Prisonnière - Tome 2 - Marion Fénice - E-Book

Prisonnière - Tome 2 E-Book

Marion Fenice

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Beschreibung

Ambre, à présent jeune maman, doit tout faire pour se protéger et protéger son enfant.

Après tous ces mois de captivité, cet enfer sur terre qu’a vécu Ambre, la petite Opale est née grâce à l’aide de Benjamin.
Mais que vont devenir la jeune mère et sa fille ?
Qu’adviendra-t-il de Julien et Amandine ?
Ambre est sauvée, mais ce qui l’attend ne risque pas d’être pire ?
Le regard des autres, sa maternité, ses sentiments…
La jeune femme devra faire face à un autre type d’enfer, une douleur que personne ne peut comprendre.
Elle seule sera maîtresse de son destin.
Mais pour combien de temps…
La roue a-t-elle vraiment tourné ?

Prisonnière tome 2 : Libérée, est réservé à un public averti.

Le destin d'Ambre semble plus noir que jamais... Plongez-vous sans plus attendre dans le deuxième tome de cette saga de dark romance aux rebondissements inattendus !

EXTRAIT

J’ai l’impression de revenir près d’un an en arrière. Une chambre blanche, impersonnelle … Des tas de questions en tête, des machines qui bipent au rythme de mes battements cardiaques … La seule différence c’est que même s’il me reste des interrogations, j’ai des réponses sur mon passé et j’ai surtout cette personne qui me raccroche à la vie. Ma petite Opale.
Elle dort sagement dans son berceau d’hôpital, je ne me lasse pas de l’admirer. Sa peau de poupée, blanche comme la neige. Ses petites mains, son visage d’ange …elle me semble tellement fragile. Alors, c’est pour elle, grâce à elle que je continue de vivre, elle est ma force. Hier, quand nous sommes arrivées ici, les médecins me l’ont prise pour lui faire toute une batterie d’examens afin de vérifier qu’elle était en bonne santé. Je ne me suis pas laissé approcher le temps que mon bébé me soit rendu. Je ne pensais pas qu’il était possible d’aimer autant qu’en cet instant. Quand je pense qu’à une période, je ne voulais pas d’enfant, du moins pas dans la situation dans laquelle je me trouvais, maintenant je n’ose imaginer un seul moment loin d’elle.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marion Fenice est une maman comblée de trois enfants, proche de la trentaine. Native du Nord de la France, elle a quitté sa région natale il y a plus de dix ans. Elle a toujours rêvé de travailler dans le monde de l’édition, le destin en a décidé autrement : elle est devenue commerçante indépendante. Grande lectrice depuis petite, elle ne passe pas une journée sans lire, quel que soit le style, c’est essentiel pour elle de plonger dans un livre et se laisser porter par l’histoire. Elle a commencé à écrire des poèmes très jeune, une façon pour elle de faire face à ses émotions, de s'en libérer. Son imagination ne s’arrête jamais : de la romance au fantastique en passant par le dark et la Bit-Lit, elle aime laisser partir toutes ses idées sur le papier.

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Prisonnière

Tome 2 : Libérée

 

 

Marion Fenice

DarkRomanceEditions « Arts En Mots »Illustration graphique : © Marion Fénice

 

 

On croit conduire le destin, mais c’est toujours lui qui nous mène.

Denis Diderot

 

Chapitre 1

Shym : T’es parti

Ambre

J’ai l’impression de revenir près d’un an en arrière. Une chambre blanche, impersonnelle … Des tas de questions en tête, des machines qui bipent au rythme de mes battements cardiaques … La seule différence c’est que même s’il me reste des interrogations, j’ai des réponses sur mon passé et j’ai surtout cette personne qui me raccroche à la vie. Ma petite Opale.

Elle dort sagement dans son berceau d’hôpital, je ne me lasse pas de l’admirer. Sa peau de poupée, blanche comme la neige. Ses petites mains, son visage d’ange …elle me semble tellement fragile. Alors, c’est pour elle, grâce à elle que je continue de vivre, elle est ma force. Hier, quand nous sommes arrivées ici, les médecins me l’ont prise pour lui faire toute une batterie d’examens afin de vérifier qu’elle était en bonne santé. Je ne me suis pas laissé approcher le temps que mon bébé me soit rendu. Je ne pensais pas qu’il était possible d’aimer autant qu’en cet instant. Quand je pense qu’à une période, je ne voulais pas d’enfant, du moins pas dans la situation dans laquelle je me trouvais, maintenant je n’ose imaginer un seul moment loin d’elle.

Mes seins sont douloureux, hier une infirmière m’a demandée si je souhaitais nourrir mon bébé ou si je préférais lui donner le biberon. Je n’ai pas hésité un instant en décidant de l’allaiter, je veux ce qu’il y a de meilleur pour ma fille et égoïstement, je sais qu’elle ne dépendra que de moi pour se nourrir autant que moi, je ne dépends que d’elle pour me battre. Je la regarde s’agiter dans son sommeil, le réveil ne devrait plus tarder. Je remonte le drap sur moi pour dégrafer la chemise de nuit affreuse que m’a fournie l’hôpital. À peine le temps de terminer qu’Opale se manifeste en gémissant. Je me dépêche de la prendre dans mes bras afin qu’elle tète, je ne supporte pas de la voir pleurer et s’agiter d’attendre. Je suis toujours en train de l’admirer quand ça frappe à ma porte. Je n’ai pas le temps de répondre que celle-ci s’ouvre sur une femme. Je la détaille rapidement ; tailleur noir, chignon strict et sacoche en cuir dans la main.

