Psycho pat - Olivier Therond - E-Book

Psycho pat E-Book

Olivier Therond

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Beschreibung

Théo est à la poursuite d'un dangereux psychopathe...

Ce roman est l'histoire à deux voix, celle de Patrick Hall, un dangereux psychopathe et celle de Théo Templier un ancien gendarme devenu professeur. Chacun à leur tour, ils décrivent, à leur manière, les événements tragiques qui ont émaillé le parcours du psychopathe et la traque sans merci qui s'organise au fil d'une épineuse enquête.

Découvrez ce thriller incroyable, sur les traces d'un dangereux psychopathe et d'un ancien gendarme. Une immersion au coeur d'une enquête à glacer le sang !

EXTRAIT

J’avais minutieusement préparé mon coup. Je m’étais procuré une bonne quantité de puissants somnifères au black. On pouvait tout trouver. Moi, je me ravitaillais dans les petits boui-bouis du Boulevard Gambetta. C’était de véritables supermarchés : drogue, armes, médocs… Donc, j’avais glissé un petit somnifère dans le verre de la dame et je commençais à m’énerver car l’effet se faisait tardif.
— Je commence à avoir la tête qui tourne… me dit-elle… Le champagne… je…
— Oui, tu es certainement un peu saoule, dis-je en lui posant la main sur la jambe gauche.
— Je…
Elle s’était enfin endormie. J’allais donc ouvrir la trappe et revenait pour la porter dans sa nouvelle demeure. Je la posai donc à sa place et lui attachai le cou avec un collier. Elle dormait et serait certainement surprise à son réveil.
Je ne lui rendis visite que le lendemain soir. J’avais décidé de ne pas la tuer, du moins pour l’instant. Il me restait à inventer le scénario idéal, celui qui me conduirait à l’extase…

À PROPOS DE L'AUTEUR

Je m’appelle Olivier Therond, j’ai 52 ans, marié, 2 enfants, éducateur spécialisé depuis une trentaine d’années. J’habite Angervilliers depuis 18 ans. J’ai été conseiller municipal d’opposition pendant 1 an environ, poste duquel j’ai démissionné (avec beaucoup d’autres) faute de fonctionnement démocratique suffisant. Je suis président de l’association « Angervilliers Citoyens », association qui propose une autre manière d’appréhender la vie du village basée sur l’information, et le débat d’idées.
J’écris depuis un peu plus de trois ans. J’ai publié 7 romans chez « Mon petit Editeur » dont 6 polars.

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Ähnliche


 

 

 

 

 

PSYCHO PAT

 

 

 

Olivier Thérond

Policier

Éditions « Arts En Mots »

Illustration graphique : © Flora Duboc

 

« La colère est une courte folie » Horace

« Jamais la psychologie ne pourra dire sur la folie la vérité, puisque c’est la folie qui détient la vérité de la psychologie » Michel Foucault.

1

 

Tout est clair ici. Les murs sont blancs, d’un blanc immaculé. Le sol est blanc aussi. Blanc et brillant. Tellement brillant que parfois j’ai l’impression d’être sur un lac. Mon lit est blanc, l’armoire, incrustée solidement dans un des murs est blanche, la table, solidement ancrée au sol est blanche ainsi que la chaise elle aussi impossible à bouger. Bref, tout est blanc. Que de théories j’ai pu lire sur cette couleur. Saviez-vous que pour certains, le blanc n’est pas une couleur, mais « la teinte obtenue en mélangeant la lumière de toutes les couleurs » ? Ces gens- là ont été inspirés par les travaux d’Isaac Newton sur ses expériences de décomposition et de recomposition des couleurs. Mais le plus croustillant, du moins à mes yeux, demeure l’association du blanc, dans notre culture occidentale à de nombreux concepts positifs du sacré. J’ai ri de bon cœur quand j’ai lu que, symboliquement, il s’oppose autant à la souillure, quelle qu’en soit la nature, matérielle ou morale, qu’au noir et aux autres couleurs. Je fais mon intéressant. Il me plaît de penser que mon érudition fait de moi quelqu’un d’un peu à part. Contrairement à beaucoup, je porte un grand intérêt au monde qui m’entoure. Là encore, vous constaterez que je ne manque ni d’intelligence, ni d’humour quand vous saurez…

