Pour mes perles - Hayate Haifi - E-Book

Pour mes perles E-Book

Hayate Haïfi

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Beschreibung

Nada est de retour à Créteil pour sa première année à l'université. Elle vit chez ses grands-parents paternels et retrouve ses amies de toujours, Fatou et Ines. Mais les choses ne seront pas si simples. Nada traversera des peines et des épreuves. Malgré les difficultés, elle fera de nouvelles rencontres qui bouleverseront sa vie et l'obligeront à se remettre en question. Parviendra-t-elle à faire les bons choix afin de vivre la plus belle des romances?

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Seitenzahl: 260

Veröffentlichungsjahr: 2023

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A toutes les perles qui liront mon livre,

ne doutez pas, vous êtes uniques…

Sommaire

Au boulot !

Un jour mon prince viendra… ou pas !

Vous avez dit crush ?

Ce n’est qu’un au revoir

Université, me voilà !

Ma famille d’abord !

Mauvais plan…

Porte 214

Ciao !

Surprise !

Histoires de meufs

BFF

Vous avez un message…

Rechute

Réunion de famille

Du nif !

La nouvelle

Petites idées pour grands projets

Invitation surprise…

Comme une évidence

Adieu Joyeuse…

Working girl !

Droit au but !

Vous avez du courrier !

Chorbaman !

London, nous voilà !

Welcome

Comme dans un rêve

Sakina

Petite attention

On remet ça ?

Le banc

Toutes les bonnes choses ont une fin

A jamais…

No regrets !

Patience

Rechute

Conséquences…

A Dieu nous retournons

Épilogue

Au boulot !

7h15

Mon réveil n’avait pas sonné. Mes yeux entrouverts s’étaient tout à coup écarquillés. J’étais déjà en retard pour mon premier jour de travail, le tout premier de ma vie ! Les vacances avaient pointé le bout de leur nez, mais pas pour moi. J’avais accepté de travailler comme secrétaire dans une entreprise de transport tenue par un ami de mon père à Créteil. La bonne nouvelle, c’était que je pouvais garder mon voile sans aucun souci, étant donné que l’ami en question était un certain Mourad, membre actif de la mosquée de la ville. La mauvaise était que je n’aurais que 2 petites semaines de congés avant la reprise des cours. Je me demandais encore comment j’avais bien pu accepter cet emploi pendant que ma famille allait se dorer la pilule sous le soleil du Maroc. Mais l’appât du gain, et l’idée de pouvoir m’offrir une trottinette électrique flambant neuve avait été trop forte. Je m’y voyais déjà, foulard au vent, descendant la pente du quartier jusqu’à l’université glorieusement sans aucun effort physique à fournir. Ce n’était pas que je n’aimais pas le sport, c’était le sport qui ne m’aimait pas ! Et cela depuis l’enfance ! Je m’étais cassée la cheville à la gym, fait une belle entorse au poignet en jouant au basket et avait été victime d’une tentative d’assassinat pendant un tournois de badminton. Ma co-équipière folle de rage de la décision de l’arbitre, avait jeté sa raquette avec une telle force qu'elle avait malencontreusement atterri sur ma petite tête. J’avais tout de même fini aux urgences avec 2 points de suture. J’avais donc- d’un commun accord avec moi-même- décidé de mettre un terme à ma carrière sportive et de prendre ma retraite anticipée, un peu comme Zidane, mais sans pension. Voilà pourquoi, je m’étais engagée dans ce boulot d’été, afin de gagner assez d’argent pour que mon rêve de trottineuse se réalise.

Après avoir fait une toilette assez rapide, je mis mes vêtements de la veille et attachai mon foulard sans grand soin. A cet instant, je ne savais pas que j’allais regretter cette négligence vestimentaire dans les minutes qui allaient suivre…

Les locaux étaient vastes et bien aménagés. J’avais imaginé des camions stationnés en bataille ainsi que des tables et des chaises disposées à la va-vite dans une ambiance grise et monotone. Mais il n’en était rien. Un bureau ainsi qu’un fauteuil a priori bien confortable m’attendaient dès l’entrée. Il y avait des plantes disposées à l’accueil ainsi qu’un long couloir bien éclairé par une immense baie vitrée. Les tons blanc et bois donnaient à cet espace un air épuré et assez tendance. Je ne savais pas par où passer, ni à quelle porte frapper. Je m’apprêtais à emprunter le couloir dans l’espoir d’y trouver le bureau du patron lorsqu'une voix m’interpella.