— Bonjour Ambre, je suis Cindy Scobe, assistante sociale. Comment allez-vous ?

Une assistante sociale ? Rien qu’à l’évocation de son emploi, je sens les frissons me remonter dans tout le corps. Je serre un peu plus fort Opale contre moi, je ne sais pas exactement pourquoi elle est là, mais il est hors de question qu’elle vienne pour me prendre mon enfant. Malgré mon absence de réponse, elle s’installe dans le fauteuil à côté de mon lit et sort un calepin et un stylo de sa sacoche.

— Je viens vous voir pour discuter Ambre, détendez-vous, dit-elle en me souriant.

— Que me voulez-vous ?

— Le directeur de l’hôpital m’a fait appeler pour m’expliquer votre situation. Je ne vous veux aucun mal Ambre, j’aimerais juste que nous parlion, me répond-elle en souriant. C’est la petite Opale je présume ?

Je resserre encore plus fort ma fille contre moi quand je la vois se lever pour la regarder de plus près. Il est impensable qu’elle s’approche de ma fille, ni même qu’elle pose les yeux sur elle ! Comprenant sans doute mon geste, elle se rassoit et griffonne sur son calepin.

— Si vous me parliez un peu de vous ? J’ai cru comprendre que vous avez perdu la mémoire …Avez-vous des souvenirs qui vous sont revenus d’avant votre captivité ?

Mon cerveau tourne à plein régime. Je dois avouer que je n’y ai pas pensé depuis que je consacre mon temps à ma fille et avant sa venue au monde, je n’y pensais plus non plus, préférant me focaliser sur ma grossesse. Maintenant que je suis dehors, je vais pouvoir rechercher réellement qui je suis.

— Je …commençais-je. Non je ne sais pas, je n’y ai pas réfléchi.

Mon regard se porte sur ma petite fille qui ne tète plus, elle m’observe. Il va falloir que je recherche qui je suis, mais il va aussi falloir que je m’occupe de son papa. Je me rappelle l’avoir vue avec la police hier, avant que les pompiers ne m’emmènent, je suppose qu’il est au fond d’une cellule en train d’attendre et d’espérer mon aide pour l’en faire sortir. Amandine a été embarquée aussi, mais je jure que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour qu’elle passe le reste de sa vie derrière les barreaux, qu’elle reste loin de ma famille !

— Ambre ? Vous m’écoutez ?

— Désolée, je … Écoutez, je ne sais pas encore qui je suis réellement et je ne veux pas chercher de tout de suite. Ma priorité c’est ma fille et rien d’autre, dis-je d’un ton sec.

— Justement, je suis là pour cela. Je suis mandatée d’urgence pour savoir si vous serez apte à vous occuper de votre enfant. Je …

— Que voulez-vous dire ? la coupais-je. Je suis parfaitement capable de m’occuper de mon bébé ! Je ne veux que le meilleur pour elle ! m’emportais-je

— Calmez-vous Ambre s’il vous plait. Nous souhaitons toutes les deux la même chose : le bien-être de cet enfant. Je ne dis pas que vous n’êtes pas apte à vous en occuper, mais je me dois de faire mon travail et d’enquêter.

Mon sang bout dans mes veines. Je me suis tue trop longtemps. Après ce que j’ai traversé pour en arriver là, ce n’est pas cette femme qui ne me connaît pas qui va juger de si je suis capable ou non !

— Sortez …SORTEZ DE MA CHAMBRE !

Je n’ai pas pu retenir ce hurlement, je ne veux plus la voir ! Je veux qu’on me laisse tranquille avec ma fille, ce n’est pas compliqué ! On m’a déjà enlevé l’homme que j’aime, je ne supporterai pas qu’il arrive autre chose à ma famille.

— Très bien, je vois, dit-elle en griffonnant dans son carnet une dernière fois avant de le ranger et de se lever. Je reviendrai vous voir plus tard Ambre pour discuter. En attendant, je vous laisse vous reposer, prenez soin de ce petit ange.

Elle pose un dernier regard sur Opale avant de quitter ma chambre. Comme si mon cerveau se reconnectait au présent à cet instant, les hurlements de ma fille résonnent à mes oreilles. Elle est toujours contre moi et pleure à plein poumon en se débattant. Je me sens démunie. Je ne suis pas une bonne mère, je suis incapable de calmer ma fille, je suis incapable de construire ma vie avec l’homme que j’aime, je suis incapable de savoir exactement qui je suis … Mes larmes et un hurlement sortant du plus profond de mes entrailles se mêlent aux larmes et aux cris d’Opale. Nous pleurons ensemble, ne sachant pas de quoi demain sera fait, ne sachant pas si nous pourrons rester ensemble.

 

Je finis par me calmer, il faut que je leur prouve à tous que j’ai les capacités d’être une bonne mère pour Opale, que je saurais m’en occuper quoiqu’il m’en coûte. Je caresse le visage de mon petit ange qui dort enfin, repu de mon lait. Un petit sourire se dessine sur ses lèvres.

— Tu as raison ma chérie, nous allons-y arriver. Ensemble et pour toujours.

