Mi-figue Mi-raison - Intégrale - Fanny Dl - E-Book

Mi-figue Mi-raison - Intégrale E-Book

Fanny Dl

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Beschreibung

L'amour et la passion seront-ils plus forts que leurs différences ?

Emilie est indépendante et forte. De parents divorcés, l’amour n’a pour elle qu’une consonance tendre et hasardeuse. La cigarette, l’alcool, la fête, le travail, la vie de femme libre... Tout ça est bien plus ancré dans sa réalité que n’importe quoi d’autre. 
Mais un jour Emilie rencontre Sam. Beau, ténébreux au possible, qui ne boit pas, ne fume pas et ne commet aucun excès sauf celui d’être exagérément séduisant. Leur rencontre va tout changer en Emilie. Et peut-être en Sam aussi… Car malgré l’attirance indéniable qu’ils ressentent l’un pour l’autre, cette relation s’avère perdue d’avance. Tiraillés entre leur passion et leur raison, ils passent alors un accord très particulier…

Plongez sans plus attendre dans le premier tome de Mi-figue Mi-raison, une romance inspirée d'une histoire vraie, dans laquelle l'auteure raconte les difficultés d'un amour où s’entrechoquent les cultures.

EXTRAIT

"J’ai toujours pensé que les rencontres que nous faisions étaient le pur fruit du hasard. Qu’elles soient amicales ou amoureuses, bonnes ou mauvaises, elles ont inévitablement un impact sur notre avenir. Certaines sont tellement bénéfiques, qu’on souhaiterait qu’elles ne nous quittent jamais. Quand d’autres, à l’inverse, sont si nuisibles qu’elles peuvent détruire notre vie.
Moi, j’ai fait ces deux types de rencontres, mais avec une seule et même personne. Je n’aurais jamais imaginé qu’un unique être puisse changer notre perception des choses au point d’en modifier le déroulement de notre vie. Et pourtant… Je suis là ce soir."

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE 

"Je tire mon chapeau à l’auteure pour sa plume exceptionnelle mais surtout pour le travail qui se cache derrière cette histoire [...] Si vous aviez un doute à lire ce livre, croyez-moi, foncez. C’est sincère. Ce livre est mon coup de cœur et je ne sais pas quoi dire d’autre à part que en finissant de taper mon avis je vais directement me plonger dans le tome deux." - Maria, Les plumes ensorceleuses

"Mi-Figue, Mi-Raison, qui porte très bien son titre d'ailleurs, est une histoire réellement prenante et jusqu'à la dernière page j'ai appréhendé le dénouement. Je rappelle que cette histoire a réellement été vécue, donc tout pouvait arriver." - KellyAddictionLivresque, Babelio

"J'ai passé un bon moment de lecture grâce à ce récit qui change un peu de ce que nous pouvons lire habituellement : tout en douceur." - Gabrielle Viszs, Les chroniques Livresques

"Un résumé qui a su attiser ma curiosité. En effet, l'auteure aborde avec une grande adresse un sujet d'actualité très intéressant qui donne à réflexion… "Mi-figue Mi-raison" de Fanny D.L. fut une agréable surprise…" - monparadisdeslivres, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEURE

Titulaire d’un diplôme en psychologie, Fanny Dl écrit son premier livre en 2015. Sa meilleure amie d’enfance vivait une histoire d’amour atypique et à force de lui répéter qu’elle était digne d’un roman d’amour, elle a fini par se lancer dans cette incroyable aventure ! Elle écrit alors trois tomes intitulés Mi-figue Mi-raison. À partir de là, l’écriture a fait partie intégrante de sa vie et elle passe tout son temps libre à imaginer des histoires. Un autre roman sortira fin mars chez les Éditions Addictives et un autre en novembre chez Harlequin.

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Couverture

Tome 1 : Quand la raison est plus forte

Prologue

J’ai toujours pensé que les rencontres que nous faisions étaient le pur fruit du hasard. Qu’elles soient amicales ou amoureuses, bonnes ou mauvaises, elles ont inévitablement un impact sur notre avenir. Certaines sont tellement bénéfiques, qu’on souhaiterait qu’elles ne nous quittent jamais. Quand d’autres, à l’inverse, sont si nuisibles qu’elles peuvent détruire notre vie.

Moi, j’ai fait ces deux types de rencontres, mais avec une seule et même personne. Je n’aurais jamais imaginé qu’un unique être puisse changer notre perception des choses au point d’en modifier le déroulement de notre vie.

Et pourtant… Je suis là ce soir.

Je rallume une dernière cigarette avant de sortir de ma voiture. Malgré la tonne de nicotine que j’ai dans le sang, la peur ne diminue pas.

Quand j’ouvre la portière, je tremble davantage en sentant le vent glacial fouetter mon visage. Bon, il faut dire que je ne suis pas assez couverte pour la saison. Je porte une robe noire en satin avec une petite veste en cuir.

Lentement, je m’approche afin d’être dans son champ de vision et quand son regard finit par se poser sur ma personne, mon cœur rate un battement. Je reconnais bien son expression, à la fois surpris et complètement bouleversé. Et non, je n’ai pas réussi à l’oublier malgré tous mes efforts.

D’un coup de talon, j’écrase mon mégot au sol et prends une profonde inspiration.

Cette fois ça y est, je ne peux plus faire marche arrière. J’avance lentement vers lui en tentant désespérément d’empêcher mes larmes de couler.

Chapitre 1

Depuis toute petite, l’une des choses que j’aime faire le plus est de prendre le train. Sa rapidité, les paysages qui défilent à une telle vitesse, passant des innombrables cages à lapins des banlieues parisiennes aux prairies verdoyantes, j’adore voyager en train.

J’ai toujours l’impression de partir à l’aventure. Un peu comme lorsque j’entreprends une nouvelle relation avec un homme. Oui, je crois que les histoires d’amour sont comme les voyages en train. Que tous ces gens qui attendent sur le quai et flippent d’arriver en retard ont peur de ne pas pouvoir prendre la locomotive en route. De rater l’aventure.

Je crois que je fais aussi partie de ces gens et que prendre le train est pour moi une forme d’aventure. À défaut de vivre cette relation qui me fera voyager.

Voilà pourquoi je vais vivre le voyage d’amour d’une autre. Ma meilleure amie, Mina, se marie aujourd’hui. Dans son Ardèche natale.

Il fait beau et assez chaud pour un mois de mars, idéal pour un mariage. Même si je voyage très peu et que j’aime découvrir de nouveaux endroits, c’est à contrecœur que je suis montée dans le wagon ce matin. Avec la boule au ventre et un énorme sentiment d’hypocrisie.

Bien que je n’aie rien contre le mariage de façon générale, celui-ci m’exaspère tout particulièrement. Peut-être parce qu’il s’agit d’une de mes meilleures amies…

Je respecte et peux comprendre les personnes souhaitant s’unir, même si je trouve que c’est de l’argent jeté par les fenêtres. On n’arrête pas de dire que deux mariages sur trois finissent en divorce, alors pourquoi persister dans cette idée ? Selon moi, on peut être heureux en couple sans avoir obligatoirement à s’unir légalement.

Perdue dans mes pensées, j’envoie un message à mon amie, Fanny :

Je n’y arriverai pas.

De nous toutes, Fanny est celle qui arrive toujours à trouver les mots justes pour me calmer. Notre bande de trois copines serait bien en peine si nous venions à être séparées. Depuis nos dix ans que nous ne nous lâchons pas. Nous avons tout vécu ensemble, premiers amours, joies et peines d’adolescentes aux hormones en ébullition, premier pas de nos vies d’adultes… bref, tout.

Fanny me répond aussitôt :

Tu as bien fait de venir Emy, c’est notre meilleure amie et elle ne te l’aurait jamais pardonné. Elle a besoin de nous…

Dès son plus jeune âge, la vision de la famille parfaite, mariage, enfant et belle maison bien sûr, est son rêve le plus cher. Et c’est ce qu’elle a réalisé. Mon amie fêtera bientôt ses cinq ans de mariage avec un homme super, Dorian. À vingt-six ans, ils ont deux merveilleux enfants, Nathan, trois ans et Léa, un an, comme ils l’ont rêvé.