- Tu dois être Nada ? dit un jeune homme qui se trouvait derrière moi.

- Oui ! C’est bien moi ! lançai-je en faisant volte-face.

- Salam aleykoum, je suis Samir, le fils de Mourad.

- Wa aleykoum salam !

- Tu viens sûrement pour le boulot d’été, c’est ça ? demanda-t-il avec un sourire à la Colgate.

C’était un jeune homme grand, brun avec une barbe de 5 jours. Ses yeux noirs ainsi que sa mâchoire bien dessinée lui donnaient des airs de super héros américain.

- En effet ! lui répondis-je tout sourire, espérant qu’il ne mettrait pas l’accent sur mon retard.

- Bien, je vais te dire en quoi consistera ton travail.

- Ok ! lançai-je en essayant de montrer mon enthousiasme.

Il me demanda de m’installer et d’allumer l’ordinateur devant moi.

- Mon père m’a dit que tu étais étudiante à la fac de Créteil, m’informa-t-il en me regardant.

- Oui, je rentre en première année de communication, répondis-je sans pouvoir soutenir son regard.

- Cool ! Je vais pouvoir te montrer 2, 3 trucs ici pour que tu puisses en profiter et l’intégrer comme un boulot d’étude sur ton CV.

- C’est gentil de ta part, rétorquai-je.

Il était incontestablement mignon. Je l’avais bien sûr remarqué au premier coup d’œil, mais je devais me forcer pour ne pas poser mes yeux plus longuement sur lui, car ça ne se faisait pas.

- Ah ! Te voilà ! s’écria une voix forte. Salam et bienvenue ! Ton père m’a dit que tu étais une bonne élève et une jeune fille très bien organisée ! Nous avons du boulot pour toi ! Samir peut répondre à toutes tes questions !

- Wa aleykoum salam, je vais faire de mon mieux et j’attends vos directives, fis-je avec réserve.

- Bon ! Mon fils te donnera le travail à faire chaque jour, il va rester avec nous quelques temps avant de partir en vacances. Tu peux te servir un thé ou un café, dans la salle juste en face, il y a tout ce qu’il faut ! Moi, je serai toujours au fond du couloir.

- Merci !

Cette nouvelle me fit furtivement sourire, jusqu’à ce que je baisse la tête et remarque la façon dont j’étais habillée. Pourquoi n’avais-je pas pris le temps de préparer mes vêtements la veille comme me l’avait conseillé mon djedi.

- Tu sais ma fille, m’avait-il dit, c’est important de s’organiser pour que tu puisses partir sans être stressée. Tu choisis tes vêtements et tu mets bien ton réveil aussi. Essaie de dormir tôt pour être en pleine forme demain matin. Que Dieu t’accompagne.

Mais comme à mon habitude, je ne l’avais pas écouté, du moins, à moitié. J’avais bien mis mon alarme, étais allée me coucher de bonne heure, mais j'étais restée à papoter avec Fatou au téléphone m’endormant plus tard que prévu. Et maintenant, je devais assumer ma tête pâlotte de Mercredi Adams. Je ravalai ma rage et écoutai attentivement les conseils de Samir qui ne semblait pas repoussé par mon apparence carnavalesque.

- Tu t’occuperas des plannings des livreurs pour le moment et resteras joignable au cas où ils auraient un pepin, m’expliqua Samir.

- Pas…pas de souci ! Merci, baragouinai-je la tête baissée sur le clavier.

- Je serai au bout du couloir si tu as besoin de moi, conclut-il en sortant de la pièce, laissant flotter une odeur de parfum qui me rappelait à quel point je me sentais moche et négligée en cette première matinée.

Un jour mon prince viendra… ou pas !

- Vas-y raconte…, me demanda Fatou en mordant dans son tacos.

- Ben… c’était plutôt cool pour une première journée, sauf que j’étais un chouya en retard, heureusement que le fils du patron n’a rien remarqué, ni son père d’ailleurs ! expliquai-je en mangeant avec appétit.

- Et l’équipe ça va ? renchérit Fatou.

Je me demandai où elle voulait en venir. A moins que mon sourire niais, à chaque fois que je parlais de mon nouveau boulot, ne trahisse mes pensées pour Samir.