Des coups répétés contre ma porte se font entendre, encore et avant que je n’aie le temps de répondre, celle-ci s’ouvre sur un homme. Mon cœur rate un battement, avant que je ne comprenne mon erreur. Grand, musclé, les cheveux bruns, les yeux d’un bleu intense ...j’ai pensé que mon Julien venait nous retrouver, mais, même si celui qui me fait face lui ressemble énormément, ce n’est pas lui. Ma mémoire refait surface d’un seul coup et les derniers évènements se dessinent sous mes yeux. C’est lui qui m’a sauvée, lui qui a appelé les secours, lui qui s’est battu contre ...son frère !

— Bonjour Ambre, comment vas-tu ? dit-il en s’approchant de mon lit.

Je ne sais quoi lui répondre. Je le regarde prendre place sur la chaise sur laquelle se trouvait tout à l’heure cette femme qui tentait de me prendre Opale. Il me regarde et me sourit avant de désigner la petite.

— Elle a l’air de bien dormir !

Je souris quand mon regard se pose sur elle. Elle dort à poings fermés dans mes bras. En relevant mon visage, je le vois me regarder et sourire à son tour. Je ne suis pas très à l’aise en sa présence, mais je me dois de faire bonne figure et de me retenir de lui hurler de me laisser tranquille. C’est tout de même grâce à lui qu’Amandine ne mettra jamais la main sur ce que j’ai de plus cher au monde ! Alors, même s’il a envoyé son frère dans la gueule du loup, ce n’est qu’un malentendu que je réparerais le plus rapidement possible, je ne dois pas lui en tenir rigueur.

— Tu veux que je t’approche le lit pour que tu puisses la coucher ?

Je resserre Opale contre moi, lui aussi veut me prendre mon enfant, ils sont tous ligués contre moi !

— Hé, calme-toi Ambre, je ne te veux aucun mal et encore moins à Opale. Je veux juste vous aider.

– Pourquoi ? lui demandais-je, les mots arrivant enfin à franchir mes lèvres.

— Parce que dès la première fois que je t’ai vue, j’ai compris qu’il y avait un problème. J’ai été trop lâche pour creuser plus loin, et je m’en veux terriblement de ce qui t’est arrivé, du moins ce que j’en sais. Et parce qu’Opale est ma nièce et, à défaut de son père, j’aimerais si tu me le permets, être présent pour elle. Je veux qu’elle sache tout au long de sa vie qu’elle pourra compter sur moi.

— Opale a un père, hurlais-je. Il va revenir et nous fonderons une famille !

Les larmes me brûlent les yeux, comment ose-t-il douter de son frère !

— Laisse-moi la poser dans son lit s’il te plait Ambre, me demande Benjamin en tendant les bras vers nous.

— Toi aussi tu veux me la prendre c’est ça ? Personne ne me prendra mon enfant !

— Comment ça moi aussi je veux te la prendre ?

— T’es de mèche avec cette femme de tout à l’heure !

Mes nerfs lâchent. Je hurle dans cette chambre et perds pied quand Benjamin me prend mon bébé des bras. J’arrache le capteur placé sur mon doigt pour me lever de mon lit, il n’aurait jamais dû m’enlever mon bébé des bras. Avant que je n’esquisse le moindre geste une fois debout, il me retient et me murmure, dans le creux de l’oreille, de me calmer. Mon cœur semble écouter sa voix et ralentit ses battements. J’observe Opale, paisible dans son lit, mes cris ne semblent pas l’avoir perturbée. Sous l’impulsion de Benjamin, je me rassois sur mon lit tout en restant sur mes gardes, s’il tente le moindre geste envers nous, rien ne pourra m’arrêter.

— Bon maintenant que tu es calmée, explique-moi c’est quoi cette histoire Ambre. Qui est cette femme et que voulait-elle ?

J’hésite à lui répondre, je ne sais pas si je peux lui faire confiance. Je me décale, nos corps sont trop proches l’un de l’autre.

— Fais-moi confiance Ambre, je ne vous veux aucun mal, je te le jure, continue-t-il comme s’il avait lu dans mes pensées. Je veux juste comprendre et vous aider...S’il te plaît.

J’inspire un grand coup avant de commencer.

— Une femme est venue tout à l’heure, je ne me rappelle plus de son nom. Elle me disait qu’elle enquêtait afin de savoir si j’étais apte à m’occuper d’Opale. Elle veut me prendre ma fille ! lui dis-je pendant que les larmes reprennent leur course sur mes joues.

— Ne t’inquiète pas de ça, je vais me renseigner et personne ne te prendra Opale, je t’en fais la promesse, me répond Benjamin en plongeant son regard dans le mien. Pour le moment il faut que tu penses à toi et que tu reprennes des forces.

Je n’ai pour seule réponse qu’un mince sourire à lui offrir. Je n’ai d’autre choix que de lui faire un minimum confiance, il est le seul à pouvoir m’aider en attendant que je puisse retrouver Julien.

— Il faut aussi qu’on discute un peu, enchaîne-t-il. La police va venir te voir dans la journée pour te poser des questions, mais j’ai moi aussi besoin de savoir certaines choses te concernant.

— Je n’ai rien à te dire ni même à eux, je ne sais pas qui je suis réellement…

— Justement, ils tenteront de répondre à ça, mais pas seulement. Il va falloir que tu leur dises ce qui s’est passé le temps de ta captivité. Ce que tu as enduré aussi …

Des flashs me reviennent, Amandine au-dessus de mon corps, la lame du couteau que j’ai laissé glisser sur moi pour en finir, les yeux de Julien quand il m’a fait l’amour pour la première fois…

— Amandine. Elle … Elle m’a forcée à faire des choses que je ne voulais pas.