 

J’ai aussi réfléchi au concept de liberté. Le sens commun, voudrait que la définition ne soit uniquement ce qu’on a envie de faire. Une absence de contrainte, une visée d’indépendance. J’ai lu « Sur la route », de John Kerouac. Le héros, un vagabond n’est assujetti à aucun ordre social, en ce sens il se sent libre. J’ai lu Nietzsche, Kant et Rousseau… La liberté, la loi… Il serait trop long ici de m’appesantir. Dans mon monde blanc, je réfléchis…

 

J’ai oublié de me présenter. Je m’appelle Patrick. Patrick Hall. Non pas que cette présentation soit absolument nécessaire mais, même si je n’ai pas eu beaucoup d’éducation, on m’a néanmoins appris à me présenter correctement ce qui était le signe d’une certaine politesse. J’aurais d’ailleurs dû commencer par là… J’ai aujourd’hui quarante ans. Bien sûr, je n’ai pas parlé comme ça, je ne me suis pas toujours intéressé aux choses qui m’entouraient, je n’en avais tout simplement jamais eu l’idée. Ne vous méprenez pas, ce n’était pas une question de temps. Non, juste une question d’opportunité.

 

Je m’intéresse au monde qui m’entoure depuis une dizaine d’années, vous comprendrez pourquoi plus tard. Avant, ma vie n’était qu’une quête. Comme le héros de Kerouac, je parcourais la France sans vraiment savoir pourquoi. J’ai fait quelques truculentes rencontres. Je doute cependant que ceux qui m’ont rencontré puissent maintenant en témoigner. Je sais que quelques privilégiés ont pu le faire. J’ai d’ailleurs conservé leurs témoignages sur le bureau, là-bas. Des coupures de journaux. C’est amusant de lire des articles qui vous concernent. L’espace d’un instant, c’est vous le héros. J’ai simplement un peu de mal avec les compliments. Je préfère les critiques, même acerbes. J’aime inspirer la crainte, la peur dans les yeux de l’autre me remplit d’aise.

 

Prendre la plume n’a pas été pour moi une chose aisée. Je n’avais aucune envie de partager mon expérience. Qui étaient donc ces gens pour que je leur parle ? Ils n’auraient certainement rien compris à la complexité de ma personnalité. Et puis, vous savez, le temps fait son œuvre, lentement, patiemment. Je dois vous avouer qu’il est difficile, aussi de rester éloigné des préoccupations du simple des mortels. Que de questions m’a-t-on posées! Que d’interrogations sur ma personnalité ! Que de curiosité sur mon parcours ! Je dois vous avouer qu’être un sujet qui pique la curiosité de mes semblables a de quoi me combler…

 

Pour vraiment comprendre qui on est, il faut savoir d’où on vient. Je vous expliquerai le moment venu. Je crois qu’aujourd’hui il fait beau. Je le devine à la luminosité qui traverse la petite lucarne protégée par des barreaux, tout là- haut. C’est peut-être la lumière du jour qui me manque le plus. Pour en revenir à ce que je disais plus haut, la liberté c’est peut-être laisser les rayons du soleil caresser votre peau, laisser la chaleur envahir votre corps…

Je n’ai pas terminé de vous décrire mon home suit home. Je me rappelle certaines maisons qui avaient la particularité de posséder d’immenses baies vitrées qui, pour la plupart, offraient une vue imprenable sur un paysage magnifique. Ma baie vitrée donne sur un couloir. C’est vrai que j’ai parfois l’impression d’être une bête curieuse à qui on rend une petite visite uniquement pour s’offrir une petite frayeur sans risque. Je me rappelle le zoo de Maubeuge, c’était avec mon grand-père, si ma mémoire ne me trahit pas. Le lion effectuait des allées et venues incessantes derrière sa vitrine de verre. La plupart des enfants s’effrayaient à la vue de ce roi déchu. Pour ma part, j’avoue que je l’enviais. Sa beauté, sa puissance, le fait que même là où il était, il continuait à faire peur, tout chez lui me ravissait.