Mina avait exactement les mêmes rêves et elle souffrait beaucoup de ne pas avoir trouvé son prince charmant. Il y a deux ans au Napoli, notre restaurant préféré où nous passons nos soirées à discuter depuis le lycée, elle avait pleuré durant tout le repas, car elle était devenue une catherinette. Incroyable ! Je n’ai jamais réussi à comprendre cette obsession du mariage. Mais après tout, à chacun sa façon d’être heureux.

Non le problème, c’est qu’elle a rencontré son futur mari, Mehdi, il y a à peine six mois. Et voilà qu’ils décident de se marier !

Je ne crois pas au coup de foudre, encore moins au destin. Selon elle, c’est son « Dieu » qui aurait mis Medhi sur son chemin. Il est musulman tout comme elle.

Pour Mina, il était impossible de se marier avec quelqu’un qui ne partageait pas sa religion. Le fait d’épouser un Algérien a déjà été dur à accepter par sa famille. Mina est une jolie Marocaine qui a de nombreuses convictions et croyances. Tout l’inverse de moi. C’est ça qui est beau dans notre amitié, on s’aime malgré toutes nos différences.

Mais là, c’est plus fort que moi, j’ai trop peur pour son avenir ! Et si elle faisait une grosse connerie ? C’est vrai, elle le connaît à peine ce type. Et si c’était le genre d’homme autoritaire qui oblige sa femme à porter le voile et à ne plus travailler ? Il a parfois l’air tellement à fond dans la religion que ça en est flippant ! En plus, Mina nous a toujours dit qu’elle respecterait les désirs de son mari, même s’ils ne lui convenaient pas. Quelle aberration ! Je ne comprendrai jamais cette soumission au sexe opposé.

C’est vrai quoi, chacun est libre de faire ses propres choix, on est au XXIe siècle quand même ! Je ne comprends même pas que certaines personnes vivent encore de cette manière.

Voilà pourquoi j’avais pris la décision de ne pas venir à ce mariage, avant que Fanny ne me harcèle d’appels et de messages en me rappelant ses fameuses règles de l’amitié.

Fanny est le genre de fille toujours joyeuse et pétillante, avec des rêves pleins la tête, qui croit à l’amour et aux amitiés éternelles. J’adore sa positive attitude, mais là… elle ne se rend pas compte des risques que prend notre amie.

Étant elle-même très croyante, elle était présente au mariage religieux de la veille. Pas la peine de préciser qu’il était inconcevable pour moi d’y assister.

Je ne suis pas contre la religion, chacun croit en ce qu’il veut. Leur Dieu leur permet d’avoir de l’espoir et de se sentir mieux. J’ai vraiment du mal à imaginer qu’on puisse croire à de telles choses, mais si ça leur permet d’être plus heureux…

Non, ce n’est pas la religion en elle-même qui m’irrite autant, c’est leur style de vie. Prier cinq fois par jour, porter le voile, ne rien manger de la journée pendant un mois…

Quel est l’intérêt franchement ? Mais ce qui m’insupporte le plus, c’est la soumission de la femme. Alors ça, je ne l’accepterai jamais.

Mina sait que c’est un sujet délicat, qu’il vaut mieux éviter avec moi. D’ailleurs, le jour où elle nous a annoncé qu’elle se mariait et qu’elle porterait le voile à la volonté de son mari, nous nous sommes disputées. Je lui ai même dit que je ne voudrais plus la voir si elle acceptait une telle soumission. Bon OK, j’ai peut-être parlé trop vite, mais franchement, je ne comprends pas pourquoi les femmes doivent se cacher de la sorte.

Fanny me dit qu’on n’y est pas encore, mais aujourd’hui, c’est le début de tout, Mina va se marier !

***

Le taxi me dépose à l’entrée du magnifique gîte loué par la famille de Mina. Fanny me laisse à peine sortir de la voiture pour me sauter dessus.

— Oh, Emy, je suis tellement heureuse et soulagée que tu sois venue ! Tu m’as fait tellement peur…

— Je n’en sais rien je… je ne me sens pas à ma place, dis-je en secouant la tête. Tu sais que je n’approuve pas ce mariage. Je me sens hypocrite !

Sans répondre, mon amie soupire. Je me rapproche pour lui chuchoter à l’oreille :

— Et si c’était un extrémiste ?

— Emilie ! hurle-t-elle avant de regarder autour de nous, affolée. Arrête tout de suite ! Mina est amoureuse et c’est ce dont elle a toujours rêvé. Fais-lui confiance et sois heureuse pour elle, s’il te plaît.

J’acquiesce avec un petit sourire forcé pas convaincant du tout. Je n’arrête pas d’imaginer Mina dans quelques années, voilée, n’ayant aucune activité… prisonnière !

Nous sommes interrompues par la petite sœur de Mina.

— Ha, les filles, vous voilà, Mimi veut absolument vous voir avant la cérémonie. Elle vous attend dans sa chambre.

Je lève les yeux au ciel tandis que Fanny m’entraîne à l’intérieur.

En arrivant devant la chambre nuptiale, nous croisons la maquilleuse et la coiffeuse qui viennent de terminer leur travail. Elles ont l’air épuisées et énervées, ce qui nous provoque un regard complice et un petit rire étouffé avec Fanny. On sait que Mina à un sacré caractère et qu’elles ont dû passer une mauvaise matinée avec notre amie stressée.

Quand nous pénétrons dans sa chambre, les mains de Mina se portent à son visage. Quant à moi, j’ouvre grand la bouche. Elle est époustouflante ! Elle porte une belle robe blanche, cintrée au niveau de la taille puis bouffante au niveau des hanches. Une vraie princesse ! Ses longs cheveux noirs ondulés retombent jusqu’au bas de son dos. Elle nous fixe avec émotion en tentant de retenir ses larmes.

— Oh, vous êtes là !

Quand elle ouvre grand les bras, je me précipite vers elle sans réfléchir. Nous nous enlaçons et elle finit par fondre en larmes.

— Tout est parfait maintenant, sanglote-t-elle.

Sa joie semble contagieuse, car la sentir aussi heureuse m’apaise instantanément. J’attrape la main de Fanny, qui nous regarde tendrement et je lui chuchote « merci ».

— Prête ma beauté ?

Nous arrêtons notre séquence émotion quand le père de Mina fait son entrée. Elle se retourne vivement vers lui en souriant franchement.

— Oui, prête !

— Très bien, je vous attends en bas, annonce-t-il avant de sortir.

Je passe mes doigts sous les yeux de Mina pour effacer les traces de son mascara qui a légèrement coulé avec ses larmes.

— Ça va aller ?

— Oui, répond-elle. Je suis juste un peu stressée, mais c’est normal, non ? Je me marie aujourd’hui !

Nous rions nerveusement et nous nous enlaçons une dernière fois avant de quitter la pièce.

***

Une fois devant la mairie, je suis surprise par certains comportements. Plusieurs invités débarquent dans des voitures de luxe, les fenêtres grandes ouvertes et la musique à fond. Honteuse, je regarde certains passants assez surpris par tant de bruit.

Ça, c’est sûr, on ne passe pas inaperçu !

À l’intérieur, deux places nous attendent à la première rangée à côté des parents de Mina, étant donné que nous sommes demoiselles d’honneur. Pour l’occasion, je porte une longue robe rose pâle que Mina m’a forcée à acheter pour la cérémonie. Pas du tout mon style, mais encore une fois, j’ai voulu lui faire plaisir. Fanny porte la même robe que moi et elle en est ravie. Son enthousiasme me fera toujours autant sourire. Cette fille est l’incarnation du bonheur vivant.

Autour de moi, les gens sont émus au possible lors de l’échange des vœux. Tout le monde sauf moi. Malgré tous mes efforts, je n’arrive pas à ressentir de l’émotion dans un mariage. La seule chose que je ressens est la joie de voir mon amie si heureuse.

Une fois la cérémonie terminée, je me précipite pour la féliciter. Je l’embrasse assez rapidement, car une foule se crée derrière moi. Mais d’où sortent tous ces invités ? Je n’ai jamais vu un mariage avec autant de monde !