- Ça va, tranquille ! Et toi, tu pars quand dans le Sud ? lançai-je histoire de changer de sujet.

- La semaine prochaine inchaAllah ! dit Fatou en se frottant les mains d’impatience. Ma sœur a encore 2-3 trucs à régler avec son boulot et on va pouvoir aller profiter d’une belle semaine…

- Et moi, je vais galérer ici, sans toi ni Ines… t’as des nouvelles de Miss Healthy d’ailleurs ?

- Elle vit sa best life à Istanbul ! répondit Fatou.

- Elle va peut-être nous ramener un beau turc qui sait ? dis-je en ricanant.

- Ouais ! Au moins qu’une de nous se case, vu que c’est la misère ici !

- T’exagères ! On est pas des retraitées, sérieux ! On va bien finir par trouver chaussures à nos gros pieds ! pouffai-je en tapant dans la main tendue de Fatou. Et puis, j’ai pas envie de me marier maintenant, je suis trop jeune !

- T’as raison mais si tu rencontres un gosse-beau et qu’il a tout ce qu’il faut, tu vas pas le laisser filer, me dit-elle en me faisant un clin d’œil.

- Ben franchement je sais pas ! avouai-je. J’aime bien ma petite vie de banlieusarde, je fais ce que je veux quand je veux ! Et puis, je pense que le mariage c’est un peu plus compliqué que ce que tu crois !

- Je vois pas ce qu’il pourrait y avoir de compliqué franchement, tu tombes sur un bon muz, mignon et frais, tu te maries avec, point final ! expliqua Fatou en riant.

- Et je vivrai heureuse et ferai beaucoup d’enfants, c’est ça ? Tu regardes un peu trop de séries meuf !

- Et toi pas assez ! conclut-elle en me toisant.

Ma copine avait sûrement raison. J’étais peut-être moins romantique qu’elle, mais j’avais, comme beaucoup de filles, envie de rencontrer un homme avec lequel je ferais ma vie. Pour être franche, ce n’était pas vraiment d’actualité. Même si j’avais rencontré un beau jeune homme et qu’il me plaisait plus que je ne puisse le croire, cela ne signifiait pas que j’allais terminer l’année la bague au doigt.

La semaine qui suivit fut très intéressante professionnellement parlant car mes copines m’avaient lâchement abandonné et je me concentrais sur le boulot pour oublier ma solitude, noyant ma peine dans un thermos de thé à la menthe fraîchement préparé par ma mouima.

- Comment ça va aujourd’hui, me lança Samir en entrant dans les bureaux comme il le faisait tous les matins.

- Bien et toi ? répondis-je tout sourire.

Il portait un beau t-shirt blanc et un pantacourt en jean et sentait agréablement bon.

- T’as des soucis avec les livreurs ou ça va ? me demanda-t-il.

Je n’avais pas l’habitude de papoter avec lui. Nos échanges se limitaient à un salam suivi d’un sourire timide. Je ne savais pas où il voulait en venir, mais j’étais plus qu’heureuse de discuter un peu plus longuement avec lui.

- Rien à signaler pour le moment ! Merci mon Dieu ! répondis-je en souriant.

- Va y avoir du mouvement, y’a des départs en vacances et du coup, des nouveaux ! m’expliqua-t-il en me tendant un papier.

- Ok ! dis-je en regardant la feuille. C’est le prochain planning ?

- C’est ça ! N’hésite pas à m’appeler si tu as besoin de quelque chose surtout que c’est une première pour certains, je te laisse mon numéro, fit-il en écrivant son 06 sur un post-it.

Je le collai sur le haut de mon clavier, étrangement heureuse d’avoir un moyen de la contacter, même si je savais pertinemment que je n’en ferais rien. Les nouveaux livreurs ne tardèrent pas à arriver et les ennuis avec. La plupart étaient professionnels et respectueux. Ils aimaient rire mais ne dépassaient aucune limite, du moins avec moi. C’était sans compter sur Hakim, le gnome de service comme je l’appelais. Je savais que ce n’était pas joli de donner des surnoms surtout quand ils étaient peu flatteurs, que Dieu me pardonne, mais celui-ci, il l’avait bien mérité ! Dès son arrivée, il m’était littéralement rentré dedans en se pressant à la machine à café.

- Pardon ? avais-je pesté.

