Réveil sur la terre malade - Jacques-André Libioulle - E-Book

Réveil sur la terre malade E-Book

Jacques-André Libioulle

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Beschreibung

Réveil sur la terre malade propose trois écrits très différenciés sur la contre-culture. Évoquée depuis son apparition violente, révolutionnaire des années 60 aux USA, la contre-culture passe ensuite à toute la dimension intérieure du New Age pour se retrouver face à ce qui nous guette aujourd’hui : le « déshumain ». Elle peut constituer le premier niveau d’une émancipation sociale, collective, vers une culture autre d’ouverture de la conscience. « L’écriveur », placé au centre de cet ouvrage, rappelle l’errance de la parole, le risque de dissolution de la pensée et son acheminement vers une non-littérature. La parole s’obstine contre le langage et les différentes formes d’expression qui l’ont précédée. En filigrane, la contre-culture se questionne sur elle-même, sur sa capacité à se renforcer et à se renouveler face à un avenir qui pourrait nous déposséder.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Philosophe de formation, Jacques-André Libioulle est auteur dramatique et romancier. Porté sur les arts orientaux et japonais en particulier, il recherche une écriture très dense, les temps forts du langage, leur éclat, leurs harmoniques.

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Seitenzahl: 170

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Jacques-André Libioulle

Réveil sur la terre malade

Trois écrits pour la contre-culture

Essai

© Lys Bleu Éditions – Jacques-André Libioulle

ISBN : 979-10-377-8760-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Du même auteur

– Chants de Cinabre, poésie, Éd. L’Harmattan, Paris, 2004 ;
– La Déraille, roman, Éd. L’Écarlate, Paris, 2011 ;
– La Ténèbre, roman, Librinova, Paris 2022 ;
– Demeures du fragile, haïkus, Éd. Le Lys Bleu, Paris, 2022 ;
– L’homme qui tremble, suivi de « Dire le Nord », Éd. Le Lys Bleu, Paris, 2022 ;
– Les pâturages de la nuit, Éd. Le Lys Bleu, Paris 2023 ;

Avertissement

Il n’y aura peut-être plus jamais de contre-culture, parce que la culture n’existera plus. Elle sera écrasée par une pensée unique qui décidera à distance de nos affects et de nos humeurs. Espérons que ce ne soit encore qu’une hypothèse et que le cauchemar restera dans les limbes. Mais la menace existe ! Nous nous souviendrons alors de ce qu’était notre humanité, dans quel sens nous voulions aller et les efforts immenses consentis. Ces trois essais, de facture très différente, sont sous-tendus par cette notion de contre-culture. Les tentatives décrites semblent déjà bien loin, situées dans le dernier tiers du XXe siècle pour l’essentiel. Le XXIe siècle, géant néo-libéral, a commencé à brandir le « mondialisme » et le « grand reset », autrement dit un monde aux antipodes de tout ce qui avait été présupposé. L’humain continuera-t-il à s’appartenir ? La biotech et l’infotech, pourront décider de votre sort, de votre système immunitaire comme de votre ADN ! Un système de contrôle permanent, dans votre organisme même relié à un système global, décidera si vous devez vivre ou mourir, ou si l’on doit faire de vous un « humain augmenté », pour ne pas dire bricolé. Déjà, les « vaccins » de type ARN messager installent dans vos nerfs et votre sang ce qui permettra à votre corps de devenir le récepteur des ordres donnés par la 5G et les satellites.

Tout ceci avait constitué un plan secret dans le temps même où se développait la contre-culture, s’opposant à des normes étatiques imbéciles, se radicalisant dans la violence et en même temps recherchant une dimension nouvelle de l’humain. Mais l’évolution de l’être est lente, tandis que les technologies progressent à toute allure. Le New Age, qui a succédé à la contre-culture dont l’ennemi était en face : l’autorité, le pouvoir, n’a pu achever son développement qui était infini… mais qui représentait l’avenir naturel de l’espèce humaine.

Peut-être, à l’insu même de leurs protagonistes, les années de New Age ont-elles constitué les fondements d’un rempart, d’une protection face au pire. Parce que les possibilités de l’homme sont infinies, parce qu’une certaine spiritualité les sous-tend, il paraît possible d’opposer aux technologies, extérieures, une force de conscience, intérieure ! « Spiritualité » ne renvoie à rien d’autre qu’au pouvoir de l’esprit. Cela suffira-t-il ? Nous savons par des expériences de pointe, que l’esprit peut, sans artefact, de lui-même, agir sur la matière, la remodeler, la réagencer. L’esprit est dans l’univers de tout temps et nous pouvons apprendre à le capter. Vouloir sa destruction en détruisant les canaux par lesquels il s’exprime n’est qu’une utopie satanique ! Parce que l’esprit ne s’identifie pas à ses instruments d’expression. Il faut savoir cependant que des gens disparaîtront. Peut-être en masse ! Comme toujours dans la nature, la survie a un prix !

