Pourquoi sommes-nous? - Jessy William Lyon - E-Book

Pourquoi sommes-nous? E-Book

Jessy William Lyon

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Jessy change au contact de son père ? D'où provient ce changement ?


Devais-je le dire à ma mère ? Et que lui dire ? Un enfant de huit ans n'a pas à avoir ces pensées. Je me sentais grandir de force. Je n'osais pas le dire, peut-être que je ne comprenais pas réellement ce qui m'arrivait, après tout, un père, je n'en avais aucune idée, qu'est-ce que c'était ? Peut-être que c'était cela, un homme sévère qui buvait du matin au soir.
Les week-end étaient de plus en plus durs, et mes amis le remarquaient.
- Jessy ? Tu es bizarre depuis que tu vas chez ton père. Ma mère m'a dit qu'il était alcoolique avant, c'est quelqu'un qui boit de l'alcool tout le temps.
- Je sais ce que c'est ! Bon venez là ! On va jouer.
- Euh, ok, me disaient-ils.
J'aurais peut-être dû leur dire, après tout, ils étaient mes meilleurs amis. J'avais pour eux, une confiance si grande, je les aimais tellement. Ils étaient tout pour moi. Mais j'avais peur, et de qui ? De quoi ? Qu'ils ne me croient pas ? Que mon père apprenne cela ? J'étais coincé, entre le fait de devoir souffrir, et de devoir sourire.


Une histoire poignante qui saura vous émouvoir !



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VAURIEN

J. W. Lyon

LULU 2021

Pour ma mère...

Chapitre un

Le passé existe grâce à nos émotions

Avec du recul, je me dis que je n'aurais espéré meilleure vie pour moi. Ma vie n'a certes pas été la plus belle, mais est-ce à cause de mes grandes envies de réussir ? J'ai rêvé une vie plus belle, et j'ai espéré vivre une enfance plus belle. Il faut seulement accepter la vie comme elle vient, et apprendre de nos erreurs. Il est plus facile de détester son passé que de l'accepter. Quant à moi, j'ai haï mon passé durant trop de temps, j'aurais dû lui pardonner mais je n'ai su comment faire, comment y parvenir ?

Il est important d'accepter notre vie, plutôt que de rêver une vie qui ne sera jamais la nôtre.

À mon âge le plus influençable, je pensais pouvoir prédire le lendemain, ce n'est pas faute d'avoir essayé : à huit années d'existence seulement, on ne s'imagine pas que la vie puisse être si injuste. Lorsque nous levons les yeux au ciel, contemplant la beauté titanesque de ces vives couleurs flamboyantes, on ne peut qu'aimer la vie. Mais alors, pourquoi peut-elle basculer dans le noir, là où la couleur n'eut jamais la chance d'exister ? On ne s'imagine pas, que derrière cette beauté si enivrante, peut se cacher un mal si redoutable, ayant la force de faire basculer une vie dans l'oubli. Je dois avouer qu'aujourd'hui, je suis fasciné par la beauté conviviale de l'amour, une fois trouvé. Certes, il me reste des cicatrices, elles resteront visibles jusqu'à mon dernier souffle, mais elles font ma force, et jamais je ne pourrai me dire que je n’ai pas été assez fort.

Je me rappelle de mon enfance, comme on se rappelle de la beauté d'un arc-en-ciel, mes souvenirs sont peut-être plus beaux que la réalité de leurs moments vécus, mais ils restent tout de même enivrants. J'avais huit ans, je vivais chez ma mère avec mes deux sœurs, on n'était pas réellement riches, mais nous étions heureux. Au moins, elles semblaient me montrer qu'elles l'étaient, peut-être pour me protéger ou bien pour m'élever autrement. Mon père était à la rue, je ne savais pour quelle raison, à huit ans la seule chose qui nous préoccupe est de pas pouvoir jouer avec nos amis. Mes journées étaient ainsi : jouer avec mes meilleurs amis du matin au soir, qu'il pleuve ou qu'il neige, même sous 35°.

