Mémoires de Dolly Morton - Jean de Villiot - E-Book

Mémoires de Dolly Morton E-Book

Jean de Villiot

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Beschreibung

Le courage d'une jeune femme dans la lutte contre l'esclavage.

POUR UN PUBLIC AVERTI. Pendant la guerre de Sécession, la jeune Dolly voyage dans le Sud américain pour œuvrer au réseau de chemins de fer clandestins qui aidait les esclaves à s'enfuir. Capturée, réduite en captivité et condamnée sur la place publique, elle est forcée de devenir la maîtresse du propriétaire d'une plantation.

Un classique absolu qui dépeint la traite des êtres humains, les coups de fouet et les violences ayant précédé la guerre civile américaine.

EXTRAIT

Pendant l’été de 1866, peu après la signature du traité de paix qui termina la guerre de Sécession, j’habitais New-York, de retour d’une expédition de chasse et de pêche en Nouvelle-Écosse, attendant le paquebot qui devait me ramener à Liverpool.
J’avais alors trente ans à peine, j’étais robuste, bien portant ; encore avais-je une taille qui pouvait passer pour avantageuse près de six pieds !
Mon esprit aventureux et ma curiosité à l’endroit de ce qui m’était inconnu me poussèrent, durant mon séjour à New-York, à parcourir la cité en tous sens, explorant de préférence les plus vilains quartiers de la capitale du Nouveau Monde. Au cours de mes pérégrinations je fis des études de mœurs assez curieuses ; j’ai conservé soigneusement des notes qui, peut-être un jour, formeront la relation complète de mes aventures. Cependant, à titre d’essai, je détache cette page du livre de ma vie.
Un après-midi, vers cinq heures, j’étais entré à Central Park afin de m’y reposer un peu en fumant un cigare. Nous étions en pleine canicule ; le soleil déclinait vers l’ouest, éclatant encore de toute sa lumineuse splendeur dans un ciel d’un bleu cru. Oisif, je regardais indifféremment les promeneurs, lorsque mon attention fut attirée vers une jeune femme assise sur le banc près duquel je flânais ; elle était absorbée dans la lecture d’un livre qui paraissait l’intéresser vivement. Elle pouvait avoir vingt-cinq ans ; son visage, d’un ovale régulier, était charmant, et de sa physionomie se dégageait un caractère de douceur infinie.

À PROPOS DE L'AUTEUR

C'est sous le pseudonyme collectif de Jean de Villiot, qu'Hugues Rebell a signé Mémoires de Dolly Morton. Romancier et poète méconnu, Hugues Rebell (1867-1905) est souvent considéré comme un auteur érotique dont on ne retient généralement qu'un seul titre, Les nuits chaudes du Cap Français (1902), qui lui a valu le prix Nocturne en 1966 à titre posthume.

À PROPOS DE LA COLLECTION

Retrouvez les plus grands noms de la littérature érotique dans notre collection Grands classiques érotiques.
Autrefois poussés à la clandestinité et relégués dans « l'Enfer des bibliothèques », les auteurs de ces œuvres incontournables du genre sont aujourd'hui reconnus mondialement.
Du Marquis de Sade à Alphonse Momas et ses multiples pseudonymes, en passant par le lyrique Alfred de Musset ou la féministe Renée Dunan, les Grands classiques érotiques proposent un catalogue complet et varié qui contentera tant les novices que les connaisseurs.

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PRÉFACE

À nos lecteurs,

« La vérité, l’âpre Vérité, » s’est écrié Danton. Nous aussi, nous voulons la vérité, toute la vérité. Dussent quelques-uns en être froissés, nous la voulons surtout sur des sujets historiques qui nous paraissent avoir été le point de départ, sinon le motif, de la révolution qui s’est accomplie dans nos mœurs au cours de ce siècle. Nous ne vivons que par le souvenir, et, seule, l’Histoire peut évoquer à nouveau les heures qu’elle a vécues. Nous entreprenons donc ce livre avec la ferme conviction de faire œuvre utile en dévoilant des faits certainement ignorés de la masse du Public, faits qui nous semblent intéressants puisqu’ils sont intimement liés aux événements qui marquent l’évolution de notre civilisation moderne.