- T’inquiète, m’avait-il dit en me reluquant comme un morceau de viande.

C’était le genre de gars qui m’insupportait au plus haut point.

- J’te paie un café, c’est cadeau, souriant de toutes ses dents.

- Non ! Merci, ça ira ! balançai-je le gratifiant faussement d’un geste de la main.

- T’es sûre ! Je peux te prendre un autre truc, t’es la princesse du boulot, tu sais ?

A ce stade-là, je ne savais pas si je devais vomir ou hurler. Je ne pris même pas la peine de lui répondre, et retournai à ma place. Malheureusement pour moi, le calvaire ne faisait que commencer. Hakim venait me dire bonjour tous les matins- jusqu’ici rien de bien méchant – mais il trainait, me posait des questions auxquelles je ne répondais en général que par oui ou non, passant en revue les détails de sa vie et me vantant ses propres mérites.

- Tu sais, moi je fais ce taf juste pour avoir un peu d’argent, histoire de pas rien faire de mes journées d’été, mais en vrai, dès que je finis ma mission, j’me tire dans une petite île au soleil tout le mois d’août, tranquille !

- Ah ! C’est bien, marmonnai-je écoutant seulement d’une oreille.

- Et toi, tu fais quoi pour les vacances ? me demanda-t-il confiant.

- Je travaille !

- Ah ouais ! C’est dur la vie, faudrait, comment dire… commencer à songer à trouver un bon gars qui pourrait prendre soin de toi etc…, dit-il avec un drôle de sourire.

J’avais bien compris à quoi il faisait allusion, mais je préférais ne pas rentrer dans son jeu et me débarrasser de lui au plus vite comme à mon habitude.

- T’as sûrement raison, mais là, tu vois, j’ai du boulot et toi aussi vu que tu as pas mal de livraisons notées sur ton planning ! repris-je en tournant l’écran du PC pour lui montrer.

- Ouais, j’y vais ! J’suis un bonhomme moi, et les responsabilités ça me connait, à plus tard, lança-t-il en jetant dans la poubelle son énième gobelet de café.

Lorsqu’il grimpa enfin dans sa camionnette de livraison, je poussai un soupir de soulagement, et un bon débarras sortit de ma bouche sans aucun remord.

- Tu ne parles pas pour moi j’espère ? fit la voix de Samir qui sortait du couloir.

- Euh… non ! Bien sûr que non ! bafouillai-je gênée.

- Ne me dis pas que les gars te font des misères ? me demanda-t-il en s’approchant de mon bureau.

- On ne peut pas dire ça, ils sont tous très gentils…sauf un qui est un peu… collant, si tu vois ce que je veux dire.

- Ah ouais ! Carrément ! Je me demande comment il trouve le temps de venir te parler, ajouta Samir en riant.

- Je me le demande aussi ! Il tape l’incruste à la pause-café, en me faisant son numéro ! Franchement, j’en peux plus ! expliquai-je en levant les yeux au ciel.

- C’est qui sans indiscrétion ? questionna Samir en prenant un petit air sérieux.

- C’est Hakim, de la tournée numéro 9.

Je n’étais pas habituée à me confier à n’importe qui sur mes états d’âme, mais je devais avouer que ce Hakim avait tendance à me faire péter les plombs. J’avais le plus grand mal à me dépatouiller de son charabia quotidien.

- Ok ! Je vois, mais t’inquiète pas, il est pas méchant, répondit Samir.

- Si tu le dis ! lançai-je sans trop savoir quoi penser.

- Je dois te laisser, on se revoit demain, bonne soirée, conclut Samir me laissant seule à mon propre sort.

A quoi est-ce que je m’attendais ? A ce qu’un prince charmant vienne me délivrer d’un dragon sangsue nommé Hakim sur son cheval blanc ? Je n’y avais jamais cru et n’y croirai sûrement pas un jour. J’étais capable de me débrouiller moi-même et sans l’aide de qui que ce soit !

Vous avez dit crush ?