 

Je suis depuis quinze ans derrière ces trois murs et cette baie vitrée. Je me trouve quelque part au cœur de la Lozère dans un centre unique au monde. Il s’agit d’une prison ultra moderne où sont enfermés les plus beaux spécimens que la criminalité a pu enfanter. Nous ne sommes que trois détenus ici. Nous ne nous connaissons pas. Aucun contact. Rien. Je suis plutôt bien traité. Ils ont intérêt d’ailleurs. Le Professeur Joulin, psychiatre de son état et responsable du lieu, organise des conférences. Je sais que je suis son sujet préféré. Il faut le voir, lui et ses semblables pénétrer dans mon appartement. Oui, je sais, j’utilise le mot appartement. Je trouve celui de cellule bien trop vulgaire. Où en étais-je ? Oui, le Professeur entre donc chez moi. Auparavant, quatre molosses noirs entrent et me prient instamment de leur offrir mes chevilles et mes poignets. Ils m’installent aussi une espèce de muselière. Tout ce foin à une raison, je vous la dévoilerai en temps utile.

 

J’ai oublié de vous parler de l’autre table, celle où je mange. Au milieu, un trou, mon assiette… et un verre, une espèce de récipient incrusté dans la table. Chaque repas, j’ai droit à une paille… Le grand luxe !! Bien sûr, à chaque repas, mes amis les molosses me tiennent à distance pendant que le cantinier me verse négligemment mon repas dans mon auge. Je sens que je vieillis, j’ai de moins en moins envie de me rebeller, je crois bien que j’ai fait le tour. D’ailleurs, j’ai pris une décision importante, vitale même ! Je vous en ferai part en temps utile.

 

Je suis un psychopathe, c’est du moins ce qu’ils disent… C’est bizarre cette manie de voir combien il est important pour la plupart des gens de mettre des noms sur tout… Je souris car je me souviens de la fois où des savants chinois sont venus me rendre visite. Derrière la vitre, ils avaient l’air aussi curieux qu’apeurés. Je me suis fait un plaisir de m’approcher de la vitre et de pousser un hurlement à réveiller les morts ! Vous les auriez vus… Panique générale à bord, les jaunes étaient devenus blancs comme des linges ! Cet épisode m’avait valu une leçon de morale de la part du professeur Joulin.

 

Sinon, ma vie est rythmée par quelques visites. Les repas bien sûr et chaque jour, un médecin. On me prélève une petite quantité de sang, on m’attache sur le lit pour me passer un scanner grâce à leur matériel digne de Star War. Je ne sais pas ce qu’ils cherchent… Mais ils cherchent !!

Deux fois par semaine, j’échange quelques mots avec une jeune psychologue. Je crois qu’elle fait ses études à Montpellier. La première fois que je l’ai vu, elle portait un décolleté qui a ravivé en moi des sensations qui ne demandaient qu’à revenir au grand galop. Depuis, Pauline, c’est comme ça qu’elle s’appelle, porte des cols roulés Encore un coup du professeur… Mais le parfum délicat de Pauline me transporte dans des contrées, que, même en liberté, il m’aurait été impossible de visiter. Ah ! si seulement je pouvais bouger…

 

