Ma bonne étoile - Julie Tougne - E-Book

Ma bonne étoile E-Book

Julie Tougne

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Beschreibung

Marina est au sommet de sa carrière. Tout lui réussit, et pourtant…un mystérieux objet va l’entraîner dans un voyage intérieur dont elle ressortira transformée. Une bonne étoile veille sur elle…

Note de l’auteur : Quand on regarde de vieilles photos, on pense parfois « Ah, c’était une autre vie… ». Mais comment passe-t-on d’une vie à une autre ? Ayant récemment dit au revoir à ma vie d’expatriée, c’est une question que je me suis posée. Elle sera le fil conducteur de ce livre.

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Julie TOUGNE

MA BONNE ÉTOILE

Roman

I

⸺ Merci beaucoup ! Je vous le promets, j’en prendrai soin.

Marina remercia le jeune homme qui venait de lui louer le studio. Trouvé grâce à un site internet, elle avait préféré ce 20m² à une chambre d’hôtel qui, elle en était sûre, lui aurait coûté un bras. Vu sa profession, elle ne pouvait pas se le permettre. Son séjour à New York devait durer plusieurs semaines, mais ne sachant pas exactement quand elle reviendrait en France, elle venait de régler deux mois de loyer à l’avance. Loin d’être des vacances, le temps qu’elle passerait ici ne serait pas qu’une partie de plaisir.

En refermant la porte, Marina poussa un soupir de soulagement. Les sept heures de vol ajoutées au trajet en taxi et à l’attente du propriétaire l’avaient éreintée.

Bon, ça n’est pas le grand luxe, mais au moins ici, j’aurai la paix.

Malgré sa modeste taille, l’appartement comprenait l’essentiel pour vivre. Tout en longueur, il s’ouvrait sur une pièce à vivre comptant un large canapé beige convertible qui prenait un tiers de l’espace, une petite table collée au mur et une chaise en formica jaune qui serviraient pour les repas frugaux de Marina. L’air sentait la peinture fraîche et le renouveau. Attenante à ce salon, une kitchenette intégrait deux plaques de cuisson et micro-onde, dont Marina savait déjà qu’elle n’en aurait aucune utilité tant son programme serait chargé. L’agencement ordonné dont le superflu était banni lui rappelait son premier mouchoir de poche à Paris…mais ce sont souvent dans les plus petites surfaces que les grandes idées naissent. La raison est d’une simplicité évidente : il n’y a rien d’autre à faire.

Une minuscule salle de bain se trouvait au fond de l’appartement. Dans sa courte exploration, Marina se dit que le régime strict que lui incombait sa profession avait ses avantages. Vu la taille de la douche, se mouvoir aurait été difficile avec quelques kilos en trop. Chaque centimètre carré avait été savamment étudié pour ne laisser aucune place à l’accessoire. Heureusement, le maigre gabarit du studio contrastait avec son charme, dont les moulures et la décoration étaient très délicates.

À droite de la table à manger, une belle cheminée en marbre blanc meublait le coin. De style Louis XVI, elle était entièrement sculptée de bouquets de fleurs et rubans, soutenus par un cartouche au centre et bordé de rangs de perles. Les jambages à enroulements étaient ornés dans leur partie haute de grandes feuilles de chêne et creusés de canaux décorés de billes nacrées. Le royal chauffage était pourtant condamné, ce qui en ce mois de juin ne causait pas grands maux à la locataire. Dans cette ancienne maison bourgeoise, cette cheminée était un des derniers vestiges d’une vie de rentier d’autrefois, du temps où les logements n’étaient pas divisés par souci de rentabilité. Un grand miroir tout aussi beau surplombait l’ensemble, créant l’illusion d’un espace plus grand…et ça, ce n’était pas du luxe.

Je suis quand même chanceuse, pensa Marina, satisfaite d’être tombée sur une pépite de rêve dans la ville qui ne dort jamais.