I

L’espoir et l’illusion

Le New Age perdu

Avant-propos

La contre-culture des années 60 aux États-Unis, née du refus de la croissance industrielle et du consumérisme, idéologies dominantes, est une suite d’affrontements contre les forces de l’ordre et l’État. Le désenchantement du monde est total et se répercute dans le monde occidental. Jeunes et moins jeunes se révoltent ! On se souviendra toujours de la jeune hippie déposant une fleur dans le canon de fusil d’un représentant de l’ordre au regard implacable. Mais contrairement à ce qui s’est passé Place Tian’anmen, à Pékin en 1989, lors de la révolte pour l’égalité sociale, la liberté d’expression et la liberté de la Presse, un homme seul stoppe un char d’assaut de l’armée chinoise et le détourne ! Ici, quasi trente ans plus tôt, le pouvoir n’a pas plié et sa haine contre la jeune génération a encore été attisée par la crise du LSD qui trouve son origine dans les travaux de Timothy Leary, psychologue clinicien à Harvard. La volonté de la jeunesse était de changer le monde, elle devait bientôt réaliser que cela impliquait d’abord de se changer soi-même. Dès 1970, l’affrontement se transforme en une explosion psychique ! Le monde doit être réenchanté ! L’idéologie doit conduire à un « cosmos vivant », selon la belle expression du sociologue-historien des religions Frédéric Lenoir. Ce sera bientôt la naissance du New Age, hors toute religion constituée, laissant surgir des mouvements contestataires de spiritualité libre trouvant leur source dans des doctrines lointaines, comme la théosophie d’Alice Bailey, par exemple. En 1961 déjà, Michael Mac Murphy avait créé l’Institut Esalen, à Big Sur sur la côte californienne, qui revisite le bouddhisme et l’hindouisme à la lumière de nouvelles thérapies personnelles, telle la thérapie primale de Janov, l’analyse bioénergétique de Lowen, ou la psychologue humaniste de Abraham Maslow. Simultanément, en Europe, dans le nord-est de l’Écosse, se crée Findhorn. En 1962, initié par Eileen Caddy et Dorothy Maclean, Findhorn développe l’agriculture par « une communication subtile avec les devas », comme l’indiquent les créateurs du lieu, soit une captation subtile et forte de l’énergie vivante, celle qui remplit le monde partout et en tout lieu. La production de choux énormes (36 kg !) sur un terrain peu fertile, suite à de patientes concentrations de l’énergie, suscitera un enthousiasme mondial pour Findhorn !

Avec Les Enfants du Verseau, The Aquarius Conspiracy, en 1980, Marilyn Ferguson inaugure une seconde phase dans le développement du New Age, tandis que Ken Keyes publie « Le Centième Singe » qui connaîtra une très grande diffusion entre 1982 et 1984. Il sera à l’origine de grands rassemblements, telle la « Convergence harmonique » de 1987 qui tend à se dérouler sur des sites sacrés à travers le monde. La traduction française de l’ouvrage de Marilyn Ferguson semble édulcorer la puissance contestataire que l’on trouve dans Conspiracy, plus incisif et porteur d’une révolte contre l’Ancien Monde. Le Verseau est, selon le zodiaque, le signe de l’intelligence et du futur, il oriente les êtres vers un monde meilleur et plus humain, portant l’attention sur les idées d’avant-garde.

À partir de 1990, le New Age développe, à côté de l’accomplissement personnel, le concept d’« ascension ». La contre-culture, si elle l’est encore par ses préoccupations, évolue décidément vers d’autres plans de conscience, tel le « channeling » ou communication avec des « Êtres supérieurs ».

Ces trente années de controverses et rebondissements, de 1960 à 1990 et au-delà, déploient énergie et conscience comme autant de sauts quantiques.

