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Olivier Therond

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Beschreibung

Sur les traces des cadavres amputés...

Le retour du Commissaire Hippolyte Maertens : des cadavres amputés sont retrouvés en France, en Angleterre et en Allemagne mais il semble bien que Calais soit une nouvelle fois l'épicentre de l'intrigue. Hippolyte Maertens, Julie Glioni et Karim Metjoub, ses fidèles lieutenants, accompagnés de la psychologue Eva Bernstein vont mener l'enquête...

Plongez-vous sans plus attendre dans une enquêtes passionnante aux côtés du commissaire Maertens et de sont équipe sur les traces d'un serial killer qui a choisi Calais comme nouveau théâtre de ses crimes...

EXTRAIT

— Bon, qu’avons-nous ? demande Hippolyte qui, visiblement, en avait assez de parapher des documents à tour de bras.
Julie et Karim étaient chacun assis à leur bureau, griffonnant quelques notes pour n’omettre aucun détail de leurs observations.
— Nous sommes allés rue Mollien, dit Julie. Tout d’abord dans l’immeuble où habite Valérie Demont. Nous avons eu la clé de l’appartement grâce à la concierge qui demeure au rez-de-chaussée de l’immeuble d’en face. Elle a l’air de prendre son rôle au sérieux.
— Tu m’étonnes ! ajouta Karim, Madame Largue, c’est son nom nous a vu arriver… Elle semblait guetter derrière ses rideaux.
— Oui, c’est exactement ça… Elle nous a décrit une jeune femme sans problème, toujours souriante, affable… continua Julie.
— Et qui n’oublie pas les étrennes… sourit Karim.
— Oui, reprit Julie en soupirant. Ce qu’elle nous a dit de la vie de Valérie laisse penser que la vie de cette jeune femme était réglée comme une horloge. Madame Lafargue dit l’avoir vu sortir de chez elle vers vingt heures avant-hier soir en tenue de sport. Valérie allait courir trois fois en semaine et une fois le dimanche.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Olivier Thérond, 53 ans, est éducateur spécialisé. Auteur de 7 romans chez Mon petit Editeur. Puzzle est son second roman chez Arts En Mots Editions après Psycho Pat.

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Ähnliche


 

Puzzle

 

Une enquête du Commissaire Hippolyte Maertens

 

 

Olivier Thérond

 

Policier

Editions « Arts En Mots »Illustration graphique : © Val

 

« L'échec n'est qu'une preuve négative, l'échec est toujours expérimental ».Citation de Gaston Bachelard ; L'intuition de l'instant (1932)

 

« La vie regarde la mort avec effroi ; la mort regarde la vie avec appétit ».Citation de Anne Barratin ; De toutes les paroisses (1913) 

 

1

Berlin, Juillet 2016. Myriam Delfosse.

 

 

Le temps est gris. La météo annonce de l’orage pour la fin de l’après-midi. Il est quatorze heures et la circulation est dense sur le Kurfürsstendamm. Myriam Delfosse venait de laisser derrière elle la Kaiser-Wilhelm- Gedächtniskirche,1l’un des symboles les plus connus de Berlin.

Férue d’histoire, elle y avait appris que cette église, consacrée à Guillaume Ier et à la victoire de Sedan, fut achevée en 1895 et ravagée par les bombardements alliés en 1943. Elle s’était étonnée que l’église ne fût pas reconstruite intégralement. En effet, le toit fut conservé tel qu’il était à la fin des bombardements.

Pour conserver le monument dans cet état, les édiles avaient décidé, après un débat envenimé de ne pas reconstruire l’église, mais de conserver la ruine du clocher et de lui adjoindre un campanile moderne. Elle apprit que c’est un ingénieur du nom d’Egon Eiermann qui remporta le concours et put livrer son œuvre en 1961.

Myriam trouva que le nom de Holher Zahn (dent creuse) allait très bien à l’édifice.