Je me rappelle des choses qui me rendaient malheureux, comme perdre à un jeu, ou devoir rentrer par punition et bien sûr les devoirs d'école. L'école ne me plaisait pas, j'étais plutôt solitaire, rester dans mon coin, non que je voulais rester seul, mais je n'arrivais pas à faire ma place auprès des autres qui m'entouraient en cette cour d'école. Je me sentais piégé, étouffé et enchaîné, condamné à ne pouvoir me libérer de ces chaînes m'exhibant devant toute cette populace. Je me sentais nu, nu devant tous, de mes vêtements abîmés à mes cheveux mal coupés. Alors chaque soir, je m'empressais de rejoindre ma mère qui m’attendait à la sortie de l'école, toujours le sourire aux lèvres, comme si devant elle se dressait la plus belle chose qui soit. Cette époque était pour moi la plus belle de toutes.

Je voyais mon père de temps en temps, avec ma sœur Suzy, nous allions au bord de l'eau, assis sur un banc et nous mangions ce que notre père avait à nous offrir, et même si c'était de la nourriture de mauvaise marque, ça nous faisait plaisir d'être avec lui.

Il était si propre, si gentil, si attentionné. Pourquoi un homme si bon était-il à la rue, qu'avait-il fait pour se retrouver délesté de tous ses biens, ses rêves semblaient avoir coulé entre ses doigts, et pourtant il nous racontait toujours ses souvenirs passés, comme s'il devait nous dire qu'il a un jour été à la limite de devenir quelqu'un. Ses histoires étaient fascinantes, de ses concerts à ses rencontres, de ses rêves à ses idoles. Et chaque soir, il repartait au fond de cette rue tout juste en bas de chez nous, comme s'il allait s'éteindre, comme un feu d'artifice s'éteint dans l'obscurité.

J'ai su par la suite qu'il buvait beaucoup, qu'il était alcoolique, qu'il était l'un de ces nombreux hommes à avoir raté leur vie en s'enfonçant dans l'alcool à cause de leurs nombreuses blessures du passé. Devons-nous leur en vouloir ? Ou devons-nous leur demander pardon, pour ne pas les avoir compris. Moi je ne comprenais pas, je ne comprenais pas ce que les blessures pouvaient nous faire, j'étais trop jeune pour ça.

Un jour, mon père a trouvé un appartement, enfin il pourrait se reconstruire, rebâtir sa vie et être heureux, dormir dans un lit, dans son lit. Pour un enfant de huit ans, c'est la plus belle chose que l'on puisse souhaiter à un homme dormant dehors, dans le froid hivernal, et sous la chaleur de l'été. Au milieu d'hommes et de femmes passant tout juste à ses côtés, sans même dire un mot, et sans rien ressentir d'autre que du mépris pour cet homme.

Ses larmes avaient tant coulé sur sa peau, qui pourrait le haïr ? On ne pouvait que l'aimer.

Un beau jour, il était venu nous chercher, Suzy et moi, fièrement pour nous dire "vous allez chez papa." Ma mère nous regardait avec inquiétude, je ne savais pas pourquoi, mais je lui sautai dans les bras afin de l'embrasser.

Il habitait non loin de chez elle, à quelques centaines de mètres dans un petit appartement d'une pièce. Ce n'était pas grand chose et pourtant pour lui, cela semblait être le Saint-Graal. Il y a une chose que j'avais remarquée : les bouteilles de verre sur sa table basse, il y en avait quelques unes. C'était sûrement la raison pour laquelle mon père avait une drôle d'odeur. Mais je m'en moquais, j'étais si heureux d'être avec lui. Il avait des manières très différentes de ce que j'avais l'habitude de voir, il était si raffiné, était-ce là le don du guitariste ? Ou bien du dessinateur ? Il jouait de sa guitare en faisant danser ses doigts sur sa guitare, chantant de sa voix tant abîmée par l'alcool, mais ses notes laissaient comprendre qu'un jour, elle fut harmonieuse. Aujourd'hui j'ai compris qu'il chante son ancienne époque oubliée, là où il était réellement vivant, en espérant un jour la retrouver et redevenir l'homme qu'il était.

Mais, qu'est-ce qui lui a bien pu arriver, pour qu'il devienne un homme de regret ?

Plus les jours passaient, et plus il rentrait en lui-même : nous voyions son véritable visage. Il buvait de plus en plus, il mangeait de moins en moins. Mon père était de plus en plus triste, plongé dans le noir, déprimé.

