book

Valentin Chauvin

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Beschreibung

Créer un jeu est un processus long et difficile, encore plus pour une équipe restreinte comme il est souvent le cas pour les jeux indépendants. Cela implique des sacrifices, sans que jamais ne soit certaine la moindre réussite. Un pari hautement risqué, sur les plans humain et financier. Derrière chaque jeu vidéo indépendant se trouve une histoire, à échelle humaine. Celle de Celeste est avant tout celle des personnes qui ont permis à ce jeu d’exister, qui y ont laissé une part d’elles-mêmes à travers ses graphismes, son scénario, sa musique et son gameplay. Elle est riche des expériences, des choix, des erreurs, des réussites, des hasards et des épreuves qu’ont connus ses créateurs et créatrices bien avant l’écriture de sa première ligne de code. Aussi personnelle qu’universelle, l’essence de Celeste, qui précède son existence – n’en déplaise à Jean-Paul Sartre –, est ce qui rend ce jeu unique. Elle est la somme des histoires de Maddy Thorson, Noel Berry, Lena Raine, Amora Bettany, Pedro Medeiros, et toutes les personnes qui ont participé à sa création. 

Ce livre est un mélange de ces histoires humaines, ainsi que de leur lien avec les différents degrés de lecture de Celeste qui se déploient au travers d’une forme narrative d’une intelligence rare. Autant d’éléments qui ont abouti à la réussite méritée d’un titre créé par une bande d’amis attachants, imparfaits, passionnés, mais surtout incroyablement humains.

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Couverture

Page de titre

Avant-propos

Créer un jeu est un processus long et difficile, encore plus pour une équipe restreinte comme il est souvent le cas pour les jeux indépendants. Cela implique des sacrifices, sans que jamais ne soit certaine la moindre réussite. Un pari hautement risqué, sur les plans humain et financier.

Derrière chaque jeu vidéo indépendant se trouve une histoire, à échelle humaine. Celle de Celeste est avant tout celle des personnes qui ont permis à ce jeu d’exister, qui y ont laissé une part d’elles-mêmes à travers ses graphismes, son scénario, sa musique et son gameplay. Elle est riche des expériences, des choix, des erreurs, des réussites, des hasards et des épreuves qu’ont connus ses créateurs et créatrices bien avant l’écriture de sa première ligne de code. Aussi personnelle qu’universelle, l’essence de Celeste, qui précède son existence – n’en déplaise à Jean-Paul Sartre –, est ce qui rend ce jeu unique. Elle est la somme des histoires de Maddy Thorson, Noel Berry, Lena Raine, Amora Bettany, Pedro Medeiros, et toutes les personnes qui ont participé à sa création.

Ce livre est un mélange de ces histoires humaines, ainsi que de leur lien avec les différents degrés de lecture de Celeste qui se déploient au travers d’une forme narrative d’une intelligence rare. Autant d’éléments qui ont abouti à la réussite méritée d’un titre créé par une bande d’amis attachants, imparfaits, passionnés, mais surtout incroyablement humains.

L’auteur : Valentin Chauvin

Médecin généraliste de profession, Valentin Chauvin est passionné de jeux vidéo depuis l’enfance. Sous le pseudonyme Rifampicine, il réalise depuis 2017 le podcast Tomberry Musical, dédié aux jeux vidéo et à leur bande-son. Il est l’auteur du Ludothèque 12 consacré à Portal.

CELESTE

LUDOTHEQUE 18

Chapitre premier - Création

Une Communauté et Deux Tours

Maddy Thorson, née en 1988 au Canada, tombe dans le jeu vidéo avec Super Mario Bros. avant que, quelques années plus tard, son amour des jeux de plateforme se développe grâce à des titres tels que Super Mario Bros. 3, Donkey Kong Country 2 ou Yoshi’s Island. Maddy est fascinée par l’expérience de gameplay que ces derniers lui proposent. Au milieu des années 1990, son attrait pour le level design la décide à créer ses propres niveaux, crayon en main, jusqu’à en remplir des cahiers entiers. Il lui est néanmoins impossible de faire jouer qui que ce soit à ses créations sur papier.

Pour combler ce manque, sa mère lui offre, pour ses 14 ans, le logiciel Game Maker, conçu pour permettre la création de jeux sans connaissance en programmation. Désormais, Maddy peut façonner des niveaux et des jeux dans un format jouable et distribuable. Surtout, les portes de la communauté de Game Maker s’ouvrent à elle. Des forums débordant de gens qui, avec la même passion qu’elle, échangent conseils et idées. Parmi eux, Edmund McMillen, futur créateur de Super Meat Boy et The Binding of Isaac, qui est particulièrement admiratif devant l’un des premiers jeux de Maddy, Jumper.