 

Myriam adorait faire les boutiques et dans cette artère de plus de trois kilomètres, elle s’en donnait à cœur joie. Elle observait le ciel avec inquiétude. Pour une fois, les météorologues ne s’étaient sans doute pas trompés… Le ciel était franchement noir. Elle se dit que finalement, elle ferait bien de rentrer avant de se prendre une grosse averse sur le coin du museau.

 

Elle adorait flâner, à ses heures perdues, dans les rues de Berlin. Elle trouvait la ville magnifique et s’y était perdue à maintes reprises. Il faut dire que Berlin était une ville très étendue, pas moins de 891 km2 soit huit fois la superficie de Paris, qu’elle avait quittée deux ans plus tôt et qui offrait de nombreuses remarquables facettes. Elle avait véritablement apprivoisé la ville et en connaissait maintenant tous les recoins.

 

Elle était arrivée à Berlin en 2012, à vingt-quatre ans.

 

Elle venait d’obtenir haut la main un diplôme dans le tourisme. Une place dans une agence du quartier Latin à Paris lui tendait les bras. Elle y avait effectué un stage en 2011 et les responsables s’en étaient souvenus quand ils avaient reçus son CV de première recherche d’emploi.

 

Elle vivait à Montrouge chez une amie, Annabelle, avec laquelle elle avait sympathisé et lui avait proposé une colocation.

 

Myriam était une jeune femme enjouée, au contact facile. Personne n’aurait pourtant pu deviner tout ce qu’elle avait vécu. Elle était, comme on disait communément, une enfant de la DDASS. Elle avait commencé sa vie, du moins, c’est ce qu’on lui avait raconté, au pied de la Paroisse Saint-Pierre à Calais. Le Père Gérald Bouvit l’avait recueillie et l’avait adressée aux services sociaux. C’est ainsi qu’elle débuta son parcours dans une pouponnière de la ville puis fut recueillie par une famille d’accueil, les Béranger.

Le couple n’avait pas d’enfant et vivait dans une ferme près de Calais. Louis était en effet agriculteur et Sabine, sa femme, s’occupait d’enfants. Myriam avait finalement vécu une enfance heureuse. Les Béranger avaient adopté deux autres enfants Nicolas et Valérie, Myriam avait alors deux ans.

Tout s’était bien passé jusqu’à ses dix-neuf ans. Le surlendemain de son anniversaire, ses parents adoptifs périrent dans un accident de voiture sur la route entre Vierzon et Bourges.

 

Myriam accusa le coup même si les Béranger avaient tout prévu pour les enfants. Avec le lègue, Myriam avait pu organiser ses études. Elle « monta » à Paris et rencontra Annabelle lors d’une soirée étudiante. Elle vivait dans une chambre de bonne dans le vingtième arrondissement et, quand Annabelle lui proposa de la rejoindre dans son studio de la rue de la Tombe-Issoire dans le quatorzième, elle ne se fit pas prier.

 

Elle allait accepter la proposition d’embauche à Paris quand elle reçut une réponse d’un courrier qu’elle avait un peu envoyé sans grand espoir à Berlin qui lui proposait d’intégrer une équipe rattachée à l’office du tourisme berlinois basé dans le quartier de Kreutzberg. Son boulot consistait à accompagner des groupes ou des particuliers dans la découverte de la ville. Sa partie se limitait à la zone entre Kreutzberg, Tempelhof et Neukölln.

 

Elle adorait son boulot, elle y faisait des rencontres intéressantes ou farfelues et chaque jour lui réservait son lot de surprises. C’est là qu’elle rencontra Felix Üsserbolt, un solide gaillard de quelques années son aîné.

Myriam déambulait dans la rue avec un groupe de japonais qui mitraillaient tout ce qui passait sous leurs yeux ébahis.

Un d’entre eux, certainement distrait par la beauté des lieux, traversa sans faire attention, ce qui pouvait surprendre ne s’agissant pas d’un groupe de français…

Myriam se souvenait encore du crissement de pneus strident du taxi, des cris horrifiés des touristes et surtout du jeune homme vociférant en sortant du véhicule.