De retour au gîte, je suis déçue en me rappelant qu’il n’y aura pas une goutte d’alcool ce soir. Ce que j’aime le plus dans les cérémonies officielles, c’est l’alcool à volonté. C’est vrai quoi, un mariage sans champagne ce n’est pas vraiment un mariage !

Je passe la plupart de la journée avec Fanny et ses enfants. On ne connaît pas très bien les autres invités, à part la famille de Mina. Et je dois avouer que la plupart des gens ici ne m’inspirent pas du tout…

Nous passons ensuite aux photos, un moment particulier que j’ai beaucoup apprécié. En fait, c’était même le meilleur moment de la journée. Nous avons pris de nombreux clichés dans l’agréable jardin fleuri. Elles vont être magnifiques. Surtout celle de nous trois où nous tirons la langue.

Quand le soleil commence à se coucher, nous rentrons à l’intérieur. La salle est immense et trop décorée à mon goût. Il y a beaucoup de couleurs différentes et les tables sont surchargées d’objets tels que des bougies, des paillettes, des perles…

Je tente de faire abstraction de la séparation des hommes et des femmes pour le dîner. Je lève les yeux au ciel de désespoir. Heureusement, Mina nous avait prévenues de cette étape. Je lui avais demandé de quel droit les femmes ne pouvaient pas dîner à la même table que les hommes, mais à vrai dire, je n’ai pas vraiment écouté sa réponse.

Certains invités, notamment les plus jeunes, se réunissent à nouveau, après le repas. Nous applaudissons chaque changement de robe de Mina. Fanny et moi les connaissons déjà toutes par cœur, elle nous avait fait un défilé quelques semaines avant son mariage. Ce sont de magnifiques robes orientales. Pas mon genre certes, mais elles lui vont à ravir.

La piste de danse s’ouvre enfin et nous nous défoulons jusqu’à quatre heures du matin. Au moins, les invités savent s’amuser ! J’en oublie mon angoisse et partage la joie de mon amie. On dit que certains couples se forment lors d’un mariage, mais je perds tout espoir me concernant aujourd’hui. Ce n’est sûrement pas ce soir que je trouverai chaussure à mon pied !

À la fin de la soirée, nous sommes nombreux à dormir sur place, dans le gîte qui entoure la salle des fêtes.

***

Après quelques heures de sommeil bien méritées, nous nous rejoignons de nouveau dans la salle pour déjeuner.

Je n’avais pas vraiment prévu de tenue pour ce dimanche et je suis assez surprise de voir tout le monde bien apprêté en arrivant à table. Je m’assois à côté de Fanny et lui chuchote :

— Pourquoi tout le monde est habillé comme ça  ?

— Voyons Emy, c’est le troisième jour du mariage !

Merde c’est vrai, Mina nous en avait parlé. Je lève mes yeux fatigués vers la porte qui s’ouvre et tout le monde se met debout pour accueillir les jeunes mariés. Mina porte une belle robe orientale blanche et dorée. Waouh ! Je trouve ça un peu « trop », mais faut avouer qu’elle est sublime. Je baisse instinctivement les yeux vers ma tenue. Je porte un simple jean noir avec un petit haut beige.

Nous reprenons nos places quand la mère du marié arrive avec un énorme plat de couscous et je me frotte les mains en regardant Fanny.

— J’ai une faim de loup.

Mais quand elle ouvre le plat, je reste bouche bée en la voyant plonger ses mains dans la nourriture. Elle attrape un gros morceau de viande pour servir son fils et sa belle-fille.

Quelle horreur !

Écœurée, je me retourne vers Fanny qui pour la première fois depuis hier, n’arrive pas à cacher son étonnement et ouvre grand la bouche.

La belle-mère de Mina continue à servir les invités de cette manière. Tout le monde fait passer son assiette l’air de rien, comme si tout ça était tout à fait normal !

— Non, mais c’est quoi ce délire ? demandé-je tout bas.

— Euh… l’une de leurs traditions, je crois.

Fanny attrape mon assiette pour la faire passer en tentant de sourire.

— Allez, c’est bientôt fini, tente-t-elle de me rassurer.

Je ferme les yeux et soupire doucement. Il est hors de question que je mange quoi que ce soit ! Bon sang, il y a vraiment des coutumes bizarres…

Quand je rouvre les paupières, je me mets à observer Mina et Mehdi qui dévorent leurs plats en riant. Cette image me calme instantanément. Après tout, ils se ressemblent. Ils ont la même culture et les mêmes traditions. Je comprends mieux maintenant pourquoi elle voulait absolument quelqu’un qui partage ses croyances.

Qui d’autre accepterait tout ça ?

Chapitre 2

Après finalement un agréable week-end en province, retour à la réalité dès lundi matin. C’est, morte de fatigue, que j’arrive au travail, chez FMD, une grande société de distribution dans laquelle je m’occupe de la communication interne.

Je fais la même chose depuis la fin de mes études il y a trois ans et je commence sincèrement à m’ennuyer. J’attends désespérément une perspective d’évolution depuis quelques mois. En définitive, je ne peux me plaindre, mon patron est plutôt sympa et mes collègues très cool.

À peine installée à mon bureau, mon ami Mika, me mitraille de questions :

— Alors ton week-end ? Et ce mariage, comment c’était ? J’imagine que tu n’y as pas rencontré l’homme de ta vie ?

La fin de sa phrase se termine dans un grand éclat de rire.

— Très drôle Mika ! réponds-je en riant à mon tour. Non, ça s’est beaucoup mieux passé que je ne l’aurais imaginé. Mais attends… comment tu es au courant que j’y suis allée ? Vendredi soir, je t’ai pourtant dit que je n’y allais pas !

— Emy… Tout le monde sait que tu ferais tout pour tes deux amies ! Tu n’aurais jamais osé lui faire ça.

Je fais la moue, mais il a raison. Peut-être que c’est dur à imaginer, mais ces filles sont tout pour moi. Faut dire que personne d’autre ne partage ma vie. Personne d’important. Côté cœur, je vis échec sur échec. J’ai pourtant fait de nombreuses rencontres, mais jamais au point d’avoir une relation sérieuse.

Il y a eu cet homme l’année dernière. Pablo, un bel italien très possessif. Après une relation d’un an très conflictuelle, j’ai décidé d’y mettre fin. Je tenais à lui, mais je ne supportais pas sa jalousie maladive. Il fallait que je justifie mes soirées, mes appels d’amis masculins… un vrai cauchemar ! Je ne suis pas casanière, j’adore m’amuser, sortir et faire la fête. Tout l’inverse de Pablo. Rien ne collait entre nous, mais je voulais éviter une énième déception amoureuse, voilà pourquoi notre relation a autant duré. Je ne sais pas ce qui a été le plus dur, me rendre compte que les relations sérieuses n’étaient pas faites pour moi, ou décevoir ma famille. Je ne crois pas tellement au coup de foudre ni au grand amour, mais qui n’aurait pas envie de quelqu’un contre qui se réchauffer le soir devant la télé ou qui demanderait comment s’est passée la journée et sur qui on pourrait s’épancher ?

Essayant de me sortir ces idées de la tête, j’allume mon ordinateur et commence par consulter mes mails, comme tous les jours. Tiens, le nouveau responsable marketing vient d’arriver. J’espère qu’il est sympa, ce service est en étroite collaboration avec le mien. Sans perdre une minute de plus, je parcours rapidement tous mes mails avant de me mettre au travail.

J’ai une tonne de dossiers en cours et je ne dois pas finir trop tard ce soir. Il faut que je passe voir ma mère. Cela fait plus de deux semaines que je ne l’ai pas vue et je sais déjà à quoi m’attendre si j’ose annuler une fois de plus…

Chapitre 3

— Tu as l’air épuisée ! Alors, comment s’est passé le week-end ?

Tout en m’installant sur le canapé de maman, je lui raconte brièvement le mariage. Je suis coupée à chaque fin de phrase par ses soupirs plus qu’agaçants. Même si elle remarque ma frustration, elle n’arrive pas à se contenir et cacher son indignation. Il faut avouer que son image de la population arabe n’est pas très positive. Elle était d’ailleurs invitée, mais sans étonnement de ma part, elle a catégoriquement refusé. J’ai dû, bien évidemment, inventer une excuse à Mina. Je déteste mentir à mes amies, mais j’ai préféré ça plutôt que de faire passer ma mère pour une raciste, ce qu’à mon sens elle n’est pas.

