Pièces d'identité - Donald Naismith - E-Book

Pièces d'identité E-Book

Donald Naismith

0,0

Beschreibung

Tout n’est pas ce qu’il semble être. Personne n’était plus conscient de cela que Simon Fielden — un marchand d’art peu scrupuleux — dans sa vie personnelle et professionnelle. Mais rien ne l’a préparé aux découvertes qu’il allait faire en menant des recherches historiques sur la vieille ferme française abandonnée qu’il a achetée afin d’échapper à la pression de la vie à Londres ainsi qu’à ses propres démons.

En retraçant son histoire depuis ses origines au XVIIIe siècle et à travers les années de l’Occupation allemande, la maison de rêve de Simon est devenue, à cause d’une terrible erreur de jugement, un endroit que lui et sa femme Becky devaient fuir à tout prix. Véritable étude en ambiguïté, « Pièces d’identité » accompagne Simon dans un voyage à la découverte de lui-même. Même dans sa nouvelle vie, tout n’est pas, comme il l’a découvert à ses dépens, ce qu’il semble être.


À PROPOS DE L'AUTEUR

Après une carrière distinguée dans l’administration éducative, Donald Naismith a pris sa retraite dans « un des coins les moins courus et très peu connus de France » où il habite maintenant avec sa famille et qui sert de cadre à cette histoire. Éduqué à Belle Vue Boys Grammar School à Bradford dans le West Riding de Yorkshire où il a grandi et à Clare College à Cambridge où il a tenu un Open Exhibition in History, il a été nommé CBE et Chevalier des Palmes Académiques en 1994 pour services rendus à l’éducation en Angleterre et en France.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 106

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



DONALD NAISMITH

PIÈCES D’IDENTITÉ

Traduit de l’anglais par Jacynth Crozier

Pour Ben

1 LE GRANDPRÉ

Le Sud-Ouest, France, août1975

« Chaque matin de Noël, lorsqu’il fait beau, le soleil se profile à l’horizon entre les poteaux du portail du Grand Pré avec une précision druidique et je me suis souvent demandé si la maison avait été orientée de la sorte dans ce but précis. Si c’était le cas, ne serait-ce pas intéressant de mieux connaître l’homme qui l’a construite ? Ce récit décrit mes recherches pour l’identifier, ainsi que les personnes qui ont vécu et travaillé ici jusqu’à notre acquisition de la ferme. »

Content avec ce qu’il venait d’écrire, Simon Fielden se redressa sur sa chaise et, à travers la fenêtre de son bureau, regarda le pré qui avait donné son nom à la maison — encore plus content d’avoir commencé à coucher ses idées sur papier. Il ne maniait pas les mots avec facilité. Les chiffres étaient son point fort. Il trouvait l’écriture difficile et avait peur de ne pas faire honneur à son sujet. Mais cela était devenu important pour lui de rendre compte de ce qu’il avait découvert et de s’assurer que les personnes qu’il avait l’impression de commencer à connaître et les événements de leurs vies ne soient pas oubliés.

Il n’avait pas encore décidé de ce qu’il ferait de ses mémoires. Certainement, il ne voulait pas en bénéficier financièrement de quelque façon que ce soit, même s’il savait qu’il y aurait peut-être un gain commercial. Et, bien que l’histoire mérite la plus large diffusion possible, la précaution naturelle qui lui avait si bien servi dans sa vie professionnelle le rendait prudent. Dans tous les cas, il devra faire attention. Il y avait des lacunes importantes dans son récit. Beaucoup d’éléments ne pouvaient être corroborés. À quel point pouvait-il faire confiance à sa compréhension de la langue française de laquelle il dépendait ? Il n’avait pas pu impliquer ses voisins ou d’autres habitants de la ville de façon significative, car ils ne voulaient tout simplement pas parler des années de guerre. Les quelques bribes qu’il avait réussi à glaner lui avaient été racontées dans un patois presque impénétrable. De plus, à cause de ses origines, il était instinctivement gêné et ne voulait pas poser trop de questions. Il pourrait bien y avoir des personnes encore en vie affectées par ce qu’il allait raconter. Néanmoins, il était sûr que, sur tous les points importants, ce qu’il avait à dire était correct. Pour l’instant, ce qu’il avait de mieux à faire était de mettre par écrit aussi impartialement que possible ce qu’il savait et de réfléchir plus tard au problème de la publication.