Plus de peur que de mal, certes mais une belle frayeur pour tout le monde. Le taxi s’était en effet arrêté à quelques centimètres du distrait nippon en faisant une embardée qui se termina le long du trottoir, endommageant le pneu avant droit du taxi.

 

Myriam s’était empressée de calmer le chauffeur du taxi qui se radoucit très rapidement à la vue de cette charmante jeune femme. Elle lui laissa sa carte pour les suites à donner et reprit son chemin suivie par sa petites bande de touristes apeurés, mais avides de nouvelles découvertes.

 

Un soir qu’elle quittait son bureau, elle fut surprise de trouver le jeune homme sur le trottoir d’en face. Il portait un bouquet de fleurs colorées. Myriam se dit qu’il devait avoir un rendez-vous galant et que décidément le hasard réservait de sacrées surprises.

—  Mademoiselle Delfosse…

— Oui…

— Je voulais m’excuser de m’être montré si odieux la dernière fois… Je n’ai pas montré un très beau visage de l’Allemagne.

— Je n’y pensais même plus, répondit-elle… rien de bien grave je vous assure… et votre pneu, il est réparé ?

— Mon pneu ?

— Oui, oui… Je …

— Oui ?

— Je voulais absolument m’excuser

— Je vous en remercie… je vois que vous attendez quelqu’un… Je vous souhaite une bonne soirée…

— Je n’attends personne…

— Ah ? Ce bouquet ?...

— C’est pour vous… répondit le jeune homme en rougissant.

— Pour moi,

— Oui…

 

Myriam resta un instant sans voix. Ce jeune homme au-delà d’être très poli, était plutôt séduisant. Grand, un mètre quatre-vingt environ, blond, les cheveux courts et l’allure sportive il avait de plus un air un peu timide qui la toucha instantanément.

— Merci, dit-elle en prenant le bouquet.

— Je peux vous demander une faveur ?

— Oui, je vous en prie…

— Accepteriez-vous de prendre un verre avec moi ?

 

Myriam regarda sa montre. Elle se demanda d’ailleurs pourquoi elle faisait ça. Personne ne l’attendait et elle n’était pas pressée de rejoindre sa studette, au sixième étage, à deux minutes de là.

—  Je veux bien, oui… Merci.

 

Ils partirent donc. Myriam se dit que tout cela ne durerait pas bien longtemps. Elle se trompait.

 

 

Ils s’installèrent à une table de l’Absetzbar2 et commandèrent deux Berliner Kindl3. Comme le temps était clément ils décidèrent de se rendre sur les bords de la Spree4où ils s’installèrent dans l’herbe après avoir acheté un curry-wurst5.

 

Quatre mois plus tard, Myriam s’installa chez Felix.

 

Le tonnerre se mit à gronder. Les éclairs commençaient à zébrer le ciel. Myriam accéléra le pas, elle était pressée de rejoindre l’appartement qu’elle venait d’acheter avec Felix proche du château de Charlottenburg.

 

2

Hastings, juillet 2016. Claire Debon.

 

 

Il faisait un soleil de plomb.

L’été battait son plein et, pour une fois, aucune pluie durable ne venait gâcher le farniente. La plage de galets d’Hastings6 était presque bondée.

Les familles profitaient de la fraîcheur de l’eau tout en prêtant une attention particulière à leurs affaires restées sur la plage.

En effet, une des particularités était le nombre incroyable de mouettes qui pullulaient. À quelques kilomètres de là, une décharge à ciel ouvert les attirait inlassablement. Le problème avec ces bestioles, c’est qu’elles s’étaient vite fondues dans le paysage et se multipliaient dangereusement. Oui, dangereusement, c’était bien le cas… On ne comptait plus les incidents, parfois graves, causés par ces satanées mouettes et les véritables agressions qui touchaient notamment les enfants que les parents insouciants pouvaient parfois laisser avec un biscuit à la main. Les mouettes s’attaquaient à tout ce qui pouvait être comestible. Sur la jetée, on assistait souvent à de véritables scènes de panique, de touristes tentant de se battre contre les volatiles par de grands gestes désespérés.