Parfois, Suzy n'était pas là : elle était adolescente, alors elle se devait de s'affirmer avec ses amies. Comme tout adolescent de la génération X. Alors j'étais avec mon père, entre "mecs" comme ils disent dans les films. Nous dessinions, construisions des maquettes, nous nous promenions dans les bois, une enfance particulièrement heureuse, sans trop d'amalgames. J'ai appris à dessiner en regardant mon père, nous faisions des voitures américaines en écoutant son style de musique préféré, le Rock’n’roll. Il est né dans les années 60, alors rien de plus logique pour un homme de cette génération, d'écouter ce genre de musique.

Mais je remarquais que, plus je prenais confiance en moi et plus je lui donnais ma confiance, plus il devenait méchant, sévère. Non qu'il me frappait, mais il m'engueulait de plus en plus et ce pour des raisons ne justifiant pas une punition. Personne ne mérite d'être puni pour rigoler trop fort, ou pour lever les yeux au ciel.

Chaque fois que je rentrais chez ma mère, les semaines devenaient différentes, je me sentais différent. Ma mère était si bonne avec moi, elle était la plus fabuleuse des mères qu'un enfant de huit ans puisse espérer, elle me donnait tant d'amour, que ce soit verbalement comme physiquement, alors que mon père semblait me haïr de toute son âme. Mon innocence semblait se ternir, s'envoler contre mon gré. J'avais beau l'empoigner, la force de ses ailes était plus forte. Mon père semblait m'ôter l'innocence de la jeunesse, comme si lui n'avait jamais eu droit à ça. Alors oui, chaque week-end devenait difficile, et la semaine aussi. Devais-je le dire à ma mère ? Et que lui dire ? Un enfant de huit ans n'a pas à avoir ces pensées. Je me sentais grandir de force. Je n'osais pas le dire, peut-être que je ne comprenais pas réellement ce qui m'arrivait, après tout, un père, je n'en avais aucune idée, qu'est-ce que c'était ? Peut-être que c'était cela, un homme sévère qui buvait du matin au soir.

Les week-end étaient de plus en plus durs, et mes amis le remarquaient.

- Jessy ? Tu es bizarre depuis que tu vas chez ton père. Ma mère m'a dit qu'il était alcoolique avant, c'est quelqu'un qui boit de l'alcool tout le temps.

- Je sais ce que c'est ! Bon venez là ! On va jouer.

- Euh, ok, me disaient-ils.

J'aurais peut-être dû leur dire, après tout, ils étaient mes meilleurs amis. J'avais pour eux, une confiance si grande, je les aimais tellement. Ils étaient tout pour moi. Mais j'avais peur, et de qui ? De quoi ? Qu'ils ne me croient pas ? Que mon père apprenne cela ? J'étais coincé, entre le fait de devoir souffrir, et de devoir sourire.

Mon père devenait de plus en plus violent, il commençait à me punir de plus en plus, et ce pour des raisons telles qu'avoir respiré trop fort, ou tousser trop longtemps. Il commençait à me mettre des claques, sur les cuisses d'abord, puis un jour…

- Oui allô ? C'est Lulu, comment tu vas ?

Mon père était au téléphone avec une femme qu'il avait rencontrée depuis peu : Delphine.

Il l'aimait en secret, ça se voyait trop, il en parlait du matin au soir, comme un enfant rêve de son amoureuse d'école. L'amour est la preuve qu'au fond de nous-mêmes, un enfant s'éternise à tout jamais, et que même après 100 ans, cet enfant sera toujours là, par son innocence face à la vie.

Mon père n'osait pas le lui dire, il était tout juste à côté de moi, au téléphone avec elle, à boire ses paroles comme s'il buvait l'eau du Saint-Graal. J'ai voulu bien faire, alors j'ai crié au téléphone :

- Il t'aime ! Il t'aime ! Il est amoureux de toi !

à répétition, sans vouloir faire le mal, seulement faire le bonheur de mon père. Il se sentait mal à l'aise, puis il raccrocha et se leva.

- Jessy, c'est pas bien ce que tu viens de faire, oh non ! Pas bien !me disait-il, en se frottant les lèvres et en tournant en rond. Comme s'il réfléchissait à quelque chose. Il était si haut, si grand et si fort, je ne pouvais rien contre lui, j'étais là sur ce canapé de cuir rouge, en boule, à trembler. Je pensais à ma mère, mais où est-elle ? Viens me sauver ! Je me disais, mais c'était impossible, il m'avait dans ses griffes.