Maddy n’a que 16 ans quand elle crée Jumper, un « jeu de plateforme très difficile » comme l’indique sa description, où l’on incarne Ogmo, un carré rouge, avec de tout petits bras et dont le visage est composé de trois carrés noirs en guise d’yeux et de bouche. Le jeu n’est pas très long, mais sa difficulté annoncée n’est pas mensongère. Ogmo possède un double saut, pouvant s’apparenter à un dash1, rechargeable une fois au sol ou par des bonus à collecter en l’air – des idées de gameplay que l’on retrouvera dans Celeste. Jumper fait forte impression auprès de la communauté de Game Maker, à tel point que, six ans plus tard, Edmund McMillen fera d’Ogmo un personnage jouable dans Super Meat Boy.

Les mois passent et Maddy poursuit sa boulimie créatrice avec de nombreux jeux, révélant une courbe de progression et d’apprentissage impressionnante. Parmi ces titres, j’attire votre attention sur Hold Off Red, sa première œuvre à s’éloigner du genre de la plateforme. Il s’agit d’un jeu de tir où l’on contrôle un cœur, immobile au centre de l’écran, tirant sur ses ennemis avant qu’ils ne l’atteignent. La métaphore peut paraître simpliste, mais au travers de Hold Off Red, on perçoit les prémices de l’utilisation du média vidéoludique par Maddy pour exprimer des émotions par le gameplay.

En 2009, Maddy s’inscrit à la seizième édition de la Ludum Dare2, une compétition se déroulant sur quarante-huit heures3, où les participants ont donc deux jours pour créer un jeu selon un sujet imposé. Ces 28 et 29 août 2009, Maddy conçoit Broken Cave Robot à partir du thème « Cavernes ». Le concept est simple : il faut explorer une grotte en contrôlant un robot dont la batterie est en fin de vie, ce qui ne laisse que quelques minutes pour cartographier un maximum de terrain avant de devoir recommencer depuis le point de départ. À l’issue du concours, Maddy ne gagne pas. C’est Chevy Ray Johnston qui l’emporte avec son jeu Beacon. Ici, l’important tient à l’amitié qui se crée entre les deux concurrents.

Simultanément à ces créations, Maddy poursuit ses études à l’université, en science informatique. Ses étés sont occupés par un travail au sein d’Hermitworks Entertainment, un studio de développement. Une expérience qui lui révèle son désintérêt profond pour le travail en entreprise, même vidéoludique. Jusqu’à présent, elle se faisait un peu d’argent grâce à ses créations, par l’entremise d’un système de payement optionnel au téléchargement de ses jeux. Edmund McMillen vient alors vers elle avec une probable solution à son souhait d’indépendance financière : Adult Swim, une chaîne de télévision américaine appartenant au groupe WarnerMedia. Adult Swim possède un site Internet proposant de nombreux jeux au format flash4. Les développeurs peuvent dès lors proposer leurs créations qui, si elles sont retenues, trouvent une place sur le site contre rémunération. Maddy propose Give Up Robot, un plateformer très coloré, ambiance disco, où l’on doit gérer la physique d’un grappin. Après une réponse positive d’Adult Swim, le jeu devient en quelques semaines l’un des plus gros succès du site. L’expérience se poursuit, et Maddy commence en parallèle une colocation avec Chevy Ray Johnston. Les succès de ses jeux lui offrent pour la première fois une indépendance financière, et elle ne s’imagine pas un autre avenir que créatrice indépendante.

En 2012, elle s’inscrit avec Alec Holowka, un autre développeur indépendant, au Full Indie Game Jam5 de Vancouver. Ensemble, ils créent Archer, un jeu de plateforme et d’action zelda-like, où l’on élimine des ennemis en grimpant une tour. De retour à la maison, Maddy entreprend de recréer le jeu avec plus de temps et de moyens, dans l’idée de le proposer à Adult Swim. Les manettes s’échangent tour à tour sur le canapé entre Maddy, Chevy, Alec et Noel Berry, dernier arrivé dans la bande des jeunes créateurs. Très vite, Maddy pressent que ce jeu a un potentiel multijoueur non exploité et décide de rectifier cela. Son intuition se révèle exacte. Le brillant succès de ce nouveau mode de jeu finit même par éclipser totalement l’esprit solo. Le gameplay évolue ainsi que les ambitions de Maddy pour Archer, renommé entre-temps TowerFall. Le projet lui tient à cœur, bien plus que tous les autres auparavant. Les heures et les jours se suivent où elle ne quitte son ordinateur que pour partager des parties endiablées, dont le but est autant de s’amuser que de tester le jeu afin de l’améliorer. Son implication est telle qu’Alec prend du recul, la laissant seule aux manettes, tout en composant néanmoins le futur thème musical du jeu.

En octobre 2012, Maddy, Chevy, Noel et Alec emménagent ensemble à Richmond dans la banlieue de Vancouver. C’est le début de la Indie House6. Quelques semaines plus tard, Chevy présente Pedro Medeiros et Amora Bettany à Noel et Maddy. Ces deux Brésiliens sont les fondateurs de la société MiniBoss Studio, spécialisée dans la direction artistique. Après quelques échanges, ils sont immédiatement intéressés par le jeu et les idées graphiques de Maddy. Un personnage féminin en bleu, un personnage masculin en rose, d’autres en vert, aucun sexualisé… De l’aveu d’Amora, cela les changeait tellement de leurs commandes habituelles qu’ils ont accepté sans hésitation.

