L’homme qui tremble, suivi de « Dire le Nord » - Jacques-André Libioulle - E-Book

L’homme qui tremble, suivi de « Dire le Nord » E-Book

Jacques-André Libioulle

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Beschreibung

Que faut-il faire quand tout à coup la terre se met à trembler, non pas violemment, mais de manière continue, pénétrante et dérangeante ? Dans ces moments, l’incompréhension se transforme en angoisse. Simultanément, la ville, le pays tout entier, les pays voisins, le continent sont touchés. Les sismologues, déroutés, n’expliquent pas ce phénomène et ne peuvent prédire sa durée.
Cependant, Joseph Prolo, journaliste d’investigation, pigiste, observe que l’on peut lâcher prise, se laisser bercer par les tremblements et vivre autrement. Tandis que d’aucuns perdent le Nord, un père et son fils cherchent à découvrir ce qu’est le Nord dans « Dire le Nord ».


À PROPOS DE L'AUTEUR


Philosophe, auteur dramatique et romancier, Jacques-André Libioulle appréhende l’écriture comme une méditation, un art du ressenti. Sur plusieurs radios nationales, il a partagé son goût pour la culture.

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Seitenzahl: 143

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Jacques-André Libioulle

L’homme qui tremble,

suivi de « Dire le Nord »

© Lys Bleu Éditions – Jacques-André Libioulle

ISBN : 979-10-377-8033-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Je dois m’aliéner dans ma représentation de moi-même afin d’apparaître sous la forme d’un être humain. Il s’agit du processus même de l’existence. Qu’est-ce que se libérer sinon cette faculté de pouvoir rompre cette aliénation de soi dans mes propres identifications ? La liberté est possible non seulement lorsque j’entrevois cette liberté de défaire les représentations, mais lorsque je sais que mon identité demeure fondamentalement inassignable.

Éric Rommeluère, Les bouddhas naissent dans le feu

Première partie

1

Moi, j’imagine ce que je veux. J’imagine, c’est tout. Pas de compte à rendre à quiconque. L’étrange c’est que, au fur et à mesure, ça devient réel. Ça sort de moi, ça devient extérieur, c’est réel.

On sait ce que ça veut dire.

On croit au réel.

Plutôt non, on croit à la réalité. Celle qu’on peut toucher. Le réel, c’est une supposition. C’est une extrapolation.

On ne sait pas pourquoi la réalité est réelle. Mais on fait l’hypothèse.

On s’appuie sur l’hypothèse.

Puis on oublie l’hypothèse.

On s’installe dans la réalité.

On compte dessus.

On oublie et on fait confiance.

C’est confortable.

Le chien le sait bien. Il lui faut quatre pattes pour se sentir confortable.

Nous n’avons que deux pattes, mammifères glorieux que nous sommes. Deux pattes, c’est plus difficile. Il faut un apprentissage. Consentir à cet apprentissage. Tout en sachant que nous pouvons toujours tomber de notre hauteur. Si faible qu’elle soit, on peut toujours tomber.

Il y a dans notre race un tremblement latent. On est faits comme ça, êtres vulnérables à toute chose.

Êtres fragiles.

Autre question : est-ce que le réel est vivant ?

Nous ne savons pas.

Nous n’expérimentons que la réalité. Malgré cela, nous savons peu de la réalité. La réalité serait une force émergente.

Elle surgirait d’un ordre impliqué. Quelque part, plié, dans un océan d’énergie. Je l’ai lu chez un grand scientifique.

Ça m’a fait penser que nous vivons dans l’instable. Tout en imaginant le contraire. L’instable est impliqué.

Ce réel, il me fait peur.

Je peux l’imaginer autre, certes. Ça ne me rassure pas.

Que dans ma réalité se cache le réel, un réel mouvant, invraisemblable, je ne dis pas non.

Je fais comme si…

Mais j’imagine ce qui me plaît.

D’où vient que nous imaginions ? C’est une drôle d’histoire. Nous ne nous contentons jamais de ce qui est.

C’est la maladie d’imaginer.

Donc aussi d’écrire. C’est maladif, tant pis.

Gertrude Stein écrit : « Peut-être n’y a-t-il que deux façons d’écrire. Il y a une façon, la façon courante d’écrire qui est écrire ce que vous écrivez. L’autre façon est également une façon courante. C’est écrire, c’est-à-dire écrire ce que vous allez écrire […] Et comment savez-vous qu’il y a deux façons courantes d’écrire et qu’il y a une différence entre ? […] On écrit soit comme on écrit soit comme on va écrire et l’on peut ou non choisir de faire ce qu’on va faire. »

Si l’on réfléchit à cette question, on est parti pour un violent casse-tête. Gertrude Stein savait ce qu’elle voulait dire, mais elle ne nous l’a pas dit. D’autant plus que l’une ou l’autre façon d’écrire doit être spontanée.

