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La toute première sensation d'un enfant est pour lui le monde extérieur ; et l'univers, tel qu'il arrive à le connaître plus tard, n'est que le développement de ce premier et très simple germe enrichi d'apports ultérieurs du dehors et du dedans. Ces apports sont ceux de l'association et de la discrimination : deux fonctions qui, en combinant leurs activités, produisent le développement de l'expérience.
Nos premières données sont des touts sensibles que différencie la discrimination, et que l'association relie à d'autres touts sensibles venus du monde extérieur,…. Ce que la vie nous présente dès le premier instant, ce sont des objets concrets, que d'une part nous pouvons relier au reste d'un univers avec lequel ils ont une vague continuité et qui les enveloppe dans l'espace et le temps, que d'autre part nous pouvons morceler et diviser en éléments intérieurs. C'est nous qui les morcelons, nous encore qui les relions… Cependant c'est la discrimination, et une discrimination raffinée, qui détermine les « sensations simples » élevées par l'associationnisme traditionnel à la dignité d' « éléments premiers » et au rôle de matériaux des constructions ultérieures.
Ce livre traite de la discrimination et de l’association, des mécanismes intervenant dans le développement de l’expérience chez les êtres humains.
À PROPOS DE L'AUTEUR
William James, né à New York en 1842 et mort en 1910, est une figure fondatrice de la psychologie et de la philosophie américaines. Issu d’une famille cultivée, il reçoit une éducation transatlantique et maîtrise plusieurs langues. Après des études en médecine à Harvard, il s'oriente vers la psychologie et fonde le premier laboratoire américain dans cette discipline. Professeur à Harvard, il joue un rôle clé dans l’émergence du pragmatisme et du fonctionnalisme. Il s’intéresse aussi aux phénomènes psychiques. Son œuvre majeure, "The Principles of Psychology", paraît en 1890.
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Seitenzahl: 137
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Perception, association et discrimination (ou différenciation)
Perception, association et discrimination (ou différenciation)
Traité de psychologie
William James
Humanités et Sciences
La discrimination ou différenciation
Discrimination et association.
La toute première sensation d'un enfant est pour lui le monde extérieur ; et l'univers, tel qu'il arrive à le connaître plus tard, n'est que le développement de ce premier et très simple germe enrichi d'apports ultérieurs du dehors et du dedans. Ces apports sont ceux de l'association et de la discrimination : deux fonctions qui, en combinant leurs activités, produisent le développement de l'expérience. Il faut donc écrire la psychologie à la fois avec l'analyse et avec la synthèse. Nos premières données sont des touts sensibles que différencie la discrimination, et que l'association relie à d'autres touts sensibles venus du monde extérieur, — soit que nous allions au devant de ceux-ci en parcourant et en explorant l'espace, soit qu'ils viennent au devant de nous en se succédant devant 1'« objectif » de nos sens. Mais, à coup sur, ni l’« impression simple » de Hume, ni 1'« idée simple » de Locke ne sont des données immédiates de l'expérience ; ce sont des abstractions tardives. Ce que la vie nous présente dès le premier instant, ce sont des objets concrets, que d'une part nous pouvons relier au reste d'un univers avec lequel ils ont une vague continuité et qui les enveloppe dans l'espace et le temps, que d'autre part nous pouvons morceler et diviser en éléments intérieurs. C'est nous qui les morcelons, nous encore qui les relions. Leur connaissance est à ce prix ; et bien habile qui pourrait dire si nous usons ici de plus d'analyses que de synthèses. Cependant c'est la discrimination, et une discrimination raffinée, qui détermine les « sensations simples » élevées par l'associationnisme traditionnel à la dignité d' « éléments premiers » et au rôle de matériaux des constructions ultérieures. Commençons donc par l'étude de la discrimination et de l'analyse.
Définition de la discrimination.
Remarquer une partie quelconque de notre expérience présente, c'est faire acte de discrimination. J'ai décrit à propos de l'attention dispersée, comment nous tombons, souvent involontairement, dans l'état d'indiscrimination, même en face d'objets que nous avons déjà appris à distinguer. Le chloroforme, l'acide nitrique et d'autres anesthésiants analogues produisent parfois une désagrégation plus grande encore de la conscience, désagrégation passagère que caractérise en particulier la perte du sens des distinctions numériques ; le sujet continue à voir et à entendre, mais ne saurait absolument dire s'il voit une ou plusieurs couleurs, s'il entend un ou plusieurs sons. Quand on a préalablement distingué les éléments d'un objet, jusqu'à faire porter l'attention sur chacun d'eux isolément, il devient très difficile de percevoir l'objet dans son ancienne unité ; on peut même être assez obsédé de ses divisions pour se refuser à croire qu'il ait jamais pu exister sous la forme d'un tout indivis. Erreur indéniable, qui contredit ce fait que la division est acquise et l'indivision originelle. Quel que soit leur nombre et la diversité de leurs sources sensorielles, toutes les impressions qui tombent simultanément dans la conscience y composent un objet individuel, À MOINS D'AVOIR ÉTÉ ÉPROUVÉES DÉJÀ SÉPARÉMENT. Fusionne tout ce qui peut fusionner, ne se distingue que ce qui ne peut faire autrement ; la fusion est la règle et la distinction l'exception. Reste à voir les causes qui introduisent les distinctions dans la conscience : c'est ce qui fait l'objet de ce chapitre.