Il n’est pas absolument indispensable, quand on traite des matières quelque peu délicates et spéciales, de tomber dans la crudité, comme aussi il est possible de ne pas donner un tour de phrase pornographique des relations qui ne se rapportent qu’à des faits matériels, à des choses arrivées et qui, par conséquent, ne peuvent être que naturelles, car tout ce qui se passe sous le ciel ne peut être d’une autre essence. Un sentiment littéraire de mauvais aloi, une tartuferie affectée, sont mille fois plus méprisables et plus pernicieux que la bonne franchise et la liberté d’expression quand elles n’ont d’autre but que de mettre à nu, combattre, flageller, les vices des hommes.

Nous déclarerons d’abord franchement que la présente étude n’est pas écrite pour les enfants, grands ou petits, qui n’y verraient, ou plutôt ne voudraient y voir qu’un appel à une excitation malsaine, but duquel nous nous éloignerons sensiblement. Peut-être quelques-uns de nos lecteurs persisteront-ils quand même à trouver le mal là où il n’existe pas ; mais entre ceux-ci et nous, nous placerons le bon proverbe :

De gustibus et coloribus non disputandum.

À ces lecteurs nous recommanderons encore – et ils feront sagement de suivre notre conseil – de fermer vite ce livre, de le jeter loin, sans achever de le lire afin que leurs chastes pensées ne soient ainsi nullement troublées par cette lecture. Nous avons la prétention d’écrire pour les admirateurs du vrai, de la Nature, et rien n’est plus beau que la Nature, dans toute sa splendeur nue, quelquefois aussi dans toute sa hideur. Nous la décrivons telle qu’elle est, dépouillée de tous les voiles dont la pudibonderie exagérée se plait de la recouvrir.

***

On aurait tort de s’imaginer que l’usage de verges a été de tout temps un apanage des sectes religieuses ou autres et bon nombre de littérateurs ont, dans leurs œuvres, largement usé de la flagellation et s’en sont fait un sujet pour contenter une certaine catégorie de lecteurs… malades.

Nous le répétons, – et nous ne saurions trop le redire – nous n’avons nullement l’intention de mettre sous les yeux de personnes vicieuses, des scènes plus ou moins impudiques ; contre de pareilles peintures s’élèverait à bon droit la morale publique.

Ce genre de littérature est, d’ailleurs, réprouvé des honnêtes gens, et c’est pour ceux-là seuls que nous écrivons, et comme c’est aux lecteurs intelligents que nous nous adressons, nous voudrions que les autres se rassurent dans le cas où leur esprit maladif ne pourrait approuver un ouvrage qui, ne répondant pas à leurs goûts, ne saurait être, par cela même, un remède à leur état d’âme. Qu’ils le critiquent donc, en poussant leur cri de protestation au nom de la morale outragée. Nous serons entièrement satisfaits de leur feinte indignation.

C’est surtout d’Outre-Manche que nous arrive la fausse pudibonderie. Il existe en effet, quelque part, à Londres, une société dite de Vigilance Nationale (?) laquelle s’érige en juge de nos actions, de nos mœurs, de nos livres. Cette société, qui se figure que son action a moralisé complètement les mœurs britanniques, opère maintenant chez nous, couvrant de sa surveillance, comme d’une égide, la vertu d’Albion menacée par nos écrits.

Cependant, John Bull avoue parfois qu’il peut être un pécheur ; mais, alors, il explique l’accusation qu’il porte contre lui-même, en faisant remarquer avec hypocrisie, qu’il n’est pas loin d’être aussi mauvais que d’autres.