Maman est une femme forte, devenue dure et terne depuis son divorce. J’avais à peine quinze ans quand mon père décida de partir avec une autre femme. Voilà donc déjà onze ans que je ne le vois plus.

Ma mère a eu beaucoup de mal à s’en remettre et n’a jamais permis qu’un autre homme entre dans sa vie.

Notre relation a toujours été très conflictuelle. Nous sommes rarement d’accord sur un sujet quelconque ou sérieux. Malgré tout, je l’aime et la respecte comme toute fille de bonne famille. C’est pourquoi je fais beaucoup d’effort et évite un maximum les sujets qui pourraient conduire à une dispute.

— Bon et sinon, rien d’autre à me raconter ? Toujours pas d’homme à me présenter ?

Quand on parle de sujet qui fâche…

— Non maman, réponds-je dans un soupir. Mais si ça devait arriver, tu serais la première au courant.

Elle ne comprend pas que je sois toujours célibataire à mon âge. Une fille aussi belle, rabâche-t-elle à chaque fois. Normal, je suis sa fille, donc la plus belle à ses yeux.

C’est drôle qu’elle veuille autant que je trouve quelqu’un, elle qui m’a toujours répété de ne jamais faire confiance à un homme. Tous des salauds ! scande-t-elle depuis le départ de papa.

En remarquant ma mauvaise humeur, Carole obtempère et se lève pour nous servir un apéritif. En voilà une bonne idée ! Je la remercie d’un sourire avant de savourer mon verre d’alcool, tant désiré tout le week-end.

— Bon et ton travail, comment ça se passe ? demande-t-elle enthousiaste.

— Toujours pareil.

Nos conversations sont de plus en plus dénuées d’intérêts. Je ne sais quoi lui dire sans avoir l’impression de la décevoir constamment et malgré tout, elle tente quand même désespérément de me faire parler.

— Tu dînes ici ce soir ? finit-elle par demander.

— Non merci maman je suis fatiguée, je vais grignoter un truc à la maison et me coucher tôt.

Heureusement, elle n’insiste pas. Ce week-end m’a complètement épuisée et je n’ai qu’une seule envie : rentrer chez moi et dormir.

Chapitre 4

Ce matin, contrairement à tous les autres jours de cette semaine, j’arrive de bonne humeur ! Nous sommes vendredi, il fait beau et je passe la soirée avec mes collègues Mika et Stella.

Stella est également assez proche de nous depuis quelques années. Je l’aime bien, mais notre amitié reste très limitée. Nous n’avons pas vraiment les mêmes centres d’intérêt. Disons que nous profitons l’une de l’autre pour sortir.

À peine suis-je installée, que je me mets rapidement au travail. Je ne décroche pas la tête de mon ordinateur, au point d’oublier ma pause-café avec les autres. En ce moment, mon boulot s’accumule et je dois absolument faire mes preuves si je souhaite évoluer.

Ce n’est que lorsqu’une ombre s’étend sur mon bureau que je m’oblige à lever les yeux de mon écran. Un homme, âgé d’une trentaine d’années au maximum, se tient debout devant mon office, la main tendue vers moi.

— Bonjour, Emilie c’est bien ça ?

— Bonjour, dis-je en serrant sa poigne. Appelez-moi Emy.

Ses sourcils se lèvent et il se met à me fixer avec un air à la fois étonné et amusé. Merde. Mes joues se colorent. C’est vrai que tout le monde m’appelle comme ça, mais j’aurais peut-être dû attendre un peu avant de le lui dire…

Sans me laisser démonter, je lui adresse mon plus beau sourire. Il en impose pourtant et je tremble sous son regard. Pas comme je tremblerais sous le regard d’un homme qui me trouverait désirable, non, mais comme je tremblerais sous le regard du PDG de la boîte ! Ben oui quoi, il en impose dans son pantalon à pince noire et sa chemise blanche si impeccablement repassée et moulant aussi bien son torse. Lorsque je prends conscience de la prestance, la stature, l’allure si virile, sauvage et sérieuse de mon interlocuteur, mon sourire tremble un peu. OK. Il va falloir que je bosse avec… ça.

— Enchanté Emilie, je suis Sam, le nouveau responsable marketing.

Même sa voix est sexy au possible !

Le nouveau responsable ? Mon diaphragme remonte dangereusement. Quelle conne ! Ça m’apprendra à m’adresser aux gens avec autant de liberté.

Je voudrais me mettre debout et bien droite pour lui parler les yeux dans les yeux et surtout montrer une marque de respect, mais je crois que si je le faisais, mes jambes se déroberaient sous moi.

— Enchantée et bienvenue dans l’entreprise.

— À vrai dire, cela fait déjà huit ans que je suis dans la boîte, au service commercial. J’ai changé de fonction la semaine dernière. Apparemment, vous ne lisez pas vos mails…

Oups encore une bourde ! Le fameux mail annonçant sa venue. Ne me laissant même pas le temps de m’excuser, il m’adresse un petit signe de la tête avant de me tourner le dos pour aller saluer mes camarades.

Je me contente de le suivre des yeux, mon sourire idiot toujours affiché sur mon visage. Les rouages de mon cerveau se mettent en marche jusqu’au point de surchauffe : Quel âge a-t-il ? Mince, je n’ai pas regardé s’il avait une alliance… et puis… ne s’est-il pas rasé aujourd’hui ou alors se donne-t-il cet air faussement hipster régulièrement ?

Je me rends compte que cela fait plusieurs mois qu’un homme ne m’a pas autant plu, surtout au premier regard. Faut dire qu’il est vraiment mignon. Une peau mate comme s’il revenait de vacances et un regard brun très perçant… Enfin bref ! Je secoue la tête et me remets au travail sans cesser de regarder de temps en temps si je l’aperçois dans les parages.

Non, mais tu délires ma vieille !

Une fois mes esprits retrouvés et mon travail achevé, je décide de faire une pause cigarette. J’appelle Mika et Stella qui se joignent volontiers à moi sans se faire prier.

— Vous avez vu le nouveau responsable marketing ? Pas mal hein ? s’exclame Stella une fois dehors.

— Ouais ça va, réponds-je nonchalamment en haussant les épaules.

Tu parles qu’il est pas mal !

Pas besoin de lui montrer mon intérêt, elle ne me lâcherait plus ! De plus, cette pause était censée m’aérer l’esprit et non pas me faire penser davantage à cet homme au regard ravageur.

— Tu veux que je te le présente ? demande Mika en souriant fièrement à Stella.

— Tu le connais ? demande-t-elle un peu trop vivement.

— Ouais un peu. On s’est connu il y a cinq ans quand j’étais au commercial. On joue également au foot ensemble tous les samedis matin. Il est un peu réservé, mais assez cool, je suis content qu’il vienne bosser avec nous. Tu veux que je t’arrange le coup, hein Stella ?

Sans répondre, elle lui adresse un sourire coquin qui veut tout dire et je romps immédiatement cette conversation ridicule :

— Bon allez, je retourne bosser !

Qu’est-ce que Stella peut être agaçante, parfois ! Elle saute sur tout ce qui bouge. Dès qu’il y a un nouveau mec, elle tente le coup. Bon OK elle est célibataire et on ne peut pas dire que je sois contre le fait de s’amuser… mais il y a des limites !

— OK à ce soir, me répond Mika.

D’un geste brusque, je jette ma clope au sol et l’écrase avant de remonter à mon bureau.

Chapitre 5

Comme chaque vendredi soir, nous nous installons à la même table près du bar, dans notre pub habituel en plein centre de Paris. J’adore cet endroit ! Il y a toujours de la bonne musique et l’ambiance est assez cool. On y croise souvent pas mal de collègues, mais ce soir, il semble qu’il n’y ait que nous trois.

— Tiens, on dirait que tu lui as tapé dans l’œil !

Stella me donne un léger coup de coude en me montrant un assez joli garçon dont le regard est rivé sur nous.

— C’est sûrement toi qu’il regarde.

— Non, mais tu t’es vue ? répond-elle en ricanant. Tu es superbe ce soir, je n’ai aucune chance à côté de toi !