- Tu sais ce que tu viens de faire, mauvais garçon ? Tu sais la connerie que tu viens de faire !

Puis il buvait, tournant toujours en rond, je commençais véritablement à être terrorisé. Puis il me mit une claque en pleine figure, je me suis retrouvé projeté sur le bout du canapé, venant à peine de comprendre ce qui venait de m'arriver. Mes larmes coulaient le long de mes joues, mes yeux étaient rouges de frayeur, puis il me mit une deuxième claque dans la figure, plus forte que la précédente. Et je suis tombé en larmes. De là, mon père s'est jeté sur moi. Mes cuisses étaient devenues pour lui un punching-ball, des coups tellement fort, que j'ai cru mourir. Du haut de mes huit ans, je me suis fait dessus.

Mon père s'arrêta à cet instant, regardant l'urine de son fils couler au sol par ses coups. Je n'étais plus personne à cet instant, qu'un enfant battu. Il me tira par les cheveux jusqu'à la salle de bain où il m'ordonna de me laver en me répétant que j'étais un enfant sale, et ce de plus en plus fort. Je voulais mourir, quitter cette terre, mais je voulais encore plus les bras de ma mère, celle qui me protégeait du mal depuis toujours. J'aurais dû lui dire avant, mais je n'ai su le faire. J'étais en larmes, j'étais comme mort.

Mon père est venu me voir après avoir nettoyé le canapé et le sol, il est venu avec des vêtements de rechange pour moi, puis il me serra contre lui, pour m'embrasser, pour me réconforter, il s'en voulait tellement. Je voulais rentrer à la maison, retrouver ma mère et mes sœurs, et je le lui dis en criant de toutes mes forces. Alors il s'arrêta, puis me regarda comme s'il savait que c'était la dernière fois qu'il me voyait, il me prit dans ses bras puis appela ma grande sœur Lisa pour venir me chercher. On aurait dit qu'elle avait compris ce qui venait de se passer, elle ne mit que cinq minutes à venir me chercher, défonçant la porte de chez mon père et le poussant contre le mur. Dès qu'elle me vit, je me suis effondré en larmes dans ses bras, puis elle me porta et se mit à courir de toutes ses forces loin de mon père. J'ai arrêté de le voir à partir de ce jour.

Ma mère s'en voulait, elle pensait tellement que la rue avait changé mon père, mais à l'inverse, il eut de plus grosses blessures, qui n’eurent pas la chance de se refermer. On dit souvent que les blessures créent des monstres, et mon père était blessé.

Il n'avait mérité de souffrir… Il était victime et malheureusement, il fut délesté de son innocence le premier jour de sa vie.

Les jours après ce drame étaient spéciaux, je vivais bizarrement, je me sentais nu constamment et ce même en ayant trois pulls sur moi. Je stressais involontairement, de voir mon père arriver pour m'enlever à ma mère, je ne mangeais plus comme avant, je ne dormais plus comme avant. à l'école, je ne travaillais pas comme à mon habitude, j'étais toujours bon élève, mais je semblais dans les nuages. Regardant tout le temps par la fenêtre, espérant ne jamais voir mon père à la sortie de l'école, m'attendant avec une bouteille d'alcool. Je n'allais plus vers ma famille, je fuyais mes amis, je me renfermais en moi-même, voulant me protéger sûrement de la violence de ce monde.

La vie me semblait si belle, et ses mystères, toutes ces nombreuses interrogations que l'on avait sur elle, tout ceci me bordait autrefois. Qui de nous peut répondre au pourquoi de notre existence, qui de nous peut crier à la pleine lune, la réponse à notre existence, à nos blessures et tous nos sentiments.

Ô ... âme perdue (...) Emmène-moi aux cieux, fais-moi valser aux éclats, et pardonne-moi toutes mes faiblesses. Rends-moi vivant une dernière fois. J'ai tellement de choses à voir, tant à découvrir, ma vie ne peut s'arrêter ainsi, et me laisser comme dernier souvenir, ces bleus sur mes cuisses. Ramène-moi en arrière, au rire de ma mère, aux nombreux regards qu'elle portait sur moi, tout juste avant de me border. Rends-moi mon innocence, j'ai tant à découvrir.