Si aujourd’hui j’ai décidé de parler c’est à la fois, car, comme je vous le disais, j’ai pris une décision importante, mais aussi parce que j’ai eu une chance incroyable : Dieu m’a rencontré ! Je sais, vous allez me prendre pour un cinglé, mais pourtant, je vous jure… Dieu est venu jusqu’ici pour me voir. Il avait dépêché pour moi le Père Gabriel. J’ai compris en le voyant qu’il n’était que la voix de Dieu… Dieu l’avait envoyé dans l’unique but de me sauver, mais avant, il fallait qu’il me comprenne, c’est ce que le Père Gabriel m’a gentiment expliqué. Au début, j’ai eu beaucoup de mal à le croire. Une question me taraudait. Pourquoi Dieu n’était-il pas venu lui-même ? J’avoue avoir eu quelques craintes. Peut-être Dieu ne voulait-il pas avoir affaire à moi directement, car je n’étais pas à proprement parler une « bonne personne ». Après m’être calmé un peu et avoir beaucoup réfléchi je me suis dit que ce n’était pas à moi de me mettre en « position basse ». Moi, je n’ai jamais rien demandé, à personne… Alors, j’ai laissé le Père Gabriel venir à moi. Même s’il est ridicule dans sa soutane, si son ton péremptoire m’agace souvent un peu, il me dit des paroles qui m’apaisent. J’ai parfois l’impression qu’il lit dans mes pensées. Alors, j’essaie par tous les moyens d’effacer mentalement toutes mes mauvaises pensées. Je sais, vous ne comprenez certainement rien à ce que je vous raconte mais, je vous promets qu’il y a un sens à tout cela. J’ai juste une crainte. Celle que le Père Gabriel ne me vole mes pensées car, pour l’instant, j’ai l’ascendant sur lui. Je sais qu’il veut que je me confesse. Il m’a parlé l’autre jour de la paix de mon âme… Foutaise ! Où était-il Dieu, quand je souffrais ? Qu’a-t-il fait pour moi jusque-là ? Bon, je m’égare et surtout je sens monter en moi cette haine que j’ai mis tant de temps à apprivoiser.

 

Je vais essayer de vous raconter mon histoire. Pas une confession, non… juste ma vie, telle que je l’ai vécue. J’essaierai de vous montrer à quel point les autres ne me comprenaient pas, à quel point ma quête de liberté a été plus forte que tout. J’ai fait des voyages, des routes à travers la France, j’ai rencontré une multitude de personnes intéressantes, elles vivent encore d’ailleurs… les autres…

2

 

Je m’appelle Théo Templier. J’ai quarante-deux ans. Je suis professeur de sciences humaines à l’université de Metz. J’ai toujours habité la région. Mes parents se sont rencontrés ici. Ma mère était originaire de Saint-Etienne, mon père lui, venait de Paris. Il était professeur de lettres, il a effectué toute sa carrière dans la faculté où j’enseigne. C’est drôle d’ailleurs de me dire que suis certainement assis, bien des années plus tard, au même bureau que lui et que je m’adresse peut-être aux enfants de ses étudiants. Ma mère elle, était coiffeuse. Ils se sont rencontrés au mariage d’un ami. Il paraît que papa était passablement éméché et qu’il avait laissé à maman son adresse… sur un bock de bière. Ils en reparlaient quelquefois en souriant. Je suis fils unique. Aujourd’hui, je suis marié, j’ai deux garçons. Ma femme est dentiste et tout va bien pour tout le monde !

 

Je n’ai pas toujours été professeur. Dans mes jeunes années, j’ai eu envie de tester la vie. J’étais amateur de séries policières et dès que j’ai pu, j’ai fait le nécessaire pour être gendarme de réserve. J’aimais le contact avec ces hommes et ces femmes au service de la loi. Je me suis d’ailleurs engagé pendant vingt ans, en parallèle, j’ai mené à bien mes études ce qui n’a d’ailleurs pas été simple, vous comprendrez pourquoi.

 

Ma première affaire, j’avais tout juste vingt-deux ans. Je m’en souviens comme si c’était hier car elle a conditionné une bonne partie de mon existence.