 

Pourtant, la station balnéaire restait très prisée des touristes qui se précipitaient pour en visiter le château, du moins ce qu’il en restait. Ce fameux château, érigé en 1066, figure sur les tapisseries de Bayeux. Perché au sommet de la West Hill au-dessus d’une falaise érodée par la mer les ruines du château surplombent le front de mer et la ville. Le nom de la ville est bien connu à cause de la Bataille d’Hastings en 1066 bien que celle-ci eût lieu à neuf kilomètres au nord-ouest. Cependant, c’est à Hastings que Guillaume, Duc de Normandie, établit son camp et fit construire le premier château fort normand sur le sol anglais. Hastings était déjà bien connu des Normands car le roi Carnute avait attribué des terres à l’Abbaye de Fécamp à cet endroit.

 

La mer, la culture, les pubs et les festivals de musique, tout est fait à Hastings, pour attirer le touriste.

 

Claire Debon avait de l’eau jusqu’à la taille. Elle qui d’habitude était plutôt frileuse, s’était lancée dans les flots pour échapper un peu à la chaleur peu coutumière. Elle avait fait attention de bien se positionner loin des groupes d’adolescents qui chahutaient en hurlant et en s’éclaboussant. Elle avait horreur d’être mouillée trop vite. Elle qui avait vingt-cinq ans, n’avait jamais aimé ça.

 

Elle sourit en se rappelant de la première fois qu’elle était allée au bord de la mer. Elle avait six ans et pendant les vacances scolaires, les éducateurs de son foyer avaient organisé une sortie à Malo-Les-Bains. Alors que les autres enfants riaient en sautant dans l’eau, elle avait pleuré…

 

Aujourd’hui, pas question de pleurer. Elle allait tenter d’effectuer quelques brasses. Elle avait le temps. Pas besoin de se rendre au magasin. C’était au tour de Dinah d’effectuer l’après-midi au petit magasin de souvenirs au pied de West Hill que tenaient Monsieur et Madame Gloucster. On y vendait toute sorte de babioles dont les touristes raffolaient.

 

Claire avait effectué ses études à la faculté de Lille. Elle souhaitait devenir professeur d’anglais, mais après l’obtention de sa maîtrise elle avait choisi de se lancer dans la vie active.

Elle avait rencontré Dinah au hasard dans une rue de Hazebrouck. Claire travaillait alors dans un petit café et elle était sortie fumer une cigarette lors de sa pause. Elle était plongée dans ses pensées quand elle fut ramenée à la réalité par un cri. Sur le trottoir d’en face, une jeune femme au visage chevalin se tordait de douleur, affalée sur le pavé.

— Que vous arrive-t-il ? demanda Claire.

— Je viens de me tordre la cheville, répondit la jeune fille dans un mauvais français.

— Attendez, je vais vous aider, dit Claire en jetant sa cigarette à peine consumée.

— Merci…

Claire souleva la jeune femme en l’invitant à prendre appui sur elle.

— Nous allons au café, là, en face… J’y travaille.

— Merci… répondit-elle en grimaçant de douleur.

 

Claire installa la jeune femme sur une chaise.

— Au fait, je m’appelle Claire, dit-elle en lui tendant la main.

— Dinah, répondit la jeune femme en grimaçant.

 

Claire aida Dinah à retirer sa chaussette et, effectivement, la cheville de cette dernière avait au moins doublé de volume. Elle alla en cuisine récupérer des glaçons pour les appliquer sur l’articulation meurtrie.

 

— Que diriez-vous d’un bon café ? demanda Claire

— Je préférerais un thé si vous n’y voyez pas d’inconvénient… répondit Dinah en souriant.

