Raphaël Tona encore flic ! - Claudio Leonardi - E-Book

Raphaël Tona encore flic ! E-Book

Claudio Leonardi

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Beschreibung

Lors d’un cambriolage chez un blogueur virulent envers l’exécutif, ce dernier succombe à une crise cardiaque après un coup censé ne l’assommer que légèrement. L’enquête est confiée au commissaire Raphaël Tona, un détective tenace et réputé pour sa persévérance au 36. Rapidement, une piste politique se dessine. Dans ce second tome, malgré une mise à l’écart stratégique, Tona fait face aux pressions des hautes sphères parisiennes et se lance dans une quête qui pourrait bien bouleverser l’ordre établi…

À PROPOS DE L'AUTEUR

Claudio Leonardi est un enseignant et conseiller général du Val-de-Marne. Fort de son expérience politique et administrative, il tisse dans ses écrits des récits riches en réflexions et en nuances. Avec quatre ouvrages à son actif, il allie engagement et littérature avec subtilité.

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Seitenzahl: 240

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Claudio Leonardi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Raphaël Tona encore flic !

Tome II

Roman

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Claudio Leonardi

ISBN : 979-10-422-7969-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À la mémoire de mon frère Alberto et de ma sœur Maria.

 

Pour ma sœur Anne Marie et son indéfectible amour.

 

À mes enfants, Julien, Lisa, Raphaël, Matteo et Dante.

 

À mes petits-enfants, Milo et Nine.

 

À ma mère, Filomena Azzoli.

 

 

 

 

 

Avertissement

 

 

 

Ce livre est une œuvre de fiction. Les personnages et les situations décrits dans ce roman sont purement imaginaires : toute ressemblance avec des personnes ou des évènements existants ou ayant existé ne serait que pure coïncidence.

Pour la bonne compréhension de l’intrigue, certaines fonctions électives plus ou moins importantes sont nommées, le récit de l’auteur concernant les postes mis en lumière ne l’est que pour crédibiliser la fiction et lui donner un caractère plus réaliste.

 

 

 

 

 

 

Liste des personnages

 

 

 

René Bogossian : Homme d’affaires important, ami d’enfance de Tona.

Raphaël Tona : Policier muté à Orléans.

Arnaud Vinckler : Blogueur, mort lors d’un cambriolage.

Kamel : Un gamin de la cité devenu ami de Raphaël…

Nathalie Rive : Journaliste, amie de Raphaël.

Benjamin Georges : Professeur de philo, ami de Raphaël.

Henri Demarle : Supérieur de Tona quand il était au 36.

Joël Gardin : Nouveau supérieur de Tona à Orléans.

Tarrin : Directeur de la DGSI.

Jacques Fournier : Ancien collègue de Tona du temps des RG.

Mélanie : Membre du groupe de Tona quand il était au 36.

Aurélien : Membre du groupe de Tona quand il était au 36.

Thomas : Membre du groupe de Tona quand il était au 36.

Claire Derran : Compagne du blogueur décédé.

Laura : Cuisinière de René Bogossian.

Lorenzo : Frère de Raphaël Tona.

Roger : Ami de René, agent de la DGSE.

Tarrin : Directeur de la DGSI.

Julien : Fils adoptif de Demarle.

Camille Paul : Médecin légiste.

L’homme de l’ombre : Agit sur le site du blogueur.

Cathy : Ex-cadre d’un cabinet de conseil.

Odette : Propriétaire du bar où Tona prend son café.

Rose : Propriétaire de « La Tanière » Bar restaurant.

Macha : Une cliente de « La Tanière », amie de Rose.

Francine : Prostituée que Rose veut aider.

Rachid : Gérant de l’épicerie.

Giuseppe : Le père de Raphaël.

Monsieur Bredel : Le concierge de l’immeuble de Tona à Orléans.

Françoise : Amie et voisine de Marco.

Marguerite Descombes : La visiteuse du soir.

Armand : Patron de la brasserie et ami de Raphaël Tona.