Les mœurs anglaises sont curieuses. Leur isolement, leurs habitudes monacales exaltent les passions en les concentrant. Un reste de puritanisme les aggrave.

Là règne cette dangereuse maxime qu’une austérité rigoureuse est la seule sauvegarde de la vertu. Le mot le plus innocent effraye ; le geste le plus naturel devient un attentat. Les sentiments, ainsi réprimés, ou s’étouffent ou éclatent d’une manière terrible. Tout pour le vice ou tout pour la vertu, point de milieu ; les caractères se complaisent dans l’extrême, et l’on voit naître des pruderies outrées et des monstres de licence ; il y a des dévotes qui craignent de prononcer le mot shirt (« chemise ») et des femmes hardies, montrant dans l’accomplissement de la faute suprême la plus douce sérénité.

La société de Vigilance Nationale n’a rien à faire avec notre livre. La pruderie légendaire de nos voisins doit nous préserver de ses démarches ; aussi, est-ce avec peine que nous avons vu le Parquet français donner suite à des dénonciations venues d’Outre-Manche. Si la justice française – dont le rôle est de se prononcer moins sur la forme que sur le fond de tout ouvrage incriminé – continue à prêter une oreille attentive et complaisante aux dénonciations hypocrites des puritains anglais, nous verrons bientôt ceux-ci s’abattre de nos librairies.

Ils en supprimeront tout ce qui ne leur conviendra pas, à moins que ce ne soit pour emporter et lire, quand ils seront seuls, ces pages défendues qu’ils sont les premiers à honnir… en public…

Et quand on songe aux livres qu’ils trouvent immoraux, on frémit à la pensée d’être bientôt obligé de se passer de lire autre chose que la Bible.

La Bible ! Ah ! Messieurs, entendons-nous ! Voilà un livre qui vous est cher et qui nous appartient aussi bien qu’à vous, mais nous avons pris la précaution de l’expurger, et si la lecture en est ennuyeuse, du moins ne présente-t-elle aucun danger, tandis que telle que vous l’avez traduite, nous n’en permettrions la lecture à nos enfants que lorsqu’ils pourraient justifier de leurs quarante-cinq ans !

C’est ici que se place une admirable page de la pré-face de la Chanson des Gueux :

La gauloiserie, les choses désignées par leur nom, la bonne franquette d’un style en manches de chemises, la gueulée populacière des termes propres n’ont jamais dépravé personne. Cela n’offre pas plus de dangers que le nu de la peinture et de la statuaire, lequel ne paraît sale qu’aux chercheurs de saleté.

Ce qui trouble l’imagination, ce qui éveille les curiosités, ce qui peut corrompre, ce n’est pas le marbre, c’est la feuille de vigne qu’on lui met, cette feuille de vigne qui raccroche les regards, cette feuille de vigne qui rend honteux et obscène ce que la nature a fait sacré.

Mon livre n’a pas de feuille de vigne et je m’en flatte. Tel quel, avec ses violences, ses impudeurs, son cynisme, il me paraît autrement moral que certains ouvrages, approuvés cependant par le bon goût, patronnés même par la vertu bourgeoise, mais où le libertinage passe sa tête de serpent tentateur entre les périodes fleuries, où l’odeur mondaine de lubin se marie à des relents de marée, où la poudre de riz qu’on vous jette aux yeux a le montant pimenté du diablotin, romans d’une corruption raffinée, d’une pourriture élégante, qui cachent des mozas vésicants sous leur style tempéré, aux fadeurs de cataplasme. La voilà, la littérature immorale ! C’est cette belle et honnête dame, fardée, maquillée, avec un livre de messe à la main, et dans ce livre des photographies obscènes, baissant les yeux les mieux faire en coulisses, serrant pudiquement les jambes pour jouer plus allègrement de la croupe, et portant au coin de la lèvre, en guise de mouche, une mouche cantharide. Mais, morbleu ! ce n’est pas la mienne, cette littérature !

