Parfums de femmes - Jacques Sacré - E-Book

Parfums de femmes E-Book

Jacques Sacré

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Beschreibung

"Parfums de femmes" explore les multiples facettes de la féminité à travers quinze nouvelles, chacune comme un parfum unique, subtil et envoûtant. Ces récits dévoilent des mondes riches en mystères, où la femme, passé, présent et avenir de l’homme, fascine et surprend. Un voyage littéraire aux senteurs intenses.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jacques Sacré puise ses racines dans une riche tradition familiale, il collecte dès 15 ans les légendes d’Ardenne transmises par sa grand-mère et les retranscrit. Vétérinaire, il partage son savoir à travers ouvrages, articles et médias. Écrivain éclectique depuis plus de 30 ans, il explore divers genres littéraires, à l’exception de la poésie, participe à festivals et concours, et expose sur des thèmes variés. Membre de plusieurs confréries, il est également lauréat de nombreux prix littéraires, tels le Prix de la Ligne en 1999 et le prix Jacques Moriceau de littérature gourmande en 2003.

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Seitenzahl: 135

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Jacques Sacré

Parfums de femmes

Nouvelles

© Lys Bleu Éditions – Jacques Sacré

ISBN : 979-10-422-5937-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Préface

Jacques Sacré n’en est pas à son premier roman. Vétérinaire de profession, écrivain et scénariste par choix, il raconte des histoires depuis plus de trente ans. Pourtant, je ne le connaissais pas. Il m’a suffi de lire quelques pages de Parfum de femmes pour me rendre compte que j’étais passée à côté de quelque chose. Ce livre n’est pas une simple collection de nouvelles. Il nous invite à explorer un monde fait de sensations, de parfums, de souvenirs et de silences. Chaque récit semble flotter dans une atmosphère unique, entre le tangible et l’insaisissable. Des hommes et des femmes y évoluent, souvent désemparés, à la recherche de ce qui leur a échappé – une odeur, un visage, un amour perdu, un père oublié, une identité qu’ils ont laissée quelque part sans s’en rendre compte.

Ce qui surprend, ce qui touche, c’est l’humanité fragile de ces personnages. Ils sont abîmés par la guerre, la maladie, les préjugés, et malgré tout, ils avancent. Ils continuent. Leurs quêtes sont silencieuses, presque imperceptibles, mais elles sont là. Chaque nouvelle nous emmène ailleurs, sans transition, d’une femme à l’autre, d’une histoire à l’autre, comme un chemin que l’on emprunte sans vraiment savoir où il nous mène. Parfum de femmes n’est pas juste un titre, c’est une promesse tenue. Les femmes sont le cœur de ce livre, mais elles ne sont pas celles que l’on attend. Elles bousculent, elles dérangent. Elles sont loin des images rassurantes qu’on leur prête parfois. Elles sont vivantes, réelles, et parfois inquiétantes.

Des effluves de violette qui s’attardent dans l’esprit à Maresca, une femme dont le simple nom semble déjà hypnotiser. Des femmes qui attendent, celles qui s’égarent, celles qui séduisent ou effraient, celles qui aiment ou qui dominent. Des mères étouffantes, des jeunes filles perdues, des vieilles ensorcelantes. Ces femmes peuplent le livre comme des ombres mouvantes, insaisissables. Les hommes qui croisent leur chemin ne sortent jamais indemnes. Ils perdent plus qu’une plume, ils laissent des morceaux d’eux-mêmes derrière eux.

Dans les rues pavées, dans les forêts profondes, au cœur des villages hantés ou des campagnes en ruines, les femmes laissent des traces, parfois ténues, mais indélébiles. Il y a quelque chose d’étrange et de familier à la fois dans ces récits. Ce que Sacré raconte, c’est un peu ce que l’on connaît, mais d’une manière que l’on ne reconnaît pas tout de suite. Il interroge les contours du féminin dans un monde où tout semble flou, mouvant.

Ses femmes sont multiples. Mères, amantes, jeunes filles ou amies, elles ne se contentent pas de jouer les rôles qu’on leur attribue. Elles les déconstruisent, les redéfinissent. Elles sont complexes, entières, pleines de contradictions. Elles sont comme nous. Jacques Sacré, à travers ses nouvelles, nous force à les voir autrement. Et ce faisant, il nous oblige à revoir notre propre vision de ce qu’être une femme veut dire aujourd’hui. Insaisissables, mystérieuses, elles nous troublent autant qu’elles nous fascinent. Mais au fond, c’est peut-être ça, leur pouvoir.