Madeleine : Épouse de Joël Gardin.

 

 

 

 

 

Préalable…

 

 

 

Conférence de presse de Monsieur Jean-Charles Holman, auteur de : Citoyen… Flic !

 

— Ces gens sont d’une stupidité cent fois vérifiée… Je ne suis personne, rien qu’un simple citoyen, un petit scribouillard sans véritables qualités narratives qui « livre » sa colère avant même le recours au vote radical qui viendra sanctionner l’incompétence de nos gouvernants actuels. Ces plaintes contre ma personne vont permettre à mon livre d’être acheté et lu par des quidams qui n’auraient même jamais eu l’idée d’aller s’intéresser au pitch de ce bouquin.

— Monsieur Holman, malgré l’avertissement qui est le vôtre indiquant que toute ressemblance avec des personnes ou des évènements existants ou ayant existé ne serait que pure coïncidence… reconnaissez que vous visez bel et bien certaines fonctions et par conséquent les femmes et les hommes politiques qui les occupent !

 

— Mesdames, messieurs, j’aime me tenir informé et bien souvent vous écouter ou vous lire, vous qui faites témoigner de vraies personnes qui se retrouvent au centre de l’actualité en avançant des hypothèses et des commentaires sur leurs intentions. Vous appelez ça des analyses politiques ou sociales. Je n’ai ni plus ni moins tenté de faire la même chose, sans être journaliste, je vous l’accorde.

 

— Monsieur Holman, si vous deviez être condamné par la justice, est-ce que vous persévéreriez à écrire une suite à ce roman qui reprendrait les idéaux et les protagonistes de ce premier ouvrage, comme on peut le supposer en lisant la fin de celui-ci !

 

— Madame, pour vous répondre, je citerai mon héros de ce premier tome : « Si vous avez déjà eu affaire à la justice, vous connaissez l’état d’approximation des jugements rendus. »

— Dans votre ouvrage, vous décrivez des mécanismes qui, dites-vous, permettent de dégager des sommes sans que l’on puisse toujours détecter leur destination… À quoi faites-vous allusion exactement ?

— Je parle ici, Monsieur, de la corruption que l’on appelle de basse intensité. Elle navigue dans toutes les couches de la population. Beaucoup de nos concitoyens travaillant dans nos grandes administrations et s’estimant mal payés profitent des postes qu’ils occupent pour monnayer leurs capacités à agir.

 

— Avez-vous des exemples précis ?

— Quand on retrouve dans la presse des pans entiers d’un procès-verbal, pensez-vous sincèrement que celui-ci se soit transporté seul dans les bureaux de vos rédactions ?

— Il en ressort que vous ciblez particulièrement les élus !

— Pas seulement, même si à mon avis, un grand nombre d’élus des grandes villes participent à cette corruption…

Mais je pourrais vous citer les douaniers, les dockers, les greffiers, les policiers, les personnels de santé, etc., etc., etc., dont on apprend de temps à autre qu’ils ont été condamnés pour ce genre de choses. Je vous rappelle que mon héros Raphaël Tona, ancien élu lui-même, n’était pas tout blanc avant de rejoindre la grande maison.

 

— Pensez-vous que les pouvoirs publics laissent volontairement perdurer ces comportements ?

 

— Cette pratique à bas bruit est impossible à éviter et encore moins à éradiquer, le nombre des personnes impliquées est trop important pour que l’on puisse efficacement y apporter une réponse répressive.

 

— Vous semblez croire que les sommes importantes distribuées aux cabinets de conseil ne l’auraient pas été uniquement pour le travail rendu ?

 

— Ce n’est pas moi qui le pense, c’est Raphaël Tona qui le clame !

 

— Monsieur Holman, une dernière question sur le caractère politique de votre ouvrage. Vous malmenez clairement l’actuel chef de l’État…

 

— Encore une fois, ce n’est pas moi, c’est le blogueur accidentellement tué qui a affirmé sans détour que le mépris et les coups portés aux plus faibles de nos concitoyens par notre premier de cordée ont conduit au Palais Bourbon 89 députés du Rassemblement National.

