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Le Maître Télépathe a été vaincu lors du terrible affrontement qui l'a opposé à Andrew. Mirage se reconstruit lentement, au gré de quelques pluies salvatrices et chacun panse ses plaies dans la joie d'une paix retrouvée. Le Conseil, composé de Hauts Dignitaires Humains et Télépathes, dirige à présent le Monde Connu. Mais alors qu'Andrew est plongé dans un coma réparateur, ce fameux Conseil, présidé par le mystérieux Alépos, exige des comptes sur les atrocités perpétrées durant le conflit. Le Conseil se fait alors également juge et les sanctions tombent les unes après les autres pour toutes les personnes, Hommes ou Télépathes, ayant commis ces crimes de guerre. De héros, les Télépathes dissidents deviennent accusés à leur tour. Cependant que les trois amis s'apprêtent à rendre des comptes sur leurs actes passés, une menace s'éveille à l'abri des regards indiscrets.
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Seitenzahl: 451
Veröffentlichungsjahr: 2023
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« Nos seules vérités, hommes, sont nos douleurs. »
Alphonse de Lamartine
— POUR VOUS IMPRÉGNER DE L’UNIVERS DU MONDE CONNU —
— Une chronologie complète se trouve en fin de livre —
LES TÉLÉPATHES — PERSONNES DOTÉES DU « CHI » —
Amos : Âge indéterminé. Le Maître Télépathe, autoproclamé roi des Télépathes. Pouvoirs à l’étendue inconnue.
XÉMEL : Télépathe, âge indéterminé. Second et confident d’Amos.
FRANZ : Télépathe. Âge non précisé. Homme de main d’Amos.
Andrew : Télépathe rebelle. 21 ans. Père : Elfride Bald Win, mère : AnnLys Will Azor, sœur : Andie. Cousin : Markk. Amis : Dan & Allan. Particularité : yeux verts pailletés d’or.
Markk : Télépathe rebelle. 29 ans. Cousins : Andrew et Andie. Meilleur ami : Dan, ami : Allan.
Dan : Télépathe rebelle. 21 ans. Meilleur ami de Markk et ami d’Andrew & Allan.
LE PEUPLE DES HOMMES — PERSONNES SANS POUVOIRS —
Darius : chef de la Cité Mirage, âge indéterminé. Ami de Hans, père d’Orianne.
Hans : Général en chef des armées, scientifique, inventeur d’une bonne partie de la technologie de Mirage. Père de Gwen, ami de Darius.
Orianne : 21 ans. Pilote de chasse de l’armée, mécanicienne. Fille de Darius, meilleure amie de Gwen, amie de GiullYann.
Gwen : 18 ans. Fille de Hans, meilleure amie d’Orianne, aime porter secours à autrui.
GiullYann : 21 ans. Capitaine de l’armée de terre de Mirage. Ami d’Orianne.
Alépos Crépin : Haut Dignitaire, Président du Conseil
MIRAGE — DERNIÈRE CITÉ DES HOMMES —
LA PEUPLADE DES LOMBRICS — VERS MUTANTS DOUÉS DE PENSÉES (ENTRE AUTRES) —
Hadad le Premier : Grand Patriarche des Colonies des Lombrics. Père des Patriarches : Faraj’ Enki le Terrible, Mhé.
Faraj’ : Patriarche de la Colonie de la Grande Plaine Désertique. Fils aîné de Hadad, frère de Enki le Terrible, de Mhé.
Enki le Terrible : Patriarche de la Colonie du Nord. Fils cadet de Hadad, frère de Faraj’ et Mhé.
Mhé : Matriarche de la Colonie du Sud, fille benjamine de Hadad, sœur de Faraj’ & Enki. Tache blanche sur le front.
CORRESPONDANCE DES ÂGES
VOCABULAIRE IMPORTANT DANS «MIRAGES MEMORIES»
LE MONDE CONNU
PRÉCÉDEMMENT DANS MIRAGES MEMORIES... LA DERNIÈRE CITÉ
PROLOGUE LA FIN D'UN RÈGNE
CHAPITRE 1 : RENOUVEAU
CHAPITRE 2 : MOMENT PRÉSENT
CHAPITRE 3 : TENSIONS.
CHAPITRE 4 : INQUIÉTUDES
CHAPITRE 5 : LES PEURS IMMOBILES
CHAPITRE 6 : LE RÉVEIL TANT ATTENDU
CHAPITRE 7 : ANAMNÉSE
CHAPITRE 8 : SÉRENDIPITÉ
CHAPITRE 9 : QUESTIONNEMENTS
CHAPITRE 10 : LE CONSEIL
CHAPITRE 11 : ET PUIS LA REVOIR...
CHAPITRE 12 : RETROUVAILLES
CHAPITRE 13 : LES FARDEAUX ORSCURS QUI ENTRAVENT LA VIE
CHAPITRE 14 : INTERLUDE FRATERNEL
CHAPITRE 15 : CETTE MATINÉE ÉPERDUE
CHAPITRE 16 : ARRESTATION
CHAPITRE 17 : LE JUGEMENT
CHAPITRE 18 : FACE À SOI
CHAPITRE 19 : SOULAGEMENT
CHAPITRE 20 : SOUS LE REGARD ARGENTÉ DE LA LUNE
CHAPITRE 21 : VISITE SURPRISE
CHAPITRE 22 : LA MAN DANS LE SAC
CHAPITRE 23 : À LAUBERGE D'AMADINE
CHAPITRE 24 : LE DOUTE
CHAPITRE 25 : RÉSURRECTION
CHAPITRE 26 : MYRIANN
CHAPITRE 27 : PRÉPARATION
CHAPITRE 28 : AUSSI LION QUE REMONTE MA MÉMOIRE
CHAPITRE 29 : LA CÉRÉMONIE
CHAPITRE 30 : UN ASSUT COOPDONNANDRÉ
CHAPITRE 31 : DOMMAGES COLLATÉRAUX
CHAPITRE 32 : UNE RÉVÉLATION INATIENDUE
CHAPITRE 33 : COUPABLES?
CHAPITRE 34 : ANAMNÉSE
CHAPITRE 35 : CONFRONTATION
CHAPITRE 36 : DE PÉRE EN PIRE
CHAPITRE 37 : AU CŒUR DES DJEBELS
CHAPITRE 38 : UN TROUBLANT AVEU
CHAPITRE 39 : UN CHI PAS COMME LES AUTRES
CHAPITRE 40 : CONFLUENCES
CHAPITRE 41 : UNE ÉCHAPPATOIRE
CHAPITRE 42 : DE VIEILLES CONNAISSANCES
CHAPITRE 43 : FUIR OU MOURIR
ÉPILOGUE. ÉTRANGES RETROUVAILLES.
PROCHAINEMENT MIRAGE'S MEMORIES ARC 1 -RÉBELLION- ÉPISODE 3 : LA PROPHÉTIE DE L'OMBRE
REMERCIEMENTS
CHRONOLOGIE
L'AUTEURE
PETIT PARCOURS LITTÉRAIRE
DE LA MÈME AUTEURE
VOS AVIS COMPTENT VOS AUTEURS COMPIENT SUR VOUS
Tranches d’âges
Correspondance dans Mirage’s Memories En années
Correspondance approximative pour nous En années
Petite enfance/enfance
0 - 10
0 - 10
Adolescence
11 - 14
Environ 11-16/17
Majorité
15
18
Jeune adulte
15 - 20
Environ 18-24
Adulte/Grand adulte
21 - 70
Environ 25 - 60
Personne âgée
+ 70
+ 60
Aéro-routes
: tubes en suspension dans lesquels se déplacent les véhicules civils : slider-cars, thermybus etc. Dans le Monde Connu, les aéro-routes remplacent nos routes ac-tuelles.