Simon avait acheté Le Grand Pré avec sa femme, Becky, pour leur retraite. Ils avaient toujours voulu vivre en France, et la vente de sa compagnie d’assurance familiale, peu connue, mais très rentable, située dans la City, Fielden-Klein, à la société Goldberg et Goldberg pour un montant considérable, leur a permis de le faire avec style. Tous deux se sont lancés librement dans la restauration de leur corps de ferme abandonné, au milieu de nulle part. Becky travaillant sur un jardin remarquable qu’elle n’aurait jamais pu imaginer à Londres et Simon cédant à sa passion pour la décoration d’intérieur, les meubles anciens et les objets d’art.

Simon avait été l’expert en chef et s’était spécialisé en vols d’œuvres d’art et de bijoux. Beaucoup de cambriolages, certains très spectaculaires qui avaient fait les gros titres, et surtout, beaucoup de ceux qui sont passés sous silence, l’ont à un moment donné concerné. Il était surtout fier de son talent pour évaluer les preuves, de sa perspicacité pour concilier les réclamations divergentes — en grande majorité malhonnêtes — et de sa discrétion absolue. Des qualités qui lui ont valu sa formidable réputation à la fois dans le milieu artistique franc-maçon de Londres et à la brigade de la répression des fraudes de Scotland Yard. Il pensait donc être en mesure de mener à bien la tâche relativement simple de découvrir les origines de la maison qui dorénavant comptait tellement pourlui.

Malgré cela, Simon était le premier à admettre sa surprise et une certaine déception quand la signature de l’acte de vente de la maison n’avait pas livré la liasse habituelle d’actes et autres papiers qui, en Angleterre, auraient accompagné les changements de propriétaires d’une telle maison à travers les générations et sur lesquels il comptait fonder ses recherches. À la place, il avait un seul document, l’acte de vente, listant impitoyablement dans le moindre détail le corps de ferme, ses dépendances et le terrain, ainsi que les identités des personnes impliquées et les modalités de paiement.

Le rendez-vous chez le notaire pour finaliser l’achat avait aussi amené son lot de surprises. Au lieu de signer les papiers sans plus de préliminaires, Simon s’était retrouvé à écouter Maître Duclos, pendant près d’une heure, lire page après page, à toute vitesse, avec un accent quasi impénétrable. Il était content d’avoir au préalable fait traduire tous les documents en anglais. Sans cette précaution, il aurait été incapable de suivre. MeDuclos s’est arrêté une seule fois pour regarder Simon droit dans les yeux et lui demander, de manière à ne souffrir aucun malentendu, mais avec une pointe d’incrédulité : « Vous comprenez bien que cette propriété est achetée en l’état ? » Et puis il a continué avec la cérémonie interminable de parapher chaque page. « Connaissez-vous la maison ? », lui a demandé Simon quand tout fut terminé, « Oh oui », fut la seule réponse que Me Duclos daigna donner.

Une autre surprise était la vendeuse, Catherine Solignac ; elle était nonne. Très belle femme, d’un certain âge, portant l’habit gris de son ordre, elle avait fort belle allure, une grâce et une sérénité exceptionnelles contrastant de façon saisissante avec le cadre très terre à terre du bureau de Me Duclos. Il était évident qu’elle était une personne d’une grande spiritualité et force. Quand elle était jeune, elle avait dû être d’une grande beauté : quelques mèches de cheveux blonds s’échappaient de sous sa coiffe. « Quelle est son histoire ? », se demande Simon, sa curiosité aiguisée par les circonstances de son héritage qui avaient été décrites dans l’acte de vente. Les Solignac avaient tout tenté pour contourner l’ordre de succession habituel. Jean-Baptiste, le dernier homme de la lignée, avait fait en sorte que son gendre, François, ne possède jamais Le Grand Pré en transférant le titre de la ferme à sa seule fille, Catherine, avant son mariage. C’est donc par la signature sinueuse de Catherine que la ferme est passée aux mains des Fielden. « J’espère que vous nous rendrez visite lorsque vous serez prête, dit Simon à Catherine en lui serrant la main. Vous serez toujours la bienvenue. » Mais au regret de Simon et Becky, elle n’est jamais venue.

L’agent immobilier avait mentionné qu’un ouvrier agricole venant de Catalogne, lui semblait-il, avait épousé la fille du fermier. C’était le genre d’information qu’il aimait glisser dans son discours de vente, pas toujours sans effet. Peut-être que la dépossession de François venait de là. Sans doute y avait-il là une histoire que Simon pouvait utiliser comme point de départ. Peu importe. À ce moment, Simon n’avait pas de réels intérêts pour les drames récents. Il voulait explorer le passé et découvrir les premiers habitants du Grand Pré qui occupaient maintenant son esprit. Ne pas avoir commencé ses recherches avec les Solignac actuels s’avérerait être une décision coûteuse qu’il viendrait à regretter. Il est très probable que cela leur aurait épargné, à Becky et à lui, l’angoisse qu’ils vivent actuellement.