Conditions favorables à la discrimination.
Je parlerai successivement
1° des différences connues par perception immédiate ;
2° des différences connues par inférence ;
3° des différences obtenues par différenciation d'un tout en ses parties.
- Différences connues par perception immédiate.
Pour que nous puissions les distinguer, les objets doivent remplir une première condition : présenter des différences RÉELLES de temps, de lieu ou de qualité. En d'autres termes, et pour parler physiologie, ils doivent éveiller des processus nerveux distincts. C'est là une condition nécessaire ; mais, nous venons de le voir, ce n'est pas une condition suffisante : pour le dire tout de suite, les divers processus nerveux doivent être suffisamment distincts. Personne ne peut s'empêcher de distinguer une raie noire sur un fond blanc, ou une note profonde d'une note aiguë qui la suit immédiatement. 11 y a ici discrimination involontaire. Mais dans les cas de moindre différence objective, la discrimination peut exiger un effort d'attention considérable.
Seconde condition : les objets qui diffèrent ne doivent pas impressionner simultanément, mais SUCCESSIVEMENT, le même organe sensoriel. II est plus facile de comparer des sons successifs que des sons simultanés, deux pesées ou deux températures se succédant sur la même main que deux pesées ou deux températures simultanément et séparément éprouvées par les deux mains. De même, il est plus facile de discerner des nuances de lumière ou de cou leur en tournant alternativement les yeux de l'une à l'autre, afin que toutes viennent exciter successivement les mêmes points rétiniens. Quand on détermine le pouvoir de discrimination de la peau avec l'aide des pointes d'un compas, on trouve qu'elles donnent plus vite la sensation de « deux»lorsqu'elles sont appliquées successivement que lorsqu'elles sont appliquées simultanément. Dans ce dernier cas, elles peuvent être distantes de 50 ou de 75 millimètres sur la peau du dos ou de la cuisse, et continuer à ne donner encore qu'une seule sensation. Enfin, il est h peu près impossible de comparer deux odeurs ou deux saveurs simultanées. Si des impressions successives favorisent à ce point la discrimination, c'est sans doute qu'elles donnent lieu à une réelle sensation de différence, déterminée par le choc que produit dans la conscience le passage d'une perception à une autre qui ne lui ressemble pas. Cette sensation de différence a sa qualité particulière, indépendante des impressions qu'elle oppose l'une à l'autre. Elle est un de ces faits de conscience transitifs, de ces sentiments de relation dont j'ai parlé précédemment. Une fois éveillée, son objet reste dans la mémoire avec les représentations substantives qui le précèdent et le suivent, et peut ainsi servir de base à nos jugements de comparaison.
Quand la différence entre deux sensations successives est faible, il importe de passer le plus rapidement possible de l'une à l'autre et d'établir les comparaisons dans la mémoire, si l'on veut obtenir les meilleurs résultats possibles. On ne peut pas bien juger de la différence entre deux vins semblables quand on a encore le second dans la bouche. Ainsi de la différence entre des sensations de son, de chaleur, etc. ; on la perçoit mieux en faisant porter l'attention sur les deux sensations prises au moment où elles s'évanouissent. Cette condition n'a toutefois aucune importance quand il s'agit d'apprécier de grandes différences, et l’on peut alors comparer une sensation présente à un simple souvenir de sensation ; mais plus s'élargit l'intervalle de temps entre les deux termes, plus leur discrimination devient chanceuse.
Cette sensation immédiate de différence entre deux termes est parfaitement indépendante de ce que nous pouvons savoir sur les termes eux-mêmes. Les pointes d'un compas peuvent très bien me donner la sensation de deux points touchés sur la peau sans que je sache lequel des deux est au-dessus et lequel au-dessous. Je puis différencier deux notes voisines sans savoir laquelle est la plus aiguë. Pareillement, je puis différencier deux teintes voisines et ne pouvoir dire avec certitude laquelle des deux est la plus jaune ou la plus bleue, ni comment elles différent l'une de l'autre.