La mienne est une brave et gaillarde fille, qui parle gras, je l’avoue, et qui gueule même, échevelée, un peu ivre, haute en couleur, dépoitraillée au grand air, salissant ses cottes hardies et ses pieds délurés dans la glu noire de la boue des faubourg ou dans l’or chaud des fumiers paysans, avec des jurons souvent, des hoquets parfois, des refrains d’argot, des gaietés de femme du peuple, et tout cela pour le plaisir de chanter, de rire, de vivre, sans arrière-pensée de luxure, non comme une mijaurée libidineuse qui laisse voir un bout de peau afin d’attiser les désirs d’un vieillard ou d’un galopin, mais bien comme une belle et robuste créature, qui n’a pas peur de montrer au soleil ses tétons gonflés de sève et son ventre auguste où resplendit déjà l’orgueil des maternités futures.

Par la nudité chaste, par la gloire de la nature, si cela est immoral, eh bien ! alors, vive l’immoralité ! Vive cette immoralité superbe et saine, que j’ai l’honneur de pratiquer après tant de génies devant qui l’humanité s’agenouille, après tous les autours anciens, après nos vieux maîtres français, après le roi Salomon lui-même, qui ne mâchait guère sa façon de dire, et dont le Cantique des cantiques, si admirable, lui vaudrait aujourd’hui un jugement à huis-clos.

***

Que pourrions-nous ajouter à ce qui précède ?

Nous tenions simplement à mettre le public d’amateurs et de bibliophiles, auquel nous nous adressons exclusivement, en garde contre les menées d’un petit nombre de faux apôtres qui ont la prétention – et peut-être la conviction – de nous empêcher d’exposer un sujet délicat, comme s’il n’était pas possible de le faire sans tomber dans l’obscénité.

Nous ferons précéder notre récit d’une explication destinée à éclairer le lecteur sur les pratiques en usage dans la flagellation des esclaves en Amérique, avant l’époque ou se passe notre action.

Ce sujet nous a semblé intéressant au plus haut point, c’est pourquoi nous n’hésitons pas à publier ces pages.

Jean de Villiot

PROLOGUE

Pendant l’été de 1866, peu après la signature du traité de paix qui termina la guerre de Sécession, j’habitais New York, de retour d’une expédition de chasse et de pêche enNouvelle-Écosse, attendant le paquebot qui devait me ramener à Liverpool.

J’avais alors trente ans à peine, j’étais robuste, bien portant ; encore avais-je une taille qui pouvait passer pour avantageuse près de six pieds !

Mon esprit aventureux et ma curiosité à l’endroit de ce qui m’était inconnu me poussèrent, durant mon séjour àNew York, à parcourir la cité en tous sens, explorant de préférence les plus vilains quartiers de la capitale du Nouveau Monde. Au cours de mes pérégrinations je fis des études de mœurs assez curieuses ; j’ai conservé soigneusement des notes qui, peut-être un jour, formeront la relation complète de mes aventures. Cependant, à titre d’essai, je détache cette page du livre de ma vie.