Elle m’adresse un clin d’œil et je lui souris en guise de remerciement. L’image que j’ai de moi-même n’est pas des plus flatteuses. Il faut dire qu’à part mes yeux verts et la taille que je m’efforce de garder, il n’y a rien d’exceptionnel chez moi qui ne soit déjà chez une autre. De taille moyenne, les cheveux bruns que je porte raide loin du naturel bouclé que personne même pas moi, n’a plus vu depuis des années, je me fonds dans la masse.

Comme depuis plusieurs mois, je n’ai pas envie de me faire draguer. Je n’ai pas envie de me présenter ni de parler de moi. Ma dernière relation avec Pablo m’a carrément refroidie. Huit mois que je n’ai pas fait l’amour, c’est la seule chose qui me manque. Devoir me justifier sur tous mes faits et gestes, ça ne me manque pas du tout.

Tout en ignorant les regards persistants du jeune homme, je me retourne vers Stella qui, elle, fixe tous les hommes susceptibles de l’intéresser. C’est très rare qu’elle reparte d’ici sans être accompagnée et quand ça arrive, elle dit que la soirée est complètement ratée.

— Et deux tequilas pour mes deux collègues préférées !

Mika nous dépose nos verres sur la table avant de s’installer près de moi.

— Tu crois qu’elle m’a entendu ? me demande-t-il, moqueur, en regardant Stella faire les yeux doux à un beau blond près du bar.

En attrapant son verre, elle se retourne légèrement vers nous en haussant les sourcils plusieurs fois de suite.

— Je vous dis à plus tard ?

Notre collègue nous abandonne carrément pour aller s’asseoir près de cet inconnu qui la reluque de haut en bas sans vergogne.

Je ne trouve pas Stella particulièrement belle, mais elle attire beaucoup les regards. C’est une fausse blonde platine avec de jolies formes qu’elle sait parfaitement mettre en valeur.

Mika secoue la tête et nous rions en la voyant flirter délibérément avec autant d’assurance.

— On danse ? demande mon ami en se mettant debout.

J’avale deux bonnes gorgées et l’agréable sensation de ma gorge qui brûle me fait grimacer.

— Avec plaisir.

Enthousiaste, je me lève à mon tour avant d’attraper sa main pour l’entraîner au centre de la piste. Et comme à chaque fois, je finis la soirée en oubliant tous mes soucis et en m’amusant comme une folle.

Ça, c’est la vraie vie…

Chapitre 6

J’ai l’habitude de prendre soin de moi, mais ce matin je fais un effort supplémentaire. Je passe ma petite jupe noire préférée et mon joli chemisier cintré bleu.

Dès mon arrivée, je ne peux m’empêcher de zieuter autour de moi. Je presse le bouton de l’ascenseur en secouant la tête. Oui, je suis vraiment ridicule. Lorsque les portes s’ouvrent, je me sens défaillir. Il est là.

Un haussement de sourcil me fait comprendre qu’il est surpris également. Puis comme s’il reprenait ses esprits, il appuie sur le bouton pour me maintenir les portes.

— Bonjour Emilie, vous hésitez à venir travailler ce matin ? demande-t-il moqueur.

— Bonjour Sam.

J’oblige mes jambes figées à faire un mouvement et, raide comme un piquet, je le rejoins dans la cabine. Évidemment, je m’oblige à baisser le regard. Ce serait très mal vu de dévisager un cadre supérieur avec cet air de femme à l’agonie. Mon cœur pulse dangereusement contre mes côtes. Pourquoi me met-il dans cet état bon sang ?! Ce n’est rien d’autre qu’un homme bien sapé et très poli… tout ça enrobé dans une délicieuse peau veloutée qui sens bon l’orange, les épices orientales, la noix de muscade et…

Merde ! Son odeur !

Je me sens défaillir une fois de plus. Malgré moi, je prends une grande bouffée d’air et en inspire plein les narines.

Les portes se sont à peine ouvertes qu’il est déjà dehors.

— Bonne journée Emilie.

— Merci à vous auss…

Il ne me laisse même pas le temps de finir ma phrase, qu’il est déjà au bout du couloir. Non, mais je rêve ! Il ne m’a même pas laissée sortir de l’ascenseur avant lui. C’est la moindre des politesses, non ?

Faut me rendre à l’évidence, cet homme n’a pas flashé sur moi ! J’arrive à sentir quand je plais à un mec et, manifestement, Sam n’entre pas dans cette catégorie. Ou bien il est pris !

— Salut Emy.

Mika me sort de mes pensées.

— Salut !

— Ça te dit d’aller boire au verre ce soir ? Stella sera également de la partie bien sûr.

Je cherche rapidement une excuse, ce soir il y a un nouvel épisode de Grey’s anatomy.

— Allez, viens ! insiste-t-il. Ça va être super sympa, il y aura pas mal de monde ce soir ! Tu n’as qu’à enregistrer ta série…

Il m’adresse un clin d’œil et nous éclatons de rire. Il me connaît si bien ! Vive les box télé avec enregistreur intégré !

— OK pour ce soir, mais je ne rentrerai pas tard !

Ça fait à peine trois ans qu’on traîne ensemble, mais c’est vrai qu’on s’entend vraiment bien ! Il ne m’a jamais rien dit, mais j’ai senti que je lui plaisais au début.

Mika est assez mignon. Il a les cheveux châtain clair et les yeux bleus. Il est vraiment adorable. Je crois d’ailleurs que c’est ça le souci : il est trop gentil ! Parfois, je me demande quel est mon problème. Mika a tout pour plaire, mais il ne me plaît pas à moi, c’est tout. Le genre de truc que je ne contrôle pas. Et puis maintenant c’est devenu un grand ami, donc la question ne se pose même plus.

Souvent, je m’en veux d’être aussi spéciale. J’ai rencontré pas mal d’hommes et j’ai fini par comprendre que le problème venait de moi. Peut-être est-ce dû au divorce de mes parents, comme dit souvent Fanny.

Mon amie a fait des études en psychologie et elle adore m’analyser et sortir ses théories à elle. Mais il n’y a rien à comprendre en fait. Je ne suis pas comme les autres, voilà tout.

Chapitre 7

J’hésite à envoyer un message à Mika pour annuler, mais je sais que je vais avoir droit à ses appels insistants. Et puis, je déteste revenir sur ma décision. Alors je fais un effort et fonce me préparer, sans même me poser cinq minutes. Je finis tout juste de me maquiller lorsque retentit le klaxon.

C’est à peine entrée dans la voiture de mon collègue que je me souviens que je n’ai même pas dîné. Alors, je sors une barre de céréales de mon sac.

— Tu es magnifique Emy, dit Mika en me jetant quelques coups d’œil suggestifs.

Sans rien dire, je le remercie d’un sourire. Il fixe de nouveau la route avant de se tourner vers moi en m’entendant mastiquer.

— Quoi c’est ça ton dîner ?

— Laisse tomber, tu veux ?

Je n’ai pas du tout envie d’écouter sa morale sur la nourriture saine. C’est vrai que je mange mal depuis que je vis seule, mais je n’ai jamais été une bonne cuisinière et je trouve que c’est une perte de temps de préparer un repas.

En arrivant sur place, j’enroule mon bras à celui de Mika et balaie rapidement la salle du regard. J’aperçois tout de suite Stella assise avec certains collègues que je connais seulement de vue puis… un homme qui nous fixe avec insistance. Bon sang, c’est Sam !

Dans un énorme effort, je détourne vivement le visage et fais mine de l’ignorer en allant saluer les autres. Il faut absolument que je parvienne à étouffer ce qui se passe en moi dès qu’il se trouve dans les parages.

Je discute avec de nouveaux collègues tout en enquillant quelques verres qui m’ont été gentiment offerts. Certains me draguent ouvertement, mais je reste polie en évitant d’entrer dans de grandes discussions. Même si je tente de faire la fille cool qui passe une bonne soirée, je suis carrément obsédée par la présence de ce beau mec, qui ne m’a plus du tout regardée depuis mon entrée. Je jette de nombreuses œillades discrètes vers lui, mais il est en grande discussion avec un autre homme qui semble également faire partie de la boîte.

Stella me fait limite sursauter en débarquant près de moi tout excitée.