Une énergie vibratoire, cosmique, régit le monde. Elle est hors de nous comme en nous, logée dans l’inconscient du corps. C’est dire le travail à accomplir, révéler un corps autre dans le corps charnel et, avec ce fil conducteur, augmenter notre conscience. Pas de dogmes extérieurs ! Si ce courant est spirituel, il ne s’est jamais mis sous la coupe d’une religion constituée. Le Nouvel Age s’inscrit désormais dans une psychologie post-industrielle, dans une lutte contre la consommation frénétique, une sensibilité à vif pour l’écologie. L’on cherche à « éduquer » l’entreprise, qui voit apparaître des « chamans » d’un nouveau type. De nombreux stages d’initiation, collectifs, sont proposés et suivis. La recherche d’énergies subtiles se doit d’être en phase avec son environnement naturel. La déforestation en masse est condamnée. L’agriculture saine est revendiquée ! Il s’agit non seulement, pour chacun, de vivre selon son propre rythme biologique qui est relié au cosmos, mais aussi de tenter d’empêcher le monde de dévoyer ce rythme !

C’est en 2160, prédit Marilyn Ferguson, que l’Ère du Verseau verra la fraternité universelle des hommes de la terre convertie en primat de la reconnaissance de l’esprit. Trop longtemps, au cours de son voyage de quelque trente années, la contre-culture s’est occupée de l’individu en soi, même si l’individu doit être transformé, au détriment de l’ouverture extérieure sur les difficultés et ravages du monde. La vision égotiste, portée par un courant hyper individualiste, a rendu aveugle au lien étroit qui relie l’individu aux énergies non visibles du monde.

La contre-culture a cependant ouvert des voies impossibles à réfuter aujourd’hui, elle est devenue alter mondialiste, luttant contre le mondialisme pour une alternative viable.

L’énergie est une « nourriture », elle nous est aussi indispensable que l’aliment concret. Absorber l’énergie, la « manger », est un souci qui remonte loin dans l’histoire humaine. C’est une énigme que certains explorent de plus en plus, de petits groupes en chercheurs et pratiquants, qui aspirent à élargir la conscience de l’homo sapiens ! Elle bénéficie par ailleurs d’une curiosité populaire certaine, voire d’une certaine anxiété. Ne fût-ce que par la dégradation continuelle, progressive, de notre environnement, que nous ne cessons de subir !

J’essaierai ici de mieux comprendre le rôle qu’a joué l’énergie durant toutes ces trente années de travail sur soi, afin d’approfondir les voies de changement déjà entreprises.

Énergie vivante

La Cène est l’un des récits les plus poignants de la bible. Il ressemble à un acte d’anthropophagie mystique. « Prenez et mangez, ceci est mon corps ! » Ces mots sont terribles ! Derrière la douceur de Jésus, l’acte est aussi ancien que l’humanité. Beaucoup de peuples savaient qu’en dévorant un ennemi tué on s’assimilait sa force. Le sang, c’est la force ! L’humain rôti aux braises s’assimile dans les entrailles de chacun ! Il nourrit ! Ce n’est pas une simple bouffe ! En même temps, une énergie est absorbée et vient habiter votre propre corps ! Manger un animal longuement chassé et terrifiant, c’est un peu devenir cet animal ! C’est, par la manducation, s’assimiler à lui, lui ressembler ! Il y a ici, dans la Cène, cet arrière-plan anthropologique ! Il est inscrit dans notre espèce ! Sauf qu’ici, c’est la victime elle-même qui offre sa chair et son sang, « le sang de la nouvelle alliance qui est versé pour beaucoup pour le pardon des péchés (…) » La Cène se déroule juste avant la Pâque juive, on y mange de l’agneau rôti, des herbes amères et du pain sans levain. Si l’on entre tout au fond du symbole, c’est un acte au-delà de toute imagination puisque le pain rompu, distribué, se trouve, au moment même de sa rupture, transmuté en pure énergie ! Ce n’est pas une image ! En le mangeant, vous absorbez l’énergie même de Jésus ! Votre être change ! De même en buvant le vin. Vous avez désormais la possibilité de vous aligner sur le Maître. C’est-à-dire d’entreprendre la longue marche qui vous conduira à lui. Vous ne devenez pas le Maître évidemment, vous restez vous-même avec des potentialités nouvelles.

Il y a quelque chose d’analogue, par exemple, lorsqu’un Guru vous insuffle un mantra dans l’oreille droite, celui que vous aurez à réciter à tout moment de votre existence. Le mantra signifie, « je te donne la capacité de me rejoindre en énergie ». Plus encore, lorsque le Guru vous donne son « darshan », son étreinte, vous plaçant contre sa poitrine tout en prononçant le mantra, il vous signifie, « À toi maintenant d’exercer toute l’énergie que je te donne ! » Il se peut que l’on ne ressente rien, c’est que la disponibilité elle-même est un don, et doit s’ouvrir progressivement.