 

— Vous avez bien compris que ma question s’adresse à vous !

 

— Cela ne m’a pas échappé, j’allais y venir… je ne me cacherai pas derrière mon héros… Je crois qu’un Président, qui change de posture au gré des vents qui lui sont soufflés par de mauvais génies, porte un coup terrible à la crédibilité internationale de la France. Par ailleurs, les convulsions diplomatiques qui sont les siennes représentent des fautes politiques majeures et inexcusables qui finiront par offrir le pouvoir aux extrêmes. Enfin, quand de surcroît, il tente d’expliquer ses choix en affirmant des contrevérités factuelles : il se couvre d’indignité. À ce propos, sachez que la diplomatie internationale a baptisé une maladie autour du nom de notre Président.

Les symptômes en sont simples : « raconter à son interlocuteur ce qu’il a besoin d’entendre. »

 

— Une dernière question, craignez-vous que le camp des extrêmes gagne les prochaines élections présidentielles ?

 

— Si l’on observe la manière dont ce gouvernement accumule les erreurs en tentant de masquer l’amateurisme de ses troupes, il n’est pas impossible qu’obligation soit faite au chef de l’État de convoquer les Français aux urnes plus tôt que prévu.

 

— Donc, si nous avons bien compris, vous nous confirmez que vous écrirez bien une suite à ce premier roman ?

 

— Mesdames, Messieurs les journalistes, merci d’avoir répondu à mon invitation !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

… Il n’y aura jamais de repos sur la terre pour les hommes de bonne volonté.

 

Raymond Aron

 

 

 

 

 

 

Rappel du premier tome

 

 

 

Au cours d’un cambriolage au domicile d’un blogueur particulièrement critique envers l’exécutif et suivi par de très nombreux internautes, celui-ci décède d’une crise cardiaque à la suite d’un coup qui ne devait que l’assommer.

 

L’enquête est confiée au commissaire Raphaël Tona de la Brigade Criminelle, connu au 36 pour son intransigeance face à sa hiérarchie et au pouvoir en général.

 

Son enquête va le confronter à des découvertes qui vont l’orienter vers une résolution qu’il n’avait assurément pas imaginée. Pour preuve de sa bonne foi, il acceptera de mettre sa démission dans la balance.

 

 

 

 

 

I

 

 

 

La première des choses que fit Raphaël Tona en arrivant à Orléans fut de dégoter un petit troquet où chaque matin il irait prendre son café. Il espérait bien y retrouver un public aussi loufoque que celui du bar-tabac de sa petite commune de banlieue : Kim, la patronne et ses difficultés à bien s’exprimer en français, lui manquait beaucoup.

Confronté à des choix cornéliens qui risquaient de mettre en difficulté le fils de son divisionnaire, qui venait d’intégrer la DGSI, celui-ci avait sollicité un de ses amis d’enfance pour le cambriolage du domicile du blogueur.Il avait accepté sans rechigner cette mutation qui avait été le prix à payer pour sortir de cette enquête aux multiples rebondissements. Cela allait lui permettre de retrouver un peu de quiétude.

Devenu simple gratte-papier, il bénéficiait d’horaires de bureau qui lui permettaient de retrouver ses amis chaque week-end : Nathalie, la journaliste grand reporter, René le très important chef d’entreprise et Benjamin le professeur de philosophie, réunis autour d’une vie communautaire, à laquelle, plus jeunes, ils avaient tous aspiré.

Il jouissait de tous les avantages du simple fonctionnaire astreint à des tâches subalternes. Il pouvait prendre son train chaque vendredi à 13 heures pour revenir le lundi matin et être à son poste dès 14 heures. Il était devenu incollable pour sillonner les méandres des avantages offerts par nos grandes administrations.