Aérostorms
: avions de chasse Humain pas très performants.
Bôkneïr
: bouclier généré par les Télépathes à partir de leur Eyneïr.
C.A.T :
système de défense Contre-Attaque Télépathie.
Chi
: Pouvoir des Télépathes. Chiiquement : par analogie, en référence au Chi. Les mots dérivés gardent la majuscule.
Climber-cars :
véhicules tout-terrain utilisés dans l’armée Humaine pour traverser les dunes.
Clouderplanes :
avions de repérage.
Erg / Reg :
Désert de sable / de roches
Eyneïr :
énergie des Télépathes, constituant une partie de leur Pouvoir.
Leyneïr :
faisceau d’énergie.
Nucléastane :
Matière spécifiquement créée pour résister aux derniers rayonnements no-cifs et aux radiations nucléaires.
Rollers aérodynamiques :
baskets spécifiques Humaines (du peuple des Hommes) per-mettant aux adolescents de léviter.
Slider-cars ou sliders
: voitures futuristes, glissant à l’intérieur des aéro-routes.
Snakairs
: avions de chasse des Télépathes.
Stormmerwinds ou stormmers :
avions de chasse des Hommes.
Technique Céleste, « vaguer » :
termes employés dans l’utilisation des rollers aérodyna-miques.
Téléférer :
communiquer par télépathie.
Téléporter/ télétransporter :
disparaître d’un endroit pour réapparaitre à un autre
Thérapathie, médipathie :
soins des Télépathes via leur Pouvoir.
Téléphysique :
force combinant plusieurs autres. Le mot et ses dérivés gardent la majuscule.
Thermybus :
bus de ville.
Winderskies :
avions citadins.
Merci et félicitayions à Aurélie Swan pour sa contribution au personnage de Sky Eudes lors du « concours de prénoms » sur ma page Instagram @ spdecroix
Merci également à Amandine, Aurélie et Corinne d'avoir accepté de remettre leurs « vies » entre mes mains à travers les personnages ci-dessous :
- Amandine
- Swan
-C.G
Promis, j'essaierai de predre soin de vous du mieux possible. Autant qu'il m;est permis de le faire. A vos risques et périls.
Amitiés,
Sandrine
À la suite du Grand Bouleversement, la Terre s’est transformée en un désert aride et le génome humain a été modifié. Dès lors, certains Hommes ont muté en êtres surpuissants, dotés de Pouvoirs extraordinaires : les Télépathes. Un conflit éclate alors entre les deux peuples encore en vie sur Terre : les Hommes, restés au rang d’humain et ces fameux Télépathes, doués du « Chi ». L’un de ces êtres surpuissants, Amos, aussi appelé « le Maître Télépathe », a une totale emprise sur son propre peuple et n’a qu’une idée en tête : asservir les Hommes.
L’histoire débute en 3697, au beau milieu d’une guerre des clans, tandis qu’Andrew et ses amis, des Télépathes rebelles, tentent de rejoindre la dernière Cité des Hommes : Mirage. Ils y feront la connaissance de l’énigmatique Darius, le chef de la rébellion. Ils se prétendent résistants ? Ils seront ses prisonniers.
Entre les assauts des Lombrics, une Peuplade de vers génétiquement modifiée, pensante, carnivore, et ceux du clan d’Amos, Darius n’aura pas d’autre choix que d’accepter l’aide du trio rebelle. Ce qui contrarie fortement Orianne, sa fille, pilote de chasse au caractère bien trempé, qui, dès le premier regard, prend Andrew en grippe.
Bien des mystères s’épaississent tandis que le jeune Télépathe, en quête de rédemption, cherche à réconcilier les deux peuples. Mais alors qu’il tente avec ses deux amis, Markk et Dan, d’intégrer pacifiquement Mirage, de nombreux problèmes se posent à eux : prouver leur bonne foi à des personnes qui jusqu’à présent les considéraient comme leur pire ennemi ; faire face à l’armée d’Amos et trouver un nouveau moyen de défense quand le bouclier protecteur de Mirage cesse de fonctionner.
Après un rude combat et une blessure qui le laisse affaibli durant des semaines, Andrew découvre que Darius a connu Elfride, son père décédé des années auparavant ; que le vieil homme n’est sans doute pas celui qu’il prétend être, impliquant davantage de conséquences et de mystères.
Tout l’amène vers un ultime combat contre Amos, le terrible Maître Télépathe, cette dernière chance pour tous de rétablir la paix sur une Terre dévastée…
Les civilisations s’éveillent, prospèrent au rythme de sanglantes batailles et imposent souvent leur hégémonie, par la foi d’un ou plusieurs hommes se démarquant de leur génération, jusqu’au moment de leur déclin puis de leur extinction.
Longtemps après le Grand Bouleversement, le Monde Connu avait vu naître le plus grand dictateur de son temps : Amos. Doué de Pouvoirs exceptionnels, il s’était imposé aux siens – les Télépathes – ainsi qu’à ceux qu’il considérait alors comme ses ennemis : les Hommes.
Durant des années, il les avait pourchassés, massacrés ou enfermés, torturés, soumis à sa volonté barbare, dans un but obscur, imprécis, que seul son désir de domination ne pouvait expliquer entièrement. Que cachait-il réellement derrière tout cela ? Personne d’autre que lui-même ne pouvait prétendre le savoir.
Mais, au fil du temps, après avoir réduit à néant presque toutes les Cités Humaines et assujetti leur population, son autorité despotique avait commencé à faiblir au profit d’un mouvement rebelle. L’ère de la terreur que le Maître avait engendrée poursuivit son déclin avec l’insurrection d’un petit groupe de Télépathes dissidents qui se joignit à la rébellion. Son leader, Andrew, marqua une nouvelle page de notre Histoire : Amos fut vaincu lors d’une épique bataille.
La nouvelle de sa mort se répandit aussitôt jusqu’à la Forteresse, son bastion. Si de nombreux Télépathes – militaires comme civils – rejoignirent alors Mirage, les plus fidèles à Amos et à son idéologie restèrent sur place. Ils désiraient garder la mainmise sur le lieu – emblème fort du pouvoir de leur Maître – et s’opposer à l’Alliance des peuples qui se profilait.
Restés dans l’ombre durant des décennies, les Hauts Dignitaires des deux clans sortirent au grand jour, dévoilant de nouveaux enjeux politiques. Ils constituèrent un Conseil qui décida d’un assaut d’envergure sur la Forteresse. Leur objectif : éliminer cette ultime menace et délivrer les esclaves qui n’avaient pu fuir.
Les bataillons, composés d’Hommes et de Télépathes, lancèrent l’offensive finale. Sanglante mais victorieuse, elle signa définitivement la fin du « règne Amos ». La Forteresse passa sous le contrôle du Conseil qui demanda à la population restante de partir. Ce lieu, où tant d’atrocités avaient été commises ou décidées, ne serait plus habité. Les ennemis à la paix et à la liberté furent arrêtés puis privés de leurs Pouvoirs grâce aux bracelets bloquants inventés par le Général Vaulthiers et Darius, codirigeants de Mirage et meneurs de la rébellion.
La libération des esclaves, la découverte et prise de conscience des tortures physiques ou morales que les esclaves avaient subies soulevèrent une vague de contestation émotionnelle chez les Hommes. Une vindicte populaire embrasa Mirage déjà submergée par l’afflux migratoire.
L’armée procéda aux arrestations ainsi qu’au maintien d’un ordre précaire. Que pouvait faire le Conseil face aux plaies béantes laissées par la doctrine pluridécennale du Maître Télépathe ? Il paraissait évident qu’elles ne pourraient cicatriser du jour au lendemain. Les deux peuples aspiraient à une justice impartiale, à trouver les personnes en qui placer leur confiance.