— Je suis désolé Ambre, tellement désolé de devoir te ramener dans cet enfermais, tu vas devoir revivre tout ça mentalement pour leur expliquer, tout ce que t’ont fait Amandine et Julien.

— Julien ne m’a rien fait, crachais-je

— Je l’ai pourtant vu dans cette cave, et même avant quand je venais. Il…

— Julien m’aime ! le coupais-je. Nous allons former une famille, Opale lui et moi ! C’est Amandine qui a tout planifié, mais elle ne pensait pas que l’amour nous lierait. Nous allons partir loin d’ici pour commencer notre vie.

— Ambre, Amandine n’est pas la seule fautive. Il t’a violée, il t’a humiliée …

Ses mots résonnent dans ma tête. Non, Julien ne m’a pas fait ça, il m’a aimé, il m’a fait un bébé !

— Sors d’ici ! VA T’EN JE NE VEUX PLUS TE VOIR !

Une infinie douleur passe dans ses yeux, mais je n’en ai que faire ! Il est persuadé de la culpabilité de son frère, et n’a plus sa place auprès de ma famille. Benjamin s’exécute à contre cœur et, une fois la porte refermée derrière lui, je me penche sur Opale pour lui promettre qu’elle aura un papa qui prendra soin de nous.

 

 

Chapitre 2

Amel Bent : En silence

Benjamin

 

Je n’ai pas cessé de réfléchir… Découvrir Ambre dans cette cave en train de donner la vie à ma nièce m’a fait comprendre que j’avais fermé les yeux trop longtemps. Depuis le premier jour, la première fois que je l’ai vue, je savais que cela cachait quelque chose, mais j’ai préféré croire mon frère et ma belle-sœur et fermer les yeux. Ses cris hier m’ont déchiré le cœur, je ne pouvais plus faire l’autruche, je devais agir. J’ai lu une telle douleur dans son regard, elle n’était pas due qu’à l’accouchement, ce n’est pas possible. C’est là que j’ai vu rouge, que je n’ai pas hésité à me battre avec mon frère, à faire mal à une femme aussi...je ne me reconnais pas quand j’y pense, jamais je n’ai levé la main sur une femme, je suis même contre. Malgré le dégout que m’inspire le fait d’avoir osé faire cela, j’ai eu droit au plus beau des remerciements, la confiance d’Ambre pour mettre au monde son enfant. Ce petit bout d’elle m’a coupé le souffle, j’ai caché les larmes qui brulaient sous mes paupières quand je l’ai sortie du ventre de sa mère, il ne m’a fallu qu’un instant, un simple regard pour aimer cet enfant plus que ma propre vie. C’est plus que ma nièce pour moi, c’est indescriptible... Le sourire de sa mère, en la voyant et la plus belle chose qu’il m’a été donné d’admirer, malgré sa fatigue et son épuisement, elle rayonnée en tenant Opale contre elle. Tous s’est enchainés très vite, l’arrivée de la police qui a emmené Julien et Amandine, les secours qui ont pris en charge Ambre, qui a fait un malaise, lui arrachant son bébé...jamais je n’ai ressenti une si grande peur. Je ne m’explique pas pourquoi, mais imaginer de plus revoir son regard, ne plus la revoir sourire, c’était impensable. Les pompiers les ont emmenés à l’hôpital, je n’étais que l’ombre de moi-même en lui suivant au volant de ma voiture… ça fait maintenant plus de deux heures que j’attends d’avoir de leurs nouvelles, je ne supporte plus d’être assis sur cette chaise à regarder le corps médical passer devant moi sans me calculer. J’hésite entre aller à un bout du couloir pour prendre des nouvelles de la petite ou courir à l’autre bout pour trouver la chambre d’Ambre. Mon cerveau ne cesse de fumer, imaginant le pire et la pression ainsi que la haine qui reste ancrée en moi ne m’aide pas. Est si elles ne s’en sortaient pas ? Je jure que s’il leur arrive quoi que ce soit, je tue Amandine et Julien de mes mains !

— Monsieur ? Vous êtes de la famille de la petite amenée par l’ambulance et de sa maman ?

Une infirmière se tient debout devant moi, j’étais perdu dans mes pensées et ne l’ai même pas entendue arriver. Il faut que je me calme, elle n’y est pour rien dans cette histoire.

— Oui, non ...enfin, je suis l’oncle de la petite Opale…

L’infirmière me regarde avec de gros yeux, je me rends compte que ma phrase n’est peut-être pas si cohérente que ça. Je ne peux pas lui dire qu’Ambre est ma belle-sœur ce n’est pas le cas et je me vois encore moins lui expliquer qu’elle était la prisonnière de mon frère et sa compagne deux heures plus tôt, sans parler des mois précédents.

— Vous désirez peut-être voir votre nièce ? À moins que vous attendiez le papa …

— Non, le papa ne viendra pas, elle n’a pas de papa… Où pourrais-je la voir ?

— Nous venons de l’examiner, elle est encore en pouponnière avant que nous la ramenions à sa maman.

Je la suis dans les couloirs de l’hôpital, le cœur palpitant de recroiser ce petit bébé. La pouponnière est calme, deux infirmières sont dedans pendant qu’une dizaine de bébés dorment paisiblement. Celle qui est venue me chercher dans la salle d’attente tape un code sur le boitier de la porte et me fait entrer, à sa suite, dans cette pièce. Elle se dirige sans hésitation vers un de ces berceaux transparents et porte délicatement un petit paquet rose. Je m’approche d’elles et les larmes affluent sous mes paupières, toute la tension que je ressentais quelques secondes avant laisse place à l’émerveillement.