Elle doit être absolument instantanée. L’instantané doit être comme le vivant, si l’on recherche le vivant.

Le vivant fait que l’on vous croit.

On ne choisit pas d’être vivant. On est vivant ou pas. Si vous êtes vivant, on vous imagine plausible. Parce que tout le monde recherche le vivant. Être et rester vivant.

C’est prioritaire.

Écrire ce que vous allez écrire, comme l’affirme Stein, la compagne d’Alice B. Toklas, me paraît nettement moins vivant qu’écrire.

Je me trompe peut-être.

Écrire est une explosion originelle, sans « Je ». Plus exactement, le « Je » est dans l’explosion. Il se confond avec elle. Il n’est pas montré, raconté.

Il est l’acte pour l’acte.

J’en reviens ainsi à imaginer.

Est-ce que je peux imaginer ce que je vais imaginer ? Non, bien sûr ! Il n’y a pas de choix. Imaginer c’est imaginer. L’acte pour l’acte. Si je projette d’une manière ou d’une autre l’imaginer, je n’imagine plus.

Je ressasse !

Le temps pour l’imagination de foutre le camp.

Je n’écris pas ce que j’imagine. J’écrimagine, ça suffit. Question de coller davantage au vivant. Le vivant peut être invraisemblable. Cependant, il n’imagine rien. Il vit, il ne connaît que ça !

L’homme vivant tremble. Imaginons !

L’homme tremble comme il respire. C’est un fait. Il ne le sait pas, il ne le montre pas. Il ne le sent pas sans doute. Le tremblement est dans sa nature de bipède égaré.

C’est un égarement naturel, transmis d’une génération à l’autre. C’est dans le noyau des cellules. Comment se fait-il que tout ça soit si ténu, si vulnérable, dans sa pauvre carcasse ? C’est comme caché dedans. Mais ça peut jaillir au-dehors, brutalement ! D’une manière éclatée. Inopinée !

C’est-à-dire que quelque chose du dedans se déchire, survient, craque au-dehors ! Quelque chose de pas encore expérimenté, donc pas connu.

Alors il tremble, l’homme. C’est comme ça !

Donc, à partir de là, imaginons ! Déroulons le tapis, au fur et à mesure ! Sans plus !

2

J’ai commencé à ressentir un tremblement rapide. C’est dans ma tête sans doute. C’est ténu. Il faut être attentif. Un vase, sur la commode de la chambre à coucher, se met à émettre un petit bruit tremblé. C’est mécanique, on dirait un moteur. Je m’étonne. Je vais pour l’arrêter. Il ne s’arrête pas. Il est passé dans ma main. C’est ma main qui tremble. Et mon avant-bras, jusqu’au coude. Je lâche le vase, ma main ne tremble plus, ni mon avant-bras. Mais je sens quelque chose dans les pieds. Mes pieds sont nus, à plat sur le sol, et je ressens quelque chose.

Comme un fourmillement dans la plante.

Ce n’est pas un fourmillement.

C’est quelque chose qui bouge, léger et rapide. Je lève un pied, c’est dans l’autre. Je lève l’autre, c’est dans le premier.

Ça vient du plancher.

Il y a quelque chose dans le plancher. C’est absolument bizarre. Pourtant, il n’y a pas de travaux dans l’immeuble. Il n’y a pas de travaux dans le quartier.

Ça aurait pu être une machine.

Ce n’est pas une machine.

Je vais pour inspecter les compteurs électriques. Rien.

Je reviens dans la chambre jusqu’au lit. Ma femme dort encore, découverte. Les petits seins roses respirent tranquillement. Elle a peut-être ressenti quelque chose et s’est tournée.

Elle s’est tournée, découverte, ressentant quelque chose dans les reins. Elle a cru que c’était dans le subconscient. Une agitation infime, mais régulière dans le subconscient.

Comment est-ce possible, cette agitation dans le rêve ? Comme je me penche sur elle, elle se réveille. Quelle heure est-il ?

Il est encore tôt.

Quelle heure ?

L’aube vient de se lever.

Il y a quelque chose qui m’énerve dans le lit. Il y a une vibration dans le lit. C’est anormal.

Je touche le montant du lit et je sens une petite instabilité vibrante.

Fine et entêtante.

Ma femme se lève et va à la salle de bains. Elle examine et caresse sa poitrine. Puis, « Oh ! Regarde ! », dit-elle.

La brosse à dents tremble très légèrement dans le gobelet à dents.

C’est curieux, je dis.

Est-ce que tu as écouté la radio ?

Pour quoi faire ?

Ils vont peut-être fournir une explication.

Pour si peu ?