De son côté, le Conseil cherchait des coupables. Condamner pour l’exemple, pour apaiser les esprits. Il s’agissait là d’une condition indispensable à la mise en place de leur gouvernement. Sans cela, comment pourrait-il gérer équitablement l’alliance fragile entre les peuples ?
L’ossature de cette politique reposait donc sur les multiples épaules dudit Conseil. La tâche à venir ne serait pas de tout repos. Trop vives, les rancœurs nécessitaient de la tempérance. Ce fut la raison pour laquelle il y eut plusieurs proclamations importantes. La principale fut celle du jugement de tous les responsables de crimes de guerre dans le conflit ayant opposé les deux clans. Cette annonce, doublée de l’intégration imminente d’une personne de confiance au sein de ce Conseil, eut pour effet de lénifier 1 les tensions. En restaurant une communication, des échanges plus sereins entre les uns et les autres, les peuples allaient peut-être enfin apprendre à vivre ensemble.
Le changement ne se ressentait pas uniquement dans la réorganisation de la ville ou plus largement du Monde Connu, il s’invitait avec surprise dans le climat. Les averses, régulières, avaient fait leur agréable apparition. Cependant, même si la majeure partie appréciait tout cela et aspirait à un idéal de paix, nombre d’Hommes et de Télépathes se demandaient si leur monde allait réellement pouvoir se reconstruire. Les idéaux, même les plus sincères ou nécessaires, étaient toujours soumis à des obstacles ou évènements capables, encore une fois, de tout faire basculer.
Une nouvelle ère ouvre ses bras aux humains. Les populations se mélangent, partagent et apprennent l’une de l’autre dans un même état d’esprit, un même désir de fonder un avenir commun aux générations futures. Parviendront-elles à écrire l’histoire d’une humanité unifiée ?
Je suis Phillys.
Une nouvelle page s’écrit et bientôt ne sera plus.
1Lénifier : en médecine, il s’agit d’adoucir au moyen de lénitf, un remède relaxant et tempérant. Ici, le terme est utilisé au sens large.
DARIUS
Les semaines avaient succédé aux jours depuis le terrible affrontement entre Andrew et Amos. La Forteresse prise, les esclaves libérés et la vindicte étouffée, le calme était revenu au cœur de Mirage. Bien sûr, quelques tensions persistaient encore. Quoi d’anormal à cela alors que les clans autrefois ennemis cohabitaient à présent dans la ville ?
Tous les Télépathes n’avaient pourtant pas trouvé refuge ici même. Certains avaient préféré opter pour une vie de nomade. Ils étaient donc partis, à leurs risques et périls, à travers la Grande Plaine Désertique, territoire des Lombrics. Darius ne les avait pas retenus. S’il pouvait paraître insensible, il n’en était rien. Il comprenait tout simplement leur choix, le respectait. Et malgré toute sa bonne volonté ou sa générosité, il ne pouvait pas offrir l’hospitalité à tout le monde.
Mirage se trouvait dans une situation délicate. Il fallait non seulement réparer les dégâts matériels liés au dernier combat d’Andrew mais aussi loger les nouveaux venus, anciens esclaves et Télépathes. Construire de nouvelles structures devenait essentiel. Il lui tenait particulièrement à cœur d’accueillir les captifs nouvellement affranchis avec toute l’attention particulière qu’ils méritaient.
Le contrecoup psychologique accompagné de troubles physiques mais aussi physiologiques leur demanderait des années de suivi. Comment pourraient-ils se remettre de ce qu’ils avaient subi ? Le pourraient-ils réellement ? Quoi qu’il en soit, un quartier complet de la Cité leur avait été spécifiquement réservé. Non pas pour les parquer encore une fois mais plutôt pour leur laisser le temps nécessaire avant de parvenir à se mélanger de nouveau aux autres.
En dehors du problème d’hébergement lié aux différents afflux de population, du maintien de l’ordre qui en avait résulté, ils devaient faire face aux besoins alimentaires exponentiels. Fort heureusement, les Télépathes les ayant rejoints librement avaient ramené de la Forteresse – où un oued plus important avait permis des années durant une agriculture plus abondante – de véritables trésors : blé, orge, fruits, légumes, entre autres choses. Mieux : grâce à leur savoir-faire, mêlé à leurs Pouvoirs, ces Télépathes étaient parvenus à réimplanter leurs cultures. Ainsi la surface agricole de Mirage avait presque doublé.
L’autre point important était à l’évidence d’ordre politique. La gouvernance du Monde Connu demeurait une nécessité aussi vitale que tout le reste. Ce rôle incombait dorénavant au Conseil. Les Hauts Dignitaires, Humains comme Télépathes, dirigeaient leur nouvelle société mixte et prenaient les décisions politico-sociales ou économiques nécessaires à son bon fonctionnement.
Pour autant, les hommes de tête étaient rarement des hommes d’action, encore moins des hommes du peuple. Et, c’était justement à cause de cela, parce que ces personnes étaient restées bien à l’abri pendant que leurs peuples respectifs souffraient des conséquences d’une guerre absurde, que Darius avait accepté leur proposition de les rejoindre. Il manquait à ce Conseil un homme de terrain, respecté et écouté par les deux clans. Un homme en qui les deux parties pouvaient avoir foi. C’était précisément sa décision qui avait ramené le calme à Mirage.
DARIUS — Infirmerie —
Posté devant l’une des baies vitrées, son burnous d’un beige fatigué sur les épaules, d’un âge indéfini, Darius portait un regard perçant sur l’extérieur. Le visage insondable, une main frottant négligemment sa barbiche aussi grise que ses cheveux lui tombant sur la nuque, il semblait perdu dans l’observation fascinante de cette averse qui tombait maintenant depuis des heures sans discontinuer. Le bruit du rideau de pluie sur les bâtiments et le sol ne parvenait cependant pas à couvrir ni celui des machines ni celui des travailleurs loin d’être découragés par la météo diluvienne.
Entre la rénovation des différentes structures endommagées et la construction de nouvelles, le travail ne manquait pas. Si la bataille d’Andrew contre Amos avait été rude, les dégâts étaient conséquents. Malgré cela, un étrange sentiment de renaissance s’infiltrait en chacun d’eux, parcourait la ville, se gorgeant de cette exaltation presque bacchanale 2. Peuples unis. Joie presque insouciante. Entraide. Tolérance. Darius se réjouissait de tout cela.
Peu à peu, ses doigts cessèrent de farfouiller sa barbe. Sa main glissa lentement le long de son corps tandis que ses pensées se déliaient de ce spectacle qui, quelques semaines plus tôt, aurait été tout simplement inconcevable pour chacun d’eux. Puis, il consulta discrètement la montre-processeur à son poignet.
— Toujours pas de nouvelles, marmonna-t-il entre ses dents.
Un soupir soucieux s’échappa malgré lui par sa bouche entrouverte. S’assurant que les patients présents dans la Chambre Commune ne l’aient pas entendu, il prit son mal en patience. Quelques minutes passèrent avant que ses pensées ne le ramènent à leur nouvelle vie.
Une manne 3 s’écoulait sur Mirage qui embaumait souvent de parfums exotiques pour tous les Humains qui n’avaient jamais connu telle abondance.
Les Télépathes les plus expérimentés en la matière produisaient pains et boissons artisanaux. À la nuit tombée, des sons, musiques étranges, envoûtantes, montaient crescendo, plongeant la Cité dans une liesse qui battait alors son plein à laquelle se joignaient les rires fusant jusqu’au petit matin.
Dehors, des petits cris de joie percèrent le bourdonnement des travaux et le ruissellement de l’eau tombante pour parvenir jusqu’à ses oreilles. Son attention se porta aussitôt sur les bambins, réunis sous un abri spécifique, qui s’amusaient bruyamment sous l’œil attendri de leur mère.