— Coucou petite Opale, regarde qui vient te rendre visite, lui chuchote-t-elle.

Elle me tend ma nièce que je serre dans mes bras. Je ne retiens pas l’unique larme qui roule sur ma joue et tombe sur la main de la petite.

— Rebonjour Opale, bienvenue dans ce monde de fou, ma princesse.

Pour toute réponse elle gigote comme un vers entre mes bras. Il faut que je sache, que je sois rassuré sur l’état d’Opale et Ambre.

— Comment va-t-elle ? Et sa mère ? Leurs examens sont bons ? Elles n’ont rien ?

L’infirmière sourit sous mes questions.

— La petite va très bien, elle pèse 3 kilos 450 et fait 49 centimètres, un très beau bébé. Tous les tests sont bons, elle est en parfaite santé. En ce qui concerne la maman, ce n’est pas moi qui me suis occupée d’elle, mais je suis persuadée qu’elle va bien. D’ailleurs, la petite ne va pas tarder à réclamer, savez-vous si elle souhaite l’allaiter ?

— Je pense ...je ne sais pas du tout en fait. Vous croyez que c’est mieux pour elle ? m’agaçais-je.

— Calmez-vous, rit-elle. Qu’elle l’allaite ou non, Opale ira très bien, ne vous en faites pas. Je vais l’amener auprès de sa maman, venez avec moi. Vous pourrez avoir de ses nouvelles et nous saurons si elle désire la nourrir ou non.

J’ai envie de la suivre, de savoir comment va Ambre et la voir surtout, mais les deux policiers que j’ai vus en entrant ici, qui attendent dans le couloir m’en dissuadent. Nos regards se croisent et d’un léger signe de tête de la part de l’un d’eux, je comprends qu’ils désirent me parler.

— Je serais ravi de vous suivre, mais je pense que la maman a besoin de se retrouver un peu tranquille avec son enfant. Je viendrais les voir plus tard. J’ai moi aussi besoin de décompresser un peu.

J’embrasse ma petite princesse sur le front avant de la rendre à l’infirmière. L’entendre geindre me fend le cœur, mais Ambre a besoin de retrouver sa fille et de passer un moment seul avec elle, moi j’ai deux policiers qui risquent de ne pas être patients très longtemps sans parler de mes nerfs qui sont à deux doigts de lâcher.

Je sors dans le couloir sans oublier de remercier encore une fois l’infirmière et avance en direction des deux agents qui m’attendent. Ils se retournent au son de mes pas, étouffés par le lino.

— Monsieur Diat ? me demande le plus âgé.

— C’est moi-même, Benjamin Diat.

— Bonsoir monsieur. Nous aurions quelques questions à vous poser. Vous voulez bien nous suivre ?

J’acquiesce d’un signe de tête et les suis dans les dédales des couloirs. Nous sortons de l’hôpital et stoppe ma marche. Les agents se retournent et me dévisagent, le plus jeune a déjà la main sur ses menottes accrochées à la ceinture.

— Je prends ma voiture pour vous suivre.

Ils se fixent ne sachant si me laisser aller seul est une bonne idée. Je prends les devants, je ne veux pas perdre de temps avec eux.

— Écoutez, je ne compte pas m’enfuir ou je ne sais quoi d’autre. C’est moi qui ai découvert et aidé Ambre, c’est moi qui vous ai appelé. Je n’ai rien à voir dans cette histoire si ce n’est qu’être le témoin d’une horreur. Je n’ai pas de temps à perdre en attendant de pouvoir rentrer chez moi.

— Très bien, suivez-nous jusqu’au commissariat, répond le plus âgé.

Ils montent dans leur voiture et moi dans la mienne. Je suis comme un zombie sur la route, je n’y prête même pas attention, j’aurais tellement souhaité avoir des nouvelles d’Ambre avant de quitter l’hôpital. Je pense qu’elle va bien, sinon les médecins n’auraient pas autorisé Opale à revenir auprès de sa mère ? Il vaut mieux qu’elle aille bien ! Flics ou pas, je n’hésiterais pas une seule seconde à finir ce que j’ai commencé à Julien ...

Je n’ai pas vu le trajet passer, la voiture de police en face de moi se gare. Je stationne à leur côté et les suis dans le commissariat. J’entends des détenus hurler dans leur cellule, des personnes qui attendent sur des chaises dans le couloir, menottées ou non. Certains baissent la tête à la vue des agents de la force de l’ordre, d’autres les insultes ou leur crache dessus. Le plus jeune des policiers venus me chercher ouvre une porte sur notre gauche et m’invite à entrer dans la pièce. Deux bureaux sont placés à chaque coin de la pièce, le plus âgé m’invite à m’installer à celui le plus éloigné de la porte. Je prends place, sans savoir combien de temps ça va durer, mais priant intérieurement que ça aille vite que je puisse partir d’ici.

— Monsieur Diat, j’ai des questions à vous poser concernant l’affaire mêlant votre frère, Julien Diat et sa compagne mademoiselle Sprale qui retenaient une jeune femme captive. Tout ce que nous dirons sera retranscrit sur le procès-verbal que je vous demanderais de relire et signer si vous êtes d’accord à la fin de notre entrevue. C’est compris ?