J'ai dit qu'en passant immédiatement de m à n leur différence produit comme un choc, qui est ce que je perçois alors. Je puis même le percevoir à diverses reprises, en repassant de n à m et de m à n ; c'est ce qui arrive en particulier dans les cas où l'on a affaire à des différences ténues et presque imperceptibles : l'attention se bande alors et se porte alternativement de l'un à l'autre des termes. Mais, non seulement on perçoit la différence, pour ainsi dire, à l'état pur entre les deux termes, on la perçoit encore dans le second auquel elle s'incorpore, et qui, tant qu'il dure, reste imprégné d'un sentiment de « différent-du-premier ». Dans le cas schématique que nous examinons, n n'est pas un état de conscience simple, mais bien un état de conscience complexe. La suite des états n'est pas : 1) m, 2} une différence, 3) n, — mais bien : 1) m, 2) une différence, 3) n-différent-de-m. 1) et 3) sont des états substantifs, et 2) est un état transitif. Étant donné ce que sont en réalité notre cerveau et notre conscience, prétendre passer de m à n en gardant ces états purs est une simple impossibilité, voire une contradiction ; car qui dit états purs dit états non comparés. Inévitablement, grâce à un mécanisme aussi certain qu'il est mal connu, le second terme ne peut plus être n pur après la perception d'une différence ; il ne peut plus être que n-en-tant-que-différent-de-m. Du moment que m a passé immédiatement avant elle, l'idée pure de n est nécessairement impossible dans la conscience.
- Différences connues par inférence.
Ne confondez jamais percevoir immédiatement une différence avec conclure à l'existence d'une différence. Dans ce dernier cas, nous avons affaire à une inférence qui s'appuie sur des connaissances précises : étant donné ce que nous savons sur les deux termes, il faut qu'ils diffèrent ; et cela nous suffit pour les rapporter à deux classes distinctes d'objets. Il arrive souvent, quand nous avons à comparer deux expériences séparées par un long intervalle de temps, que nous les jugeons moins d'après leurs images positives issues d'une représentation première, que d'après certains souvenirs portant sur leurs alentours. Ainsi, je pourrai dire que le soleil est moins brillant aujourd'hui que tel jour de la semaine passée, parce qu'il me souvient d'avoir dit alors qu'il était éblouissant, remarque qui n'a plus sa raison d'être aujourd'hui. Ou encore : je juge que je sens plus vivement les choses en ce moment que l'été dernier, uniquement parce que je puis maintenant analyser mes impressions, ce que je sais que je ne pouvais alors. Nous ne faisons que comparer ainsi des états de conscience dont notre imagination ne nous offre actuellement aucune représentation qualitative en chair et en os. C'est en particulier le cas des plaisirs et des peines : tout le monde sait quelle difficulté l'imagination éprouve à en conserver des images vivantes. Les associationnistes peuvent s'évertuer à extraire le plaisir de l'idée de plaisir et la douleur de l'idée de douleur : le bon sens, insensible à leurs arguments sophistiques, continue à penser avec Homère qu'il peut y avoir bien de la joie dans le souvenir des amertumes passées, et avec Dante qu'il n'y a pas de plus grande tristesse que de se rappeler dans le malheur le bonheur disparu.
- Différenciation des éléments d'un composé.
On peut sans crainte poser en principe que toute impression synthétique reste nécessairement rebelle à l'analyse, tant que ses éléments ne sont pas expérimentés isolément ou dans quelque autre combinaison.. Jamais il n'y aura de discrimination possible dans un groupe absolument immuable de qualités qu'on ne saurait retrouver séparément ailleurs. Si tous les objets humides étaient froids et tous les objets froids humides, si tous les objets durs nous piquaient la peau et étaient les seuls à le faire, comment pourrions-nous jamais distinguer l'humidité du froid, la dureté de l'acuité ? Si tous les liquides étaient transparents et tous les solides el les gaz opaques, il se passerait bien des siècles avant que nous usions de deux mots pour exprimer la transparence et la liquidité. Si la chaleur était fonction de la position des objets sur la surface de la terre, les plus élevés étant toujours les plus chauds, nous n'aurions qu'un terme pour exprimer l'élévation et la chaleur. Il se trouve, en fait, que nombre de sensations se présentent toujours avec les mêmes concomitants, et que l'analyse ne saurait jamais les en détacher ; c'est ce qui arrive en particulier pour les sensations provoquées par la contraction du diaphragme, l'expansion des poumons, le raccourcissement de certains muscles, et la rotation de certaines jointures. Nous savons par ailleurs que tous ces mouvements ont des causes multiples, et nous voulons que leur sensation totale soit composée de sensations élémentaires : d'où ces théories de « fusion », d' « intégration », de « synthèse », que sais-je encore ? Mais jamais l'introspection ne nous donne l'analyse de ces prétendus composants. La psychologie de l'émotion nous fournira un cas tout à fait remarquable de ces pseudo-compositions. Toute émotion s'exprime par divers symptômes : accélération de la respiration, battements du cœur, rougeur du visage, etc., dont chacun donne lieu à des sensations physiques qui, nécessairement et invariablement, font corps avec l'émotion. Il en résulte que nous ne pouvons saisir l'émotion en elle-même comme fait spirituel séparé de ces ingrédients psychiques inférieurs. Il est même impossible de prouver l'existence d'une émotion pure dans la conscience ; pour ma part, je crains bien que l'émotion pure ne soit un mythe.