Le bureau était animé en ce vendredi matin. Généralement, le patron nous faisait travailler un peu plus tôt pour pouvoir laisser, pour ceux qui le souhaitaient, une pause méridienne plus longue pour leur permettre de se rendre à la mosquée pour la prière du vendredi. J’en profitai pour y aller et passer me prendre une petite douceur sucrée pour mon goûter de fin d’après-midi. J’étais une gourmande, et ce n’était pas mon petit frère Amine qui aurait dit le contraire. Il m’avait maintes fois soudoyé avec des chocolats, bonbons et autres pâtisseries pour arriver à ses fins ou me faire taire. Je m’installai sur mon fauteuil. Pensant être seule, je m’amusai à tourner et rouler de part et d’autre du bureau. J’avais toujours aimé ce type de chaise à roulette. Je trouvais ça si relaxant, et puis, ça faisait aussi passer le temps, lorsque je ne croulais pas sous le travail. Malheureusement pour moi, je n’avais pas remarqué que j’étais espionnée.

- On s’amuse bien à ce que je vois ! s’écria Samir en surgissant de derrière la porte.

Oups ! Il m’avait prise en flag ! Je posai les mains sur mon visage qui me connaissant, devait être rouge de honte. Je souris nerveusement et remarquai, en ouvrant mes doigts, qu’il me regardait encore.

- Y’a pas de quoi être gênée ! Je fais souvent des courses de fauteuil dans le couloir avec mon petit frère quand il vient le soir, confia-t-il comme pour détendre l’atmosphère.

- T’as un petit frère ? lançai-je.

- Oui ! Il s’appelle Amir, il a 14 ans. Il est plutôt rigolo et très bavard pour un ado, ajouta Samir en s’approchant de mon bureau.

- Moi aussi j’ai un spécimen de ce genre à la maison. Il s’appelle Amine et il a 12 ans.

Samir me parla de son frère, de sa famille, de ses études. Je restai là, assise à l’écouter avec attention. J’apprenais à le connaitre et cela me faisait du bien. Il ne me posa pas de question, mais tout naturellement, je répondais et rebondissais sur mon expérience. Ce moment fort agréable fut interrompu par la venue des livreurs. A mon grand désespoir, je vis Hakim s’approcher de moi. Je m’attendais au pire lorsqu’il me décocha un simple salut.

- Salam aleykoum Nada.

- Wa aleykoum salam, répondis-je pas pure obligation religieuse.

Je lui tendis son planning et fut gratifiée d’un merci plus que timide de sa part. Surprise, je me demandai ce qu’il pouvait bien lui arriver. Je n’avais pas été très sympa avec lui, mais comment l’être ? Il me faisait du rentre-dedans comme un braqueur qui voulait ouvrir à tout prix un camion de la Brink’s ! Je mentirais si je disais que je n’étais pas soulagée de voir qu’il m’avait lâché les babouches comme le disait mon djedi, mais je trouvais cela plutôt suspect. Néanmoins, cela ne m’avait pas empêchée de terminer ma journée dans la joie et la bonne humeur. A l’heure du goûter, moment extrêmement sacré pour la gloutonne que j’étais, je sortis de son sac en papier la boite avec ma petite douceur que je regardai avec envie. Je posai ma tarte à la fraise sur le bureau et allai chercher un thé pour accompagner ma gourmandise. De retour, je pris place sur mon fauteuil et mis un moment avant de constater que ma boite avait disparu. Je me dis qu’elle était sûrement au fond du sac et que dans ma précipitation gourmandesque, j’avais dû mal vérifier, mais ce dernier était vide. Je me levai, me dirigeant vers la machine à café dans la salle à coté, pensant que je l’avais peut-être posée quelque part en chemin, mais rien. Je regardai de gauche à droite, de droite à gauche, mais toujours rien ! Mon gâteau ne s’était tout de même pas évaporé ! Et si c’était Hakim qui voulait me faire un prank ? Ça expliquerait sa tête de chien battu ce matin…

- Pitié Seigneur, murmurai-je en levant les yeux au ciel.

Je n’avais pas été méchante envers lui, mais là, il avait touché à l’une de chose les plus chères à mon cœur, ou plutôt à mon estomac, et je n’allais pas le rater. C’était la fin de journée, et je me faisais une joie d’engloutir ma tarte pour moi seule. Mais il avait cassé mes rêves (non, non, je n’exagérai pas) et il le payerait cher !

Alors que je ruminais ma colère et me faisais les pires plans à la Maléfique, j’entendis un bruit dans le couloir.

- Mon précieux…, chuchota une voix rauque.