Plus loin, le vieil homme remarqua des adolescents qui, sans accorder la moindre importance au temps pluvieux imprégnant leurs vêtements, flirtaient avec des demoiselles. D’autres encore, le cœur moins romantique, prenaient plaisir à « vaguer 4 » dans les airs grâce à leurs rollers aérodynamiques.
Un sentiment de tendresse infinie gonfla son cœur devant ce spectacle qui aurait pu paraître banal. Mais, il semblait à Darius que la giboulée qui descendait du dôme nettoyait le sol, les esprits et les âmes des atrocités rythmant, il n’y a pas si longtemps, le quotidien de chacun. Une pluie salvatrice donc qui avait nécessité la fabrication supplémentaire de récupérateurs.
Les averses devenaient quotidiennes, marchaient sur les pas du soleil brûlant pour charger allègrement l’oued de Mirage. La saturation en sable de la rivière devenait de plus en plus faible, le traitement de l’eau, pour la rendre potable, moins lourd. En revanche, Hans avait dû se creuser les méninges afin d’inventer quelques protections contre ce phénomène climatique autrefois rare.
Malgré toutes ces bonnes choses, Darius ne cessait de se demander si ces miraculeuses ondées pourraient un jour leur apporter la tranquillité ou pour certains, la rédemption. Les différents jugements du Conseil pèseraient lourd sur l’avenir commun des peuples, mais plus particulièrement sur celui des trois personnes qui avaient tout donné pour leur offrir la liberté et ce semblant de paix.
Darius, en réalité, ne se sentait pas serein. En effet, s’il s’inquiétait vraiment pour Andrew et ses amis, une autre question le taraudait : toute menace envers ce fragile équilibre chèrement acquis était-elle définitivement écartée ?
2Bacchanale : Représentation d’une danse de bacchantes et de satyres. Fête bruyante et débridée, associée à la danse, déguisement, excès de boisson ou/et de nourriture etc. « Détourné » et utilisé ici volontairement comme un adjectif.
3Manne : au sens figuré : nourriture abondante et inespérée.
4Vaguer : employé ici dans le troisième sens du nom commun « vague » : masse d’eau. Il s’agit tout comme les surfeurs actuels, de « prendre une vague », c’est-à-dire un courant ascendant. Ce qui donne une impression d’ondoyer sur des flots invisibles.
MIRAGE
Àl’abri des regards, dans le coin reculé d’une ruelle ombragée, un orbe de lumière apparut puis se transforma peu à peu en une silhouette éthérée, nimbée d’un halo doré. Malgré cela, personne ne sembla la remarquer. D’ailleurs, personne ne la remarquait jamais. Peu étaient dans le secret. C’était mieux ainsi. Pour le bien de tous.
Un doux sourire aimant se dessina sur ses lèvres. Ses prunelles irradiantes se portèrent une fois de plus sur ses enfants respirant la joie. Oui, elle était bel et bien là, courant, sautillant allègrement, s’insinuant de son souffle léger dans le moindre recoin de la Cité, s’invitant d’un simple rire cristallin dans chaque foyer, chaque cœur. Elle avait éclos un peu partout à travers le Monde Connu, un jour d’orage, et s’épanouissait aujourd’hui comme une fleur fragile dont il fallait prendre soin avec la plus grande prudence.
L’espoir de Mirage résidait dans la pérennité des faits, de l’entente, du partage, de la fraternité des peuples. Si ce fragile équilibre pouvait se révéler éphémère, chaque jour passé devenait une pierre de plus pour consolider l’édifice de cette Alliance et paix grandissantes.
Mirage frissonna.
Le vent s’invita dans les rues animées. Plus haut, dans l’étendue céleste, les nuages passèrent leur chemin. La pluie cessa, dévoilant un ciel bleu dans lequel l’astre solaire régnait sans partage.
Aussitôt, ses rayons ardents balayèrent son corps repu de cette eau pleine de vie. Ses inquiétudes endormies dégorgèrent alors.
— Il reste tant encore à accomplir…
Sa voix, vaporeuse et profonde à la fois ne résonna qu’à ses seules oreilles. Les semaines avaient passé à une cadence effrénée.
— Le temps est venu d’aider ceux qui ont tant risqué pour tous nous protéger.
Mirage lança un dernier regard à l’animation citadine puis elle claqua des mains avant de disparaître dans une traînée lumineuse.
DARIUS — Infirmerie —
Toujours planté devant l’une des fenêtres de la pièce, Darius s’arracha de sa contemplation pour se tourner vers ses trois – et derniers – patients. Dan, Markk et Andrew – plus particulièrement lui – avaient encaissé de grosses pertes d’énergie et subi plusieurs blessures graves que la médipathie seule n’avait permis de guérir. Même les soins « basiques », typiquement « humains » n’avaient eu sur eux qu’un effet limité, les obligeant – bon gré mal gré – à une longue convalescence.
Confortablement installés dans des lits face à face, les deux premiers, le visage reposé mais encore pâle, patientaient le temps que les infirmières s’occupent de leur prodiguer les soins nécessaires. Une couverture jusqu’à la taille, Markk gardait ses prunelles sombres fixées sur Dan. Il l’écoutait, l’air blasé, déverser – pour la énième fois – sa propre version de leur combat contre Amos à l’infirmière en train de changer ses bandages.
Les cheveux en épis, les iris brûlants d’une passion qui enflammait son récit – et pas que – un sourire ravageur au bord des lèvres, Dan avait déjà conquis le cœur de Joëlle. Assez menue, aussi rouquine que sa livrée de travail était blanche, douce mais plutôt tenace, elle l’écoutait, enjouée par son récit. Si Darius n’avait pas obligé le Télépathe à garder le lit, il y a fort à parier que celle-ci aurait déjà atterri dans ses bras, couverte de baisers. Le vieil homme se racla alors la gorge leur rappelant à tous sa présence.
MARKK
Quelques mèches brunes retombant sur son front, Markk, toujours égal à lui-même, observait silencieusement, un sourire discret au visage, le manège de son meilleur ami. Pour autant, malgré la bonne humeur de Dan, son esprit était occupé ailleurs. Il ne pouvait s’empêcher de ressasser les évènements de ces dernières semaines.
La victoire d’Andrew. La mort d’Amos. L’union des peuples. La prise de la Forteresse et tout ce qui en avait découlé. Bien que cela ne change rien au drame que cela représentait, à Mirage, les blessés et les morts avaient été « restreints » aux militaires. Leur plan d’évacuation et de protection des civils avait fonctionné à la perfection. Les tunnels et l’abri souterrain leur avaient octroyé une sécurité maximale. En charge de l’opération, Gwen avait accompli son devoir avec un calme et une détermination exemplaire.
Markk croisa les bras sur son torse. Les images défilèrent dans sa tête à toute vitesse et se stoppèrent sur celle du Capitaine Xanders. Fort heureusement, le militaire avait survécu à ses blessures, infligées par Amos en personne. Malheureusement, certains membres de son escouade n’avaient pas eu cette chance. Les survivants à leur « mission suicide » avaient mis du temps à se remettre. À présent, ils étaient tous sortis de l’infirmerie et avaient réintégré – pour ce qu’il en savait – l’armée. Enfin, presque.
Surprenant une conversation tardive entre Darius et Hans qui le croyaient sans doute endormi, il avait appris que GiullYann, à peine rétabli, avait été mis aux arrêts pour insubordination. Si Darius s’était opposé à cette décision du conseil disciplinaire, il n’avait rien pu faire. Cela ne dépendait pas de lui.
