Oléron couleurs pourpres - Florian HORRU - E-Book

Oléron couleurs pourpres E-Book

Florian HORRU

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Beschreibung

Le capitaine Pierre Bourguignon est en poste depuis quelques mois à Oléron où les forêts, les dunes, l’océan et les marais l’aident à vivre avec ses douloureux souvenirs. Et son travail l’accapare jour et nuit sur cette île où souffle un vent de folie : braquage, meurtre, disparitions.
À Oléron la lumineuse, le capitaine et son adjoint naviguent pourtant en eaux troubles, au milieu de voyous et de prostituées. Ils doivent se plonger dans le passé des protagonistes de cette histoire pour faire éclater la vérité et démasquer les coupables. Il leur faut aussi résister à des pressions parfois inattendues et décourageantes.
Mais le capitaine veille au grain.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Florian HORRU est directeur de l’Intermarché à Dolus d’Oléron depuis 2018.
L’homme a débuté au magasin par la mise en rayon, avant de devenir gestionnaire du secteur bazar, puis directeur adjoint et enfin directeur.
Florian HORRU est Oléronais de coeur, même s’il est né du côté de la Gironde. En 2018, il se lance un défi, écrire un roman. Il publiera dans l'année, son premier roman Oléron couleurs pourpres aux Editions Terres de l'Ouest.

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Florian HORRU

Oléron

Couleurs pourpres

Roman

À la mémoire de Laurent Soucaze, qui dès le début de l’aventure n’a cessé de m’encourager dans ma démarche d’écriture...

Un remerciement tout particulier à mon éditeur et à son équipe pour le travail et les conseils prodigués...

Toute ressemblance des personnages de ce roman avec des personnes existantes ou ayant existé serait purement fortuite.

Tous droits réservés©Editions Terres de l’Ouesthttp://www.terresdelouest-editions.frISBN papier : 979-10-97150-13-6ISBN numérique : 979-10-97150-48-8

Crédits photographiques couverture :

Réalisation couverture Terres de l’Ouest Editions à partir de crédits Fotolia :Port de La Cotinière © pixels_of_life

1

Difficile d’avancer dans le hall sans se prendre les pieds dans les débris projetés partout et qui jonchent le sol. Les malfaiteurs ont lancé à vive allure un 4x4 avec son pare-buffle pour défoncer les portes vitrées de l’entrée du magasin de l’enseigne « Bonnet et fils », dans la zone commerciale de Dolus sur l’île d’Oléron.

— Jusqu’où tout ça va aller… C’est pire que dans les séries policières à la télé, s’exclama le gendarme Jean-Claude Tessier.

Son chef, Pierre Bourguignon, capitaine de gendarmerie, acquiesça d’un signe de la tête. Son adjoint n’avait pas tort. Depuis son arrivée à la tête de la brigade, quelques mois auparavant, les affaires s’enchaînaient à un rythme effréné : vols, cambriolages, bagarres, et autres trafics de drogues… Et toujours la nuit, bien sûr. Des nuits de plus en plus courtes. Encore une fois, à deux heures du matin, il était en train de bosser, dans un supermarché qui venait d’être cambriolé par des voyous ayant utilisé une voiture bélier. Bourguignon avait aussitôt fait rappliquer les collègues chargés de relever les empreintes, il fallait maintenant interroger le patron de l’établissement, un certain Vincent Revel dont il ne savait rien. C’est lui qui avait alerté la brigade et le gendarme de permanence avait aussitôt prévenu le chef. Réveillé en fait. Après avoir maudit toute l’île et ses habitants, le capitaine s’était rendu sur les lieux. Auparavant, il avait contacté son adjoint, qui avait simplement dit « Je vous rejoins » comme s’il trouvait naturel de se lever en pleine nuit pour se rendre dans un supermarché. Jean-Claude Tessier était de bonne composition. Toujours disponible. Toujours serviable. Un vrai scout !

Vincent Revel, le propriétaire des lieux, se rongeait les ongles, avachi sur un banc, près de l’entrée. Le visage fermé, livide, les coudes appuyés sur les genoux, il faisait des efforts manifestes pour maintenir sa tête droite. Il était vêtu, tout au moins couvert, d’un jean et d’un pull informe qu’il avait dû enfiler à la va-vite.