— Oui.

Le ton qu’il emploie avec moi ne me plait pas du tout. J’ai l’impression d’être un coupable à ses yeux. Je culpabilise déjà de ne pas avoir réagi avant et éviter cet enfer à Ambre, je n’ai pas besoin de lui pour remuer le couteau dans la plaie. Je ne tiendrais pas longtemps à ce rythme-là, vite que ça se termine.

— Monsieur Diat, pouvez-vous m’expliquer les circonstances qui vous ont mené à la captive de votre frère et votre belle-sœur ?

— Heu… la première fois, c’était il y a quelques mois. J’étais chez mon frère quand des bruits se sont fait entendre dans la cave. Il est descendu et le trouvant long, je me suis mis en haut des marches lui demandant s’il y avait un problème. Il m’a crié que c’était un rat il me semble quand juste après j’ai entendu la voix d’une femme lui hurler dessus. Je suis descendu malgré ma belle-sœur qui me retenait et me suis retrouvé face à Ambre. J’ai immédiatement demandé des explications à mon frère. Amandine, sa compagne, m’a dit que c’était sa cousine qu’ils hébergeaient. Qu’elle devait rester là, car elle était malade et pouvait s’avérer dangereuse pour elle et les autres dans ces moments de crises. Je les ai crus et je suis remonté à l’étage. Je revenais régulièrement, mais quand je demandais des nouvelles d’Ambre j’avais toujours la même réponse. Elle a encore fait une crise, elle se repose, elle est malade... des excuses pour m’empêcher de la voir. Hier, j’étais dans le salon avec Julien, nous regardions le match de foot à la télé, Amandine est rentrée du travail dans la soirée et nous a rejoints pour regarder avec nous. À la première mi-temps, je suis allé dans la cuisine pour aider mon frère à débarrasser la table quand Amandine a couru en bas. Julien la rejointe peu de temps après et j’ai compris qu’il y avait un problème, je suis descendu à mon tour en pensant qu’ils auraient peut-être besoin d’aide si Ambre avait fait une crise. Je voulais aussi en profiter pour la revoir ... J’ai compris de suite ce qui se passait quand j’ai entendu mon frère dire qu’il allait être papa …

Mon cœur se serre en repensant à cette nuit, je revois très clairement Ambre sur son lit de fortune souffrir de martyre, suppliant qu’on l’aide. Les larmes de joie dans les yeux de Julien, la rage dans ceux d’Amandine que je découvre leur secret. La culpabilité m’assaille une fois de plus, j’aurais dû comprendre, réagir bien avant putain ! J’aurais dû forcer ces deux salopards à me laisser voir Ambre !

— Attendez, si je comprends bien, vous me dites que vous avez déjà rencontré la victime avant cette nuit ?

— Oui, je l’ai vue une fois …

— Et vous n’avez pas pensé à prévenir la police ?

— Mais putain, je n’aurais jamais pensé qu’ils me mentaient ! Vous croyez que si j’avais su la vérité je serais resté à attendre sans rien faire ? hurlais-je.

— Calmez-vous … dit-il sur un ton méchant. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi quand nous sommes arrivés votre frère et votre belle-sœur étaient ligotés avec un drap et que la victime faisait un malaise ?

— Je me suis battue avec eux. Dès que j’ai pu, j’ai récupéré un drap dans le lit d’Ambre pour les attacher. Elle était épuisée et avait besoin d’aide. J’ai fait comme j’ai pu pour faire naitre ma nièce. Pour le malaise, il faudra demander aux médecins, je pense que la douleur était trop intense et que l’épuisement n’a pas aidé ...

— Nous vous avons vu avec cette petite dans les bras à l’hôpital, pourquoi ?

— Opale est ma nièce, je veux faire partie de sa vie. Je culpabilise de ne pas avoir réagi avant, je veux effacer ce qu’Ambre a vécu et être là pour elles à chaque fois qu’elles auront besoin de moi.

— Vous souhaitez donc rester en contact avec la mère et l’enfant ...répond le policier. Sachez que votre frère et votre belle-sœur sont passibles de la cour d’assise et qu’il y ait de fortes chances que monsieur Diat ne puisse prétendre à une paternité sur cet enfant quant à mademoiselle Sprale, elle n’a aucun droit sur la petite.

— Ils ont ce qu’ils méritent, répondis-je froidement.

— Vous ne pourrez donc pas montrer la petite à votre frère et vis-à-vis de la loi si l’accusé ne peut pas se prétendre père légitime, vous n’êtes rien pour l’enfant …

Là c’est de trop ! Il me prend pour qui celui-là ? Je me lève d’un bond et claque mes mains sur son bureau.

— Qu’on soit d’accord, Julien n’est plus mon frère depuis cette nuit. Quant à Opale, je m’en tape qu’un putain de bout de papier me laisse être de sa famille ou non. C’est Ambre qui décidera de ça !

— Veuillez vous rasseoir si vous ne voulez pas finir en cellule !

Non, mais en plus c’est qu’il veut me mettre en garde à vue ? C’est quoi ces malades ? Je me rassois, mais je pense que le regard froid que je lui lance lui permet de comprendre que je ne vais pas rester zen très longtemps.

— Pourriez-vous m’en dire plus sur la victime ?

— Je sais juste qu’elle s’appelle Ambre, je ne sais rien de plus.

— Pas de nom de famille ? De date de naissance ?