La théorie du prank était à présent confirmée. Quelqu’un se moquait de moi et ce quelqu’un ne pouvait être qu’Hakim. Je réfléchissais à la façon dont j’allais bien pouvoir m’y prendre pour lui arracher les yeux sans abimer mon gâteau.

- Mon précieux…, continua la voix qui était aussi bizarre que celle de son célèbre personnage dans le Seigneur des anneaux.

Sans le vouloir, je fis le rapprochement entre Goloum et Hakim, à qui je trouvais un petit air de ressemblance surtout pendant cette imitation. A ce moment, je ne pus m’empêcher de rire en demandant encore une fois pardon pour cette moquerie, levant les yeux au ciel, quand tout à coup, Samir surgit de nulle part, tenant entre ses mains ma boite tant convoitée.

- C’était toi ? m’écriai-je surprise comme une enfant à qui l’on aurait rendu un jouet perdu.

- Oui ! fit-il en souriant de ses dents parfaites et blanches, me tendant ma pâtisserie.

J’éclatai de rire en le voyant. Moi qui m’étais faite des films à la Spielberg sur la disparition de mon goûter, je n’avais pas imaginé une seule seconde que Samir aurait pu être derrière tout ça.

- Tu m’en veux pas j’espère ? me lança-t-il.

Comme le pourrai-je, me dis-je intérieurement.

- Bien sûr que non ! fis-je faussement détendue, me rappelant que quelques instants auparavant, j’essayais de trouver la meilleure façon d’arracher les yeux d’Hakim, que je croyais pleinement coupable.

- Je voulais te faire une blague, je savais que tu le prendrais bien et que t’avais de l’humour, m’avoua-t-il soulagé par ma réaction.

- T’as de la chance que ça soit toi, car j’aurai retourné tout le bureau pour mon précieux…, rajoutai-je en riant.

- Ouais ! T’es comme moi, le pause goûter c’est un moment sacré ! dit Samir le plus naturellement du monde.

Je le regardai, étonnée par cette réplique, que je pensais être seule à dire à mon âge avancé.

- Je viens de prendre une décision capitale, lançai-je.

- Et je peux savoir laquelle ? me demanda-t-il en croisant les bras pour plus de sérieux.

- Je vais faire une exception de ouf, une dinguerie ! expliquai-je en ouvrant mon carton.

- Vas-y je t’écoute ! reprit Samir en insistant.

- Je vais…partager…mon précieux ! m’écriai-je en levant devant ses yeux ma tarte à la fraise.

- Franchement, ça me va droit au cœur, c’est un geste fort ! renchérit Samir en portant sa main sur son torse.

- Ouais ! Je pense pas que Goloum l’aurait fait, ni Bilbon Saquet non plus ! Mais moi, Nada, je suis plus généreuse et je partage donc naturellement ma pâtisserie avec toi en ce vendredi, annonçai-je théâtralement.

- J’accepte avec joie, et je vais de ce pas chercher un couteau pour procéder au partage qui je l’espère sera équitable ! ajouta Samir.

- Bien entendu ! pouffai-je en m’installant sur mon fauteuil.

Samir réapparut rapidement avec un couteau et deux petites assiettes en carton, esquivant la valse des livreurs entrants sortants des locaux. Je découpai délicatement ma tarte lui tendant la moitié.

- Et voilà pour toi ! fis-je.

- Merci bien, je ne savais pas que c’était une tarte à la fraise, c’est mon gâteau préféré, expliqua Samir.

- Moi aussi ! m’écriai-je en lui lançant un regard de stupéfaction.

- On a plus de choses en commun que nos petits frères à ce que je vois, fit-il en me souriant.

En le rencontrant, je ne me doutais pas que nous serions similaires sur autant de points, et cela me plaisait.

- Bismillah ! annonçai-je en mordant goulûment dans mon gâteau.

Nous mangeâmes en silence savourant l’un comme l’autre notre petit encas sucré bien mérité.

- Je te remercie Nada, c’était vraiment bon ! La prochaine sera pour moi inchaAllah ! dit Samir en se dirigeant vers le couloir.

- Avec plaisir !

- Eh… au fait ! Hakim ne viendra plus t’embêter, j’ai tout réglé, conclut-il en disparaissant derrière le mur.