Pierre Bourguignon le regardait, perplexe tant l’homme paraissait abattu, comme si toute sa famille venait d’être décimée. Après tout, il ne s’agissait que d’un casse. Très ennuyeux certes, mais personne n’était mort et seule une petite partie du magasin était saccagée. Sans compter la façade vitrée.

— Connaissez-vous des personnes qui pourraient vous en vouloir ? lui demanda-t-il en s’approchant tout en essayant d’éviter les bris de verre.

La question était étrange. Comme si déjà l’enquêteur soupçonnait le propriétaire de quelque turpitude.

Aussi étrangement, Vincent Revel ne s’offusqua pas et marmonna :

— Non, pas du tout, je ne pense pas que quelqu’un me veuille du mal, à moi, en particulier. J’imagine plutôt que c’est le magasin, et ce qu’il contient, qui était visé. Cela me paraît même évident, non ? Pas à vous ?

Le capitaine éluda la question et poursuivit :

— Comment avez-vous été averti ?

— Les gens du bar en face, sur le parking. J’ignore comment ils se sont procuré mon numéro, mais j’ai reçu un appel cette nuit, vers une heure. Je dormais d’ailleurs. J’imagine que c’était leur heure de fermeture. Ou que le bruit les a attirés.

— Que vous a-t-on volé ?

— Des téléviseurs, des tablettes et des smartphones. Des trucs qui se revendent facilement. Pas des casseroles !

Ce type est bizarre, songeait le gendarme. Effondré et vindicatif en même temps.

Le bar en question faisait effectivement face à l’entrée du magasin, situé de l’autre côté du parking réservé aux clients de l’enseigne. Il avait été repris dernièrement par deux jeunes hommes, dont l’un était un ancien handballeur de l’équipe locale.

— Votre système de sécurité était-il opérationnel ?

— Oui, mais l’alarme n’a pas sonné. Pourtant quand il s’agit de me réveiller à deux heures du mat, parce qu’un oiseau se déplace dans le mail du point de vente… Là, elle fonctionne parfaitement.

— Et la vidéo-surveillance, elle fonctionne ou bien elle est en panne elle aussi ?

— Non, elle marche très bien.

— Dans ce cas, nous allons saisir les enregistrements afin de les étudier.

Devant l’empressement des inspecteurs, le patron se dirigea vers le local de sécurité qui se trouvait à droite à l’entrée du magasin. Instinctivement, se saisissant de la souris, il appuya sur lecture afin de vérifier que tout avait bien fonctionné.

Alors que les premières images défilaient, d’autorité le flic attrapa la souris et reprit la main sur l’ordinateur. D’un rapide clic gauche, il stoppa le déroulement de la bande. Pas question de laisser le propriétaire ni aucun membre du personnel regarder ces enregistrements qui permettraient éventuellement d’identifier les malfrats. Ce rôle incombait aux enquêteurs.

Vincent Revel qui semblait un peu moins atterré s’insurgea :

— Je suis dans mon magasin, je pense avoir le droit de visionner mes enregistrements pour savoir ce qu’il s’est passé.

Ce fut Jean-Claude Tessier, l’adjoint du capitaine qui prit la parole alors que tout le monde avait oublié sa présence :

— Non. C’est la procédure. Nous devons saisir ces bandes.

Le ton était courtois, mais ferme. Le propriétaire de l’établissement en resta coi. D’évidence, Vincent Revel était surpris par l’intervention catégorique de l’enquêteur, jusqu’alors discret, voire effacé.

Il leva la main d’un geste las, pouvant signifier qu’il se faisait une raison.

Et c’est l’enquêteur principal, Pierre Bourguignon qui prit le relais :

— Pouvez-vous me dire comment fonctionne l’enregistrement des caméras ?

— Eh bien, il y a en permanence 15 jours d’enregistrement.

Le gendarme se retourna et ordonna à son collègue :

— Jean-Claude ! Fais une saisie et réinitialise pour que le système puisse continuer à enregistrer sur un nouveau support, sait-on jamais.

S’adressant au directeur, Tessier demanda :

— Vous avez de nouvelles bandes pour remplacer celles que nos services vont emporter ?

— Oui, bien entendu. Mais ne vous embêtez pas, je vais m’en occuper de suite.