Montre-moi la neige, montre-moi la pluie, montre-moi le soleil (...) Et le lever de la lune. Fais-moi sentir la froideur de la glace, la chaleur du feu, la beauté de mes rêves, l'amour de ma mère (...) Pourquoi dois-je vivre ainsi ? Pourquoi pas plus tard. À cet âge, nous ne faisons que grandir, vivre heureux, et découvrir à petit feu les intempéries de la vie.

Ce jour-là chez mon père, lorsque je vis son vrai visage, il y a eu un tas de répercutions sur mon enfance, et surtout lors de mon adolescence. La vie me semblait horrible, je me protégeais sans arrêt, je m'étais construit un fort en béton armé. Un cocon invisible. Je ne souriais plus, je n'en voyais pas l'intérêt mais surtout, le bonheur n'était rien d'autre pour moi qu'un lointain souvenir enfoui en ces années passées.

Ma première année au collège était difficile, j'étais si terrorisé par la foule, l'humanité me dégoûtait, et ce à cause de mon père. Je séchais les cours, et j'allais faire du roller avec mes vieux amis d'enfance. Nous faisions des conneries, des conneries d'enfant, tout ce qui pouvait nous divertir, me divertir, me faire oublier seulement un instant, le mal qui me frappait de plein fouet. Le soir, ma mère m'engueulait après avoir reçu le coup de téléphone de mon collège pour lui annoncer mon absence, mais je m'en moquais. Ceci n'était rien pour moi, que le reflet du jour précédent, et le scénario du jour suivant. Je ne réfléchissais à rien, je ne pensais à rien, je ne rêvais plus, je ne dormais plus, je ne mangeais plus. Du haut de mes onze ans, je ne pesais que 40 kilogrammes. Je ne ressemblais à rien, et mon style vestimentaire n'arrangeait pas les choses. Pour moi, un pull et un pantalon ne servaient à rien d'autre que de se couvrir du froid. Nous ne devrions pas aimer quelqu'un pour son physique, car le style vestimentaire reflète notre état d'âme. Un homme peut être le reflet de l'amour, et pourtant habillé de vêtements sales, tout comme l'homme le plus mauvais peut se cacher derrière un costard. Nous ne pouvons juger à la première image, sans même découvrir qui se tient devant nous. Un enfant de onze ans peut avoir plus de cicatrices qu'un homme de soixante ans.

Par la plus grande des interrogations, j'ai passé ma sixième, me voilà en cinquième, et toujours seul. La mentalité commençait à changer, et la généralité naquit en chaque personne m'entourant. La mode au collège est de ressembler à la personne la plus populaire de ce lieu. Et pourtant, cette personne est le plus souvent tirée de la plus grande des méchancetés. À la maison, rien n'était comme avant, je sortais du matin au soir, et je dormais toujours chez mes vieux amis d'enfance. Je voulais à tout prix fuir l’environnement qui me rappelait mon père. Mais c'était plus compliqué que cela, car le collège où j'étais scolarisé, me forçait à passer devant chez mon père. Je me rappelle que je le voyais souvent en ville le matin, allant faire ses courses avec son bonnet et son manteau en toile de parachute, son vieux jeans tombant et son portefeuille dans sa poche arrière, attaché à une chaîne longeant le long de sa hanche droite, venant se crocheter à l'avant de son jeans. Ce sont ces petits détails qui font toute la différence. Nous nous rappelons plus souvent d'un détail, que d'un atout.

Je le fuyais en courant, me cachant derrière des passants ou des murs, tant que je ne le voyais pas, et qu'il ne me voyait pas non plus, c'était le plus important. J'avais peur de sa réaction, que pourrait-il me dire ? Et surtout qu'allait-il me faire ? Il était pour moi un démon qu'il fallait fuir à tout prix, avant qu'il ne soit trop tard. J'en souffrais tellement, quand je voyais mes amis avec leur père, ils me regardaient comme s'ils regardaient un bâtard, n'ayant aucun repère et qui un jour, fera basculer leur enfant du mauvais côté. Je devais rester à l'écart, j'étais une mauvaise fréquentation visiblement. Personne ne me comprenait, alors je laissais tomber.

Quelques années plus tard, je me retrouvais en troisième, j'avais une bande de copains qui tout comme moi, avait une furieuse envie de détester la vie, tout autant que moi, pour des raisons qui parfois furent similaires, mais aussi totalement différentes. Les pères semblaient pour nous être de mauvais hommes. Comme si les hommes nés avant les années 80 se devaient d'être mauvais.

