Mangeurs et décharnés - Georges-Olivier Châteaureynaud - E-Book

Mangeurs et décharnés E-Book

Georges-Olivier Châteaureynaud

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Beschreibung

Le héros devient gratte-papier dans une vaste machine industrielle et, par la même occasion, un habitué du restaurant voisin : "Chez Euthyme". La serveuse y est charmante, accueillante et la chère savoureuse. Que demander de plus, sinon la raison des applaudissements nourris des autres convives à l’arrivée de son dessert, un succulent baba au rhum ?

Extrait : « Vers vingt heures, reposé, rafraîchi, je gagnai le restaurant. La salle de dimensions modestes était déserte, ce qui ne laissa pas de m’inquiéter tout d’abord. Je fus sur le point de rebrousser chemin, mais une serveuse s’avança vers moi et m’accueillit avec un sourire si engageant que je n’eus pas le cœur de lui tourner le dos. »

À PROPOS DE L'AUTEUR

Georges-Olivier Châteaureynaud est un auteur français de nouvelles et de romans, né en 1947. Son écriture fait la part belle à l’imagination et à l’écart que celle-ci creuse, peu à peu, avec la quotidienneté et son lot d’évidences. Il est l’auteur entre autres de La faculté des songes (prix Renaudot 1982).

À PROPOS DES ÉDITIONS LIBRE COURT

Libre Court propose des nouvelles et des histoires courtes à lire partout en moins d'une heure. Ces textes, signés par des auteurs reconnus, vous entraineront à la découverte de personnages attachants, percutants voire déroutants, portés par une écriture rythmée.

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Seitenzahl: 31

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Mangeurs et décharnés

Après les affres d’un licenciement sec, j’avais eu la chance de décrocher assez vite un emploi. J’avais dû déménager, mais je m’y étais résolu sans regret. Il aurait été difficile d’imaginer plus disponible que moi. Pour saisir le CDI inespéré qui m’était proposé, j’aurais accepté de partir à l’autre bout du monde. Quant au poste lui-même, j’exerçais déjà auparavant le métier de préparateur de commandes. Des nomenclatures à mémoriser, des bordereaux à traiter : il n’y avait rien là qui pût m’inquiéter.

Mon déménagement tint dans une simple fourgonnette. Je n’avais possédé que quelques bouts de bois, quelques hardes et quelques livres. J’en abandonnai l’essentiel dans une ivresse libératrice, peu soucieux d’encombrer du bric-à-brac de mon ancienne vie mon nouveau logement dans un immeuble neuf. J’emménageai un après-midi, au printemps. À quatre heures, j’étais dans mes meubles, réduits au strict minimum. Mon studio presque vide semblait d’autant plus spacieux. J’aimais le dépouillement des murs nus, la lumière qui les inondait à travers la fenêtre encore exempte de rideaux. Mon entrée en fonction était fixée au lendemain. Je profitai de cette fin d’après-midi pour reconnaître l’entrepôt où j’allais travailler, côté bureaux. Même à ce poste modeste, j’étais un col blanc. La matérialité des marchandises ne me concernait pas. Je n’aurais à connaître d’elles que leurs références et leur destination. Je me contentais, et même je me réjouissais de n’être qu’un infime rouage d’une vaste machine. Après le désarroi dans lequel m’avait laissé mon licenciement, j’avais rejoint la troupe des élus.

Sous ma fenêtre s’étendait une pelouse sans doute semée d’avant-hier et tondue de la veille… Tout concourait à m’inspirer le sentiment d’une seconde naissance. L’entrepôt se dressait en bordure du port. Je crus percevoir en le longeant un bruissement de ruche. J’eus un sourire de satisfaction : dès demain, moi aussi…

En revenant, je remarquai un restaurant dont les prix affichés sur une pancarte, en regard de photos de plats appétissants, me parurent abordables.

Vers vingt heures, reposé, rafraîchi, je gagnai le restaurant. La salle de dimensions modestes était déserte, ce qui ne laissa pas de m’inquiéter tout d’abord. Je fus sur le point de rebrousser chemin, mais une serveuse s’avança vers moi et m’accueillit avec un sourire si engageant que je n’eus pas le cœur de lui tourner le dos. Elle m’indiqua une table, bien située, en accentuant encore son sourire. Cette jeune femme était charmante, en chair et pourtant svelte, avec une épaisse chevelure d’un noir de jais, une peau très blanche, une bouche très rouge, et ce sourire qui venait s’ajouter à tous mes sujets de félicité du moment. Elle déposa la carte entre mes bras d’un geste presque tendre ! Ce traitement que j’étais tenté de croire de faveur ne fut pas loin de me bouleverser. Pour masquer mon trouble, je m’absorbai dans la lecture de la carte. J’optai pour une salade d’endives et de betteraves et une tranche de gigot-flageolets. Avec ça un pichet de Côtes-du-Rhône, et peut-être, pour finir, un baba. Je pouvais me le permettre. Cette pensée me réjouit, tandis que je la rapprochai de mes inquiétudes des dernières semaines. La serveuse revenue vers moi nota mes desiderata en se donnant l’air de les approuver personnellement. Je me carrai mieux sur mon siège et accordai au décor l’attention que je lui avais refusée jusqu’alors. Desserte, portemanteaux, chaises et tables de bois foncé, banquettes recouvertes de moleskine caramel, appliques et suspensions en cuivre, nappes et serviettes à carreaux rouges et blancs. Les radiateurs pour l’heure éteints devaient dispenser en temps voulu une agréable chaleur. Me projetant dans l’avenir, je me dis que j’en profiterais l’hiver venu.