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En 1944, Robert Brasillach, arrêté et emprisonné à Fresnes, est condamné à mort pour ses écrits dans Je suis partout. Ne ce faisant aucune illusion sur le résultat des recours déposés par son avocat ou de la demande en grâce signée par les plus grands écrivains français et adressée au général De Gaulle, il attendait son exécution dans sa cellule. Les Poèmes de Fresnes ont été écrits dans cette prison alors que l auteur n avait ni stylo ni papier. Il avait réussi à se procurer une plume qu il cachait dans une pipe et du papier qu il arrachait d un carnet. C est par son avocat que ces poèmes sont sortis de Fresnes.
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Seitenzahl: 32
ÉPITRE DÉDICATOIRE SUR UN RYTHME DE BOILEAU
CHANT POUR ANDRÉ CHÉNIER (1774-1944)
JE NE SAIS RIEN
FRESNES
VIENNE LA NUIT
PAYSAGE DE PRISON
LES NOMS SUR LES MURS
PSAUME I
PSAUME II
LE CAMARADE
PSAUME III
PSAUME IV
MON PAYS ME FAIT MAL
PSAUME V
NOËL EN TAULE
LE JUGEMENT DES JUGES
LE TESTAMENT D'UN CONDAMNE
CHANSON
BIJOUX
L'ENFANT HONNEUR
PSAUME VI
PSAUME VII
GETHSÉMANI
LAZARE
AUX MORTS DE FÉVRIER
LA MORT EN FACE
Mon cher Jacques Isorni, d'une plume qui grince
J'ai copié pour vous ces chansons un peu minces.
Elles n'ont, je le crains, d'autre mérite vrai
Que d'être le miroir d'un temps mal inspiré,
Et quand vous les lirez, qui sait ? votre mémoire
Pourra ressusciter ces jours de notre histoire,
Les prisons aux grands murs et Fresnes bruissant
Des vaincus qui parfois ont été des puissants.
Mais je voudrais surtout, si, fidèle à mon titre,
J'aligne sur Boileau les vers de mon épître,
Que vous trouviez ici sous le jeu que je fais
L'accent de l'amitié qui me plait étouffé.
Je ne sais pas le temps qu'à cette amitié laissent
Les fantoches narquois qui règlent nos vieillesses,
Je ne sais pas le temps qui nous reste promis,
Mais qu'importe le temps lorsqu'on a des amis.
Et dans une cellule où l'eau sans fin s'écoule.
Mieux qui, dans d'autres lieux, mieux que parmi la foule,
Je crois voir quelquefois le fantôme léger
D'une amitié qui naît filleule du danger,
Et Je me dis alors qu'il me suffit d'y croire
Pour emporter ce temps au fond de ma mémoire
Et pour être bien sûr que le sort long ou court
Ne pourra ruiner le charme de ces jours.
Debout sur le lourd tombereau,
A travers Paris surchauffé,
Au front la pâleur des cachots,
Au coeur le dernier chant d'Orphée,
Tu t'en allais vers l'échafaud,
O mon frère au col dégrafé!
Dans la prison où les eaux suintent
Près de toi, les héros légers
Qui furent Tircis ou Aminte,
Riaient de ceux qui les jugeaient,
Refusaient le cri et la plainte,
Et souriaient aux noirs dangers.
La chandelle jetait aux murs
Leurs ombres comme à la dérive.
Les cartes et les jeux impurs
Animaient les jours qui se suivent,
Toi, tu rêvais d'un sort moins dur
Et chantais les jeunes captives.
Le soleil des îles de Grèce
Rayonnait au ciel pluvieux.
Perçait les fenêtres épaisses,
Et les filles aux beaux cheveux
Nageaient autour de toi sans cesse
Sur les vagues, avec les dieux.
Tu souhaitais dans les nuits noires
Une aube encor pour t'éclairer,
Pour pouvoir attendrir l'histoire
Sur tant de justes massacrés,
Pour embarquer sur ta mémoire
Tant de trésors prêts à sombrer.
Avec les flots de l'aventure,
A travers les jours variés,
Les heures vives ou obscures,
Un siècle et demi a passé.
La saison est encore moins sûre,
Voici le temps d'André Chénier.
Sur la prison fermée et pleine
Un monde encore a disparu.
O soleil noir de notre peine,
Une autre foule est dans la rue,
Comme dans la vieille semaine
Demandant toujours que l'on tue.
Dans la cellule où l'eau suinte
Un autre que toi reste assis,
Dédaigneux des cris et des plaintes,
Evoquant les bonheurs enfuis,
Et ranimant dans son enceinte,
Comme toi, les mers de jadis.
Au revers de quelque rempart,
Au fond des faubourgs de nos villes,
Près des murs dressés quelque part,
Les fusils des gardes mobiles
Abattent au jeu du hasard
Nos frères des guerres civiles.
J'entends dans les noirs corridors
Résonner des pas biens pareils
A ceux que tu entends encor
Jusque dans ton pâle sommeil,
Et comme toi le soir je dors
Avec en moi mon vrai soleil.
Près de nous tous, ressuscité,