Chapitre deux

Le goût de la liberté

Nous fumions, nous buvions, nous nous laissions totalement tomber dans l'oubli des autres, mais aussi de nous-mêmes. Nous n'avions aucun attachement, rien n'était important pour nous, que notre mal-être. La dépression est une obsession : et nous étions attirés par l’obsession. L'inconnu est charnel, nous en sommes tous passionnés, et c'est d'ailleurs ce qui nous a amenés là. Nous fuyons tous la rengaine, espérant au fond de nous-mêmes vivre quelque chose de plus beau. Quitte à rêver, quitte à vivre en un autre monde, tant que celui-ci est plus beau, alors rien n'est plus important que cela.

Chaque jour pourtant semblait ressembler aux autres et s'assembler. Nous avions l'impression de tourner en rond, de n'avancer nulle part. Comme si nous nous trouvions sur un tapis roulant, dans une pièce ronde. Rien d'autre à découvrir que les intempéries de notre terre.

Alors nous buvions et nous fumions de plus en plus, je crois que c'est à cette époque que j'ai commencé véritablement à sombrer, je pleurais chaque soir dans ma chambre, m'ouvrant les veines avec des lames de rasoir, versant de l'alcool dessus, seulement pour me faire du mal. Prenant les médicaments de ma mère insomniaque par poignées, vomissant toute la nuit, et continuant à boire jusqu'au lendemain. à cette époque, j'ai imaginé à plusieurs reprises la façon dont je mettrais fin à mes jours, par pendaison, strangulation, mutilation, médicament (...) Un tas de possibilités qui, pour moi, semblaient être meilleures les unes que les autres. Mais je ne pouvais m'empêcher de penser à ma mère, me remémorant chaque sourire qu'elle me faisait lorsqu'elle venait me chercher à la sortie de l'école primaire. Qu'allait-elle devenir sans moi ? Mais avait-elle réellement besoin de moi ? Bien-sûr que oui, mais l'adolescence nous fait parfois douter de tant de choses qui devraient pourtant être des évidences.

Dans ma bande de copains, il y avait Éléna, ma meilleure amie, elle était belle même magnifique, ses cheveux brun semblaient rougir au soleil, et sa peau pâle, semblable à celle d'une poupée de porcelaine, la rendait éclatante à la lumière du matin.

Je crois que c'était la première fois que je tombais amoureux d'une fille, non que je ne le voulais auparavant, mais je ne pouvais m'empêcher d'avoir peur de l'amour. Le fait de donner pour tout perdre m'effrayait tout autant que la mort m'effrayait. Je lui avais tout dis, et elle aussi, nous nous étions ouverts l'un à l'autre comme sûrement personne ne put le faire avant nous. Rien n'était un secret et un regard voulait dire mille mots. Sa mère était famille d'accueil, alors très souvent, je dormais chez elle, avec son copain et mon cousin. Nous faisions des soirées non loin de chez elle dans la cour d'une école primaire. C'est d'ailleurs avec les mêmes personnes et au même endroit que j'ai été ivre pour la toute première fois. Je me le rappellerai toujours, de ce premier tournoiement de tête, et de ces premières chutes. Je ne savais pas à cette époque que notre présence en groupe ne marquerait rien d'autre que la fin de notre jeunesse, et que l'illusion de notre amour causerait notre autodestruction. Je regardais les cicatrices sur mes bras, et j'allais chaque soir creuser un peu plus loin en ces plaies, espérant partir, espérant être libéré. Je lâchais mes études, je n'aimais plus ma famille, j'insultais ma mère, mes sœurs (...) Je chutais peu à peu, et le reste du monde était spectateur de ma fin, sans même que je ne puisse l'en empêcher. Jusqu'au jour où…

J'étais placé en famille d'accueil chez Éléna, je ne voyais plus ma mère, ni même mon père, ni même mes sœurs (...) J'étais seulement avec mes amis, drogué et alcoolisé. Rêvant d'une autre vie, rêvant de ma mort, mais aussi de cette peur qui m’empêchait de passer à l'acte.

Mon quotidien n'était pas le plus beau à raconter, rien de mes jours passés, et ceux se projetant à mon horizon, ne méritaient un moment pour les raconter. Mais un jour, je fus enfin délivré. C'était un mercredi après-midi par le plus grand des hasards, un jour de pluie.