Un après-midi, vers cinq heures, j’étais entré à Central Park afin de m’y reposer un peu en fumant un cigare. Nous étions en pleine canicule ; le soleil déclinait vers l’ouest, éclatant encore de toute sa lumineuse splendeur dans un ciel d’un bleu cru. Oisif, je regardais indifféremment les promeneurs, lorsque mon attention fut attirée vers une jeune femme assise sur le banc près duquel je flânais ; elle était absorbée dans la lecture d’un livre qui paraissait l’intéresser vivement. Elle pouvait avoir vingt-cinq ans ; son visage, d’un ovale régulier, était charmant, et de sa physionomie se dégageait un caractère de douceur infinie. Ses cheveux châtain clair – suivant la mode de la coiffure féminine à cette époque – étaient relevés sur sa tête en un lourd chignon. Sa robe, très simple, quoique de coupe élégante, ses fines bottines et son maintien sérieux, tout en cette jeune femme indiquait une personne du meilleur monde. Je la regardais d’abord à la dérobée ; puis la fixais obstinément, comme si j’eusse voulu exercer sur cette belle étrangère un regard fascinateur. Un instant après, en effet, elle eut intuitivement conscience de cette force magnétique ; car, levant enfin les yeux, elle m’examina des pieds à la tête ; satisfaite sans doute d’une petite perquisition qui paraissait n’avoir rien de désobligeant pour moi, elle me sourit aimablement et me fit un signe discret. C’était évidemment une invitation à venir m’asseoir auprès d’elle. J’avoue que j’en fus tout d’abord on ne peut plus surpris : je ne croyais certes pas avoir affaire à une demi-mondaine.

Une conversation avec une jolie femme ne m’a jamais déplu ; c’est pourquoi j’acceptai sans façon la place que m’offrait à côte d’elle la jolie lectrice dont le corsage exhalait des parfums capiteux et singulièrement troublants.

D’un petit ai dégagé elle amorça la conversation. Mon inconnue parlait correctement, d’une voix très harmonieuse, à laquelle son accent américain ajoutait un charme infini.

Je la regardais encore. Elle était vraiment adorable : ses longs yeux bleus, visage un peu pale, le mignon retroussis de son nez et sa petite bouche joliment meublée de deux rangées de petites dents nacrées, tout cela m’attirait étrangement ; elle avait une loquacité de fauvette, babillant gentiment sur toutes choses, en employant des expressions gamines qui m’amusaient fort. Je pris alors la grande résolution non seulement de la reconduire jusqu’à sa porte, mais Dieu et mon porte-monnaie aidant, de me faire offrir une hospitalité toute écossaise. Après quelques instants d’une causerie devenue plus familière, je l’invitai à dîner, ce qui parut la charmer, car elle accepta incontinent, sans se faire prier.

Nous nous installâmes dans un restaurant où je commandai un dîner au champagne. La soirée s’acheva au théâtre et, la pièce terminée, je hélai un « hack » (voiture de place) et je reconduisis chez elle ma conquête qui, en route, m’apprit qu’elle s’appelait Dolly.

La maison qu’habitait Dolly était d’élégante apparence ; la porte nous fut ouverte par une quarteronne coquettement habillée qui nous introduisit dans un salon. Cette pièce, d’aspect honnête, était meublée avec un goût exquis ; le parquet était jonché d’épais tapis d’Orient ; des tentures de velours cramoisi pendaient aux portes ; tout était d’un confortable parfait.

Dolly m’invita à m’asseoir dans un large fauteuil, et, me priant de l’excuser, se relira dans la pièce voisine qui, ainsi que je fus à même de le savoir plus tard, était sa chambre à coucher. Elle revint au bout d’un instant drapée d’un grand peignoir blanc, orné de rubans bleus. Elle était chaussée de jolies sandales ; maintenant ses cheveux flottaient sur ses épaules et tombaient jusqu’aux reins.

Elle ne portait sous son peignoir – ainsi que je le vis ensuite – qu’une fine chemise garnie de dentelles et des bas de soie rose, attachés très haut au-dessus du genou par une jarretière de satin rouge. Sous ce vêtement d’intérieur, ma conquête était, au surplus, d’une esthétique qui eût fait rêver Michel-Ange lui-même : sa taille aux courbes accentuées s’élançait hardiment des hanches copieuses et souples et sa peau douce comme un velours, fine comme un satin, frissonnait au moindre baiser de l’air.