Elle était arrivée tôt ce matin de l’Hexagone. Ainsi, elle aurait le temps de s’installer et d’aller jeter un coup d’œil à ce qui serait son deuxième studio. Elle déballa ses affaires et prépara son sac à dos avant de quitter son nouveau lieu de vie.

Situé au Sud-Ouest de l’île de Manhattan, le Greenwhich village avait le pittoresque des vieux quartiers et l’allure bohème des vies d’artistes. Quand on se baladait à l’ombre de ces rues bordées d’arbres et de petits jardins légèrement surélevés, on aurait voulu se glisser dans ces demeures en grès rouges, où l’on imaginait une vie de famille riche en rires. Bulle rurale où les voisins s’appelaient encore par leur nom, c’était un bourg où le bonheur valait pourtant quelques millions de dollars…Dans ce dédale où les rues ne respectaient pas le tracé rectiligne du reste de la cité, l’argent avait l’odeur des roses de la campagne anglaise. On le humait au détour d’une balade en poussette avec décontraction et contentement. Rien ne semblait troubler le paisible décor, bouillon de culture et foyer artistique. Le village était aussi un berceau avant-gardiste et expérimental. L’air y était cru et authentique.  C’était un endroit où l’imagination avait encore sa place, où le style n’était pas à la mode et la contrefaçon était un crime. Artistes, antiquaires et créateurs se mélangeaient dans une fratrie bienveillante. Une enclave de charme et de calme où il était difficile d’imaginer que l’on se trouvait dans la grosse pomme… et la fourmilière du fruit défendu n’était qu’à une dizaine de mètres. 

Dans la rue, Marina ne laissait personne indifférent. À chaque carrefour, les passants se retournaient pour apercevoir cette beauté classique. Telle une apparition sortant du brouillard, sa démarche chaloupée faisait vibrer la brume matinale à chacun de ses pas. Les fines particules d’eau laissaient filtrer la lumière qui se reflétait sur son visage fuselé. Sa peau d’une blancheur nacrée avait la transparence des plus délicates porcelaines et son regard de braise froide pouvait vous cuire ou vous faire fondre… Elle avançait d’une foulée rapide, où chaque mouvement était contrôlé, chaque geste maîtrisé, mécanique parfaitement huilée. Elle avait l’habitude de la jungle Newyorkaise et se repérait vite. Si elle avait été vêtue de noir, on l’aurait confondue avec une panthère. Loin d’être apprivoisé, le fauve en elle se défoulait chaque jour sur son terrain de chasse favori… la scène. Mais alors que l’on aurait pu découper les contours de son aura dans le ciel, Marina disparut en un éclair, et coula dans les entrailles de la ville.

Dans le métro, elle jeta un bref coup d’œil sur le réseau                « Underground ». La ligne était directe, ce qui rendrait les futurs trajets faciles. Un quart d’heure séparait la Christopher Station du 66 St-Lincoln Center. En sortant de la ligne nº1, elle fit quelques pas avant de se retrouver devant le grand bâtiment qui allait l’accueillir cette saison.

Construit dans les années 1960, le Lincoln Center for the Performing Arts était un forum des arts rassemblant plusieurs compagnies artistiques. Opéra, orchestre philarmonique, cinéma, littérature…Ce campus culturel était un complexe d’industries à renommée mondiale, où seul un œil profane n’aurait pu s’incliner face à ces légendes de l’Histoire de l’Art. Le David H. Koch Theater, à l’architecture postmoderne, faisait partie de ces monuments. Un brin art déco, la bâtisse se creusait tel un gruyère en d’immenses arches rectangulaires, d’où d’imposants piliers semblaient soutenir le poids de l’institution qu’il abritait : le mythique théâtre du New York City Ballet.