 

C’était en 1994. Le 1er juillet. Nous avions été appelés à la Ferme de Saint-Joux près de Gravelotte un petit patelin au sud-ouest de Metz. Le facteur, qui effectuait sa tournée, était rentré dans la propriété et avait découvert une scène apocalyptique. Il avait été tout d’abord étonné de ne voir personne dans la cour de la ferme. Il y avait effectivement trois bâtiments en « U ». L’étable, le lieu de vie et la remise. Habituellement, Roger, le propriétaire des lieux vaquait à ses occupations. Ce jour-là, rien, pas âme qui vive si ce n’était le berger allemand qui tiraient désespérément que sa laisse en fer solidement attachée au-devant de la maison. Il glapissait en émettant un son inhabituel. Il semblait à la fois craintif et plaintif. Le facteur était donc descendu de son scooter et était entré dans la cour. Contrairement aux idées reçues, nul besoin pour lui de déguerpir devant le molosse. La bestiole, grâce à Roger, avait pris l’habitude de le côtoyer et lui faisait même la fête à chaque visite. Il s’était approché de l’animal en murmurant son nom, Tyrex. Tyrex s’était instantanément calmé. Après l’avoir caressé, le facteur frappa à la porte. Point de réponse. Il remarqua que la porte n’était pas fermée. Qu’elle ne soit pas fermée à clé n’avait rien de surprenant. Roger disait toujours qu’il ne servait à rien de s’enfermer. Qui donc voudrait bien entrer ? Sa femme, Josiane, n’était pas tout à fait du même avis mais le facteur avait bien remarqué qu’elle n’avait pas trop le droit à la parole. Josiane parlait peu et paraissait effacée.

 

— Roger ? Josiane ? cria le facteur avant d’entrer.

 

Pas de réponse.

 

Le facteur entra. Il y avait plusieurs odeurs qui se superposaient. La seule que le facteur avait reconnue était celle du café, pourtant, il y en avait bien une autre plus âpre, plus écœurante même…

 

Mistigri, le vieux chat, passa à toute vitesse entre ses jambes. Le facteur se tenait au milieu de la cuisine. Personne. La cafetière sifflait sur le feu, de la buée s’était déposée sur les vitres de la fenêtre. Il arrêta le gaz ce qui mit fin progressivement au sifflement et laissa place au silence.

 

— Roger ? Josiane ? recommença le facteur. Il se sentait de plus en plus mal à l’aise.

 

Dehors, Tyrex avait repris ses aboiements.

 

Il se tenait maintenant au pied des escaliers qui menaient à l’étage. Il ne s’était jamais risqué jusque-là. Il posa un pied sur la première marche. Le sol grinçait sous ses pas. Il gravit les marches une à une. Ses jambes lui semblèrent de plus en plus lourdes. Arrivé en haut, il vit sur sa droite une pièce dont la porte était entre ouverte. Il s’approcha et poussa la porte. Une nuée de mouches s’échappa comme libérée par le léger appel d’air de l’ouverture de la porte. Après avoir eu un léger mouvement de recul, le facteur entra et ce qu’il vit lui retourna l’estomac.

 

J’étais donc avec une escouade de gendarme et je dois dire que, pour une première expérience, j’ai été gâté.

 

— Théo, venez avec moi ! C’était l’adjudant Chenez.

— Bien, chef ! répondis-je.

 

Chenez avait de la bouteille, comme il était coutume de dire. Il était encore bien conservé malgré l’approche de la retraite et surtout, c’était un type avec qui tout le monde avait envie de travailler.

 

— Je te préviens, petit, ce n’est pas beau à voir, me prévint Chenez.

 

J’entrais donc dans la pièce. C’était la chambre du couple. Je n’aurais su dire comment elle était meublée tellement la vue qui m’était proposée me scotcha littéralement.