— Non … les seules fois où je l’ai vue, nous n’avons pas pris le temps de faire connaissance autour d’un café ...je lui réponds ironiquement.

— Très bien monsieur Diat, c’est tout pour le moment. Nous allons rechercher de notre côté. Je vais imprimer votre procès-verbal afin que vous le lisiez et le signer si vous êtes d’accord.

— Je pourrais partir après ? Non parce que là, c’est limite si vous ne m’accusez pas. Je pensais faire un tour en cage voyant comment ça se passe ...

— Oui, vous pourrez partir, sauf si vous tenez tant que cela à resté avec nous monsieur Diat …

Je lui souris en le remerciant de sa proposition en précisant qu’il n’est pas mon style d’homme ...Il n’a pas l’air de trouver ça drôle contrairement à moi. Il faut bien que je relâche la pression, mieux vaut jouer sur l’humour que les coups avec eux.

— Vous n’avez pas le droit de quitter le territoire français. Nous pouvons vous contacter à n’importe quel moment, je vous demande donc de vous tenir à disposition.

— Je ne compte pas partir. Et pour Ambre ? Qu’allez-vous faire ?

— Nous irons la voir à l’hôpital dans la journée et prévenir les services appropriés, me répond-il en me tendant un papier.

Je relis rapidement ma déposition et signe. Je n’ai qu’une envie, partir vite d’ici et retourner à l’hôpital. Je me lève et m’avance vers la porte sans attendre que quelqu’un me raccompagne.

— Monsieur Diat ? m’interpelle l’officier.

Je me retourne pour lui faire face.

— Si je peux me permettre, rentrer chez vous avant d’aller à l’hôpital prendre une bonne douche et vous changer. Vous êtes couvert de sang … Et essayer de vous calmer aussi, je ne pense pas qu’une victime et son bébé ont besoin de quelqu’un qui s’énerve si facilement.

Je regarde mes vêtements qui, effectivement, sont tachés d’hémoglobine. En effet, je ne peux pas retourner comme ça auprès d’Ambre et Opale. J’acquiesce d’un signe de tête avant de prendre la porte pour sortir d’ici.

Dans ma voiture, je repense à toute cette histoire et ce que j’aurais pu faire avant qu’il ne soit trop tard. Si seulement j’avais plus insisté pour revoir Ambre, proposer mon aide pour sa pseudo maladie...nous n’en serions pas là. Julien à merder grave, il m’avait parlé d’adoption, j’étais heureux de savoir que j’allais être tonton ! Mais jamais je n’aurais pensé qu’ils enlèveraient une jeune femme pour qu’elle porte un bébé ! Pourquoi en sont-ils arrivés là ? Je tape sur mon volant, je suis à bout de nerfs. Julien a toujours été un modèle pour moi. Il a monté son entreprise, acheté une maison avec sa compagne, était sur le point de se marier. La seule ombre au tableau est le bébé qu’ils ont perdu il y a quelque temps, l’épreuve a été difficile pour eux et encore plus pour lui. Je l’ai vu partir dans une dépression dont il ne voulait pas sortir. Je l’ai toujours admiré depuis cet épisode, même si ça a pris du temps, il a remonté la pente, il a su retrouver sa joie de vivre et la vie lui souriait. Mais là, il a été trop loin, je n’aurais jamais pensé qu’il puisse arriver à cet extrême.

J’arrive chez moi, et m’affale dans le canapé avant d’aller dans la salle de bain. J’ai besoin de souffler quelques minutes avant de prendre le rôle que je me dois d’avoir. Zeus, mon dogue allemand, vient poser sa tête sur mes genoux.

— Et ouais mon gros, il s’est bien mis dans la merde, mais je vais rattraper ses conneries, lui dis-je en lui caressant la tête.

Il aboie pour me répondre. Je me lève direction la cuisine pour lui donner sa ration de croquette, le seul fait de me rappeler comment je l’ai eu m’énerve de nouveau. C’est Julien et Amandine qui me l’ont offert pour Noël, l’année dernière afin « de te sentir moins seul » m’avait-ils dit. Et maintenant ? Ils ne repasseront pas Noël avec nous, mais derrière les barreaux, à payer leur connerie. J’espère qu’ils vont en baver, en chier comme ce n’est pas permis !

Je laisse mon chien manger et file dans ma douche, j’ai besoin de décompresser et lâcher les vannes. L’eau chaude se mêle à mes larmes de rage et de dégoût. Je profite d’être seul pour vider ce trop-plein d’émotions qui m’assaille. Je ne pourrais pas craquer après, je dois rester fort pour elles. Mon portable sonne, mais je n’ai pas envie de sortir pour répondre. Je n’ai pas pensé à donner mon numéro à l’hôpital, ce n’est donc pas eux et les autres peuvent bien essayer de me joindre, je m’en fiche royalement.

Nouvelle sonnerie, même si je n’ai toujours pas envie de parler, je dois répondre. Peut-être est-ce les policiers ? Je sors de la douche et enfile une serviette autour de ma taille. Deux appels manqués de mes parents, je n’avais pas pensé à eux. Sont-ils déjà au courant de ce que leur fils adoré a fait ? Il retentit pour la troisième fois, je souffle un bon coup avant de répondre.

— Allo ?

— Benjamin ! Enfin ! Que se passe-t-il ? C’est quoi cette histoire ?

— Bonjour papa, je pourrais aller mieux merci et toi ? répondis-je sur un ton ironique.