Marina leva la tête, un peu impressionnée par ce mastodonte de culture dont la réputation n’était plus à faire, et tressaillit en détaillant l’affiche démesurée qui recouvrait une partie du bâtiment. C’était elle. Sur un fond bleu nuit, le visage tourné vers les cieux, la danseuse dévoilait ses muscles saillants dans une parfaite arabesque.  Son corps sculpté semblait se détacher des ténèbres dans une ligne aussi pure que spectaculaire, invitant le public à se joindre à la magie de la danse.

Je m’voyais déjà, en haut de l’affiche… chantonna-t-elle pour briser l’angoisse du défi qu’elle allait devoir relever. Plus qu’un spectacle inoubliable, sa prestation devait être féerique, à la hauteur de son statut : Etoile.

La chorégraphie qu’elle allait interpréter en héroïne passionnée était connue du plus grand nombre, ce qui rajoutait une pression supplémentaire. Le Lac des Cygnes, ici Swan Lake, était un ballet aussi éblouissant qu’émouvant, et aussi technique qu’immortel. La dernière fois que Marina l’avait dansé, c’était dans le corps de ballet de l’Opéra de Paris. Aujourd’hui dans le rôle principal de la princesse-cygne, elle devait redoubler d’application. Son jeu d’actrice autant que sa maîtrise devaient être impeccables.

Marina prit une grande inspiration. J’ai rarement été aussi excitée et stressée à la fois, pensa-t-elle en s’engouffrant dans l’entrée des artistes.

La perfection ne connaît pas de répit, et malgré la fatigue du voyage, il était impératif qu’elle s’entraîne.

Elle se dirigea vers la loge qui lui avait été attitrée pour l’occasion et s’y prépara. Le rituel n’avait que peu changé toutes ces années, et pourtant elle y portait la même attention. Particulièrement depuis son couronnement, l’à peu près était à sa danse ce que les pointes sont aux hommes, impensable. En tant qu’étoile, il fallait toujours montrer l’exemple, même pendant les répétitions. De la taille du chignon à l’obéissance face au professeur, elle devait agir en modèle pour toutes les ballerines.

Une fois prête, elle alla dans l’une des nombreuses salles de cours, laissant ses chaussons au bout renforcé dans son sac.

Pour son tout premier jour, elle se contenterait de suivre un échauffement classique sur demi-pointes à la barre et au milieu. L’institution qu’était le New York City Ballet donnait des cours toute la journée, elle se grefferait à l’un d’entre eux. Si face au public elle était une star, la soliste redevenait simple ballerine lors des entraînements.

Elle poussa la porte de la salle de répétition. Le cours n’avait pas encore commencé. Alors que certains élèves s’étiraient déjà en divers exercices de souplesse, son anxiété fut vite remplacée par une explosion de joie.

⸺ Pauline !! s’exclama-t-elle.

Son amie aux yeux et cheveux bruns lui sauta au cou en la voyant.

⸺ Marina, je suis tellement contente de te voir ! Comment vas- tu ? Tu viens d’arriver ? Tu as fait bon voyage ? Tu restes combien de temps ?

⸺ Tu n’as pas changé, une pile électrique ! Heureusement que la danse te permet de canaliser ton tempérament en énergie de grande danseuse…

⸺ Oh, tu me flattes ! On nous observe, tout le monde sait qui tu es ici, …la meilleure, il n’y a pas de doute ! Bon, tu me raconteras tout ça plus tard, auras-tu un peu de temps pour discuter ?

⸺ Je ne te garantis rien… passe dans ma loge après le cours, on papotera le temps que je me change.

⸺ Tu n’es pas drôle…mais ok, je prends chaque minute que tu voudras bien m’accorder ! dit Pauline, avec un enthousiasme presque enfantin.

⸺ Le professeur arrive, on parlera après, dit Marina dans un clin d’œil.

Pauline et Marina s’étaient rencontrées à Paris, alors qu’elles n’étaient que des petits rats.