Il avait été difficile aux stratèges préfectoraux de faire passer la démission du commissaire Tona pour une convenance personnelle. L’ébullition du site dédié à Vinckler, ce blogueur facétieux dont on avait retrouvé le corps un beau matin, permettait toujours d’y faire mijoter des alertes.

Claire Derran avait entretenu la stratégie initiée par Raphaël pour débusquer le donneur d’ordre qui avait conduit à la mort de son compagnon. La décision qui fut prise avait été de voir le commissaire rejoindre un très beau placard à balais dans le Loiret à l’Hôtel de Police Nationale – Commissariat Central d’Orléans.

À peine arrivé, il voulut arpenter les quartiers populaires des Blossières et des Acacias, testant plusieurs petits rades avant d’être séduit par une matrone aux allures de déménageuse.

Odette, femme bien charpentée, cheveux coupés courts, voix rauque et silhouette informe, montrait des qualités d’accueil sans fioritures, mais sincères… un caractère direct et franc à l’excès, brillante aussi, avec un humour désopilant dans ses remarques à l’emporte-pièce sur les singularités de ses clients.

 

Ce petit noir accompagné de la lecture d’un journal était un rituel qui le replongeait dans la belle ambiance de chez Kim… et il en avait besoin ! En ces heures matinales, le Vaisseau Amiral orléanais de la Police Nationale naviguait encore en eau calme et rien ne l’obligeait à se presser.

 

Les habitués l’avaient rapidement intégré et très vite, il reprit ses habitudes avec les éboueurs en leur proposant de payer leurs consommations à l’occasion de leur première pause.

En ce début d’hiver, une fine couche de buée sur les vitres venait lui rappeler chaque matin la chaleur de l’endroit. Il emmagasinait un peu plus chaque jour de cette sérénité dont il avait tant besoin. Tout cela restait fragile, certes, mais oh combien reposant !

 

Il n’avait certainement pas renoncé à débusquer le vrai responsable de la mort du blogueur.

Comme il l’avait imaginé, le ménage au sein du cabinet spécial avait eu lieu au Château, ses conseillers particuliers et de mauvais aloi avaient été reclassés dans la plus grande discrétion…

Malgré les importants contacts qui étaient toujours les siens, rien ne permit à Tona de découvrir le nom du donneur d’ordre du cambriolage qui avait coûté la vie au lanceur d’alertes Arnaud Vinckler. Il allait devoir enquêter sur chacun des reclassés, planqués dans de douillets cocons dont la République a le secret.

Toujours aucun mouvement non plus de la part de la justice à la suite de la commission d’enquête du Sénat sur les sommes astronomiques versées à certaines officines. Rien également en provenance des ex-employés de ces cabinets de conseils !

À la suite de multiples démissions, il avait bien vu passer certains articles pointant les curieuses pratiques de ces structures, relatant notamment leurs étonnantes méthodes de management.

Personne encore n’était allé chercher des poux dans la tête du guide suprême. Tona espérait qu’un article plus fouillé vienne réveiller la justice ! Il avait encore en mémoire la réflexion de Cathy, ancienne collaboratrice du plus gros cabinet de conseil qui avait perçu la plus importante des sommes distribuées. Elle était moins pessimiste que lui sur l’issue de cette affaire : « Ce scandale d’État finira par les rattraper », avait-elle pronostiqué.

Elle comptait sur l’aide d’une amie au cœur du système, qui était la seule en mesure de lâcher des informations compromettantes pour l’exécutif.

Naturellement, comme consigné dans les accords qui avaient contraint Raphaël à accepter son exil, les fins limiers du 36 n’avaient évidemment pas retrouvé le monte-en-l’air responsable de la mort du blogueur… Et pour cause… Tona le connaissait : il était l’ami d’enfance de l’agent de la sécurité intérieure qui l’avait recruté et qui n’était autre que le fils de son ancien divisionnaire Henri Demarle. Il savait mieux que personne que les amitiés nouées au cours de l’enfance et en particulier sur les terrains de sport pouvaient durer toute une vie et scellaient une solidarité sans faille.