— Non, non, vous n’êtes pas anglaise pour rien, s’amusa Claire.

 

Elles burent leur thé et se promirent de se revoir. Quelques semaines plus tard, Dinah invita Claire à venir passer quelques jours à Hastings. Ce qu’elle accepta.

 

Durant le séjour, les deux jeunes filles s’aperçurent que leur entente était quasiment parfaite. Dinah présenta à Claire ses employeurs, les Gloucster. Ces derniers, désireux de prendre un peu de recul, proposèrent un emploi à Claire. Pour eux, l’avantage était de pouvoir recevoir les nombreux touristes français et comme Claire était parfaitement bilingue, tout irait donc pour le mieux.

 

Claire avait accepté la proposition et s’était donc retrouvée en Angleterre. Elle habitait dans un studio au sixième étage d’un vieil immeuble, avec vue sur la mer et la statue de la reine Victoria couverte de fientes de mouettes et du petit square attenant.

 

L’eau, bien qu’un peu fraîche, restait d’une température acceptable et Claire nageait tranquillement en repensant à sa vie passée. Elle était heureuse à Hastings. Elle était toujours célibataire et, à vrai dire, ne cherchait pas vraiment l’âme sœur. Dinah lui avait fait une proposition, un soir où les bières avaient coulée avec un peu d’exagération, mais Claire l’avait repoussée. Les deux amies n’en avaient jamais plus parlé. D’ailleurs, Dinah sortait avec Tatiana, la fille du meilleur poissonnier de la ville et les trois jeunes femmes s’entendaient à merveille.

 

Claire souriait tout en nageant, car elle repensait à ce jeune homme qui venait bien souvent au magasin. Au vu du nombre de cartes postales qu’il achetait par semaine, il devait avoir une sacrée correspondance… Dinah lui avait dit qu’il s’appelait Matthew Connors et qu’il jouait au football à Brighton. Claire se demandait pourquoi un tel type lui ferait du gringue mais secrètement, elle espérait que c’était le cas…

 

3

Strasbourg, juillet 2016. Hélène Kaminski.

 

 

Les touristes affluaient toujours plus nombreux pour admirer l’imposante cathédrale. Les marchands de churros et de bière alsacienne redoublaient d’efforts pour satisfaire une clientèle nombreuse et bigarrée. Il y avait foule près des calèches qui proposaient un tour romantique de la ville ou à l’embarquement du petit train qui parcourait les pittoresques rues de la « Petite France », quartier historique de la ville classé au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1988.

Hélène Kaminski, vingt-cinq ans allait et venait entre les rangées de tables pour servir au mieux et surtout le plus rapidement possible les clients assoiffés. Elle était serveuse à la « Taverne de la Cathédrale »7 depuis maintenant cinq ans. L’établissement fonctionnait bien, idéalement placé avec vue imprenable sur la cathédrale gothique Notre-Dame.

Hélène avait chaud, très chaud même, la météo annonçait jusqu’à trente-sept degrés… Le patron de la taverne avait mis à disposition de ses employés des bouteilles d’eau fraîche et, à chaque aller-retour, Hélène n’omettait jamais de s’hydrater de quelques gorgées régénératrices.

Hélène avait trouvé ce job un peu par hasard. Elle venait du nord de la France, de Dunkerque pour être précis. Sa vie n’avait pas été, jusque-là, très facile.

Abandonnée par ses parents à l’âge de trois mois, elle avait navigué au grès des placements. Elle avait dû faire pas moins de huit foyers d’où elle avait été à chaque fois virée jusqu’à quelques mois de sa majorité où elle avait fugué.

Elle était repérée par les services sociaux comme une adolescente « à problèmes », ce qui devait signifier qu’elle ne rentrait décidément dans aucune des cases qu’on avait tenté de lui imposer.

Elle était partie juste avant sa majorité, un sac sur le dos, un peu à l’aveuglette.