Quoi ? C’était donc lui ? Ce matin en apercevant Hakim tout penaud, j’avais bien compris que quelque chose avait changé, mais j’étais loin de me douter que Samir y était pour beaucoup. Je lui avais confié mes soucis avec ce livreur, et j’avais tiré des conclusions trop hâtives pensant qu’il n’avait pas pris mes aveux en considération. En réalité, il m’avait écouté et était même venu à mon secours, sans cheval blanc bien sûr, mais il l’avait fait. Etonnamment, je commençais doucement à croire au prince charmant…

Ce n’est qu’un au revoir

J’appréciai de plus en plus ce petit boulot, bien que j’eusse beaucoup de mal à me lever tous les matins. J’y avais mes habitudes, et me sentais presque comme chez moi. Samir et son père était aux petits soins. Comme promis, il m’avait rapporté un gâteau aux 3 chocolats le vendredi qui avait suivi. Chacun à notre tour, nous avions perpétué cette habitude les semaines suivantes, dégustant tartes aux fruits, choux et autres pâtisseries gourmandes. J’appréciais aussi sa présence. C’était un garçon gentil, marrant, disponible et très serviable. Rajoutez à cela le fait qu’il était beau et intelligent, faisait de lui un genre de package assez intéressant.

- Ben, tu vois Nada que y’a des mecs bien dans la vie ! Hamdoulilah ! fanfaronna Fatou au téléphone.

- J’ai pas dit qu’il n’y en avait pas j’ai juste dit…

- Que y’avait que des fadas, comme vous dites à Joyeuse, coupa Fatou.

- D’abord moi je parle pas comment les gens de Joyeuse, Dieu m’en préserve, et puis j’ai juste dit que les mecs d’aujourd’hui étaient un peu… particuliers, argumentai-je en riant.

- En tout cas, si j’étais toi, je chercherais à le connaitre un peu plus si tu vois ce que je veux dire...

- Chercher quoi ? pestai-je. Tu veux que je tape l’incruste dans sa vie ? Ou chez lui ?

- Non meuf ! Reste juste…comment dire…disponible dans ta tête à toute proposition sérieuse de sa part…m’expliqua Fatou en pouffant.

- Tu veux que j’écrive sur mon front, vieille meuf, cherche beau gars pour mariage, strictement dans le halal bien sûr !

- Pfff ! T’exagères tout le temps ! rouspéta Fatou.

- Ok ! Ok ! J’ai compris ! Encore faudrait-il qu’il s’intéresse à moi, lançai-je d’une petite voix attendant la réponse de ma copine.

- Ah ! La blague ! s’écria-t-elle. Le mec, il te raconte toute sa life depuis plus d’un mois, il t’achète des gâteaux, des gâteaux Nada ! Et toi, tu veux me faire croire qu’il te calcule pas ? A d’autres sérieux…

- De toutes façons, on va le savoir plus vite que prévu si je l’intéresse vraiment, rajoutai-je en faisant planer le mystère.

- Ah ouais ? Et comment tu vas le savoir, miss j’me la pète ?

- J’arrête le boulot dans 1 semaine, d’ici là, il se manifestera peut-être s’il le souhaite vraiment…

- Ok ! acquiesça Fatou. S’il veut garder contact avec toi, tu me paies un tacos, et sinon, je t’inviterai parce que tu seras trop déprimée pour manger, et j’en profiterai pour me taper tes frites !

- T’es une vraie batata ! conclus-je en riant.

Fatou n’avait peut-être pas tort. Samir m’envoyait des signaux me montrant qu’il aimait bien ma compagnie. Je ne savais pas s’il souhaitait entreprendre des démarches plus sérieuses. Je ne le connaissais pas vraiment, mais il savait pertinemment que je n’étais pas le genre de fille à vouloir sortir avec un garçon et qu’il devrait faire les choses dans les règles me concernant. Samir me plaisait de plus en plus par son comportement, sa retenue, ses valeurs que je partageais pleinement mais aussi son humour. Je ne pensais pas m’emballer trop vite en espérant qu’il fasse un pas vers moi dans les jours qui suivraient, mais je restais néanmoins prudente sur mes sentiments naissants vis-à-vis de lui.

La dernière semaine de travail sembla passer à une allure folle. Je n’avais pas eu l’occasion de discuter plus que ça avec Samir, mais il venait me saluer chaque matin pour mon plus grand plaisir et venait de temps à autre me demander si j’avais besoin de quelque chose, me déposant un thé, et m’offrant son plus beau sourire.