Ces éléments avaient contraint Tona à la négociation. Les journaux, comme les chaînes infos, avaient peu à peu délaissé tout intérêt pour cet ancien fait divers.

Tona passait le plus clair de son temps à parcourir des rapports concernant des scènes de crimes et d’en faire des synthèses au travers de ses propres analyses. On lui reconnaissait toujours une réelle aptitude à déceler des indices qui avaient échappé aux autres enquêteurs.

Sa réputation l’avait accompagné dans cette préretraite forcée et certains de ses nouveaux collègues lui montraient un réel respect pour ce qu’il représentait au sein de la Police, son indépendance d’esprit et sa détermination à ne rien lâcher face à l’adversité.

Son nouveau supérieur orléanais, lui aussi, considérait ses compétences comme très profitables au service.

Demarle en avait brossé un portrait plutôt sympathique : il l’avait souvent croisé à l’occasion de sessions de formation. Il le disait brillant, imprévisible même et d’une grande éloquence qui faisait sensation lorsqu’il intervenait.

Joël Gardin était doté d’une belle intelligence : c’était un homme aux traits séduisants, aux cheveux clairs qui approchait la soixantaine. Il accordait du respect à chacun et faisait confiance à ses hommes.

Il tenait compte de la vulnérabilité de tous sans les étouffer par une trop grande protection pour ne pas les priver du droit de se tromper qu’il considérait comme nécessaire certaines fois. Grand et plutôt mince, il dégageait tout à la fois une allure aristocratique et ordinaire. Son non-conformisme, sa nature calme et entreprenante le rendaient d’emblée attachant… Son humour discret finissait de vous séduire.

Raphaël avait-il eu immédiatement un regard bienveillant sur son nouveau divisionnaire parce qu’Henri Demarle lui en avait dit beaucoup de bien ?

Pourtant Tona évitait de montrer une trop grande proximité avec tout ce petit monde de province… Paris l’avait marqué du sceau de la turpitude !

Orléans. Il s’y était arrêté quelques heures, il y a des années, de retour d’un week-end à rallonge au cours duquel, avec sa compagne, ils avaient visité les châteaux de la Loire. Ils y avaient déjeuné et s’y étaient promenés avant de reprendre la route pour la capitale.

Dès son arrivée en ville, il fit comme la plupart des visiteurs ignorant les trésors de cette capitale régionale… il consulta internet.

Il découvrit des châteaux qu’il ne connaissait pas parmi lesquels celui de Chamerolles qui, malgré son aspect médiéval, était de style Renaissance… Il ne put s’empêcher de sourire devant cette info qui le ramenait aux locataires du Château présidentiel.

Occupé pendant la guerre par les nazis, Chamerolles fut saccagé et laissé à l’abandon après leur départ. Le conseil départemental, en 1987, en fit l’acquisition pour le restaurer. Il accueille en son sein une histoire de l’hygiène et des parfums du XVIe siècle à nos jours.

Il utilisait aussi ses pauses déjeuner pour apprécier cette ville dans laquelle il savait devoir y passer plusieurs mois. Sa curiosité le poussa dans un premier temps vers la Cathédrale Royale Sainte-Croix dont la construction débuta en 1287. Jeanne d’Arc vint y prier le 8 mai 1429 et depuis, chaque 8 mai, une messe y est célébrée à sa mémoire.

Malgré son statut d’athée, mais plus certainement d’agnostique, Tona aimait s’y fondre des heures durant. Il émanait de ses murs une inclinaison à la méditation respectant en cela les encouragements d’un ami très proche qu’il venait de perdre.

Quand le temps le permettait, c’était dans le parc floral qu’il avait pris l’habitude de flâner. Il débusquait à chaque fois un enclos différent pour y manger son sandwich toujours accompagné d’une boisson gazeuse. Il lui arrivait souvent aussi de profiter des berges de la Loire pour de longues flâneries.