Elle s’était rendue en Belgique où, à Ostduinkerke, elle avait la connaissance d’un jeune homme, Lilian Niesen qui lui avait paru, au premier abord, bien sympathique. Lilian était en fait un petit caïd du coin qui trafiquait pour des personnes bien plus dangereuses que lui. Lilian s’était entiché d’Hélène et l’avait installé dans une petite bicoque à flan de dune. Il la laissait là la journée et revenait en fin d’après-midi. Il lui montrait les liasses de billets qu’il gagnait quotidiennement et elle, naïve, ne ressentait que de l’admiration pour ce beau garçon qui, comme par magie, était capable de répondre à sa détresse.

Les choses se gâtèrent pourtant très rapidement. Lilian exigeait d’Hélène qu’elle tienne la bicoque en bon état et lui prépare ses repas. Il s’énervait à la moindre occasion et la traitait de tous les noms. Hélène, malheureusement habituée à être plutôt maltraitée, s’accrochait et souvent, finissait par penser qu’elle était la seule et unique fautive de la colère de Lilian. Elle redoublait donc d’efforts mais ne se rendait pas compte, que, malgré cela, rien ne changeait. Lilian hurlait pour un oui ou pour un nom et commençait même, et ce de plus en plus fréquemment, à la battre.

Hélène ne savait plus que penser. Elle qui n’avait reconnu que rejets se persuadait que c’était peut-être ça l’amour et que décidément non, elle ne faisait pas une bonne compagne.

Les choses allaient de mal en pis. Lilian commençait à rentrer de plus en plus tard et, quand il rentrait, il était la plupart du temps complètement ivre. Il la battait de plus belle et allait jusqu’à ramener chez eux des filles qu’il honorait sous ses yeux.

Un jour, Hélène remarqua l’air maussade de Lilian. En même temps, elle s’aperçut qu’il ramenait de moins en moins d’argent. Elle essaya bien de l’interroger, mais à chaque fois Lilian s’énervait et ça se terminait par une dérouillée magistrale.

Le sommet fut atteint un soir où Lilian rentra avec deux hommes d’âge mûr qui avaient un drôle d’accent qu’Hélène apparentait à du russe. Ils étaient tous les trois bien éméchés. Lilian leur présenta Hélène et se retira, la laissant seule avec eux.

Hélène fut violée à plusieurs reprises par les hommes de l’est qui la laissèrent pour morte, étendue sur le lit aux draps poisseux.

Hélène, complètement abasourdie, décida de quitter la bicoque dès le lendemain. Alors que Lilian cuvait en ronflant à ses côtés, elle se leva discrètement, pris ses affaires et s’empara de quelques billets qui traînaient dans les poches du pantalon de Lilian. Il y avait là une belle somme, certainement un remerciement pour la bonne soirée passée avec elle.

Elle se rendit à la station de bus et pris le premier pour Dunkerque puis, de là, s’acheta un billet de train pour Lille où elle vécue de prostitution.

À vingt ans, elle décida qu’elle avait assez d’argent pour tenter une nouvelle aventure et se décida au hasard pour Strasbourg, première destination qu’elle vit sur le panneau d’affichage de la gare.

À Strasbourg, elle zona quelques jours dans le secteur de la gare. Pour chance, du moins elle ne le savait pas lors de leur première rencontre, elle fut remarquée par Pierre Lesclandes.

Pierre effectuait des maraudes avec le Secours Populaire et l’avait remarqué, car Hélène fuyait à chaque fois qu’un membre de son équipe ou lui-même s’approchait pour proposer une boisson chaude ou une couverture.