— Tu as fait une belle rencontre à ce que je vois, lui dis-je en lui montrant le garçon de l’autre côté du bar avec qui elle discute depuis un bon moment.

— Ouais, il est sympa, mais pas du tout avenant.

Elle se penche pour me chuchoter à l’oreille :

— Je vais utiliser ma technique pour les timides et lui demander de me ramener chez moi… ça marche à tous les coups !

J’éclate de rire et elle m’adresse un clin d’œil avant de repartir avec deux verres à la main. L’un des collègues en profite pour se rapprocher de moi et me proposer un autre verre, mais je refuse gentiment avant de me lever en m’excusant.

Je me dirige vers les toilettes et Sam lève enfin les yeux sur moi quand je passe volontairement près de lui. Je profite de ce coup d’œil pour le saluer.

— Oh Sam, bonsoir ! lancé-je comme si je venais à peine de remarquer sa présence.

Je suis fière de moi, ma gêne avec lui semble avoir diminué d’un cran et je me sens un peu plus à l’aise. Hé oui… l’effet de l’alcool !

— Bonsoir Emilie, lâche-t-il en détournant rapidement le visage.

Quoi c’est tout ?

J’inspire doucement avant de me remettre dans son champ de vision.

— Alors… comment se passent tes débuts dans nos services ?

— On se tutoie ?

Alors que je me mets rire, il hausse un sourcil sans le moindre sourire.

Ah, il était sérieux ?

Mon rire se transforme en toux et je grogne des excuses en essayant de ne pas m’étouffer dans ma gêne.

— Euh… dans l’entreprise on se tutoie tous… je…

— Ça se passe très bien, me coupe-t-il. Votre équipe est accueillante et… très fêtarde à ce que je vois !

Quand il se met enfin à sourire, je suis obligée de l’imiter. Bon Dieu ces lèvres ! Peu charnues, mais bien dessinées. Sa beauté est vraiment très spéciale. Il n’a pas ce visage parfait qu’ont les hommes dans les publicités. Non, en fait, c’est son charisme qui fait tout. Un charme exceptionnel à en tomber par terre.

— Je ne vais pas tarder, je te souhaite une bonne fin de soirée, Emilie.

Soulagée qu’il me tutoie, je sens tout de même la déception m’envahir qu’il mette fin à notre discussion aussi rapidement.

— Tu pourrais me déposer ?

Bon sang, c’est moi qui ai demandé ça ? Sans répondre, il se met à me fixer plus que surpris.

— Je comptais rentrer tôt et j’habite à seulement deux rues d’ici…, tenté-je de me justifier.

— Tu ne rentres pas avec ton petit ami ?

Il n’y a pas de jalousie ni d’envie dans sa voix, juste une forme de… retenue.

— Oh, tu parles de Mika ? Non, c’est juste un ami.

— Étonnant.

— Pourquoi tu dis ça ? demandé-je les sourcils levés.

Sans répondre, il se met debout et attrape sa veste.

— Je pars maintenant si tu veux.

J’acquiesce malgré son air plus qu’agacé. Apparemment, la technique de Stella ne fonctionne pas toujours ! Je récupère rapidement mes affaires avant de sortir du pub et je me rends compte une fois dehors que je n’ai même pas prévenu Mika. J’hésite à retourner à l’intérieur, mais Sam ne m’a pas attendue et commence déjà à marcher vers sa voiture. Tant pis, je lui enverrai un texto une fois à la maison.

J’accélère le pas pour le rattraper et grimpe dans sa caisse, une superbe BMW coupé cabriolet ! Un peu trop tape à l’œil à mon goût, mais je dois avouer qu’elle est classe.

— Jolie voiture.

— Merci.

Je n’ai aucune idée de ce qu’il se passe dans sa tête. Pourtant, je voudrais connaître tout ce qui lui traverse l’esprit à cet instant même. Mais son attitude impénétrable ne laisse absolument rien percevoir.

Nous parcourons une centaine de mètres avant que je ne finisse par rompre le silence devenu gênant.

— Tu n’es pas bavard…

— Pas trop non.

OK…

Discrètement, je me mets à l’observer, mais quand il me jette un bref coup d’œil, je m’oblige à me pencher vers mon téléphone, un rien gênée qu’il m’ait surprise à le contempler.

— Écoute, dis-je doucement. Je suis désolée de t’avoir demandé de me ramener, j’ai vu que ça te dérangeait et… excuse-moi.

Pas de réponse. Je m’attendais vraiment à ce qu’il me dise que ça ne le dérange pas ou un truc dans le genre de ce que disent les gens normaux quoi… mais non. Au lieu de ça, il continue de regarder la route en fronçant les sourcils.

Embarrassée et un brin vexée cette fois, je me mets à gigoter maladroitement sur mon siège, ce qui le fait lâcher la route des yeux pour planter ses prunelles dans les miennes. Juste deux secondes. Mais suffisamment pour que j’en sois troublée.

Quel putain de regard ! Ça ne devrait pas exister des yeux aussi déstabilisants…

Je suis tellement déboussolée que je ne remarque pas tout de suite que nous sommes arrivés devant chez moi.

— Tu veux boire un dernier verre ? demandé-je sans réfléchir.

Cette fois, je suis allée trop loin. Pas moyen de ravaler mes paroles.

— Je ne bois pas Emilie et il me semble que tu as assez bu comme ça.

— Qui t’a parlé d’alcool ? demandé-je agacée à mon tour qu’il se permette de faire une remarque de ce genre à une femme libre et indépendante comme moi.

En plus, je n’ai bu que quelques verres…

— Écoute, Emilie… ça ne va pas le faire.

Rouge de honte, je finis par baisser le regard sur mes doigts entrelacés, nerveusement. Hé bah, on peut dire qu’il est direct !

— Ah… j’aurais dû m’en douter, dis-je en secouant la tête. Une petite amie ou peut-être une femme ?

Je sais que je m’enfonce encore, mais il faut que j’en aie le cœur net. Il faut que je sache ce qui ne va pas. S’il a une femme, ce n’est peut-être pas qu’il ne me trouve pas attirante.

Tout en soupirant, il se tourne une nouvelle fois vers moi et, comme s’il voulait m’humilier davantage, il attend que je relève les yeux pour me répondre :

— Non, rien de tout ça. Bonne nuit Emilie.

Choquée, mais surtout blessée dans mon amour propre, je sors rapidement de la voiture en claquant la porte.

Vexée à en mourir, je reste quelques secondes sur le trottoir en le regardant partir et c’est quand sa voiture a totalement disparu de ma vue que je me rends compte de la situation.

Une putain d’humiliation ! Je viens de me faire jeter comme la plus vieille des chaussettes.

Mais qu’est-ce qu’il m’a pris d’insister comme ça ? C’est la première veste que je me prends de ma vie et on peut dire qu’elle était violente !

Moi qui m’étais promis de ne plus entreprendre de relation hasardeuse, voilà que je viens de faire du gringue à un boss !

Il dit qu’il n’a personne dans sa vie, mais il ne veut clairement pas de moi… Pourquoi ?

Je ris presque tellement ma question idiote.

Tout simplement, car tu ne lui plais pas !

Même si ce qui vient de se passer m’a clairement contrariée, je tente de me calmer en inspirant profondément.

Allez Em, tu le connais à peine ce mec. N’y pense plus.

Mais malgré mes efforts, je passe le reste de ma soirée à ressasser cette conversation dans les moindres détails. J’en viens même à me demander si j’ai dit ou fait quelque chose de mal…

Oh non ! J’espère qu’il ne va pas penser que je suis le genre de fille à coucher pour obtenir une promotion ou être dans les bonnes grâces de la direction… Cette idée me rend malade.

Sans prendre la peine de me démaquiller, je vais me coucher et mets un temps fou à m’endormir.

Chapitre 8

Plus tard dans la matinée, je suis arrivée au bureau à reculons et honteuse. J’ai même hésité à ne pas venir travailler, c’est pour dire…

À fond dans mon travail, j’ai évité de faire des pauses cigarette. C’est pourtant habituellement très difficile. Je fume depuis mon adolescence et bien que je connaisse les conséquences néfastes sur ma santé, je n’ai jamais réussi à arrêter. J’ai pourtant essayé à plusieurs reprises.