Pendant ces moments de solitude, lui revenait en mémoire un souvenir ému de quatre jours de randonnée équestre en forêt d’Orléans. Jeune adulte, il se souvenait des préparatifs des chevaux pour un départ entre chien et loup, moment propice à l’observation des cerfs avant qu’ils ne rejoignent leur refuge.

Statufié sur son cheval, à l’orée de la clairière, il pouvait les contempler. L’émotion née de ce spectacle s’était imprimée dans son être sans jamais le quitter depuis. Très curieusement, il n’avait jamais cherché à renouveler ces moments…

Il était rare que Raphaël cuisine pour dîner. Il avait adopté une cambuse des plus insolites où ses collègues l’avaient déjà traîné à plusieurs reprises. « La Tanière, » ce café-restaurant dirigé habilement par Rose, une jolie femme avec un sourire malicieux qui animait joyeusement son visage. Quand son regard tombait sur vous, ses yeux semblaient scruter les contours de votre âme…

Une vaste salle carrelée était coupée en sa moitié par un comptoir en zinc délimitant un petit espace de restauration. Côté café, on jouait à longueur de journée à la belote coinchée. Il arrivait à Tona de rejoindre une table après avoir quitté son bureau.

Les tapis de feutre vert l’avaient toujours attiré : les verres sur les coins de table pour ne pas gêner l’espace de jeux, pas de mise d’argent, juste la simple respiration des cartes, sortir l’atout au bon moment, couper un as ou réussir le dix de der.

Il aurait préféré une belle partie de poker, mais Orléans n’avait pas de cercle offrant cette possibilité. Il y avait bien quelques clandés flottants, mais quand il allait sur la Loire c’était pour rejoindre « le Love Boat », ce bar où de temps à autre un collègue l’invitait pour un moment de détente.

Rose lui avait désigné une table près d’une fenêtre qui n’avait pas été ouverte depuis bien longtemps. Les vitres presque sales ne laissaient rien paraître du dehors et de la nuit déjà tombée. L’éclairage au néon répandait une luminosité crayeuse.

Malgré tout, il se sentait bien dans cette ambiance de pension de famille. Il lui arrivait même de provoquer la propriétaire par des remarques au second degré, ce qu’il n’avait jamais pu faire avec Kim ne pouvant en apprécier les doubles sens. Bien que son sourire dans un premier temps s’effaçait légèrement, Rose réalisait rapidement que cela relevait de la taquinerie.

 

Cette femme frêle aux cheveux clairs, aux traits réguliers et qui à première vue pouvait passer inaperçue, retenait néanmoins l’attention. C’était seulement en croisant son regard que Raphaël remarqua la passion qui dominait chez elle.

Elle aimait son travail et adoptait ses clients pour les faire entrer dans sa grande famille. Jamais de couac, le tri se faisait naturellement.

Rose lui présenta une jeune femme, Macha, une habituée elle aussi, qui venait de temps à autre, mais dînait toujours seule.

— Bonsoir Raphaël, Macha souhaitait faire votre connaissance…

— Bonsoir Monsieur, accepteriez-vous que je vous accompagne pour dîner ?

— Avec plaisir, je vous en prie, asseyez-vous !

À n’en pas douter, Rose, qui était au courant du parcours de Tona par quelques confidences maison, avait dû en parler à Macha éveillant l’intérêt de celle-ci.

— Je ne voudrais surtout pas vous déranger ?

— Rassurez-vous, vous ne me dérangez nullement ! De plus, il serait pour le moins discourtois de refuser la compagnie d’une amie de Rose.

Ses cheveux auburn étaient peignés avec soin, laissant apparaître son front bien dégagé.

 

— Rose est magnifique, sensible, intelligente et d’une générosité qui pourrait vous surprendre…

— Je n’en serais pas surpris ! Vous êtes dans le métier vous aussi ?