— Je n’ai pas la tête à plaisanter Benjamin ! La police nous a laissé un message, on doit les rappeler en urgence, ça concerne ton frère et Amandine.

— Je sais … je sors du commissariat là.

— Ils leur est arrivé quelque chose de grave ? Ils sont blessés ?

Apparemment la police ne leur en a pas dit plus sur leur message. Je dois prendre mon courage à deux mains pour lui expliquer la situation.

— Ils vont bien, du moins physiquement. Ils sont en garde à vue, passible de cour d’assise le temps de l’instruction.

— De ...quoi ? Ce n’est pas drôle du tout Benjamin !

Mon père, plus que ma mère, a toujours idéalisé et préféré Julien. C’est lui qui a toujours mieux réussi dans la vie, ses études, le sport, le travail, sa vie personnelle ...Moi je ne suis que le petit frère qui est prof de self défense et de boxe pour des gosses, petit propriétaire d’une salle de sport qui n’est pas un vrai travail, celui qui n’a jamais réussi à garder une femme, celui qui faisait le cancre à l’école …

— Je ne plaisante pas papa, encore moins avec ça ! Ton cher fils et sa compagne ont séquestré une jeune femme pour lui faire un enfant et le garder pour eux ! hurlais-je dans le téléphone.

Personne ne me répond de l’autre côté de la ligne, j’entends une chaise racler et les cris de ma mère.

— Benjamin, mon petit que se passe-t-il ? Ton père, il ...

Ma mère est en état de panique au téléphone. J’imagine le choc que mon paternel a dû ressentir quand je lui ai annoncé que sa fierté allait passer une grosse partie de sa vie derrière les barreaux.

— Calme-toi maman s’il te plait.

— Oui … oui, je vais me calmer, dit-elle toujours aussi stressée. Dis-moi ce qui ce passe, ton père ces assis et ne veux plus parler ! Une chose de grave est arrivée ? C’est ça ? Tu ne veux pas me le dire ? Benjamin ?

Elle hurle dans le téléphone, elle est dans un état d’hystérie intense, et ne me laisse même pas lui répondre. Je sais que je ne pourrais pas lui mentir. Quand mon père sortira de sa léthargie, il lui dira la vérité. Comment annoncer à une mère que son enfant est un violeur, un manipulateur qu’elle ne le reverra que dans un parloir …

— Assied toi maman s’il te plait. Julien va bien, il n’est pas blessé.

J’attends quelques minutes pour être sûr qu’elle se soit assise et se calme un peu avant de lui dire la nouvelle. Il me faut aussi trouver la force de lui annoncer. Je sais que je pourrais lui cacher, que je peux laisser la police leur expliquer la situation, mais je ne peux pas faire ça à ma mère. Elle doit savoir à quoi elle devra faire face.

— Écoute maman, Julien a fait des choses très graves ...commençais-je. Lui et Amandine sont au commissariat et risquent la cour d’assise.

Voyant qu’elle ne me répond pas, je continue avant de ne plus trouver la force de terminer.

— Ils ont enlevé une jeune femme, l’ont séquestrée jusqu’à ce qu’elle soit enceinte et leur donne un enfant.

J’entends ma mère hurler à travers le téléphone, ce qui me brise le cœur. Putain, mais qu’est-ce qui lui est passé par la tête merde !

— Où est le bébé ? demande ma mère au bout d’un certain temps de sa voix tremblotante.

Je ne peux pas lui dire, elle voudra la voir, je ne crois pas qu’Ambre accepte de rencontrer les parents de son bourreau pour le moment.

— Je ne sais pas maman …

Elle repleure, j’ai tellement mal pour elle, encore plus en lui mentant. J’entends la voix de mon père la priant de se calmer.

— Nous allons au commissariat Benjamin et passerons te voir ensuite, me dit mon père qui a repris le téléphone.

— Je ne serais pas à la maison aujourd’hui, je passerais vous voir dès que j’aurais terminé ce que j’ai à faire.

— Ton frère va croupir en prison et toi tu as autre chose à faire ?! vocifère mon paternel.

— Écoute papa, je sais ce que j’ai à faire, je passe vous voir plus tard. Embrasse maman pour moi.

Je n’attends pas sa réponse et raccroche immédiatement avant de m’énerver à nouveau. J’ai perdu assez de temps comme ça. Je me rue sur mon armoire pour prendre de quoi m’habiller. Un dernier tour dans la cuisine pour vérifier Zeus et je repars direction l’hôpital.

 

Je déteste cet endroit oùl’odeur de désinfectant emplit l’air, où les gens pleurent à côté de ceux qui rient. Je me dirige vers le bureau des admissions où une vieille dame pianote sur son ordinateur.

— Bonjour madame.

Elle relève à peine les yeux sur moi et continue sur son ordinateur.

— Je souhaiterais avoir le numéro de chambre d’une jeune femme admise en urgence cette nuit avec son bébé s’il vous plait.

— Son nom, me répond-elle sans relever la tête

— Je ne sais pas ...je suis l’oncle du bébé et …

— Sans son nom, je ne peux pas vous aider, me coupe-t-elle

Comment lui expliquer la situation sans qu’elle n’appelle la sécurité pour me virer ? Sandra, mon ex, m’a toujours dit qu’on ne pouvait rien me refuser quand je souriais. Autant tenter le tout pour le tout. Je mets ma main près de la sienne à côté de son clavier jusqu’à ce qu’elle relève la tête avant de commencer.