En fin de matinée, le manque de nicotine commence à se faire sentir et je me sens tellement nerveuse que j’ai de plus en plus de mal à me concentrer. Je décide alors de descendre rapidement pour fumer une clope.

En sortant, j’aperçois Mika et Stella qui discutent et je me rends alors compte qu’aucun d’eux ne m’a appelée de la matinée pour nos pauses habituelles. Tiens ?

Aïe… j’ai oublié de prévenir Mika hier soir !

Un peu gênée, je m’approche doucement afin de les saluer. J’ai uniquement droit à un léger signe de tête de Stella.

— Mika excuse-moi pour hier soir, je comptais t’écrire en rentrant, mais…

— Ça va, ne te fatigue pas Emilie.

Emilie ? OK, il est fâché. Je jette un œil à Stella qui parait également d’accord avec lui. Il écrase sa clope à moitié entamée avant de repartir vers le bâtiment.

— Attends Mika ! dis-je en le rattrapant. Désolée vraiment, j’étais fatiguée alors je suis rentrée.

Il s’arrête de marcher et se retourne en ricanant.

— Tu étais surtout tellement obnubilée par qui tu sais que tu as oublié ton ami. Laisse tomber, j’ai l’habitude !

— Hein ? Comment ça ? L’habitude de quoi ?

Son ton accusateur commence à m’énerver, il n’exagère pas un peu là ?

— Que tu ne penses qu’à toi ! crie-t-il presque.

Sa réponse me laisse bouche bée. Mika ne m’a jamais parlé de cette manière. Il baisse les yeux avant de continuer son chemin et cette fois, je le laisse partir sans rien dire.

Quelle journée ! Déjà que je n’étais pas au top, là je me sens vraiment mal. Mon premier réflexe en retournant à mon bureau est d’envoyer un message à mes amies :

* Salut les filles, toujours OK pour ce soir ?

Elles me répondent quasiment simultanément.

Fanny : Bien sûr, à ce soir !

Mina : OK même heure chez Fanny.

On se rejoint toujours chez Fanny afin d’embrasser Nathan et Léa avant d’aller au Napoli. C’est toujours un petit moment très agréable. Court certes, mais plein de bonne humeur, de rires, de câlins…

C’est sûr, cette soirée va me faire du bien et j’en ai vraiment besoin aujourd’hui. Je remets ma tête dans les dossiers et travaille toute l’après-midi en tentant d’oublier tous mes tracas du moment.

Chapitre 9

Gino, le patron du restaurant, nous accueille chaleureusement comme à son habitude. Il fait une bise à Fanny et à moi avant de serrer la main à Mina. Encore une règle bizarre. Elle n’embrasse pas d’autre homme que son mari et son père. Je ne cherche plus vraiment à comprendre.

À peine installées que j’interroge vivement Mina :

— Alors, ton voyage de noces ?

— Très bien, comme je vous l’ai déjà raconté la semaine dernière.

Ah oui c’est vrai…

— Qu’est-ce qui ne va pas Emy ?

Étonnée, je jette un œil à Fanny, mais elle m’interroge également du regard. Je fais la fille qui ne comprend pas, mais elles continuent de m’observer comme si elles lisaient en moi.

— Bon ça va ! dis-je en levant les mains. J’ai rencontré un mec au boulot.

Tout excitée, Fanny saute déjà sur place en tapant des mains.

— Oh non, laissez-moi finir.

Je prends sur moi avant de leur raconter dans les moindres détails ma soirée déprimante avec Sam et rien que d’y repenser me retourne l’estomac.

— Toi, tu t’es pris un râteau ? s’exclame une nouvelle fois Fanny plus que surprise.

— Ça va Fanny, arrête de crier s’il te plaît !

— C’est que c’est une première ! chuchote Mina avant de ricaner.

— Je vous assure qu’il m’a carrément jetée.

— Arrête ! répond Fanny. C’est impossible ! Une fille comme toi, se prendre une veste ? Emy, tous les mecs te regardent dès que tu entres quelque part. Je ne peux pas y croire.

Fanny m’a toujours surestimée. Il est vrai que je plais, mais pas à ce point-là. J’évite la fameuse discussion sur mon manque de confiance en moi et me contente de secouer la tête.

— Il est peut-être gay, lance Mina.

Elles éclatent de rire et je soupire d’exaspération. Cette histoire ne me donne vraiment pas envie de rire !

— Hou là ! dit Fanny, il te plait vraiment celui-là ! Franchement, un mec secret qui n’a personne dans sa vie et te dit juste que ce n’est pas possible…

Elle réfléchit en faisant mine de se frotter le menton.

— Peut-être qu’il ne veut pas de relation amoureuse au travail ! poursuit-t-elle.

— Tu crois ?

— J’en connais beaucoup qui ne veulent pas de relation au boulot, d’autant plus qu’il s’agit d’un chef.

Mina acquiesce à son tour.

— Oui, enfin ce n’est pas mon chef, dis-je. Il gère l’équipe marketing.

— L’amour impossible entre une assistante et son manager… s’exclame Fanny, rêveuse. J’adore !

— La vie n’est pas une romance, Fanny ! Et puis je ne suis pas une assistante ! dis-je en levant le ton pour plaisanter.

Mes copines rient et cette fois, je me joins à elles, un peu plus détendue. Le fait d’avoir un petit espoir me console. Après tout, peut-être que Fanny a raison et qu’il ne souhaite pas mélanger travail et plaisir.

— Comment savoir si c’est vraiment ça ?

— Demande-lui à l’occasion, répond Fanny en sirotant son cocktail à peine arrivé.

— Tu n’as pas entendu ce que je t’ai dit ? Ce mec m’ignore ! C’est à peine s’il me dit bonjour.

— Vous travaillez ensemble, renchérit-elle. Vous allez être amenés à vous voir souvent donc ne t’inquiète pas, tu verras bien s’il s’agit de ça ou non.

Les lèvres retroussées, je hoche la tête en jetant un œil à Mina pour avoir son avis.

— Exactement… enfin… à moins qu’il soit gay ! me taquine-t-elle.

Nous rigolons franchement et ainsi se passe notre soirée, dans la bonne humeur. Voilà ce qu’il me fallait, un agréable moment avec mes deux meilleures amies.

Je rentre chez moi un peu plus apaisée et m’endors en pensant à Sam malgré moi…

Chapitre 10

Je me rends compte que ma honte ne s’est pas totalement envolée lorsque j’aperçois Sam à la cafétéria. Il boit son café tout en lisant des documents qu’il tient dans son autre main. J’accélère le pas afin qu’il ne me voie pas, mais quand il relève la tête et que nos regards se croisent, je n’ai pas d’autre choix que de le saluer.

— Bonjour, lui dis-je assez sèchement avant de continuer mon chemin.

— Bonjour Emilie.

Il ne s’attarde pas non plus et remet son nez dans ses dossiers. Comment un mec aussi distant peut-il me mettre dans un tel état ?

J’attrape vite mon café à la machine et sors fumer ma clope en faisant comme si sa présence ne m’atteignait pas. À travers la porte vitrée, je remarque qu’il me suit des yeux et ceci me rappelle les paroles de Fanny… elle avait peut-être raison. Malgré moi, j’esquisse un sourire.

Sam vient de me mater !

J’ai presque terminé ma cigarette quand il sort à son tour, pour passer un coup de fil. Son téléphone collé à l’oreille, il balaie la cour des yeux et ma respiration se bloque quand son regard s’arrête clairement sur moi. Alors que je m’attends à ce qu’il détourne le visage, il se met à me fixer avec insistance.

Non, mais à quoi il joue là ?

Nous sommes à plusieurs mètres l’un de l’autre, mais il arrive tout de même à me déstabiliser.

Je ne peux pas rester comme ça à me demander pourquoi il ne veut même pas essayer d’apprendre à me connaître. Et surtout, je ne veux pas qu’il pense une seconde qu’il y avait un côté intéressé dans mon approche. Cette horrible idée me pousse à agir. Maintenant !

J’attends qu’il finisse sa conversation pour le rattraper avant qu’il ne retourne à l’intérieur.

— Sam ?

— Oui, Emilie, me répond-il dans un soupir en se retournant.