Un soir d’hiver particulièrement froid, Pierre, qui n’était pas de service se promenait dans le quartier de la gare. Il allait chercher sa voiture dans un parking quand, au moment de l’ouvrir, son regard fut attiré par une boule qui dépassait de derrière un poteau. Il s’approcha et constata que la boule n’était autre qu’une personne sous un amoncellement de vieilles couvertures sales. Pierre secoua la personne et n’obtint pas de réponse. Il s’accroupit pour vérifier que la personne n’allait pas trop mal. C’est ainsi qu’il reconnut la jeune fille qui le fuyait depuis tant de semaines. Elle était visiblement mal en point. Il appela le SAMU et l’accompagna jusqu’à l’hôpital.

Les premières semaines ne furent qu’une vaine tentative pour Pierre d’amadouer Hélène. Sa persévérance finit par payer. Petit à petit, Hélène lui accorda sa confiance allant même jusqu’à lui raconter sa vie.

Pierre la dirigea vers une association de sa connaissance. Il était très proche d’une éducatrice, Véronique Bogout qui s’occupa d’elle, l’amenant même vers un diplôme et un poste de serveuse à la taverne.

Depuis, Hélène s’était accrochée. À chaque anniversaire et au jour de l’an, elle était invitée par Pierre et Véronique qui étaient maintenant mariés. Elle avait été le témoin de Pierre et les deux s’étaient portées caution pour son studio proche de la Gare.

 

Hélène était aujourd’hui heureuse, elle souriait à la vie et débordait de projets. Elle avait évoqué, avec Pierre et Véronique d’entamer une formation d’éducatrice. Elle disait qu’elle savait ce que c’était que souffrir et qu’elle aimerait enfin aider les autres comme elle-même avait été aidée…

 

4

Calais, Juin 2017

 

 

Huit heures du matin. Le soleil brille déjà. Les reflets sur l’eau du port apportent une coloration féerique au Courgain8. Il est difficile d’observer les bateaux de plaisance amarrés tellement la luminosité est aveuglante.

Déjà, les poissonniers et les marchands de légumes sont installés pour vendre leurs produits frais. Les étals regorgent de carottes, poireaux et de poissons tout juste pêchés : des cabillauds, des bars, des maquereaux, des merlans, des limandes… de quoi se préparer un véritable festin.

Les mouettes, attirées par l’odeur piscicole, tournoyaient dans les airs jusqu’au moment où elles repéraient de quoi satisfaire leur appétit qui ne semblait jamais rassasié.

Hippolyte9 était tranquillement installé sur sa terrasse. Il s’était levé tôt, dérangé dans son sommeil par un mauvais rêve. Pas un cauchemar, non, juste un mauvais rêve… Clara, sa fille, était repartie aux États-Unis et lui avait adressé une lettre tâchée de sang où elle expliquait qu’elle ne reviendrait plus… Hippolyte s’était réveillé en sueur ne sachant plus, l’espace d’un instant, où il était. Puis, il avait repris ses esprits, tout à coup rassuré par les effluves d’un parfum qu’il connaissait bien : « la Parisienne » d’Yves Saint Laurent.

Allongée à côté de lui, Eva dormait à poings fermés, enroulée dans les draps roses.

Hyppolite respira un grand coup et sourit. Quelle chance il avait. Eva s’était installée chez lui. Théo son fils, était parti avec son père en Ecosse où il fréquentait une école bilingue. Il revenait à chacune des vacances scolaires. Eva avait eu du mal à accepter la décision du Juge aux Affaires Familiales qui avait statué en faveur du père de Théo. L’enfant lui-même avait émis le souhait d’aller à l’école en Ecosse. Il avait visité l’établissement avec ses parents juste avant que ces derniers se séparent et l’idée d’être un petit français expatrié lui plaisait bien. Pourtant, depuis que les choses se passaient ainsi, Eva avait trouvé une sorte d’équilibre et, dès qu’elle sentait que Théo lui manquait, elle n’hésitait pas à faire de courts séjours à Glasgow pour le voir avec l’assentiment du père qui, depuis, avait refait sa vie avec une plantureuse rouquine, Tatiana Bredford.

Eva continuait ses consultations privées dans son cabinet à Calais et elle avait ajouté une corde à son arc.