Dans la discipline que leur infligeait l’Opéra, elles s’étaient trouvées une complicité et un soutien mutuel qui les aidaient à passer les épreuves et les nombreux examens que leur réservait la prestigieuse école. Dans les moments difficiles, Pauline avait un humour spontané qui amusait immanquablement son amie, et Marina avait la rigueur qui poussait Pauline à persévérer. Ensemble, elles se complétaient…mais la danse était un milieu où même les plus grandes amitiés étaient mises à rude épreuve. Chaque année, il fallait prouver ses capacités physiques et mentales pour espérer poursuivre son rêve. À l’âge de seize ans, alors qu’elles avaient toutes les deux réussi le concours pour intégrer le corps de Ballet de la compagnie, Marina s’était mise à remporter des prix.

Les années passaient et les reconnaissances pleuvaient. Puis, alors qu’elle était âgée déjà d’une vingtaine d’années, un chorégraphe de renom l’avait remarquée. Prise sous son aile, il l’avait fait progresser, passant successivement du rang de quadrille à celui de coryphée, sujet, et enfin première danseuse.  Le Graal n’était plus très loin. C’est dans l’hiver de ses vingt-cinq ans, à l’issue d’une éblouissante représentation de Casse-Noisette qu’on lui attribua la distinction suprême. Elle était aujourd’hui et à jamais, une étoile.

Les demandes des compagnies du monde entier avaient alors afflué. Les dix années qui suivirent furent riches en voyages, rencontres et émotions. Déjà 500 ans avant J.C, Confucius le prédisait…et oui, elle ne « travailla pas un seul jour de sa vie ».

Aussi forte technicienne que bonne actrice, elle dansa tous les plus grands rôles du répertoire classique. Aujourd’hui, à l’âge de trente-cinq ans, son parcours était sans faute. Sa vie était la danse, et la danse était sa vie. Ayant débuté à l’âge précoce de cinq ans, cela faisait déjà trente ans que son planning était rempli, sans la moindre place pour nul autre loisir… et encore moins pour une quelconque relation amoureuse.

Sa vie sentimentale était réduite au néant, mais elle pouvait toujours compter sur ses vieilles amies pour la soutenir et l’encourager. Pauline, qui n’avait pas eu le même destin que Marina, était de celles qui étaient fières du succès de ses amies, sans la moindre jalousie. « Chaque parcours et chaque vie sont différentes, lui avait-elle confié un jour, et mon bonheur est de t’avoir dans la mienne ». Marina aimait Pauline comme une petite sœur, quoiqu’elles aient le même âge. Le départ de Pauline aux Etats-Unis avait été un déchirement, mais leur amitié sincère ne connaissait pas de frontière. Toutes deux savaient intimement qu’elles se reverraient, et surtout qu’elles pourraient toujours compter l’une sur l’autre.

Les élèves applaudirent la fin du cours selon la tradition. Les deux amies se retrouvèrent dans la loge de Marina, pour se changer et se détendre.

⸺ C’est super que l’on danse ensemble ce ballet ! dit-Pauline, enjouée.

⸺ Oui, mais ça ne va pas être simple… il faut qu’on se serre les coudes !

⸺ Tu vas être parfaite, j’en suis certaine. Et dis-moi…Après la saison, tu repars sur Paris ? Qu’est-ce que tu vas faire ?

⸺ À ton avis ?

⸺ Danser, oui, je sais bien… mais ma vieille, on est plus toutes jeunes, il faut penser à l’avenir !

⸺ Plus toutes jeunes, parle pour toi ! Je me sens en pleine forme, se défendit Marina.

⸺ Oui, je ne doute pas, il faudra l’être pour danser Swan Lake…Non, je veux dire que d’ici quelques années, on va nous mettre à la porte… et on n’aura pas le choix.

⸺ Tu as raison… mais je t’avoue que tout ça me paraît tellement loin….

⸺ Je te dis juste : Penses-y !

⸺ Ah… comme toujours, tu sais comment planter la petite graine, toi, ria Marina. Allez, j’y vais, on se voit demain de toute manière.