Karin Clercq

Introduction

« La femme est l’avenir de l’homme », nous dit le poète. Mais elle ne peut l’être que parce qu’elle fut son passé et qu’elle est son présent.

Elle se décline à lui sur tous les thèmes. D’elle émane vers lui des parfums d’amour, de haine, d’interdit, d’impossible, d’absence, de sauvagerie, de solitude, d’oubli.

Femmes dont les innombrables facettes sont autant de senteurs qui nous séduisent, nous intriguent, nous font peur.

Quinze nouvelles, quinze mondes différents, un seul acteur : la femme. Des clichés pris sur le vif, images pas toujours romantiques de la vie, aux doubles titres évocateurs.

Qu’elles soient épouses, maîtresses, mères, sœurs, voisines, copines, belles étrangères ou troubles inconnues, du passé ou du futur, sorcières ou fées, elles portent en elles leur part de mystère qui rarement se dévoile, qui souvent nous surprend.

Attention, dans ce livre, une femme peut en cacher une autre !

Un vent de violettes

Parfum de femme

Cette fois, il était sûr de ne pas s’être trompé. Mélangé aux odeurs d’herbes sèches et de résine, il avait nettement perçu ce léger parfum de violettes que le vent avait apporté, pointant discrètement au sein de l’omniprésente odeur du marronnier tout proche.

Un léger coulis venteux confirma la sensation qu’il avait eue quelques secondes auparavant.

Cette fragrance délicate provoquait en lui une émotion dont la puissance le surprenait.

Ce petit vent du sud était le plus agréable de tous ceux qu’il pouvait percevoir. Il lui apportait des odeurs de sève chaude entrecoupées de touches d’air plus frais, un peu acide, probablement issues d’une rivière toute proche, dont la brise véhiculait par bouffées le gazouillis chantant.

Tous ces mouvements d’air étaient désormais les rares liens qu’il gardait avec l’univers qui l’entourait.

Tout son monde se résumait aux doigts doux et tièdes d’un zéphyr qui lui caressait la peau, aux coups incisifs de légères bourrasques qui se levaient parfois lorsque le jour s’en allait, à des tourbillons imprévus qui laissaient sur ses lèvres un goût de terre brûlée.

Et pardessus-tout, cette subtile odeur de violettes que quelques souffles mystérieux lui faisaient parfois parvenir.

Violettes comme ces yeux d’un violet profond, dernière image gravée sur sa rétine et dans sa mémoire avant le grand trou noir.

Cette femme qui avait surgi devant lui, brusquement ; qu’il avait tenté d’éviter en lançant son véhicule sur le côté.

Après, il n’y avait plus eu qu’un grand mur blanc avançant à toute allure vers lui, puis l’obscurité, le silence.

Quand il avait repris connaissance, la première sensation qu’il avait perçue était une caresse tiède et persistante sur tout le corps, arrivant par ondées, et une odeur tenace de marronnier.

Il devait être près d’une fenêtre largement ouverte, ou d’une baie d’où lui parvenait une légère brise rafraîchissante.

Le bruissement des feuilles, celles du marronnier probablement, était la seule musique qu’il percevait, jusqu’à ce qu’un murmure de voix ne s’élève près de lui. Il avait cru comprendre « Il revient à lui », mais il n’en était pas sûr.

Il avait voulu bouger, s’y était employé de toute sa volonté, mais pas un muscle en lui n’avait tressailli. Il avait voulu ouvrir les yeux, lentement, prudemment, pour ne pas se blesser la rétine par la révélation d’une lumière trop vive, mais le voile noir avait persisté. Il avait voulu appeler. Mais les mots qu’il formait dans sa tête ne parvenaient pas à franchir ses lèvres.

Il s’était alors cru mort, mais une voix avait repris : « Je crois qu’il a bougé. »

De nouveau, un tourbillon d’air tiède l’avait enveloppé. Il s’était trouvé bien, merveilleusement bien, et il n’avait pas tardé à retomber dans le néant.

Lorsqu’il était revenu à lui, les claquements secs de rafales venteuses cinglaient les vitres et les tentures, tandis qu’un courant d’air, venu du fond de la pièce, lui apportait des odeurs de légumes cuits et de viandes grillées, mêlées de quelques tintements métalliques.