— En effet, je travaille au « Petit Barcelone » : c’est un boui-boui étudiantincontournable à Orléans, un bar populaire où vous êtes sûrs de trouver une ambiance chaleureuse et le plus souvent animée. Les étudiants de la ville y affluent régulièrement pour y passer des moments agréables. Les études, la fête et les soirées plus qu’arrosées y font bon ménage…

— Vous aimez ce travail ?

— Énormément… Je dois vous avouer que Rose m’a raconté ce qu’elle savait des raisons qui vous ont conduit jusque dans notre petite capitale ! Elle connaît depuis fort longtemps beaucoup de vos collègues.

— J’étais moi-même arrivé à cette conclusion… Si c’est ce qui motive votre présence, j’en suis heureux !

La gravité du propos qu’il percevait suggérait qu’il ne s’agissait pas seulement de dîner en compagnie. Il devait y avoir une raison à identifier, mais Tona se garda bien de lui demander quoi que ce soit de précis, préférant laisser les choses s’installer d’elles-mêmes. Il attendrait…

 

Le regard de Macha devint plus vif, plus brillant et plus pénétrant… Elle venait de s’engager dans une introspection de sa jeune vie, son parcours depuis l’adolescence, ses études et en définitive les raisons de son travail au Petit Barcelone.

 

Tona, attentif à ne pas gêner son cheminement, attendait qu’elle se livre complètement pour lui permettre d’aborder le motif précis qui l’avait conduite jusqu’à sa table.

 

Beaucoup de choses se révèlent à travers les rêves de l’autre. Macha espérait-elle un échange de cette nature ? Tona lui montrait une écoute patiente et faisait son maximum pour tenter de la rassurer sur ce qu’elle lui inspirait…

 

S’agissant de son visage, le plus gentil compliment qu’il pouvait lui faire était qu’il le trouvait expressif, qu’il reflétait une lucidité qui marquait chacune de ses émotions. Il prêtait attention non seulement à sa voix, mais aussi à ses choix de mots, à l’intonation avec laquelle ils étaient prononcés.

 

— Monsieur, n’avez-vous jamais eu envie de faire vengeance vous-même dans certaines de vos affaires ?

 

Tona fut surpris de cette entrée en matière…

 

— Appelez-moi Raphaël… Quand on enferme un lion dans une cage de fer, il finit par perdre son instinct de domination…

 

Je suis trop vieux pour me livrer à la violence, expliqua-t-il, mais encore assez jeune pour prendre des risques…

— Vous croyez possible de réveiller l’animal ? On dirait que vous approuvez ! observa-t-elle, ses yeux ne trahissant aucune autre expression que l’amusement.

— Ne le dites pas trop fort de crainte qu’il ne vous entende ! Les choses qui en valent la peine peuvent parfois se révéler douloureuses à un moment ou un autre.

La pluie venait de commencer à tomber, c’était pour Tona le signe qu’une pause semblait s’imposer… Il aimait se promener sous ses gouttes d’eau ! Il rassura Macha sur ce qu’il avait compris de cette première entrevue et lui proposa de se retrouver à sa convenance.

Qui pouvait vouloir du mal à cette jeune femme ? Estimer que l’on souffre c’est déjà souffrir.

Elle savait qu’il dînait là quasiment tous les soirs et comprenait qu’il lui laisse le temps de formuler sa demande au moment où elle se sentirait prête et en confiance. Elle allait donc attendre elle aussi quelques jours… Macha avait perçu toute cette séquence comme une saine complicité dont elle avait perdu l’habitude, le trouvant très respectueux et des plus attentifs. Elle avait été admirative qu’il lui laisse le temps de choisir le moment où elle serait prête à entrer dans le vif du sujet.

 

Mais ce qui avait le plus précisément troublé Macha fut que, pendant cette longue heure où elle avait convoqué l’intime à plusieurs reprises, jamais à aucun moment cet homme, pas aussi vieux qu’il le prétendît, n’avait esquissé de gestes ou prononcé de paroles qui auraient pu être ressentis comme équivoques !

Macha, qui par son emploi au « Petit Barcelone » était confrontée en permanence aux assauts juvéniles des étudiants qui fréquentaient l’établissement, avait été touchée par ce respect.