Mars 2013, le jeu s’approche de sa forme finale, et il est temps pour Maddy d’aller le présenter à la Game Developers Conference afin de démarcher de possibles éditeurs. Mais douze heures avant de décoller, elle se rend compte que son passeport est périmé, ce qui risque de poser un problème pour relier Vancouver et San Francisco. À la dernière minute, c’est Alec qui s’y colle et prépare ses bagages dans l’urgence pour ne pas louper l’échéance. À la suite de cette présentation, Maddy se voit offrir plusieurs propositions de portages et d’exclusivité. Parmi elles, une de Sony pour la Play-Station 3 et une autre pour une exclusivité de six mois sur Ouya, la toute nouvelle mini-console tournant sous Android, et dont débutent à peine les premières livraisons pour les contributeurs de sa campagne de financement participatif. Après réflexion, Maddy signe un contrat en faveur de la toute nouvelle mini-console. Deux raisons l’y ont poussée. La première est la crainte de voir son titre noyé dans l’interminable liste des jeux de la PlayStation 3, au contraire du catalogue de la Ouya, assez mince pour s’y faire une place. La seconde est issue d’un sentiment d’angoisse, par peur de ne pas produire un jeu méritant sa place sur la console numéro un du marché. Avec la Ouya, c’est une entrée en toute modestie et loin des projecteurs qu’elle s’offre sur le marché des consoles de salon, en cohérence avec elle-même, son travail et ce qu’elle est prête à gérer comme retour de la part du public.

TowerFall est développé sur une idée simple : créer un jeu facile d’accès et rapidement agréable à jouer pour que, lorsque l’on tend une manette à une personne timide, elle puisse prendre immédiatement du plaisir à jouer. Le 25 juin 2013, TowerFall sort sur Ouya au prix de quinze euros. Le titre étant purement multijoueur local, et la console n’étant fourni qu’avec une seule manette, il faut par conséquent débourser cinquante euros supplémentaires par manette, pour un maximum de quatre joueurs simultanés ; de quoi freiner les ventes. Malgré cela, sur le mois de sa sortie, TowerFall s’écoule à 7 000 exemplaires. Le jeu est un succès critique et, remis en perspective du nombre de personnes possédant une Ouya à cette période, une réussite en matière de ventes. Ces chiffres poussent Maddy à ne pas vouloir en rester là. TowerFall mérite d’être amélioré, poussé plus loin.

Peu de temps après la sortie du jeu, elle signe un contrat avec Sony et Steam pour une sortie sur PC et PlayStation 4 à la fin de l’exclusivité Ouya, et Tower-Fall devient TowerFall Ascension. Dans le même temps, George Broussard, coréalisateur de Duke Nukem 3D, a vent du projet et écrit à Maddy : « J’espère que tu es prête à devenir millionnaire, cela va arriver à coup sûr avec les sorties sur Steam et PlayStation 4. » La pression se fait plus forte, et Maddy tombe dans du surmenage, consacrant ses jours et ses nuits à TowerFall Ascension.

Le 10 mars 2014, la Indie House est pleine de vie, de bruit et de joie pour la sortie imminente de Tower-Fall Ascension et l’anniversaire de Chevy Ray Johnston, avec deux jours de retard. Dès les premières heures, les courbes des ventes sont impressionnantes. Mais sur Steam, de nombreux utilisateurs se plaignent que le jeu ne contient pas de mode en ligne. Maddy n’avait pourtant jamais évoqué cette possibilité et croyait que la communication avait été claire sur ce point. Ces retours négatifs l’affectent fortement, malgré le fait que la grande majorité des critiques soient positives, voire dithyrambiques. Dès la fin du premier mois, TowerFall Ascension a rapporté plus de 500 000 dollars à son équipe.

Dans la Indie House, en dépit des craintes de changement avec ce nouveau statut pour Maddy, peu de choses évoluent, si ce n’est, selon les colocataires, l’achat d’un nouveau téléphone portable par Maddy !

Les Essais de Montagne

Les mois passent, et la Indie House se modifie. Alec s’en va et Greg Lobanov est accueilli comme nouveau colocataire. La maison se révèle plus que jamais le foyer d’une synergie créative indépendante. Noel Berry commence à travailler sur Skytorn, un metroidvania dont la partie artistique est chapeautée par l’équipe de MiniBoss Studio, Chevy Ray Johnston crée son propre moteur de jeu qui lui servira pour Ikenfell, Greg Lobanov, qui vient de terminer un road trip à vélo aux États-Unis, se lance dans le projet Wandersong, et Maddy continue d’améliorer et de peaufiner TowerFall Ascension.