Le cerveau troublé par cette apparition, en proie à une fièvre inconnue dont je n’avais encore jamais ressenti les atteintes, fou d’amour, je me précipitai dans sa chambre…

Le lendemain matin, je m’éveillai vers huit heures et demie ; ma compagne dormait ; ses cheveux épars sur l’oreiller semblaient la nimber de vapeurs. Elle me parut encore plus belle, plus ravissante que la veille ; sous la clarté des lumières elle était ainsi adorable. Sa peau gardait une matité incomparable qui semblait lui donner le sommeil ; ses seins fermes et blancs comme des dômes neigeux s’agitaient doucement sous l’action de la respiration tranquille.

Cependant elle se réveilla. Ce fut pour moi une joie, comme ce me fut un embarras. Ébloui, je ne savais que lui dire et comme le sujet de la guerre était encore à l’état d’actualité, je lui demandai banalement qui, des Nordistes ou des Sudistes, avaient ses sympathies.

Elle vit mon trouble et ma gaucherie, et répondit :

— Je suis Nordiste, toutes mes sympathies vont donc à mes compatriotes et je suis profondément heureuse que les Sudistes aient été battus, l’esclavage aboli. C’était une atrocité et une honte pour notre pays.

— Mais, lui dis-je, si je men rapporte à ce que j’ai entendu dire, il est infiniment probable que les Nègres étaient plus heureux avant la guerre, quoique esclaves, qu’ils ne le sont maintenant en tant que citoyens libres.

— Oui, mais ils sont libres, et c’est là un grand point. Peu à peu, les choses s’arrangeront.

— On m’a affirme que les esclaves étaient généralement bien traités par leurs maîtres.

— Cela peut être exact, mais ils ne jouissaient d’aucune sécurité ; du jour au lendemain, vendus à des maîtres étrangers, le mari était séparé de la femme, la mère de l’enfant ; de plus, beaucoup de propriétaires traitaient ces malheureux avec la plus grande brutalité, les accablant de travail, les nourrissant plus mal que des chiens. Les filles et les femmes, mistis ou quarteronnes, ne pouvaient rester vertueuses, obligées qu’elles étaient de se plier au désir du maître, et si, par hasard, elles avaient la force de résister, elles étaient fouettées jusqu’au sang.

— Vous m’étonnez… J’avais bien entendu dire que ces pratiques barbares s’exerçaient contre des hommes, mais à l’égard des femmes…

— … Je ne me trompe pas, croyez-moi. Je connais à fond ce sujet ; j’ai vécu longtemps moi-même dans un État esclavagiste avant la guerre ; aussi ai-je pu étudier la question de très près.

— Les femmes étaient-elles souvent fouettées ?

— Je ne pense pas qu’il y ait eu une seule plantation où elles ne fussent punies de cette façon. Naturellement il y avait des maîtres plus mauvais que d’autres, mais ce qui, en tout cas, rendait la punition plus pénible, c’est qu’elle était toujours infligée par des hommes, et souvent devant une réunion d’hommes.

— Sur quelles parties du corps fouettait-on les femmes, demandais-je vivement intéressé, et avec quel instrument était infligé ce châtiment ?

— C’était presque toujours le derrière qui avait à supporter les coups. Quant aux instruments affectés à cet usage, les plus répandus étaient la baguette de noisetier, la courroie et la batte.

— La batte ?

— Oui, c’est un instrument de bois rond et plat, attaché à un long manche. On l’emploie toujours pour frapper sur le derrière. Chaque coup froisse les chairs, boursoufle la peau d’une large ampoule, mais le sang ne coule pas. La baguette au contraire cingle comme une cravache et, pour peu qu’elle soit appliquée rudement, elle incise ta peau et le sans jaillit. Il y avait encore un terrible instrument, qu’on appelait communément la peau-de-vache, mais on ne l’employait que sur les hommes.

— Vous êtes, en vérité, très au courant des différents supplices ; mais par quel hasard vous trouviez-vous dans un état esclavagiste ?

— J’aidais à tenir une station souterraine ; mais savez-vous ce que l’on entendait par là ?

Et comme je répondais négativement elle reprit :