— Sache tout d’abord que je n’ai pas l’habitude de faire ça…

Il sourit légèrement, l’air amusé.

— Je comprends tout à fait que ça te gêne de sortir avec l’une de tes collègues et sache que je ne suis pas le genre de fille à…

— Tu penses que c’est à cause de ça ? me coupe-t-il le sourcil levé.

— Euh… je croyais… enfin… je ne sais pas… est-ce-que tu es gay ?

Il se fige si vite que j’en suis déstabilisée. Puis, il écarquille lentement les yeux et je me fustige intérieurement. Merde ! Qu’est-ce qui m’a pris de dire ça !

Mina, je jure que je vais te tuer !

— Tu me demandes si je suis gay ? répète-t-il, choqué.

Morte de honte, je m’éclaircis la gorge sans rien dire. Son air surpris laisse place à un léger sourire en coin.

— Non, répond-il en secouant la tête. Je ne suis pas gay, Emilie.

— Excuse-moi je… OK… j’ai compris.

Tout en me détournant pour rejoindre l’entrée du bâtiment, je lui adresse un léger signe de tête en me promettant de ne plus jamais me ridiculiser de la sorte.

Au moins là, les choses sont claires !

— Si tu lisais correctement tes mails, lance-t-il avant que je ne rentre. Tu aurais compris depuis longtemps.

Je m’arrête net en l’interrogeant du regard. Qu’est-ce que ça veut dire ?

— À ce soir Emilie, ajoute-t-il avant de me tourner le dos, son téléphone de nouveau collé à l’oreille.

À ce soir ? Alors il veut me revoir ? Là je dois dire que je ne comprends plus rien…

Malgré tout, je sens mon cœur qui joue à la corde à sauter dans ma poitrine.

Mais c’est quand je passe les portes que je me rends compte que je ne suis invitée nulle part ce soir.

Mince, Mika ! On ne s’est pas reparlé depuis la dernière dispute et c’est lui qui est au courant de toutes les soirées organisées par la boîte.

En remontant à mon bureau, je passe rapidement par celui de mon cher collègue…

— Hey Mika !

— Salut, répond-il en levant à peine les yeux de son écran.

Je soupire et m’avance pour me planter devant son bureau.

— T’en as pas marre de bouder, franchement ?

Il lâche enfin son ordinateur et s’adosse à sa chaise en croisant les bras contre son torse. Puis, il me fixe silencieusement les sourcils froncés.

— OK ! Excuse-moi pour l’autre soir… ça te va ?

Tout en haussant les épaules, il lutte pour ne pas sourire. Je fais le tour de son bureau et me penche pour lui faire un bisou sur la joue.

— Désolée pour l’autre soir, vraiment.

— Hum… je ne sais pas trop…

Mika fait mine de réfléchir avant de tendre l’autre joue en la tapotant avec son doigt pour que je l’embrasse à nouveau. J’éclate de rire et je m’approche encore, mais cette fois, je lui donne un coup de coude dans les côtes.

— Même pas en rêve espèce de profiteur !

Il fait mine d’avoir mal en éclatant de rire.

— C’est oublié Emy. Merci d’être revenue vers moi.

Ce n’est pas dans mes habitudes et il le sait parfaitement.

Nous discutons quelques minutes avant qu’il ne me propose de sortir ce soir. Invitation que j’accepte vivement… J’ai un peu honte de moi, car il y a un petit côté intéressé dans ce que je viens de faire. Mais pour ma défense, Mika m’a vraiment manqué et je suis contente d’avoir fait un pas vers lui.

Finalement, ce n’est pas si compliqué de s’excuser…

De retour à mon bureau, je recherche le mail sur l’annonce de Sam, tout en pensant à ce que je vais porter ce soir…

Ah ça y est, je l’ai retrouvé. Je commence à le lire attentivement et reste bouche bée dès le début du message.

*Chers collaborateurs, chères collaboratrices,

Nous avons le plaisir d’accueillir notre nouveau responsable marketing Samy Belaoui…

Oh, mon Dieu, Sam est arabe !

Chapitre 11

Je lisse impeccablement mes longs cheveux bruns, me maquille en insistant sur les yeux et passe une belle robe marron très courte. J’adore le résultat, je me sens plus sûre de moi quand je suis bien apprêtée comme ça.

Avant de quitter l’appartement, je me contemple quelques minutes dans le miroir. Pourquoi me suis-je faite si belle ? Tu sais que c’est impossible Emy. Un Arabe ? Manquerait plus que ça. Je crois que ma famille préfèrerait me voir finir seule, ou avec une femme à la limite ! Ma déception envahit tout mon corps, telle une angoisse. Il n’est peut-être pas musulman... Ce dernier petit espoir me rassure.

Peu importe que ce ne soit pas possible, j’ai juste envie de lui parler !

Mika passe me prendre comme à son habitude et nous arrivons ensemble dans un pub un peu plus loin de chez moi cette fois. Je vais pour lui attraper le bras avant d’entrer, mais me refrène au dernier moment.

Mon cœur s’emballe immédiatement quand je le vois accoudé au bar vêtu d’un jean foncé et d’un polo blanc. Je me mords la lèvre inférieure pour m’éviter de sourire aussi largement que je le pourrais. C’est fou l’effet que cet homme me fait !

Attentivement, il m’observe entrer et pour la première fois, il me regarde de haut en bas. Quand son regard s’attarde sur mes jambes, je suis contente d’avoir opté pour du court !

Je salue mes collègues en leur faisant une bise et quand j’arrive enfin à lui, j’hésite une seconde, mais il me tend immédiatement sa main.

OK…

— Bonsoir Emilie.

— Bonsoir Samy.

Je lui souris en haussant les épaules.

— Alors Sam, c’est ton surnom ?

— Pas vraiment, mais tu m’as demandé de t’appeler Emy quand on s’est rencontrés alors j’ai fait la même chose.

Cette fois, il me rend mon sourire et Dieu ce qu’il est beau quand il sourit ! Il a l’air beaucoup plus détendu et moins autoritaire que d’habitude. Comme s’il était soulagé d’un poids.

— Tu es de quelle origine ? demandé-je.

— Tunisien.

Son regard balaie la pièce, ce qui me pousse à faire de même. Je suis surprise de voir que plusieurs collègues nous observent, dont Mika l’air réprobateur.

— Bon, eh bien… je te souhaite une bonne soirée Emilie.

Quoi, c’est tout ?

— Alors le fait que tu sois Tunisien t’empêche de discuter avec une collègue ? demandé-je un brin vexée.

Les yeux plissés, il se met à me fixer avec insistance et je jure que mes jambes vont lâcher à tout moment.

— Va t’amuser, finit-il par dire en regardant une nouvelle fois autour de lui. Je te dis quand je pars et je te ramène chez toi.

J’acquiesce, mais en réalité ça n’était même pas une question, ça sonnait plutôt comme un ordre. Et si je n’en avais pas envie ? Mais bien sûr que j’en meurs d’envie et il le sait. Même si ce mec est une vraie girouette, j’ai envie de lui parler. Ça craint !

Je l’abandonne à contrecœur pour aller danser avec quelques collègues. Bien que je fasse mon maximum pour ne pas le regarder, la tâche s’avère impossible. Je n’y arrive pas !

Depuis la piste, je ne peux m’empêcher de l’observer de temps à autre et dès que ses yeux se posent sur moi, c’est tout mon corps qui s’enflamme.

Mais il y a ce quelque chose de très étrange dans son regard. Comme si je l’attirais, mais que je l’agaçais à la fois. C’est tellement bizarre que je ne sais pas quoi en penser ! Cette façon de toujours souffler le chaud et le froid est tellement déstabilisante. Aussi, son attitude de mec indifférent est en totale opposition avec l’ardeur que je lis dans ses yeux.

Après m’être suffisamment défoulée, je décide d’aller boire un verre et rejoins Stella, assise de l’autre côté du bar. À peine arrivée, qu’elle me raconte sa relation avec Marc, le collègue qui l’a ramenée l’autre soir. Je tente réellement de m’y intéresser, mais en vérité, une seule chose m’obsède. C’est la première fois de ma vie que je suis aussi pressée que la soirée se termine.