 

Sur le lit, le corps ensanglanté d’une femme. Au pied de ce même lit, le corps d’un homme baignant dans une mare rouge. Et puis, après un temps de ce que j’appellerais une « adaptation de circonstance », mon cerveau prit la mesure des informations qu’il traitait et je pus entrer en action.

 

La femme s’appelait Josiane Hall. Elle devait avoir la cinquantaine. Elle gisait allongée sur le dos au milieu du lit. Elle avait été égorgée. D’ailleurs, ça devait faire un petit bout de temps, vu l’état du corps et l’aspect asséché des flots de sang qui s’étaient invités un peu partout, des draps aux murs, poussant même le luxe de se projeter jusqu’au plafond. Mais ce n’était pas tout… Pour ajouter un peu à l’horreur de la scène, si toutefois c’était encore possible, son visage présentait deux trous béants à la place des yeux d’où pendaient des bouts de chair informes. Plus curieux, son visage avait été recouvert d’une sorte de grillage, comme celui d’une bouche d’égout.

 

L’homme lui, s’appelait Roger Hall et il n’était pas en meilleur état. Il était affalé sur le sol légèrement de côté. Il baignait dans du sang maintenant séché mais deux détails retirent mon attention. Sur la joue droite, une grosse balafre. Elle avait été effectuée grossièrement, mais ce n’était pas tout… En s’approchant un peu, je découvris, une tâche vermillon au niveau de son entre-jambe. Le légiste me confirma ce que je pressentais. On lui avait grossièrement sectionné les testicules…

 

— Théo, ça sent mauvais… maugréa Chenez. Prends les photos et n’hésite pas à mitrailler !

— Bien, Chef, répondis-je en commençant à prendre des clichés. Je tentais d’oublier un instant l’horreur de la scène pour le concentrer sur les détails. Ils étaient importants et nous permettraient peut-être de mettre un jour un nom sur le ou les responsables de ce massacre.

3

 

J’ai été obligé de fuir. Je vous raconterai comment. Mais avant, laissez-moi vous dire que la vie à la ferme était difficile. La vie en elle-même bien sûr, tout ce qui se voit, jamais de repos, les bêtes à soigner, les récoltes à surveiller. Et puis, tout ce qui ne se voit pas, la famille, comment elle fonctionne, comment les uns communiquent avec les autres, les interactions, quoi que pour ce qui se passait chez moi, ce mot a quelque chose de grossier.

 

Quand je me remémore mon enfance, peu de souvenirs joyeux. J’aimais flâner dans la grange et je m’asseyais devant les animaux en les contemplant. Je leur parlais aussi. J’avais deux « amis », Lola une vache normande et Gustave le lapin. Ah… Gustave… Un dimanche matin, alors que j’avais terminé mes devoirs, de devais avoir une dizaine d’années, je me précipitais dans la grange pour aller caresser mon lapin préféré. Arrivé sur place, je vis mon père, de dos. Il portait quelque chose. Quand il entendit mes pas, il se retourna.

L’image qui pénétra mes pupilles et envahit mon cerveau en une fraction de seconde restera à jamais gravée dans ma mémoire. Mon père tenait, pendu par les pattes arrière, mon pauvre Gustave. Il gesticulait un peu, les yeux exorbités. Mon père me regarda, il me semblait qu’il souriait. Il leva sa main droite et asséna un coup violent sur la nuque de mon pauvre lagomorphe. Gustave se raidit et je voyais perler des gouttes de sang de ses narines.

 

— Allons, Patrick, un peu de courage ! Tu es un homme, non ? Dit mon père alors que je ne pouvais retenir mes larmes.

 

Nullement gêné par ma présence, mon père accrocha Gustave la tête en bas sur un clou contre le mur. Il se saisit de son couteau suisse qu’il gardait toujours précieusement dans la poche arrière de sa salopette de travail, et fit une incision dans la peau de mon lapin. Il se saisit de la peau déchirée et, des deux mains, tira violemment vers le bas.

 

— Tu vois, Gustave a retiré son pyjama ! Dit mon père dans un grand éclat de rire.