Vendredi après-midi sonna comme un départ anticipé pour moi. J’avais rechigné pour travailler, trouvant mille et une excuses pour rester dans mes draps les premiers matins, et maintenant, j’aurais voulu que ça ne s’arrête jamais.

- Ça y est ! C’est notre dernier goûter ! fit Samir en déposant 2 boîtes en carton sur mon bureau.

- Tout ça pour moi, dis-je en souriant.

- Pour ta dernière journée, je voulais marquer le coup, et te prendre un gâteau spécialement pour toi ! ajouta-t-il en ouvrant le paquet qui m’était destiné.

- Une tarte à la fraise ! C’est trop sympa, et c’est…

- Ton et mon dessert préféré, je n’ai pas oublié, coupa-t-il en me lançant un regard.

J’étais agréablement étonnée. Non ! J’étais entièrement conquise ! Samir avait pensé à fêter mon départ en m’offrant ma pâtisserie préférée. Je n’aurais pu rêver mieux. Je savourai ma tarte avec retenue, espérant lui laisser l’image d’une jeune femme plus élégante que celle qui l’avait vue lors de notre première rencontre.

- Tu vas nous manquer Nada, me dit-il.

Alerte ! Alerte ! Il venait de dire que j’allais leur manquer, donc lui manquer à lui aussi ! Je me sentis rougir et priai pour qu’il ne s’en aperçoive pas.

- Je me suis habituée aussi, marmonnai-je un chouya gênée.

- Mais j’ai un scoop pour toi ! me dit-il en souriant.

Je m’attendais au pire, ou plutôt au meilleur. Qu’allait-il bien pouvoir me dire ?

- Quoi donc ? lançai-je curieuse à souhait.

- T’es pas au courant ?

- Non ? répondis-je.

- Vraiment pas ? rajouta-t-il en me faisant languir encore plus.

- …

- Tu le sauras bientôt inchaAllah, murmura-t-il en me tournant le dos s’en allant dans le couloir.

- T’es sérieux, tu vas me laisser comme ça, sur ma faim ? m’écriai-je complètement frustrée.

- Demande à ton père…, balança-t-il avant de disparaître.

A mon père ? Que pouvait-il savoir que je ne savais pas ? Je réfléchis un moment et décidai d’en parler à ma conseillère de vie, ma sœur de cœur, Fatou.

- Mais t’as pas capté sérieux ? fit-elle.

- Capter quoi ? Je vois pas de quelle super nouvelle il veut me parler, bafouillai-je.

- Je sais pas moi…réfléchis une seconde. Si je te disais qu’un BG avec qui je taffais, venait voir mon père, tu crois qu’il parlerait de quoi ? De la pluie et du beau temps ?

A ce moment précis, j’eus une illumination. J’avais été assez lente sur ce coup, je devais bien le reconnaître, mais je n’avais pas l’habitude de penser à ce genre de choses en permanence.

- Tu crois qu’il va lui parler de moi…je veux dire, de nous deux ? demandai-je fébrile.

- Ben oui meuf ! renchérit Fatou.

J’étais estomaquée ! Je ne m’attendais pas à ce que Fatou puisse penser qu’il y aurait une quelconque chance que je puisse plaire à Samir à ce point.

- Je ne m’avancerais pas si j’étais toi, Fatou. Je vois mes parents dans 3 semaines et j’en saurai un peu plus, répondis-je plus curieuse que jamais avec l’espoir secret de ne pas lui être indifférente.

Université, me voilà !

- Tu as pris ton sac Nada ? me demanda ma grand-mère.

- Oui mouima ! m’écriai-je dans la chambre.

- Et tes gâteaux pour le thé ? ajouta-t-elle.

- Bientôt ! repris-je en déboulant comme une balle dans le salon.

J’embrassai ma mouima, pris ma petite boite de gâteau, et fonçai vers la porte, trop heureuse d’utiliser enfin ma trottinette. Car oui ! Grâce à Dieu, j’avais pu m’offrir l’engin de mes rêves ! Je me sentis comme Cendrillon dans son carrosse étincelant, sauf que moi, j’étais passagère, conductrice et faisais moi-même office de valet de pied et tout le tralala. Mais ça me convenait grave ! Je dévalai la rue, mon sac à dos super tendance- encore un petit cadeau de moi à moi-bien accroché, foulard au vent monochromé