Aux Comores, dans l’océan indien, il existe un rite pour l’assimilation de l’apprentissage de récitatifs du Coran par l’enfant. C’est un autochtone qui me l’a expliqué. L’encre du verset récité est mélangée à du lait et des œufs, l’ensemble est ensuite donné à boire à l’enfant.

La digestion, l’union avec le sang, les viscères constituent dans le corps la forme la plus profonde de l’assimilation, au-delà de la mémoire. Dans la communion, lorsque le prêtre dépose l’hostie sur la langue, c’est cet ensemble qui est rappelé. Non pas revivifié, parce que l’Église a formalisé ce rite. Il fait partie de la liturgie. Ce que le communiant ressent, s’il ressent, n’est pas de l’ordre de la liturgie, mais de l’intime.

Il y a un présupposé dans la manducation du pain et du vin, « Croire ! » C’est par la foi que dans la Cène l’on s’ouvre aux bienfaits acquis par le sacrifice de Jésus. La foi peut être donnée spontanément, elle me paraît le plus souvent acquise de haute lutte. Il faut répéter le mantra des milliers et des milliers de fois pour rallier l’énergie du Guru. La Cène, elle, nous répète incessamment un sacrifice d’amour. Nous pourrions presque éprouver de la honte, ou de la culpabilité. L’amour de Jésus m’a toujours semblé abstrait, comment l’éprouver à travers l’épaisseur de la liturgie et des dogmes ? Comment, de son côté, le lama atteint-il l’illumination, soit la parfaite union avec le cosmos vivant, sinon en se dévouant à la méditation jusqu’à la mort ? Même chez les plus fervents adeptes, l’illumination du Bouddha, soit la « claire lumière », est très rare ! Certes, l’on médite pour quitter le samsâra, s’éloigner définitivement du sensible, mais c’est le corps cependant qui permet de soutenir cette assiduité, même dans la vie frugale, les privations. Selon la pratique de la luminosité dans le Dzogchen, exercice de la nature de l’esprit,Sogyal Rimpoché rappelle : Lorsque vous méditez, ayez la bouche entrouverte comme si vous étiez sur le point d’émettre un « Aaaah » profond et relaxant. Il est dit que si l’on garde la bouche entrouverte en respirant principalement par celle-ci, les « souffles karmiques » qui créent les pensées discursives ont moins de chances de s’élever et de créer des obstacles dans votre méditation.

Cependant, croire demeure un mystère. Comment véritablement croire à ce qu’on ne voit pas, qu’on ne sent pas, et qui demeure une supposition, une hypothèse ? Est-ce que « croire » n’est pas s’adonner à l’illusion ? Qu’est-ce qui nous prouve le contraire ? Ce n’est pas par la raison rationnelle, « fermée » qu’on pourra y répondre. Mais par la raison « ouverte », celle de l’intuition, celle du cerveau droit. Encore cette réponse est-elle inaudible pour qui n’est pas partie prenante ! Qu’est-ce qui est l’illusion ? Le corps physique, vivant, ou un corps impondérable, autre ? La vérité est-elle l’illusion elle-même ? Comment cette vérité se donne-t-elle l’apparence d’une quête absurde ? Comment en sort-on ?

À l’acte de croire, répond le silence. Ce n’est pas le croire d’un humain à un autre. Dire à l’autre « Je crois ce que tu me dis », c’est donner une gratification à l’autre. Une forme d’amour s’installe dans la confiance. Rien de tout cela ici. Peut-être n’y a-t-il pas d’amour du tout. On peut ressentir la solitude, le découragement. J’ai demandé jadis à un prêtre, « Comment arrivez-vous à croire ? » « Par la prière », m’a-t-il dit. Il ne s’agit pas de réciter des avepater à longueur de temps. La prière ne peut en aucun cas contenir une demande. La prière est une affirmation. Demander, c’est affirmer implicitement un manque. Si vous demandez un manque, que pensez-vous recevoir ? Si vous affirmez une plénitude, une présence, c’est tout autre chose. La prière cesse d’être ardue. Ma grand-mère récitait son chapelet des jours entiers, et le soir à genoux dans l’obscurité et elle n’était pas heureuse. La prière était une lutte, la vie, une misère.

Croire à quelque chose qui apparemment ne survient pas, y croire fermement, croire à une puissance mystérieuse qui exauce peut paraître loufoque. C’est comme rouler sur un chemin sans destination. Cependant, le chemin existe. Il faut rouler sans certitudes, des jours entiers, sans savoir à quoi s’attendre. Peut-être mourra-t-on en route ?