Markk trouvait injuste d’accabler de reproches le valeureux Capitaine alors que sans son intervention et celle de son escadron, les choses auraient vraiment pu mal tourner pour tout le monde. Depuis, il n’avait plus du tout de nouvelles. Sans interférer dans les affaires du Général, il s’enquerrait plus tard du militaire.
Remise de sa blessure fort heureusement superficielle, l’intrépide Orianne avait repris son activité comme pilote de chasse, quadrillant avec quelques autres la Grande Plaine Désertique. Aux dires de la jeune femme, les Lombrics demeuraient étrangement invisibles et inactifs depuis bien trop longtemps. Markk restait persuadé qu’ils feraient bientôt parler d’eux.
Orianne avait beaucoup changé depuis la fameuse bataille contre le Maître. Le premier point que le ténébreux Télépathe avait noté chez elle, était l’acceptation de qui elle était vraiment. Une Méthyss. Moitié Humaine par sa mère, CéLyann, moitié Télépathe par son père, Darius. Ce dernier avait d’ailleurs pris le relais, durant quelques jours seulement, pour aider Orianne et Gwen à maîtriser suffisamment leurs capacités pour éviter toute déflagration involontaire de Chi. Pour le reste, leur entraînement avait été mis de côté, car devenu non prioritaire au vu de tout ce qu’il s’était produit depuis la mort d’Amos.
Le second point notable était son comportement vis-à-vis de Dan et lui. Apaisée envers elle-même, elle l’était maintenant aussi envers eux, bien qu’elle reste toujours un peu tendue en compagnie d’autres Télépathes. La mort de sa mère demeurait trop ancrée en elle. À ce sujet, Markk la comprenait bien plus qu’elle ne saurait l’imaginer. En tout cas, le fait était là : Orianne était plus agréable, séduisante, plus amoureuse que jamais de son cher cousin, toujours alité.
Comme souvent ces derniers temps, la jolie brune était venue leur rendre visite. Quelques heures plus tôt, avant son service, Orianne avait tenu à leur apporter un panier de fruits fraîchement récoltés des nouvelles surfaces agricoles, bien que Dan et lui ne manquent de rien à l’infirmerie.
En la voyant débarquer dans sa livrée militaire, victuailles dans la corbeille, il n’avait pu s’empêcher de hausser un sourcil interrogateur. Bien sûr, elle l’avait aussitôt remarqué.
— Que se passe-t-il, Markk ?
— Rien.
Elle s’était alors penchée vers lui, avait rivé ses yeux bleus dans les siens. Le plongeant dans un trouble étrange, Markk avait senti les mains de la jeune femme se poser sur son bras avec douceur. Un sourire collé sur ses lèvres pleines, elle lui avait demandé :
— Pourquoi je ne te crois pas ?
— C’est juste que, avait-il marmonné en se retranchant soudainement derrière un masque insondable, je n’ai pas l’habitude que de tierces personnes s’occupent de nous.
Elle l’avait regardé d’un air étonné.
— De tierces personnes ?
Il s’était renfrogné. Elle avait tenté de le tirer de son embarras.
— Par « s’occuper de vous », tu veux parler de soins apportés à de courageuses personnes qui ont risqué leur vie pour la liberté des peuples ?
Il devait avouer qu’elle avait le don de le prendre au dépourvu. Est-ce que cela s’était vu sur son visage ? Toujours est-il qu’Orianne l’avait encouragé à se confier davantage par un simple regard pénétrant, bien plus troublant encore que son sourire. Et c’est sans doute la raison pour laquelle il avait essayé de lui expliquer :
— D’ordinaire, Orianne, c’est moi qui veille sur ces deux-là.
D’un geste de la main, il avait ainsi désigné Dan et Andrew. La pilote de chasse avait lentement retiré ses mains lui permettant de recouvrer quelque peu ses esprits.
— Je vois. Et je comprends. Vos liens sont très forts. J’ai bien vu à quel point tu veux les protéger mais tu sais, Markk, peut-être devrais-tu t’habituer à que l’on s’occupe également de toi.
Sa respiration s’était bloquée sur ses mots. Encore une fois, Orianne le prenait au dépourvu. Elle lui avait alors donné une accolade avant de se rendre au chevet de son cousin. Au même instant, Gwen était entrée en scène, un sourire radieux collé au visage. Avec sa longue robe assortie à ses prunelles émeraude, sa cascade de cheveux dorés, elle lui était apparue comme un ange tombé du ciel. S’asseyant au bord de son lit, elle avait posé ses lèvres fines sur son front, chassant son désarroi. Puis, au bout d’un long moment, les deux amies les avaient délaissés afin de vaquer à leurs occupations.
Revenant à l’instant présent, Markk s’intéressa à Darius qui observait Andrew, allongé sur un lit à l’écart. Cela faisait maintenant plusieurs semaines que son cousin se trouvait dans cet état presque végétatif. L’utilisation de la Source l’avait pratiquement dépouillé de tout son Chi. Ce qui ralentissait la rémission de certaines blessures qui nécessitaient la pleine capacité de ses Pouvoirs. Cette guérison Téléphysique étant amoindrie et les soins Humains quasiment inutiles, son « corps » à proprement parler « physique » restait en sommeil.
Les traits tendus du chef de Mirage creusaient davantage son visage strié par les ans. Ses prunelles grises ne quittaient pas Andrew une seule seconde, comme s’il tentait de lui transmettre sa propre énergie. Ce qu’avait essayé Darius de toute façon. En vain. Lui aussi d’ailleurs. Mais, plongé dans ce « coma », le corps d’Andrew s’était mis à « aspirer » ce qui lui manquait tant, sans parvenir à s’arrêter. Clairement, sans l’intervention du vieil homme pour stopper le processus, Markk n’aurait pas survécu. Dépités, ils avaient tous, tour à tour, tenté d’entrer en contact télépathique avec son esprit. Sans plus de succès.
Pour en revenir à Darius, Markk avait une sombre intuition. Quelque chose ne tournait pas rond. Il avait l’intime conviction qu’il leur cachait une information importante. Laquelle ? Il n’en savait rien. Depuis la fin des combats, Dan et lui étaient maintenus à l’écart. Non pas qu’ils soient de nouveau considérés comme des prisonniers, mais le dirigeant de la Cité avait dressé une nouvelle forme de distance entre eux. Pourquoi ? Markk était bien décidé à le découvrir.
DARIUS
Ses mèches rebelles étalées sur l’oreiller, le teint pâle, les paupières closes depuis trop longtemps, Andrew semblait épuisé mais paisible. Il ne s’agissait là que d’un leurre. Darius savait pertinemment que la bataille se déroulait à l’intérieur. Le Télépathe luttait, prisonnier de son propre corps, bien trop affaibli par les dégâts occasionnés par la Source.
Ses tentatives ainsi que celles de Markk pour lui transférer leur énergie s’étaient toutes soldées par un cuisant échec. Le réel besoin d’Andrew ressemblait à un gouffre infini qu’aucun d’eux n’avait pu satisfaire. Il ne lui restait plus que ce repos forcé et l’autoguérison. Ce serait long mais plus efficace que tout ce qu’il avait tenté jusqu’à présent.
Darius remua un peu, consulta encore sa montre-processeur. Il sentit peser sur lui le regard magnétique de Markk mais préféra l’ignorer. Il lança une œillade furtive à Dan qui venait de se taire, Joëlle l’ayant abandonné pour s’occuper à ses tâches quotidiennes. Un silence gênant s’installa en totale opposition avec le brouhaha extérieur. Ce calme factice faisait ployer ses épaules de culpabilité sous le poids de ce qui se tramait pour les trois Télépathes.
