Note sur la suppression générale des partis politiques - Simone Weil - E-Book

Note sur la suppression générale des partis politiques E-Book

Simone Weil

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RÉSUMÉ : Dans "Note sur la suppression générale des partis politiques", Simone Weil propose une réflexion audacieuse et provocante sur le rôle et l'impact des partis politiques dans la société. Écrite en 1940, cette oeuvre brève mais percutante analyse comment les partis politiques, loin de servir l'intérêt général, tendent à privilégier leurs propres agendas et à aliéner la véritable démocratie. Weil soutient que les partis politiques, en cherchant à maintenir le pouvoir, sacrifient la vérité et la justice, deux piliers fondamentaux d'une société authentiquement démocratique. Elle plaide pour une suppression totale des partis, argumentant que cela permettrait de rétablir une véritable liberté de pensée et d'action politique. Ce texte, bien que court, est dense en idées et pousse le lecteur à reconsidérer les fondements mêmes de la participation politique moderne. En abordant des questions de moralité, de vérité et de pouvoir, Weil offre une critique intemporelle qui continue de résonner dans notre contexte politique actuel. Son analyse rigoureuse et sa vision radicale invitent à un débat profond sur la nature de la démocratie et le rôle des institutions politiques. __________________________________________ BIOGRAPHIE DE L'AUTEUR : Simone Weil, née le 3 février 1909 à Paris, est une philosophe, mystique et militante politique française. Issue d'une famille juive agnostique, elle se distingue dès son jeune âge par son intelligence remarquable et son engagement envers les causes sociales. Après des études brillantes à l'École normale supérieure, elle enseigne la philosophie tout en s'engageant activement dans les mouvements syndicaux et politiques. Weil est connue pour sa pensée originale, marquée par une quête incessante de vérité et de justice. Elle a travaillé dans des usines pour mieux comprendre les conditions de vie des ouvriers, une expérience qui a profondément influencé ses écrits. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle s'exile aux États-Unis puis en Angleterre, où elle collabore avec la France libre. Malgré une santé fragile, elle poursuit son travail intellectuel avec une intensité remarquable, produisant des oeuvres qui interrogent les fondements de la civilisation occidentale. Simone Weil décède prématurément en 1943 à l'âge de 34 ans, laissant derrière elle un héritage philosophique considérable qui continue d'inspirer et de défier les penseurs contemporains.

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Seitenzahl: 50

Veröffentlichungsjahr: 2019

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LE mot parti est pris ici dans la signification qu'il a sur le continent européen. Le même mot dans les pays anglo-saxons désigne une réalité tout autre. Elle a sa racine dans la tradition anglaise et n'est pas transplantable. Un siècle et demi d'expérience le montre assez. Il y a dans les partis anglo-saxons un élément de jeu, de sport, qui ne peut exister que dans une institution d'origine aristocratique ; tout est sérieux dans une institution qui, au départ, est plébéienne.

L'idée de parti n'entrait pas dans la conception politique française de 1789, sinon comme mal à éviter. Mais il y eut le club des Jacobins. C'était d'abord seulement un lieu de libre discussion. Ce ne fut aucune espèce de mécanisme fatal qui le transforma. C'est uniquement la pression de la guerre et de la guillotine qui en fit un parti totalitaire.

Les luttes des factions sous la Terreur furent gouvernées par la pensée si bien formulée par Tomski : “Un parti au pouvoir et tous les autres en prison.” Ainsi sur le continent d'Europe le totalitarisme est le péché originel des partis.

C'est d'une part l'héritage de la Terreur, d'autre part l'influence de l'exemple anglais, qui installa les partis dans la vie publique européenne. Le fait qu'ils existent n'est nullement un motif de les conserver. Seul le bien est un motif légitime de conservation. Le mal des partis politiques saute aux yeux. Le problème à examiner, c'est s'il y a en eux un bien qui l'emporte sur le mal et rende ainsi leur existence désirable.

Mais il est beaucoup plus à propos de demander : Y a-t-il en eux même une parcelle infinitésimale de bien ? Ne sont-ils pas du mal à l'état pur ou presque ?