Jean-Claude Tessier, 48 ans, cheveux grisonnants, petites lunettes, marié et père de deux enfants maintenant majeurs, était en effet discret, mais efficace et intuitif. Il n’ignorait rien de la procédure et agissait toujours avec doigté et amabilité. Tessier aimait vraiment son métier et n’avait d’autre ambition que celle de l’exercer au mieux. Prendre du galon ne l’intéressait pas. Le plan de carrière, ce n’était pas son genre. D’autant moins qu’il n’avait aucune envie d’être muté. Il adorait l’île, sa femme travaillait à la mairie de Saint-Pierre et ses deux fils étaient étudiants à La Rochelle. Son train de vie lui suffisait amplement. Tessier n’avait pas la folie des grandeurs.

Pierre Bourguignon s’entendait fort bien avec lui. Il appréciait sa connaissance du secteur, sa capacité de travail et son caractère toujours égal. Il lui faisait une confiance absolue. Il savait aussi que son collègue ne manquait pas de flair et que son jugement sur les gens était souvent pertinent. En plus, c’était un homme intègre et qui jouait toujours franc-jeu.

Les deux enquêteurs avaient été rejoints par les spécialistes des relevés d’empreintes, plutôt de mauvaise humeur, mais qui exécutèrent leur tâche sans trop maugréer.

— N’ouvrez pas le magasin demain…

— Évidemment, ce serait impossible. Vincent Revel interrompit sèchement le capitaine.

Ce dernier se tourna vers son adjoint et en aparté, lui demanda ce qu’il pensait du patron.

Jean-Claude Tessier sourit. Hésita un peu. Puis lâcha.

— Comment dire ? Je ne le cerne pas très bien.

Le capitaine sourit à son tour :

— Eh bien, moi non plus. Ce n’est qu’un braquage tout de même. Pourtant le type paraît traumatisé.

Il revint vers le gérant qui s’était de nouveau vautré sur une chaise.

— J’ai l’impression que votre réaction est démesurée par rapport à ce qui s’est passé, remarqua-t-il.

L’autre se leva.

— Peut-être. Mais c’est le quatrième braquage que je subis en 3 ans. Cela fait beaucoup, non ? Et pour tout vous dire, je commence à penser qu’un des employés refile des tuyaux sur le matériel à des gens extérieurs. Les braquages ont toujours eu lieu quand nous venions de recevoir de nouveaux téléviseurs.

— Vous avez des soupçons ?

— Oui, mais aucune preuve. Donc, je ne ferai aucun commentaire. Et je peux vous dire que visiblement, les casseurs sont allés directement au rayon en question, pourtant la semaine dernière nous l’avons changé de place.

2

Trop énervé et craignant de ne pouvoir se rendormir toute de suite, Pierre Bourguignon sillonna les rues de Saint-Pierre d’Oléron. La « capitale » de cette île dite la lumineuse, réputée pour sa côte sauvage, ses forêts de pins et ses mimosas qui ont même leur fête à Saint-Trojan, en février. Tout le département vient les admirer malgré les embouteillages monstrueux. À l’inverse de Ré, sa voisine, Oléron est une île plutôt populaire, sauvage dont les charmes ne se dévoilent pas au premier regard. Le long de la route principale, les constructions hétéroclites datant d’une époque où, hélas, on se souciait peu de l’architecture et de la préservation du bâti insulaire, n’incitent pas vraiment à s’y attarder. Oléron se mérite. Il faut bifurquer, flâner, se perdre éventuellement, pour découvrir les villages, les plages où les vagues cognent, les monuments préservés et les différents paysages côtiers et forestiers. D’un village à l’autre, l’ambiance est différente.

Charentais et habitants des départements voisins s’y rendent régulièrement dès le printemps. Pour mesurer cet engouement, il faut voir la queue sur le viaduc, les dimanches soir, surtout lors des week-ends du mois de mai et en été. Il est fréquent de perdre une bonne heure pour arriver jusqu’aux feux de Marennes ! Les bouchons tout aussi fréquents à l’aller exaspèrent, mais décidément, Oléron se mérite et le franchissement du pont fait oublier le temps passé dans des voitures cul à cul. Déjà, on pense aux bonheurs simples, aux balades à vélo, à la pêche à pied, aux longues marches sur le sable. Des moments sans chichis. On ne fréquente pas l’île d’Oléron pour se montrer, pour parader, pour étaler une éventuelle aisance financière et les marques de ses fringues. On vient au contraire, pour profiter de la nature, jouer au Robinson et vivre des moments plus authentiques.