 

Je fis demi-tour et retournais dans ma chambre, certainement pour pleurer. Mais le plus difficile allait venir.

 

— Patrick ! À table ! c’était ma mère. Chaque jour à 19h30 tapantes, elle m’appelait pour le souper.

 

Je me souviens de l’odeur agréable qui régnait dans la cuisine. Ma mère, dans mon souvenir, n’avait jamais eu de dons particuliers sauf qu’elle était une excellente cuisinière. Nous étions tous les quatre à table, Mon père, ma mère, Elise, ma grande sœur et moi. Maman retire le couvercle de la grosse casserole en fonte d’où s’échappa un doux fumet de champignons. Elle servit la viande accompagnée de légumes. Je mangeais quand mon père prit la parole.

 

— Alors, Patrick, tu vois, c’est bon…

— Oui, papa, répondis-je doucement de peur de le voir se mettre en colère.

— Gustave a bon goût alors ! s’exclama-t-il.

— Roger… soupira ma mère.

— Quoi ? Que veux-tu ? Que ton fils ne soit jamais un mec ? Une chochotte ?

— Je… Tenta de répondre maman.

— Tais-toi donc ! Et sers-moi donc un peu de vin !

 

Ma mère s’exécuta. Le morceau de viande que j’avais dans la bouche avait maintenant une saveur toute particulière. Je me souviens que mon père m’a obligé à tout terminer. Chaque bouchée était un véritable supplice. J’ai prétexté, une fois mon assiette terminée, un mal de tête. Je suis monté dans la chambre en m’arrêtant aux toilettes pour vomir. C’est la première fois que j’ai eu envie de tuer mon père.

 

Élise m’avait déjà rejoint depuis un petit moment. Nous dormions dans la même chambre. Nos lits n’étaient séparés que par un simple rideau. Elise avait 16 ans et, quand le soir elle se déshabillait derrière le rideau éclairé par la lueur de la bougie, je distinguais honteusement ses formes déjà largement avantageuses. J’essayais tant bien que mal de ne pas regarder, mais quelque chose de beaucoup plus fort que moi m’y obligeait. Il m’était même arrivé de ressentir une chaleur étonnante dans le bas ventre. Je me retournais alors, tentant de fermer les yeux et d’oublier ces images obsédantes.

 

En évoquant, Élise, la colère me submerge. Je n’ai rien pu faire. Presque chaque nuit, j’assistais impuissant au même manège. La porte de la chambre s’ouvrait dans un grincement effrayant. J’entendais des pas s’approcher de mon lit et s’en éloigner. J’entendais le froissement du rideau qu’on bougeait.

 

— Chut… Ne dis rien… tu vas réveiller ton frère… Là, doucement… Oui, c’est bien… Comme ça… Tu es une vraie belle femme maintenant….

 

Mon père prononçait toujours les mêmes paroles. Je mordais mon oreiller. J’aurais donné n’importe quoi pour être ailleurs, loin. J’entendais ma sœur qui pleurait. Il lui arrivait aussi parfois de gémir. Je peux en parler maintenant, mais à l’époque, je ne comprenais pas trop ce qui se passait. Une chose était pourtant certaine à mes yeux, Élise avait mal et n’aimait pas ce qu’elle faisait. Une fois mon père parti, ce que je repérais au zip de sa braguette qu’il remontait, Élise pleurait à chaude larmes. Un jour, j’ai eu le courage d’aller la voir.

 

— Élise, tu vas bien ? demandais-je.

— Oui, ne t’inquiète pas petit frère retourne te coucher, me répondit-elle en essuyant ses larmes du revers de sa main droite.

— Qu’est- ce qu’il t’a encore fait ? Insistais-je.

— Rien, Patrick, rien… Enfin rien que tu ne pourrais comprendre.

— Tu as mal ?

— Non, allez file te coucher ! C’est un ordre !