Deux jours auparavant, le Conseil s’était réuni pour examiner les charges puis condamner plusieurs personnes – en grande partie des Télépathes – pour crimes de guerre. Prochainement, ces Hauts Dignitaires au pouvoir du Monde Connu allaient émettre leur jugement en faveur – ou non – des trois amis ici présents qui les avaient tous sauvés.
Andrew était celui qui risquait le plus. Malgré toutes ses bonnes actions, sa générosité ou tout ce qu’il avait de meilleur en lui, rien n’effacerait jamais les actes abominables, difficilement nommables qu’il avait commis par la foi d’un tyran, aujourd’hui disparu. Et, bien que leurs actes ne s’arrêtent qu’à des délits mineurs, Dan et Markk n’échapperaient pas non plus à cette audience.
Pour autant, tous les faits devaient-ils uniquement leur être reprochés ? Uniquement reprochés à Amos ? Quant à Andrew, serait-il pardonné ? Le Conseil serait-il clément à son endroit ? Bien sûr, il devait répondre de ses actes. Ses amis tout autant. Mais quel devait être le prix à payer ?
HANS — Tour Centrale —
Le dos raide, l’officier, de haute stature, flanqué de sa livrée militaire, referma la porte avec un calme qui n’était qu’apparent. Derrière lui, il laissait une rangée de Dignitaires – le Conseil – dans la Salle de Conférences, spécialement aménagée pour eux.
Leurs visages impassibles venaient de se refermer sur leur décision, peu avant qu’il ne quitte cette pièce. À présent, il lui incombait d’annoncer cela à Darius. Le Conseil le tenait à l’écart des différentes prises de position tant que son investiture à leurs côtés n’était pas effective. En tout cas, c’était ce qu’Alépos – Président de cette assemblée – lui avait expliqué.
Ses iris noirs, insondables, contrastaient avec sa chevelure argentée. Petit, frêle, il se dégageait pourtant de lui un certain charisme, étrange, mystérieux, dérangeant, qui lui avait valu la confiance de la majorité des autres membres… et sa place.
— Nous vous tenons au courant parce que vous êtes le Général des Armées. Nous comptons sur vous pour maintenir l’ordre.
— Vous avez besoin de moi, vous voulez dire.
— Nous espérons tous que notre collaboration sera fructueuse, avait-il précisé en le fixant droit dans les yeux. Pour le bien de Mirage et du Monde Connu.
— Il va de soi.
Le Général maugréa au souvenir de cette conversation des plus dérangeantes. Ces fichus Dignitaires essayaient grossièrement de s’attirer ses faveurs. Dans quel but ? Il n’en savait rien mais il était hors de question de mêler l’armée à leurs manigances politiciennes.
Quelque peu agacé, il tourna le dos à la porte et foudroya du regard la salle de contrôle tout à coup trop bruyante, trop pleine de cette animation coutumière. Plus loin, il repéra le va-et-vient des pilotes allant ou revenant de mission. Il ne s’attarda pas à savoir si Orianne faisait partie d’un groupe ou l’autre. Il avait des affaires plus urgentes à régler.
Hans se détourna, traversa la salle dans la direction opposée à grandes enjambées pour atteindre l’ascenseur qui le mènerait au rez-de-chaussée. Il s’engouffra à l’intérieur, enclencha le mécanisme et une poignée de secondes plus tard, la porte s’ouvrit sur le hall. L’officier eut juste de temps de poser un pied à l’extérieur de la cabine qu’il se fit interpeller sèchement.
— Mon Général !
Surgissant de la porte arrière strictement réservée au corpus militaire, le grand blond le rejoignit au pas de charge. Ébouriffé, le visage strié d’écorchures, sa tenue dans un état pitoyable laissant entrevoir plusieurs blessures plutôt moches, le Capitaine Xanders le fixait d’un air mauvais.
Pas de salut. Une défiance à friser un addax. Un reproche planté dans ses yeux bleus. Si son subordonné avait l’air aussi remonté qu’un Lombric, son attitude envers lui remettait en cause – une fois de plus – son autorité.
Leur relation de confiance s’était dégradée depuis la fameuse bataille contre Amos. Si en apparence GiullYann obéissait avec son efficacité habituelle, il semblait toutefois constamment furieux, sur le point d’exploser à tout moment ou de lui balancer n’importe quel reproche au visage. Aujourd’hui ne ferait donc pas exception, et, encore une fois, il se trouvait à deux doigts de sanctionner l’un de ses meilleurs éléments.
— Capitaine ? l’interrogea-t-il en insistant volontairement sur son grade. Que se passe-t-il ?
— C’était quoi cette mission ?
— Général, ne put-il s’empêcher de le reprendre.
GIULLYANN — Hall de la Tour Centrale —
Un tic nerveux souleva sa paupière droite.
— C’était quoi cette mission, mon Général ? répéta-t-il, énervé.
— Celle qui consistait à vous assurer qu’aucun dissident ne se cache dans le secteur 12 ?
— Secteur qui se trouve à une bonne dizaine de kilomètres de la Forteresse, mon Général.
— Effectivement. Il a des djebels qui pourraient abriter un repaire de…
— On a failli y rester, Général !
Devant le silence suspicieux de son supérieur, GiullYann précisa :
— Les Lombrics étaient là ! Comme s’ils n’attendaient que nous pour se mettre un casse-croûte sous leurs putains de crocs !
La surprise se peignit sur le visage de l’officier tandis que l’agacement se prononça davantage sur le sien.
— C’est impossible, Capitaine ! Comment les Lombrics auraient-ils pu savoir que vous seriez là ? C’est probablement…
— Une coïncidence ? Comme l’avarie qui a touché tous les climber-cars en même temps ? Pile à ce moment-là ? Sauf votre respect, mon Général, vous ne me ferez pas avaler ce lézard !
Le silence s’installa au fur et à mesure que le ton montait et que pesaient sur eux les regards curieux des personnes présentes. Les lumières trop vives qui baignaient le lieu, les œillades insistantes de l’homme à l’accueil, les rumeurs bourdonnantes qui parvenaient de l’extérieur, mettaient bien moins ses nerfs à rude épreuve que les traits bornés de son supérieur face à lui.
— Écoutez, reprit-il alors, je peux concevoir que vous me teniez toujours rigueur de vous avoir désobéi la dernière fois.
— Xanders… grogna Hans entre ses dents.
— Franchement Général ! On ne va pas débattre sans fin sur ma décision ce jour-là ! Je me permets de vous rappeler que j’ai déjà été sanctionné pour ces faits. Que voulez-vous de plus ?
HANS
Il ferma les poings, les rouvrit aussitôt. Il devait garder son calme. Il ne fallait pas que les choses dégénèrent. Au risque de se répéter, GiullYann était un de ses meilleurs éléments. Si le Capitaine pouvait se montrer aussi borné qu’un addax ou un peu trop franc parfois, c’était quelqu’un d’honnête et fiable. Il n’était pas dans ses habitudes d’affabuler ou de mentir juste pour le plaisir de se prendre la tête avec lui.
— Général, continua-t-il devant son mutisme, la décision du Conseil d’abréger ma sanction n’est pas de mon fait. Si vous avez des reproches à faire à ce sujet, adressez-vous à qui de droit. Il n’est pas nécessaire de risquer la vie de mes gars pour ça !
— Xanders ! Attention ! Vous dépassez les bornes !
Tous deux se faisaient face. La tension grimpait entre eux mais pas seulement. Hans se rendit compte que l’attention de tout un chacun était à présent clairement portée sur eux. Ce qui ne semblait pas déranger GiullYann, persuadé pour une raison ou une autre qu’il lui avait tendu un piège. C’était stupide, grossier, vexant et remettait en cause son intégrité.