C’était d’ailleurs ce dont le capitaine avait besoin. Il aimait le sable et le soleil sous le vent, les promenades en forêt et l’activité rude des ostréiculteurs dans leurs parcs à perte de vue ou celle des pêcheurs à la Cotinière. S’il avait osé, il leur aurait demandé d’embarquer avec eux sur un bateau, un jour ou deux.

Pour l’instant, il n’osait pas et, surtout, il n’avait ni ami ni copain. Dans cette région d’adoption, il ne connaissait encore personne, hormis ses collègues. Il ne s’en formalisait guère, les nombreuses enquêtes à mener occupaient tout son temps et l’empêchaient de penser à lui, à la vacuité de sa vie personnelle notamment. Les rares jours de congé, non seulement il se baladait dans la nature, mais il découvrait aussi avec plaisir le patrimoine historique dont les constructions de Vauban dont il ne savait rien jusqu’alors. Comme un touriste, ou un étudiant, il lisait les guides et n’hésitait pas à se flatter publiquement de ses connaissances. Il aurait volontiers récité ce qu’il venait d’apprendre sur Vauban par exemple qui fortifia la France sous le règne de Louis XIV. Il avait d’ailleurs amusé son collègue Jean-Claude Tessier en lui disant :

— Tu sais que son œuvre de bâtisseur compte 119 places ou villes fortifiées, 34 citadelles, 58 forts ou châteaux, 57 réduits et 29 redoutes sur tout le territoire ?

Un peu étonné tout de même par ce ton professoral, Jean-Claude s’était contenté d’acquiescer et d’avouer son goût particulier pour la citadelle du Château-d’Oléron.

L’appartement de Pierre Bourguignon était situé à l’étage de la gendarmerie. Un logement humide et sombre, aménagé de façon sommaire : une cuisine américaine mal équipée dans un renfoncement, un vieux fauteuil, une table, un téléviseur, une étagère avec quelques romans et des ouvrages sur l’histoire d’Oléron. Des murs blancs un peu jaunis et un vilain lustre qui pendouillait au milieu du plafond. La chambre n’était guère plus accueillante : un lit double, une console en bois brut qui servait de table de chevet et une lampe sans abat-jour. Pas vraiment un nid douillet ! Les fenêtres recouvertes de fumée et de poussière ne laissaient filtrer que quelques rayons. Le capitaine n’avait encore rien entrepris pour rendre confortables ces deux pièces sinistres. Il avait seulement acheté l’étagère qu’il avait dû monter, ce qui lui avait pris un temps fou. Pierre Bourguignon était particulièrement maladroit et la vue des planches en vrac lui avait d’abord flanqué la nausée. Il s’était forcé à examiner le plan, un dessin abscons à son avis. Les planches glissaient, tombaient, les vis aussi. Finalement, après avoir pesté pendant des heures et rampé au sol pour récupérer les vis récalcitrantes, il était parvenu à assembler les planches. L’étagère de guingois avait piètre allure, mais elle tenait debout et ne dépareillait pas l’ensemble hétéroclite acheté par le locataire précédent, probablement à Emmaüs un jour de spleen. On comprenait qu’il soit parti en laissant tout sur place.

Le capitaine s’affala sur son fauteuil. Contre toute attente, il s’endormit aussitôt. Et ne se réveilla que quelques heures plus tard, hagard et tout déboussolé.

Rituel du matin. Une douche. L’uniforme. Puis le café. Allumer la cafetière, y placer le fond d’un sachet de café, rajouter de l’eau. La machine émet le petit bruit significatif de l’eau qui passe dans le conduit et commence à cracher sa vapeur d’eau. Pierre aimait l’odeur du café. Le goût aussi.

Déjà, s’inquiéta-t-il en regardant le cadran de son téléphone qui affichait presque 9 heures. Un téléphone portable ? Heu… Oui. Pas un smartphone en tout cas. Un engin qui datait de Mathusalem, ce dont il se moquait bien. Ce vieux truc téléphonait. Et qu’un téléphone serve à téléphoner, lui suffisait pleinement. Il le répétait souvent quand son entourage s’étonnait de le voir utiliser cette antiquité.