Tout ce qui est inhabituel, ils vous le signalent. Il suffit que des gens aient remarqué quelque chose et appelé.

C’est stupide !

Les gens s’inquiètent tout de suite quand il se passe quelque chose. Ils développent une anxiété.

Ils trembleraient parce que quelque chose tremble ? Est-ce vraiment un tremblement ? Ma femme va préparer un café à la cuisine. Je place les coudes sur la table, les mains l’une sur l’autre. J’appuie les coudes.

Je me concentre.

Pendant ce temps, l’eau chauffe dans la bouilloire.

Oh ! Joseph ! La bouilloire s’agite !

C’est l’eau qui bout, je dis.

L’eau ne bout pas encore !

Elle verse l’eau chaude sur le filtre dans la cafetière. Après un moment, la cafetière tremble. Ce sont peut-être les travaux du métro, le nouveau ? On construit une ligne très profonde.

Si c’était cela ?

Il faut que les gens se mobilisent ! Qu’est-ce que ce sera quand il y aura les rames ? Dis donc, il n’est pas huit heures trente ! Les ouvriers commencent à huit heures trente.

Comment le sais-tu ?

C’est la première fois qu’on ressent ça ! Donc ce n’est pas le métro. S’ils creusaient depuis plusieurs jours, on l’aurait remarqué.

Pas sûr !

Avant, ils étaient peut-être en terrain mou, maintenant ils sont dans de la roche avec des engins perforateurs !

C’est effrayant des engins perforateurs !

Ce n’est qu’une hypothèse.

Nous buvons le café. Les tasses tremblent dans nos doigts. Je me concentre. Ce sont de très petits mouvements rapides de va-et-vient. Je le sens ! C’est quelque chose qui use. Ce frottement use. Ce n’est plus un tremblement. C’est plus qu’un tremblement.

Tu sens ça aussi ? Est-ce qu’il commence à gauche ou à droite ?

Comment je le saurais ?

Ma femme se concentre.

Il faut qu’on inspecte toute la pièce ! Qu’on aille voir jusqu’à l’escalier au palier !

La rampe de l’escalier tremble.

Ma femme veut appeler les pompiers.

Pas pour une imbécillité pareille !

Ma femme le fait ! La ligne est surchargée. Il faut appeler ultérieurement. Ma femme commence à paniquer, elle n’a même pas passé un chemisier.

Il y a peut-être eu une explosion quelque part, je hasarde. Ce serait l’onde de choc.

C’est au moins une bombe atomique !

Elle se couvre d’une serviette et va frapper chez la voisine, qui ouvre en pyjama. Non, elle n’a entendu aucune explosion. Ce n’est peut-être pas une explosion. Est-ce qu’elle ressent quelque chose ? Un frémissement ? Elle lui répond qu’elle est vieille. À son âge, les sens sont moins affûtés.

Maintenant, le tremblement est sur les marches de l’escalier. Un léger grincement, une plainte. Je commence à descendre.

Il vaut mieux se tenir à la rampe, je dis.

3

Nous décidons d’aller reprendre un petit déjeuner dehors, plus complet. Dehors, le petit déjeuner réconforte. Nous descendons à pied nos deux étages. Ça grince, on dirait que l’escalier rouspète sous nos pieds. Nous arrivons en bas en même temps que l’ascenseur. La voix mécanique prononce « rez-de-chaussée » d’un ton mat.

Quelqu’un cherche à sortir.

La porte de l’ascenseur, à l’intérieur, est bloquée. Elle refuse de s’ouvrir. La personne se met à frapper contre la porte. Elle ne s’ouvre pas. La personne appelle, « Ouvrez ! »

Ça refuse de s’ouvrir.

Elle frappe plus fort, des coups répétés. Rien à faire.

Elle tambourine maintenant, tout en criant. Nous, on ne peut rien faire. La grille extérieure est bloquée tant que la porte intérieure est coincée. Il n’y a plus de gardienne, par souci d’économie. Nous n’avons personne pour intervenir. La personne actionne le SOS à l’intérieur de la cabine de l’ascenseur.

Une voix grésille comme à mille kilomètres. La personne doit faire répéter. Les ouvriers ne pourront pas venir avant 13 h. Il n’est même pas 9 h. La personne tape rageusement sur toute la cabine de l’ascenseur. Elle jure en même temps.

Elle donne de violents coups de pied. La cabine résonne comme une caverne. Une alarme stridente se déclenche. La porte reste fermée, obstinément.

La porte intérieure ne se bloque jamais. Mais l’électronique, c’est sensible. C’est à cause de ce tremblement. Ça peut vous dérégler, un ascenseur. C’est vous dire. Ma femme insiste pour que j’aille à la recherche d’un électricien. Je sors de l’immeuble.