— Que racontez-vous là Capitaine ? Ne portez pas d’accusation à la légère ! Comment pouvez-vous imaginer une seule seconde que je puisse risquer la vie des hommes sous mon commandement ? Peut-être auriez-vous dû intégrer quelques Télépathes dans vos effectifs afin de…
— Ne me rebattez pas les oreilles avec ça ! Que je sache, personne ne sait vraiment si ces Télépathes ne font pas partie des pseudo-dissidents que nous étions censés débusquer.
— Ne dites pas de bêtises, Xanders ! Darius s’est personnellement assuré de leur honnêteté ! Oseriez-vous remettre en doute sa parole ou son jugement ?
Le Capitaine se renfrogna. Il n’avait pas songé à cela. Le doute figea un instant ses traits. Hans en profita pour tenter de reprendre les choses en main.
Sans compter que la plupart d’entre eux nous ont aidés à prendre la — Forteresse.
— La plupart, en effet.
— Bon sang GiullYann ! Vous devriez avoir un peu plus confiance en…
— Les seuls Télépathes en qui j’ai réellement confiance sont cloués au lit parce qu’ils ont risqué leur peau pour sauver les nôtres ! Et que je sache, mon Général, au risque de passer pour de bon devant la cour martiale, ce n’est pas vous qui avez failli y rester pour leur venir en aide ce jour-là !
Le Capitaine Xanders tourna les talons, le plantant là avec ses vérités jetées au visage. Le sang lui vrilla les tempes alors qu’il percevait les murmures alentour. L’esclandre redouté venait d’avoir lieu, laissant la porte ouverte aux ragots.
Hans se morigéna. Même si GiullYann n’avait pas tort, il ne pouvait pas laisser passer une telle insubordination. Il allait l’interpeller quand il s’aperçut que le militaire passait déjà la porte par laquelle il était apparu. La seconde suivante, il n’était déjà plus là.
— Bordel !
Sa voix claqua dans le hall, faisant taire instantanément toutes les messes basses.
— Qu’est-ce que c’est que ce merdier ? jura-t-il entre ses dents.
Le dos raide, les nerfs à fleur de peau, il fusilla du regard la porte par laquelle Xanders avait disparu. Malgré ses désaccords avec le jeune gradé, jamais il n’aurait entrepris quoi que soit contre ses propres hommes. Alors pourquoi GiullYann semblait-il autant en colère ? Que s’était-il réellement passé ? Les Lombrics ne pouvaient pas atteindre les djebels. Le Capitaine avait parlé d’avarie des climber-cars. Son escadron et lui s’étaient donc retrouvés au milieu des dunes, cernés par les ascaris. Leur présence à eux était forcément fortuite.
La montre-processeur à son poignet bipa, interrompant sa « diarrhée mentale ». Darius l’attendait. L’officier décida de tirer tout cela au clair un peu plus tard. Il était hors de question que ses hommes ne lui fassent plus confiance.
Il retint difficilement le grognement de contrariété qui grimpait en lui et avança à grandes enjambées vers la sortie. Quelques secondes plus tard, il se trouvait en dehors du bâtiment et remontait la rue animée et bruyante en direction de l’infirmerie.
DARIUS — Mirage – Infirmerie —
Il reçut le message de son ami avec ce sentiment singulier de soulagement et d’appréhension à la fois.
« J’arrive. Je t’expliquerai »
La réunion du Conseil venait de se terminer. Leur décision était prise.
— Est-ce que vous allez enfin vous décider à nous dire ce qu’il se passe ?
La voix grave de Markk monopolisa son attention. Ses iris sombres l’immobilisèrent sur place. Bien sûr, il était loin d’être stupide. Bien au contraire. Son Haut Potentiel Intellectuel lui avait permis de comprendre, à travers leurs divers comportements ou la tension qui en résultait, que quelque chose d’anormal se tramait. Pour autant, devait-il lui en parler avant d’être certain du pourquoi du comment ? Du comment, principalement.
Il allait lui répondre quand la porte de la Chambre Commune s’ouvrit sur Hans. Et, à voir sa tête, les nouvelles n’étaient pas au beau fixe. Markk le remarqua également et s’enferma à son tour dans des pensées fort peu joyeuses. Leur discussion viendrait donc plus tard, après celle qu’il devait avoir avec l’officier. D’un signe de tête, Darius entraîna celui-ci à sa suite, dans une pièce adjacente qu’il prit soin de refermer derrière lui. Les deux amis échangèrent un regard lourd de sens.
— La réunion a duré plus longtemps que prévu.
Ce n’était pas un reproche qu’il adressait à Hans mais plutôt une constatation.
— Non. En réalité, elle était finie depuis un petit moment.
— Que s’est-il passé alors ? demanda-t-il dans un froncement de sourcils.
Une grimace. Un soupir d’agacement.
— Un problème avec GiullYann. La mission a échoué. Son escadron et lui se sont retrouvés en rade au milieu des dunes, cernés par les Lombrics. Une avarie des climber-cars.
— Impossible ! Nos mécaniciens les passent en revue tous les jours.
— Je vais tirer cette affaire au clair.
— Demande à Orianne de jeter un œil aux appareils endommagés.
— Je préfère le faire moi-même.
— Elle est pourtant la plus qualifiée à ce poste. Autant qu’à celui de pilote. Tu sais qui était son Mentor. Dans les deux domaines.
— Sky. Mais cela ne change rien. Je dois voir et comprendre par moi-même ce qui a causé cette panne. Le Capitaine Xanders me croit responsable.
— Tu veux te racheter à ses yeux en lui prouvant ton innocence. Pourtant tu es le Général des Armées. Tu n’as pas à faire ça.
— La confiance de mes hommes est primordiale.
— Je comprends.
Darius posa une main amicale sur l’épaule de son ami. Celui-ci répliqua par un petit signe de tête avant de se raidir à nouveau.
— Mais je ne suis pas venu pour m’étendre sur ce sujet.
Ce fut à son tour de se tendre.
— Le Conseil ?
— Ils veulent attendre qu’Andrew se rétablisse avant de les juger tous les trois.
— Qu’est-ce que ça cache ?
— Je ne sais pas Darius, mais il s’agit de politiciens. Je n’aime pas ça. Ce sont juste des magouilleurs de première classe.
— Tu as une idée de ce qu’ils pensent de…
— … du cas d’Andrew ? Honnêtement, je n’en sais rien. Le pire comme le meilleur ou plutôt le moins pire. Mais il va falloir annoncer tout ça à Markk et Dan. Tu es celui qui est le plus proche d’eux. Peut-être que…
— Je vais m’en occuper, Hans. Je suis le dirigeant de cette Cité, de la rébellion, mais surtout, je le dois à Elfride et leur famille.
Ils se tinrent face à face sans parvenir à bouger, les pieds fixés au sol par ce poids pesant. Comment expliquer à ceux que tous à Mirage considéraient – à juste titre – comme leurs sauveurs qu’ils seraient bientôt jugés et probablement condamnés ?
L’officier fut le premier à se mouvoir. Le visage fermé, Hans saisit la poignée de porte, la tourna et sortit de la petite pièce dans laquelle ils se trouvaient, Darius sur ses talons. Il avança de quelques pas, passa devant Markk, le salua. Il s’attarda sur la mine insondable du grand brun, s’apprêta à lui dire un mot avant de renoncer. Il quitta donc la Chambre Commune de l’infirmerie en silence. Darius approcha à son tour et demanda aux infirmières présentes de sortir.
MARKK
Le Général laissa dans son sillage un sentiment étrangement dérangeant. Une lourdeur sur les épaules. Une tension qui coulait à présent dans ses veines. Darius faisait grise mine alors que, dans la rue, les rires d’allégresse gonflaient la vague de bonheur qui perçait à travers les vitres. Les rayons chauds de la matinée mourante n’émoussèrent pas non plus sa morosité.