S'ils sont du mal, il est certain qu'en fait et dans la pratique ils ne peuvent produire que du mal. C'est un article de foi. “Un bon arbre ne peut jamais porter de mauvais fruits, ni un arbre pourri de beaux fruits.”

Mais il faut d'abord reconnaître quel est le critère du bien.

Ce ne peut être que la vérité, la justice, et, en second lieu, l'utilité publique.

La démocratie, le pouvoir du plus grand nombre, ne sont pas des biens. Ce sont des moyens en vue du bien, estimés efficaces à tort ou à raison. Si la République de Weimar, au lieu de Hitler, avait décidé par les voies les plus rigoureusement parlementaires et légales de mettre les Juifs dans des camps de concentration et de les torturer avec raffinement jusqu'à la mort, les tortures n'auraient pas eu un atome de légitimité de plus qu'elles n'ont maintenant. Or pareille chose n'est nullement inconcevable.

Seul ce qui est juste est légitime. Le crime et le mensonge ne le sont en aucun cas.

Notre idéal républicain procède entièrement de la notion de volonté générale due à Rousseau. Mais le sens de la notion a été perdu presque tout de suite, parce qu'elle est complexe et demande un degré d'attention élevé.

Quelques chapitres mis à part, peu de livres sont beaux, forts, lucides et clairs comme Le Contrat Social. On dit que peu de livres ont eu autant d'influence. Mais en fait tout s'est passé et se passe encore comme s'il n'avait jamais été lu.

Rousseau partait de deux évidences. L'une, que la raison discerne et choisit la justice et l'utilité innocente, et que tout crime a pour mobile la passion. L'autre, que la raison est identique chez tous les hommes, au lieu que les passions, le plus souvent, diffèrent. Par suite si, sur un problème général, chacun réfléchit tout seul et exprime une opinion, et si ensuite les opinions sont comparées entre elles, probablement elles coïncideront par la partie juste et raisonnable de chacune et différeront par les injustices et les erreurs.

C'est uniquement en vertu d'un raisonnement de ce genre qu'on admet que le consensus universel indique la vérité.

La vérité est une. La justice est une. Les erreurs, les injustices sont indéfiniment variables. Ainsi les hommes convergent dans le juste et le vrai, au lieu que le mensonge et le crime les font indéfiniment diverger. L'union étant une force matérielle, on peut espérer trouver là une ressource pour rendre ici-bas la vérité et la justice matériellement plus fortes que le crime et l'erreur.

Il y faut un mécanisme convenable. Si la démocratie constitue un tel mécanisme, elle est bonne. Autrement non.

Un vouloir injuste commun à toute la nation n'était aucunement supérieur aux yeux de Rousseau – et il était dans le vrai – au vouloir injuste d'un homme.

Rousseau pensait seulement que le plus souvent un vouloir commun à tout un peuple est en fait conforme à la justice, par la neutralisation mutuelle et la compensation des passions particulières. C'était là pour lui l'unique motif de préférer le vouloir du peuple à un vouloir particulier.

C'est ainsi qu'une certaine masse d'eau, quoique composée de particules qui se meuvent et se heurtent sans cesse, est dans un équilibre et un repos parfaits. Elle renvoie aux objets leurs images avec une vérité irréprochable. Elle indique parfaitement le plan horizontal. Elle dit sans erreur la densité des objets qu'on y plonge.

Si des individus passionnés, enclins par la passion au crime et au mensonge, se composent de la même manière en un peuple véridique et juste, alors il est bon que le peuple soit souverain. Une constitution démocratique est bonne si d'abord elle accomplit dans le peuple cet état d'équilibre, et si ensuite seulement elle fait en sorte que les vouloirs du peuple soient exécutés.

Le véritable esprit de 1789 consiste à penser, non pas qu'une chose est juste parce que le peuple la veut, mais qu'à certaines conditions le vouloir du peuple a plus de chances qu'aucun autre vouloir d'être conforme à la justice.

Il y a plusieurs conditions indispensables pour pouvoir appliquer la notion de volonté générale. Deux doivent particulièrement retenir l'attention.

L'une est qu'au moment où le peuple prend conscience d'un de ses vouloirs et l'exprime, il n'y ait aucune espèce de passion collective.