 

Après le départ de Macha, Tona ressentit l’envie de repasser par la salle de jeux. Il savait qu’il ne pouvait y jouer de l’argent, mais il avait besoin de respirer cette ambiance où perdre dégage autant d’adrénaline que la victoire !

Lutter contre cette addiction est un traumatisme qui brouille les sens et transforme la raison en un grand labyrinthe.

 

Il décida finalement de passer le seuil de l’établissement. Rose lui proposa un dernier verre. Sachant que Raphaël n’aimait pas l’alcool, cette invitation ressemblait plus à un moyen d’assouvir sa curiosité, il l’avait bien compris.

 

— Elle ne m’a encore rien confié ! confirma d’emblée Tona à Rose, mais elle le fera bientôt !

— Merci Raphaël.

 

Rose avait un respect immense pour cet homme alors qu’elle ne le connaissait que depuis quelques mois. Elle savait que la demande que devait lui faire son amie serait entendue et traitée avec discrétion dans toute la mesure du possible.

 

— Merci pour le café Rose et à demain.

 

La pluie fine et régulière permit à Raphaël de rentrer à pied sans que cette promenade le trempe jusqu’aux os. Marcher sous la pluie avait toujours été un besoin, il y trouvait un plaisir particulier qui lui était parfois difficile d’expliquer à ses amis.

 

Pour lui c’était, le moment des résolutions. Il passa en revue, dans son esprit, l’ensemble des éléments d’une affaire et les laissa vagabonder dans sa tête jusqu’au moment où chacun trouve sa place.

Rose connaissait évidemment les motifs qui l’avaient convaincue de présenter Macha à Raphaël. Le premier qui s’imposait était évident : cela devait rester confidentiel !

 

Pour Raphaël, le deuxième devait s’articuler autour des protagonistes. Il entrevoyait avec inquiétude qu’il pourrait s’agir de collègues. Peut-être s’agissait-il seulement de soupçons mal fondés ? Il l’espérait… Mais son intuition l’avait rarement trompé et, du coup, il s’apprêtait à passer une mauvaise nuit.

 

Il repensa à toutes ces années à courir après une délinquance de tout ordre, pas seulement celle des petits trafics de gamins en mal de repères… mais aussi celle de nos élites, qu’elle soit politique, financière ou sociale. Il avait accepté que cela lui coûte sa carrière.

Des exploiteurs, des profiteurs de tous poils…

L’imagination n’avait rien à voir avec ses ressentiments, c’était plutôt une affaire de cauchemars, ses propres peurs qui ressurgissaient dans ses rêves.

Tona aurait préféré tout ignorer des faiblesses de ceux qu’il croisait au cours de ses enquêtes. Il éprouvait plus de pitié que de colère à l’égard de beaucoup d’entre eux. Il comprenait leur vulnérabilité, car il était avant tout conscient de la sienne.

La plupart des gens honnêtes présument que les autres le sont tout autant qu’eux, surtout si ces autres ont de l’éloquence, sont respectés, fortunés et présentent « beau ».

Raphaël venait d’entrer dans une ruelle plus étroite que d’habitude, il avait remarqué depuis déjà quelques minutes que deux individus le suivaient à distance.

Était-ce simplement le fruit de son imagination ou avait-il raison de s’inquiéter ? Pour en avoir le cœur net, il bifurqua à droite sans prendre garde que la voie qu’il empruntait était sans issue.

Après un rapide coup d’œil circulaire, il constata que toute fuite était impossible sans utiliser la force. Il n’avait plus le choix, la seule option qui lui restait était de faire face à ses poursuivants.

Arrivé à une dizaine de mètres des deux hommes, il s’immobilisa et les fixa avec une intensité qui ne laissait aucune place à la peur… Le face-à-face s’éternisa, personne ne bougeait, attendant un signal hypothétique.

— On se reverra peut-être, cria l’un des deux hommes. Ça dépendra de vous !