 

J’obéissais toujours à Élise

Un beau jour, Élise changea de chambre. On l’installa dans la grange où mon père lui confectionna une pièce toute à elle. Elle devait avoir dix ans et je ne la voyais plus que très rarement ; ma mère m’avait dit qu’elle était souffrante. Je crus comprendre qu’il s’agissait d’une maladie « de la tête » car maman avait accompagné son explication d’un geste sans équivoque et d’un mot « zinzin ». Plus tard, on m’interdit de la voir. Élise vivait comme une étrangère dans la ferme familiale. Elle ne prenait même plus ses pas avec nous. Papa lui portait. L’ambiance était lourde. Je surprenais le regard de ma mère qui suivait mon père se diriger vers la porte. J’y lisais un mélange de peur et de dégoût.

 

Je me retrouvais donc seul dans ma chambre et il m’arrivait d’essayer d’apercevoir ma sœur en regardant par la fenêtre. Je ne la voyais jamais. Peut-être ne se levait-elle plus ? je m’étais juré de demander des explications à mon père. Mais pour ça, il faudrait que je grossisse un peu car je savais ce qu’il en coûtait à ceux qui l’énervait.

 

La chambre de mes parents était juste en face de la mienne. Mon père venait systématiquement se coucher complètement ivre. Je l’entendais crier après ma mère. Généralement, s’en suivaient des petits gémissements étouffés comme si on avait honte de les expulser. Un soir, mon père prononça ses paroles qui me glacèrent le sang : « heureusement que ta fille vaut mieux que toi ! »…

4

 

Il fallait maintenant laisser la place à la police scientifique. Bientôt, ce n’était plus qu’un ballet de blouses blanches s’arrêtant pour examiner tel ou tel détail qui amènerait vers la vérité.

 

— Théo, fouille un peu partout… les autres bâtiments…maugréa Chenez visiblement marqué par ce qu’il venait de voir.

 

J’étais maintenant dans la cour. Devant moi, une grange et un autre bâtiment sur ma droite en un peu meilleur état. Le chien continuait à aboyer en s’excitant sur sa chaîne. Il tournait sur lui-même et je craignais qu’il ne finisse par s’étrangler. Je m’approchais de lui d’un pas décidé tout en essayant de le calmer.

 

— Là… Calme, tout doux ! oui, c’est ça… dis-je pour me rassurer. J’avais un peu peur des chiens. Ça remontait à ma jeunesse quand le berger allemand de ma tante s’était approché de moi et avait posé ses deux pattes avant sur mes épaules. Dans mon souvenir, ce chien me semblait monstrueux alors qu’il n’exprimait finalement que la joie de me voir.

 

Le chien se calmait et s’était même posé sur son arrière-train semblant m’indiquer qu’il attendait que je lui donne un ordre… Un peu comme moi avec Chenez…

 

Je me rendis dans l’étable. Le foin était empilé dans la grange, les tracteurs soigneusement rangés. D’un côté, de larges clapiers abritaient une multitude de lapins. De l’autre, les vaches attendaient paisiblement l’heure de la traite. J’observais l’endroit. Tout était paisible ce qui contrastait avec la scène de crime. Les mouches virevoltaient dans un ballet étrange, les vaches me regardaient du moins, il me semblait qu’elles le faisaient. Je fis le tour et ne remarquait rien d’anormal et décidait de ressortir. Je croisais le vétérinaire qui me confirma que les animaux seraient, dans l’heure, dispatchés dans les fermes avoisinantes en attendant les résultats de l’enquête et le règlement des questions d’héritage.

 

Le soleil continuait de briller. En face, c’était toujours l’agitation. Je regardais le chien qui était toujours dans la même position. Dès qu’il me vit, il se redressa en remuant frénétiquement la queue. Comme je passais à côté de lui, je le gratifiais d’une caresse sur la tête ce qui eut l’air de l’apaiser. Je me décidais à entrer dans le troisième bâtiment.