Ce qu’ils ont découvert au sujet des Solignac actuels signifie qu’ils ne peuvent absolument plus continuer à vivre au Grand Pré. La perte financière considérable que cela implique est le moindre de leurs soucis. Limiter les pertes est, après tout, la spécialité de Simon, et il avait déjà couvert ses arrières. La vraie perte se trouverait en eux. Ils avaient mis tout leur être dans la maison de leur rêve. Mais quand l’heure viendra, ils ne verseront pas une larme, même si Simon avait du mal à imaginer comment ils allaient encaisser le coup.

Au moins, la décision de partir était catégorique. Ils n’avaient aucune autre option. Cette certitude était peut-être une certaine consolation, tout comme le serait le récit de Simon. Plus tôt ce sera terminé, mieux ce sera. Mais il avait des choses plus pressantes en tête : quitter Le Grand Pré et trouver une nouvelle maison pour Becky et sa collection d’œuvres d’art. Il avait sous le coude les détails d’une nouvelle construction cubiste, tout en verre, avec vue sur la Tamise. Simon regarda à travers la fenêtre de son bureau les étendues de blé dorées ondulant au vent comme en signe d’adieu et recommença à écrire.

2« IL Y A UNE AUTRE PROPRIÉTÉ QUE VOUS DEVRIEZ VOIR »

Simon et Becky avaient trouvé le chemin de la nouvelle agence immobilière anglophone à St Felix-Ste Croix et étaient en train d’écouter le propriétaire, Harry Goring-Smith, qui décrivait l’organisation de la journée de visites. Tous deux avaient du mal à faire preuve d’enthousiasme et, même s’ils cachaient bien leurs sentiments, beaucoup de ce que disait Harry leur passait au-dessus de la tête. Ils l’avaient déjà entendu si souvent. Ils s’étaient mis d’accord pour visiter les cinq propriétés que Harry avait choisies et ils avaient apporté les détails et les photos qu’il leur avait envoyés. S’ils donnaient leur accord pour visiter aussi cette nouvelle propriété, ce serait une journée plus longue et ils étaient déjà fatigués. Et il n’y avait pas de photo.

« Désolé pour ça. On n’a pas eu le temps d’en prendre. Comme j’ai dit, cette propriété vient juste de rentrer. Mais je ne l’aurais pas suggéré si elle n’était pas pour vous. C’est votre dernier jour et ce serait dommage de la rater. »

Harry, comme Simon, avait le don de jauger les gens et pensait que, grâce à la longue discussion qu’ils avaient eue au sujet de leurs critères, il pouvait leur présenter au moins une option qui, même si elle ne présentait que peu ou pas de ressemblances avec la liste qu’ils lui avaient donnée, pourrait néanmoins avoir un attrait irrésistible. Le succès grandissant de Harry était en partie dû à sa capacité à déceler chez certains clients leur faculté à « voir au-delà » de ce qui les gêne, même si ça ne cadre pas avec leurs attentes. Harry voyait cela en Simon. « Comment saviez-vous que c’était exactement ce que nous voulions depuis le début ? »

« C’est un peu en dehors des sentiers battus. Mais le paysage est magnifique et nous aurons le Land Rover. »

« C’est d’accord pour moi », dit Simon. Encore plus que Becky, il voulait fuir la vie en ville, les prix, la circulation, la saleté, la pression, « le bruit, les gens ». Un endroit « loin des sentiers battus » lui conviendrait à merveille. Mais Becky et lui se méfiaient du baratin de l’agent immobilier. Quasiment toutes les propriétés visitées ne respectaient pas un critère essentiel, le plus souvent c’était le prix. « Celle-ci est, cependant, un peu plus chère que ce que vous vouliez mettre. » Et ils avaient perdu le compte du nombre de fois où on leur avait dit qu’il faudrait « faire des compromis ». Au moins, avec cette propriété, le prix ne serait pas un problème. Elle semblait incroyablement bon marché. Ils avaient peu d’espoir qu’aujourd’hui serait différent. En fait, ils avaient décidé que si aucune des propriétés ne faisait l’affaire, ils s’arrêteraient là. Ils avaient passé tout l’été ricochant à travers la France et ils en avaient assez.

« Bien sûr, il y aura un peu de travail, mais cela transparaît dans le prix, comme vous l’aurez certainement compris. »