Son corps inerte et étranger à tout ce qui l’entourait avait concentré dans son odorat, son ouïe et son toucher toute l’énergie qu’il possédait encore, décuplant sa sensibilité.

Seul, le goût semblait dominé par une sensation âcre de vieux caoutchouc aseptisé.

Le sommeil lui vint alors que quelqu’un, près de lui, le coupait de la tourmente en refermant la fenêtre.

Ce fut le lendemain qu’apparut, pour la première fois, cette odeur de violettes.

Immédiatement, Alexandre avait revu le visage de la jeune femme et ses yeux violets agrandis par la peur.

Il avait ainsi fini par imaginer qu’il l’avait évitée, qu’elle s’en était tirée, qu’elle était là, vivante, près de lui.

Cette image et cette odeur poussée par le vent avaient pris corps en lui de façon saisissante.

Cette présence aux tréfonds de son être procurait à son esprit d’irréelles et délicieuses sensations.

Toute sa vie tendait vers cette odeur de violettes, vers ces rafales parfumées que le vent laissait glisser dans la pièce.

Pourtant, il sentait qu’il s’en allait, que tout son être se diluait peu à peu.

Les sons lui parvenaient de plus en plus étouffés et le bruissement des feuilles de l’arbre voisin n’atteignait plus sa conscience que réduit à une vibration continue. Même les odeurs perdaient toute consistance.

L’empreinte du zéphyr sur sa peau, les tourbillons entourant son corps frôlaient de plus en plus une chair morte et inerte.

Soudain, l’odeur des violettes, plus forte que jamais, s’imposa à sa conscience de façon violente. Il voulut appeler, se lever.

Les dernières bribes de son esprit s’évanouirent dans l’éther, et son corps s’affaissa, inerte.

Au pied de son lit, une petite vieille aux cheveux blancs de neige, de qui émanait un délicat parfum de violettes, murmura :

— Pauvre garçon !

Mais il était trop tard : le vent venait d’emporter l’âme d’Alexandre.

L’écho de Maresca

Mirage de l’amour

Schan avait repris goût à la rue, aux passants. Enfin, il avait essayé ; il le fallait. Il se rendait compte que sa lente descente aux enfers de la misanthropie le menait tout droit au suicide. Et de cela, il n’en voulait pas encore.

Sa chute s’était amorcée insidieusement, mais inexorablement. Depuis son départ. Elle était partie en mission à l’étranger pour le gouvernement, comme elle l’avait fait maintes fois. Et elle n’était pas revenue. Il avait appris qu’elle s’était mariée là-bas, dans un pays où l’amour suffit. Comme s’il n’avait jamais existé.

Il avait mené sa petite enquête. Il avait remué beaucoup de boue : sa boue à elle… et la sienne. Elle n’en était pas à son premier amant ; cela, il n’avait pas voulu le comprendre, ou plutôt l’admettre. Il était persuadé de son irrésistible pouvoir de séduction sur les femmes. Maintenant, il en était à se demander ce qui lui faisait le plus de mal : la défection de sa compagne ou la destruction de sa propre image.

Il avait brassé des tas de noms, des tas d’adresses, à en avoir la nausée. Il avait changé de boulot : plus question de bosser dans la même boîte qu’elle. Il avait évidemment trouvé moins bien et ses revenus s’en ressentaient. Un nouveau job qui l’embêtait, tout autant que ses collègues de travail qui lui cassaient royalement les pieds. Entre ce bureau immonde qu’il fuyait et son home où il pouvait broyer du noir tout seul, bien à son aise, il y avait les rues qu’il fallait emprunter pour aller de l’un à l’autre.

Des rues qu’il avait fini par haïr. Il ne pouvait plus y supporter la vue d’un couple amoureux, d’hommes sûrs d’eux, de voitures somptueuses, lui qui avait dû revendre la sienne, d’étalages de boutiques de luxe, de restaurants bondés de clients gourmands. Il ne pouvait plus entendre les rires des passants heureux ni les cris d’enfants se bousculant.

Il avait fini par ne plus quitter son appartement, le nouveau, bien entendu, nettement moins agréable que celui qu’il partageait avec elle et qu’il avait dû revendre. Il s’était mis à boire pour meubler le silence de sa solitude, prostré dans son fauteuil.

Un jour, il avait vu ses mains trembler ; il avait pris conscience de sa chute vertigineuse vers la déchéance. On était un mardi d’avril : il avait pris son courage à deux mains et était retourné dans la rue.