Dans « Crainte et Tremblement », le philosophe Kierkegaard décrit le désespoir profond d’Abraham lorsque Dieu lui ordonne de sacrifier Isaac, son fils bien-aimé ! Dieu ne peut être que juste, comment peut-il ordonner un tel crime, une telle ignominie ? Cependant, la foi d’Abraham en Dieu est inébranlable ! Il ne peut désobéir ! Il prépare le bûcher et le couteau qui tranchera la gorge de son fils ! Il est au comble de l’accablement ! Il éprouve, en même temps, une foi intense, absolue, inimaginable ! Il croit en Dieu. Il aime Dieu. C’est à ce moment précis qu’apparaît le bélier qui sera offert en sacrifice. Croire c’est être toqué, il faut être dingue jusqu’aux os ! Pour qui peut l’endurer, la foi est un cadeau, cet acte hystérique a un sens. Certains ont besoin d’un groupe pour prier, d’autres doivent se replier seuls avec eux-mêmes, dans la solitude. Dans l’un et l’autre cas, l’on se retrouve dans la profondeur sans fond de soi-même.

Existe-t-il, quelque part, un fait « divin » auquel croire, ou bien est-ce la foi elle-même qui le crée ? Si je crois en la nature du Guru, le mantra devient actif ! Quelque chose est sublimé. L’on ne croit pas avec le mental, pas davantage avec les sens. L’on croit avec une intuition bienveillante, non exigeante. L’on peut croire sans aucune référence religieuse précise, c’est là un acte d’autonomie, de certitude de soi. C’est éprouver que l’on est plus que nos sensations, plus que nos émotions, plus que tout notre bagage, intellectuel ou spirituel. Telle est la croyance dans le New Age. De l’acquis divin, l’hostie reçue sur la langue, l’on passe désormais à l’autonomie sans retour, inexpliquée. L’on décide d’opter pour le vivant, non pas celui de tous les jours, ordinaire, mais le vivant sublimé, que l’on ne ressent pas, mais qui nous enveloppe. Nous sommes là au-delà des affects, des petites pulsations sensibles qui pourraient nous méprendre.

Il faut s’écarter de toute métaphysique, de toute spéculation. Le vivant est. Il apparaît sans doute plus intense aux uns qu’aux autres. Cela ne tient pas au vivant lui-même, mais à la capacité à le recevoir, à le laisser s’infiltrer dans nos « corps subtils », là où réside le souffle transmuté, impalpable.

Qu’est-ce que le « cosmos vivant » ? C’est l’omniprésence du corps transmuté. C’est le rayonnement du vivant, son extension en toute chose. Si le New Age a présenté un bond dans l’évolution – je veux bien en admettre l’hypothèse – c’est sa captation subtile et forte de l’énergie – mot galvaudé mis à toutes les sauces des sensations ou des pulsions. Si tout à coup j’agresse mon voisin, est-ce un ordre venu de l’énergie ? Qu’est-ce que l’arbre vivant, par exemple ? C’est un arbre dans lequel je reconnais un certainrayonnement. Comme un flux se répand autour de lui, et qui m’englobe. C’est moi qui ressens ce flux, et je peux être dingo. Cependant, une forêt me régénère parce qu’elle est forte d’une multiplicité de ces flux. Les habitués du développement personnel connaissent la « thérapie » de l’arbre. Soit on entoure le tronc des deux bras en y portant pleine conscience, soit on tient les mains à quelques centimètres de l’écorce, jusqu’à sentir une légère vibration ou une douce chaleur. Il y faut bien sûr une disponibilité intérieure, ne penser à rien, ne rien vouloir. Il faut se placer entièrement dans le geste accompli.

Il faut comprendre qu’il existe un ressenti de chair, mais aussi un ressenti d’énergie. La difficulté est que les deux sont superposés, intriqués. Joindre cette conscience vibratoire est le fruit de notre attente heureuse –, pas d’anxiété, pas de volonté, une relaxation dans la respiration consciente. Celle-ci est celle qui a été enseignée par le Bouddha dans le discours sur l’établissement de l’attention. Je respire et je sais que je respire. Dans ce savoir, je suis déjà dans une réflexivité qui est plus que moi-même.

Ce qu’ont compris les habitants de Findhorn, c’est qu’un champ cultivé vibre. Cette vibration est comme une eau de source qu’on capterait pour aller la porter en conscience à chaque plante. Le résultat dépasse l’imaginable !