Une œillade discrète vers Dan bien trop silencieux, bien trop attentif au vieil homme, attesta ses craintes. C’est pourquoi il réitéra sa question :
— Que se passe-t-il, Darius ?
— J’ai une mauvaise nouvelle. Le Conseil s’est réuni.
— Vous voulez dire par là ces Hauts Dignitaires qui sont sortis de leur trou après la guerre et qui se la jouent grave maintenant ? ironisa aigrement Dan.
— En effet.
— Et donc ? Ils veulent quoi ? continua-t-il sur le même ton. Comparer qui a la plus grosse ? À ce jeu-là, ils seront forcément perdants, précisa-t-il, un sourire en coin.
— Dan, ça suffit.
Markk ne lâchait pas Darius du regard.
— Expliquez-nous ce qui se trame.
— Comme je vous l’ai déjà dit, il y a de ça quelques semaines, le Conseil gouverne le Monde Connu à présent. Ces Hauts Dignitaires sont, de fait, à la tête de la justice.
— Il ne leur manque plus que des bras armés, s’étouffa presque Dan, et ils auront tous les pouvoirs ! On n’s’est pas battu contre Amos pour avoir tout un troupeau de politiciens pétochards aux commandes !
— Non, nos armées sont toujours sous le commandement de Hans.
— Encore heureux.
Markk plissa les yeux, suspicieux.
— Venez-en au fait, Darius.
— Le Conseil a décidé de juger tous les criminels de guerre sans exception. Plusieurs Télépathes ont déjà été condamnés.
— Crimes de guerre ? l’interrogea Dan. Que…
— Massacres de citoyens, toutes formes d’atrocités qui…
Le vieil homme s’interrompit une seconde avant de reprendre :
— Personne ne sera épargné.
Markk avait saisi le sous-entendu bien avant cette précision.
— Nous allons être jugés.
— Attends ! « Nous ? » On va être jugés ?
— J’en ai bien peur, Dan.
— C’est une blague ?
— Malheureusement, non.
Les sourcils de son meilleur ami se courbèrent au fur et à mesure que ses yeux s’arrondissaient.
— Sérieusement Darius, c’est une blague ?
Le ton était froid, menaçant. Quelques arcs d’énergie irradiaient entre ses doigts. Le concerné le remarqua.
— Dan, cela ne vient pas de moi.
— Encore heureux !
— Dan, calme-toi.
Le Télépathe pivota vers lui.
— Me calmer, Markk ?
— Oui, répliqua-t-il d’un ton qui ne présageait rien de bon. Cela ne sert à rien de paniquer ou de s’énerver.
— « Paniquer ? » Tu te moques de moi ?
DAN
Markk porta sur lui ses prunelles profondes. Habituellement, cela aurait suffi à le calmer mais pas cette fois. Cette farce était trop énorme. Il se leva d’un coup, les iris remplis de cette colère vibrante, prête à exploser. Les arcs d’énergie enveloppaient à présent son corps.
— On leur sauve les fesses et voilà qu’ils veulent nous « juger » ? Bon sang ! On leur doit quoi, hein ? Dis-moi !
Son monologue mua en silence lourd de sous-entendus avant que Markk en convienne :
— Rien, en effet. Toutefois, songe à tous ces innocents qui ont été sauvés. Ils n’y sont pour rien eux non plus dans tout ça.
Dan planta rageusement ses mains dans ses poches de pyjama. Les filaments d’Eyneïr s’éteignirent aussitôt.
— Tu es trop magnanime.
— Non.
Les lèvres du ténébreux s’ourlèrent un bref instant. Dan surprit le regard scrutateur de Darius, visiblement toujours aussi étonné par ses échanges avec Markk. Il haussa les épaules. Le vieil homme détourna les yeux puis reprit d’un air navré :
— Ce n’est pas vous qui risquez le plus.
Le masque impénétrable de Markk s’ébranla une seconde avant qu’il ne se ressaisisse.
— Andrew ?
— Oui.
— Comment ça, « Andrew » ? Après tout ce qu’il a fait ?
— Précisément. C’est ce qu’il s’est passé à la Cité de l’Est qui lui est reproché.
Markk se décomposa littéralement sur place tandis que lui-même ne saisissait pas. Le grand brun tenta de reprendre son masque insondable tout en évoquant le fameux « incident » :
— Il est normal que tes souvenirs soient plus flous, Dan. Ce jour-là, tu avais tes propres problèmes. La Cité de l’Est est la mission qu’Amos nous avait confiée la première fois où nous nous sommes rencontrés.
— Bien sûr, maronna 5-t-il. Comment oublier cette journée ? Le meilleur comme le pire.
Il ancra ses yeux bleus à ceux de son meilleur ami pour ne pas perdre pied alors que sa mémoire faisait ressurgir en lui tout ce qu’il avait tenté d’enfouir depuis toutes ces années. Et pourtant… toute cette horreur n’avait rien de comparable à celle qu’Andrew avait subie ou fait subir.
Une traînée froide traça un sillon le long de ses tempes, comme le reliquat éphémère des faits hors de leur contrôle ou leur volonté. Les manigances du Maître Télépathe avaient eu l’effet escompté. Maintenant, il ne restait à leur ami plus rien d’autre que les conséquences de ses actes et le poids de sa culpabilité.
DARIUS
L’air se chargea de douleur, d’amertume et de repentir aussi.
— Il risque quoi ? lui demanda abruptement Dan.
— Au mieux, une privation définitive de ses Pouvoirs.
— Pardon ?
La voix blanche de Markk trembla légèrement. Il rejeta le plaid posé sur lui et se leva avec lenteur. Ses gestes calculés l’aidaient à maintenir un certain contrôle de ses émotions. Jusqu’à quel point le Télépathe parviendrait-il à se maîtriser ? Darius n’en savait rien et espérait ne jamais le savoir.
— Le Conseil m’a demandé de créer des bracelets capables d’entraver de façon pérenne les capacités des criminels comme Amos ou Rogan.
— Que voulez-vous dire par « pérenne » ? le questionna Dan.
— Il veut dire à vie… définitivement, précisa le grand brun. Comment avez-vous pu mettre au point ce genre de…
Sa phrase resta en suspens juste le temps pour Markk de prendre une grande inspiration et se calmer.
— Vous avez dit « au mieux ». Ce qui signifie que le Conseil envisage plusieurs degrés de sanction, n’est-ce pas ?
— Effectivement.
Il évita de croiser le regard de l’un comme de l’autre. Il ne savait même pas comment le leur annoncer. Le teint blême, Markk avança d’un pas vers lui. Il était fort probable qu’il ait déjà compris.
— Darius ?
— L’exécution.
Sa réaction fut précisément celle à laquelle il s’attendait : d’abord ce fut un cri du cœur.
— C’est intolérable !
Ensuite…
MARKK
Des éclairs furieux crépitèrent au fond de ses iris. Son aura l’enveloppa instantanément, preuve que son habituel self-control était sur le point de le lâcher. Les appareils médicaux alentour grésillèrent. La posture rigide, le regard plus menaçant que jamais, il continua d’avancer vers Darius sans prêter attention au mouvement de recul de celui-ci.
— Jamais je ne permettrai à quiconque de lui faire du mal !
— Moi non plus ! s’insurgea à son tour Dan tout en faisant un geste de la main vers lui pour l’inciter à se calmer. Markk, Andrew et moi, on a traversé trop d’épreuves pour que ça finisse ainsi. Bien sûr, on n’est pas tout blancs ! Mais tout de même !
Les cheveux en épis, un tee-shirt « oversize » par-dessus un pantalon large, son ami le dévisageait avec intensité. Les mots s’avéraient inutiles lorsque tout s’écroulait autour de vous comme dans des moments tels qu’aujourd’hui.