Il s’était assis à une terrasse quasi vide et avait choisi la table la plus écartée. Puis il avait commandé un café : c’était le jour des bonnes résolutions. C’était aussi ce jour-là qu’il avait entendu pour la première fois le prénom de Maresca. Cela l’avait fait tiquer, mais il n’aurait su dire pourquoi. Les deux femmes qui l’avaient prononcé non loin de lui ne lui rappelaient rien.

La rue le reprenait. Le lendemain, à la même heure, il s’asseyait à sa terrasse, à la même table, comme par superstition. Mais il avait fait chou blanc : elles n’étaient pas venues, le surlendemain non plus.

Il avait alors choisi une autre terrasse, à un carrefour très animé et s’était rapproché des passants. Quelle n’avait pas été sa surprise d’entendre à la table voisine un homme dire à sa compagne en lui montrant son portable :

— Tiens, un message de Maresca !

Quoique surpris, il n’avait pas perdu le nord et avait fait rouler son stylo jusqu’à la table au pied de laquelle il s’était penché pour le récupérer, sous les regards soupçonneux de ses deux occupants. Il avait cependant pu entendre la fin du message, les bribes d’une voix cristalline et diaphane.

Le lendemain, alors qu’il était à la moitié du boulevard, deux femmes qui marchaient devant lui s’étaient brusquement arrêtées, et l’une avait tendu à l’autre un mouchoir de papier imbibé de parfum.

— Sens-moi le nouveau parfum de Maresca. Il n’y a qu’elle pour dénicher de telles merveilles !

Elle avait, dans sa précipitation, poussé le mouchoir à côté de son sac et Schan s’était précipité dessus dès qu’elles s’étaient éloignées. Un parfum discret, un tantinet vieillot, très émouvant.

Il était passé au vichy fraise : le verre durait plus longtemps et laissait sa vigilance en éveil. Mais pourquoi donc le prénom de Maresca le poursuivait-il à ce point ? Il finissait par se traiter d’idiot.

Conscient du pouvoir de la rue, il avait décidé d’étendre son champ d’investigations. Un copain lui avait bidouillé un micro directionnel très puissant dans le fût d’une vieille canne, dont le pommeau servait de diffuseur. Armé de cette canne, il était redescendu sur les boulevards. Bien entendu, une semaine s’écoula sans qu’il ait le moindre écho de Maresca. Il était vraiment accro !

C’est dans un quartier commerçant qu’il avait repris le contact. Sa canne sous le bras, il s’amusait à balayer la marée des passants au flux montant et descendant, décrochant tout un salmigondis de conversations. L’une d’entre elles l’avait happé. Il s’était orienté assez vite pour en saisir la fin.

— Donc, tu passes chez Maresca ?

— Oui, j’ai promis de lui apporter sa viande. À bientôt.

Il n’avait pu repérer la personne, mais il s’était mis à guetter tout mouvement aux alentours des boucheries voisines. Sans le moindre résultat.

Le misanthrope qu’il était devenu avait pris une décision courageuse : il s’était décidé à questionner les commerçants l’un après l’autre, avec une patience qui l’étonnait lui-même. Il avait trouvé la trace de son inconnue dans une boucherie, bien sûr, mais aussi dans une crèmerie, chez le boulanger un peu plus loin et chez un légumier sur le petit marché tout proche. Mais si on la connaissait de nom, nul ne l’avait jamais vue : elle faisait ses courses par procuration.

Ce n’est qu’après plusieurs jours qu’il rencontra la commissionnaire de Maresca.

— Monsieur s’intéresse à votre amie, avait dit le boucher à celle-ci.

— Ah, bon ! s’était-elle contentée de répondre avec un petit sourire ironique.

Schan s’était précipité vers elle alors qu’elle traversait la rue.

— Vous êtes une amie ? Comment pourrais-je la rencontrer ? Donnez-moi un indice, rien qu’un, je vous en prie !

— Maresca prend son café tous les jeudis après-midi à la Coupole. En ma compagnie.

Elle avait eu de nouveau son sourire ironique et s’était engouffrée dans le taxi qui avait démarré aussitôt.

Schan n’en avait presque plus dormi. Il avait arpenté la ville pendant les deux jours qui précédaient la rencontre. Maresca ! Cela lui était revenu en mémoire. Une jeune femme dont sa compagne avait volé le mari. Des coups de téléphone désespérés ou furieux. Maresca ! C’eut été trop beau de retrouver cette femme, justement celle-là. Quoique !