Au bout de dix minutes, j’en trouve un. Il me dit qu’il n’intervient pas pour les ascenseurs.

Pourquoi ?

C’est une question de reconnaissance des statuts professionnels, paraît-il. À chacun son domaine. Et il y a la question de la sécurité.

Je lui répète qu’une personne est bloquée. Il hausse les épaules. Comme si c’était quelque chose d’exceptionnel.

Nous allons prévenir la personne enfermée qu’il faudra patienter encore un bout.

Du coup, la personne se met à m’engueuler. Comme si j’y étais pour quelque chose dans cette saleté d’ascenseur et dans ce tremblement idiot !

4

Il fait doux et chaud à l’intérieur. Café, crème, confiture, croissants. Le plateau tremble dans la main de la serveuse. Elle me dit, non c’est moi. Je suis nerveuse. Je ne crois pas que vous soyez nerveuse, je dis. Elle me répond que tout le monde est énervé ce matin.

Regardez, je dis, vous venez de déposer le plateau sur la desserte et le plateau tremble tout seul.

Ce sont les vibrations de la salle, me dit-elle.

Vous pensez que c’est normal ?

Je vais le signaler au patron. Le patron s’en fout et l’envoie balader !

Les croissants sont chauds et délicieux. Nous ne pensons plus à autre chose. Après un temps, un verre tombe au comptoir.

Jurons du patron.

On dirait que ça s’est amplifié. J’avise le patron. Bon Dieu qu’est-ce qui ne va pas ce matin bordel ! Il me dit que c’est normal. Qu’on l’emmerde pour quelque chose de normal. C’est tous les jours pareil. C’est parce que je ne viens pas assez souvent.

J’insiste.

Il me prend pour un cinglé, c’est sûr. Il sourit à ma femme d’un air entendu et compatissant à la fois. De la fenêtre nous observons des gens qui se rassemblent. Ils ont l’air de scruter le sol puis c’est le ciel. Une voiture de police s’arrête et repart. Nous payons et sortons.

Je demande aux gens pourquoi ce rassemblement ?

Nous ressentons une sorte de glissement sous nos pieds, disent-ils. Comme si le sol devenait mou. Ce n’est peut-être qu’une impression.

Mais quelqu’un observe une fissure sur le bitume. Il n’en manque pas sur la chaussée. Mais celle-ci est particulière. Elle s’est produite à vue. Tout le monde regarde le bitume, hagard. Si le sol bouge, les bâtiments vont bouger aussi. C’est le début d’un tremblement de terre, peut-être. Surtout que nous sommes dans une grande ville. Les tremblements de terre affectionnent les grandes villes. C’est bien connu.

Vous comprenez, Monsieur, si quelque chose nous tombait de là-haut ! Des tuiles, des briques, des fragments de pierre, que sais-je !

C’est ce que vous attendez ?

Non, Monsieur, nous évaluons le risque. La police est prévenue.

Il faudrait plutôt un véhicule du Samu !

Ils n’interviennent que s’il y a un accident, Monsieur.

Vous attendez l’accident ?

Non, Monsieur ! Nous attendons le déroulement des événements. Regardez ces fissures par terre ! Des dizaines !

Il faut avoir de bons yeux !

Il faudrait coller l’oreille au sol ! Se rendre compte s’il y a un bruit. Vous ne voulez pas…

Non, Monsieur ! Non ! Merci !

Les gens s’énervent parce que le tremblement de terre ne vient pas. On dirait qu’il hésite. Ils voudraient le tremblement de terre pour en être quittes. Moi, je ne suis pas habile à interpréter le bruit des pierres, trottoirs, chaussées, dalles, murs, tout ce que vous voulez !

5

À la fin de la journée, il y a des groupes plus compacts, çà et là. Tout le monde est sur les nerfs. Il y a une voiture de la Protection civile. Je reviens de mon journal. Je suis chargé d’investiguer sur la « Fondation pour l’intelligence et le progrès de l’homme ». Je dois me décarcasser.

Qu’est-ce que ça veut dire, « intelligence » ? Qui n’est pas « intelligent » ? Vivre exige de l’intelligence. Ceux qui vivent à peu près se ramassent.

Il est clair que le tremblement est plus marqué. Si on se tient immobile, jambes écartées, de la largeur des épaules, on ressent comme des mouvements dans les tibias.

Parfois, ça monte jusqu’aux genoux.

Et si tout ça devenait du chewing-gum ?

Une nouvelle crevasse est apparue sur un trottoir. Certains de la Protection mesurent : un centimètre et demi. C’est plus qu’une fissure. Ils plaquent une joue au sol. Ils entendent des grondements.

Ce sont ceux des véhicules sur l’artère voisine. La Protection civile arrête la circulation sur cette avenue.

On n’entend plus rien.