Donc, en principe, si un objet nous donne quatre impressions diverses et simultanées abcd, nous ne percevons qu'une seule impression d'ensemble, qui est dorénavant aux yeux de la conscience la représentation de cet objet et le signe de sa présence ; pour analyser abcd, le concours de nouvelles expériences est indispensable. Ce sont ces expériences qu'il nous faut maintenant étudier.
Tout élément ou qualité "a" d'un objet abcd, pour pouvoir être dissocié de son groupe, doit préalablement avoir en nous son image individuelle, vague ou précise, mais distincte de bcd. Cette image individuelle s'explique alors soit par une expérience antérieure dont a fui l'objet unique, soit par toute autre expérience passée qui nous en procura la connaissance séparée. Analyser un objet, c'est faire porter l'attention sur chacun de ses éléments un à un. Nous avons vu, au chapitre un, que l'attention est conditionnée par la formation en nous d'une image individuelle de l'objet, image interne qui va, pour ainsi dire, au-devant des impressions externes venues de l'objet lui-même. L'analyse, dépendant de l'attention, dépendra donc comme elle de l'imagination. Les seuls éléments que nous puissions discerner dans une impression sensorielle totale sont ceux dont nous avons eu une représentation séparée, et dont nous gardons une image individuelle. Il semble qu'alors cette image salue son sosie dans le groupe donné et l'en fasse sortir ; à ce prix le groupe est vraiment décomposé en éléments pour notre conscience.
Tous les faits qui nous ont servi au chapitre XIII à montrer dans l'attention un mécanisme de reproduction interne de l'objet peuvent donc également nous servira montrer ce mécanisme dans la discrimination. Quand on cherche un livre dans une bibliothèque, on le trouve plus vite si l'on a dans l'œil l'image de son format que si l'on n'a que des indications de titre, de contenu, etc. Ceux qui n'ont pas expérimenté le goût de l’assafaetiida pure auront bien du mal de le retrouver dans la « Worcestershire Sauce ». Un peintre ne pourrait jamais reconnaître dans une couleur « froide » !a présence d'un bleu dilué, s'il n'avait antérieurement connu ce bleu à l'état pur. Toutes les couleurs que nous voyons autour de nous sont des couleurs mélangées : il y a du blanc dans les couleurs primaires les plus pures. Nous n'avons aucune expérience d'un rouge, d'un vert ou d'un violet absolument purs : aussi ne les reconnaissons-nous pas dans les couleurs dites primaires, qui doivent à celle circonstance de passer pour pures. Pour pouvoir discerner un harmonique parmi d'autres dans le son émis par un instrument, il faut préalablement l'entendre seul : alors l'imagination qu'il obsède l'entend dans le son composé.
On peut discriminer même des éléments non isolables, pourvu que leurs circonstances varient.
La réalité ne se prête guère aux expériences d'isolation absolue. Ce qui d'ordinaire individualise un élément a dans un composé abcd, c'est, ou bien ses variations d'intensité, indépendantes de celles de bcd, ou bien son aptitude à entrer en composition avec d'autres éléments, comme dans aefg ou ahjk par exemple. L'une ou l'autre de ces deux particularités peut, dans des circonstances d'ailleurs favorables, nous amener à percevoir et souligner une différence entre a et ses concomitants, différence approximative évidemment (on ne peut ici dépasser le relatif) : et ainsi en venons-nous à analyser le tout dont a est une partie. Cette façon de dégager et de détacher un élément de son ensemble de composition est proprement l’abstraction ; l'élément extrait devient une idée abstraite.
L'abstraction se trouve plus favorisée par la multiplicité des combinaisons où entre un élément que par ses variations d'intensité. Tout ce qui s'associe tantôt a un groupe et tantôt à un autre, tend à se dissocier des deux, et à constituer une idée abstraite à l'usage de l'esprit. On peut voir en cette formule la loi de dissociation par variation des concomitants.