⸺ À demain ma belle, dit Pauline en l’embrassant.

Sur le chemin du retour, Marina décida de faire un crochet jusqu’à Central Park, qui ne se trouvait qu’à deux rues du Lincoln Center. Elle adorait ce parc. En plein cœur de la ville foisonnante, cette gigantesque réserve abritait terrains de jeux, lacs et même une forêt. « Le poumon de New York », se plaisait-elle à dire. À peine passé les grilles, on avait l’impression d’être ailleurs, dans un autre monde. Les costumes gris de Wall Street faisaient place aux joggings, les amoureux s’enlaçaient, et les touristes se prenaient en photo sur les barques d’un lac en s’imaginant être les acteurs d’un grand film hollywoodien. Marina passa devant deux écureuils qui s’amusaient dans ce paysage bucolique. Une brise suave léchait ses joues. L’air sentait le vert et la terre humide. Elle se répétait les mots de Pauline. Elle ne voulait pas se l’avouer, mais il faudrait bien qu’un jour elle pense à sa reconversion. La pratique de la danse est tout aussi stricte quand il s’agissait de laisser partir ses étoiles. À quarante-deux ans exactement, le couperet tombait et l’Opéra de Paris se devait de congédier ses meilleurs danseurs. Même si elle gardait le titre toute sa vie, elle devrait faire ses adieux à la scène, aussi douée fût-elle. C’était la règle pour tout le monde. Une retraite anticipée, qui n’était pas toujours bien vécue par ces artistes qui avaient tant donné d’eux-mêmes. Alors que leur corps avait été contorsionné, distendu, maltraité pendant des années, ce soudain arrêt ne pouvait qu’être compensé par un mental d’acier. Tous n’y arrivaient pas. Si Marina pensait qu’elle pourrait surmonter le      « pourquoi » de cette transition, elle n’avait pas la moindre idée du « comment ». Et ces deux questions, inerrantes au quotidien de tout danseur, se devaient aussi d’être posées avant de commencer une autre vie. Sans enfant, sans amant, qu’allait-elle faire ?

Comme si elle espérait y trouver la réponse, elle leva les yeux au ciel. Les nuages avaient jauni, et la lumière d’un rouge orangé rassurant caressait les lilas qui parfumaient le vent. Le soleil allait bientôt se coucher. 

En ce début de soirée, Marina pensa que malgré tout, elle avait beaucoup de chance. Ce n’était jamais elle qui cherchait du travail, les plus illustres compagnies du monde entier s’en chargeaient en l’invitant et s’arrachant les contrats. Elle ferma les yeux un instant. Si sa réussite était flamboyante, elle espérait qu’il en serait de même pour sa vie d’après. Dans un vœu, elle pensa : « Je souhaite trouver ma voie, celle où je ne serai qu’une poussière d’étoile ». Alors qu’elle n’avait jamais prié de sa vie, elle se demanda à qui elle adressait sa requête. C’est en se levant pour rejoindre son appartement qu’elle se dit que seul un ange pourrait l’aider à lui enlever le poids de cette épée de Damoclès qui planait au-dessus d’elle.

II

Les répétitions se poursuivirent toute la semaine. La première n’était plus qu’à quelques jours. Un répétiteur avait été débauché pour s’occuper exclusivement de Marina. Véritable mémoire de la danse, il était chargé de lui enseigner son ensemble de soliste. Telle une comédienne récitant son texte avec ardeur et dévotion, la danseuse se muait progressivement en cygne. Etonnant acte que d’incarner quelqu’un que l’on n’est pas. Peut-être que tenter de se mettre dans la peau d’autrui permettait de mieux se connaître soi-même ?

Ils étaient maintenant à la veille de ce qui serait probablement un des plus grands succès de la saison. Alors qu’elle connaissait ses pas par cœur, le maître de ballet, ancien premier danseur, avait pris le relais et dirigeait les répétitions. Il était responsable de la réalisation globale de la chorégraphie.