— Vous êtes collectionneur ? lui avait demandé Jean-Claude lors de leur première rencontre.

Le capitaine n’avait d’ailleurs pas tout de suite saisi que son adjoint faisait allusion au téléphone antédiluvien. Il avait bafouillé : non. Puis, comprenant, il s’était justifié en affirmant que cela lui convenait parfaitement. Et l’autre, pourtant très déférent, s’était permis de lui répondre que si la gendarmerie n’était pas très riche, elle n’était pas non plus pingre au point de ne pouvoir mettre à sa disposition du matériel un peu plus moderne.

Pierre Bourguignon dévala l’escalier qui conduisait à la brigade où tout le monde était déjà actif, Jean-Claude, son adjoint, en tête. L’ambiance était plus gaie que celle de son logement déprimant. Il se hissa littéralement dans son bureau situé sur une sorte de mezzanine reliée au reste des bureaux par une passerelle en métal d’où il pouvait observer tout le monde.

— As-tu pris ton café ? demanda-t-il à Jean-Claude Tessier.

— Oui, mais j’en veux bien un autre. Je préfère celui de ton percolateur à celui de la machine de la salle commune. En plus, le tien, il est gratuit, nous, à raison de 50 centimes le gobelet, c’est du vol pour ce jus insipide. Dégueulasse même.

En attendant sa tasse, Tessier s’appuyait contre le bureau. Pierre se demanda s’il n’allait pas carrément s’y asseoir.

— Prends une chaise, lui proposa-t-il. Tu ne paieras pas plus cher. T’as du nouveau sur le braquage de cette nuit ? Et puis excuse-moi, je ne me suis pas réveillé ce matin.

— Ne t’en fais pas. Mais oui, justement, on a du nouveau. Un client du bar d’en face a relevé l’immatriculation du véhicule. Tu sais à qui il appartient ?

Le capitaine qui se sentait vermoulu après avoir dormi dans le fauteuil raide et bancal de son appartement n’était pas disposé à jouer aux devinettes. Il avait mal au dos et à la nuque.

— Non, forcément, je l’ignore. Je suppose que tu vas me le dire. Le ton n’était pas cassant, mais assez ferme pour que Jean-Claude comprenne que l’heure n’était pas à la plaisanterie.

— April Ruo. Ce nom te dit quelque chose ?

Pierre Bourguignon laissa glisser sa tasse et jura en s’emparant d’un papier pour éponger le café qui traçait déjà des petits sillons sur le bureau. Spontanément, Jean-Claude Tessier se recula en pensant qu’il n’avait jamais vu quelqu’un d’aussi gauche.

— Quoi ? Tu déconnes ?

— Ben non. C’est bien celle d’April Ruo.

— La juge ? April Ruo ? répéta le capitaine.

— Oui, c’est bien elle.

— Ce n’est pas possible, il y a une erreur.

— J’ai visionné la bande-vidéo et il s’agit bien de son 4x4 gris.

— Sérieux ? demanda Pierre qui se dérida. On la voit sortir de son gros 4x4, en marchant sur la pointe des pieds avec ses escarpins ? Elle se dandine en flanquant des coups de sac à main sur les vitrines ?

Jean-Claude Tessier rit à cette évocation, puis reprit plus sérieusement.

— Elle ne s’est pas rendu compte de la disparition de son véhicule. Je l’ai déjà appelée.

— Son terrain n’est pas clos, elle ne rentre pas sa voiture dans le jardin ou dans le garage ?

— Si, mais elle fait des travaux et le terrain est encombré, donc elle est obligée de garer la bagnole sur le bord de la route.

— Elle a dû péter un câble, vu son caractère impulsif.

— Non pas du tout, elle était sidérée. Elle ne comprenait pas.

— Montre-moi les vidéos !

Jean-Claude avait posé sur le bureau un ordinateur et ouvrit un logiciel. Contrairement à Pierre, l’informatique n’avait pas de secret pour lui, il adorait ça et ne se séparait jamais de son petit PC portable qu’il jugeait plus performant que les ordinateurs de la gendarmerie.

Sur la vidéo, on voyait ce 4x4 en effet et trois hommes encagoulés, gantés, vêtus de noir et chaussés de baskets sombres. Impossible sur la bande d’en définir la marque.