Sade Chapitre 2 - Nade Arslan - E-Book

Sade Chapitre 2 E-Book

Nade Arslan

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Beschreibung

Je croyais maîtriser la situation. Pour la première fois depuis mon existence, j’ai eu tort.

Je l’ai faite captive pensant qu’elle finirait par céder.

Qu’elle deviendrait mienne.

Je me suis trompé. Érévane ne se laisse pas dompter.

Elle n’a rien d’une femme docile.

Elle me défie. Elle me fuit.

Elle m’obsède.

Il est temps de lui montrer que je n’ai pas de morale, ni de tendresse à offrir.

Je la veux elle.

Seulement elle.

Elle incarne l’obsession.

Elle est l’unique.

L’ultime.

Une déesse.

La mienne.

Avec ou sans son consentement. Vous qui me lisez depuis mes débuts, vous savez jusqu’où je suis prêt à aller pour la posséder.

TW: Ce roman est une darkromance, abordant des sujets comme abus sexuels (consentement discutables et viols), addictions, violences physiques et psychologiques, sang, meurtres. Des scènes, des propos peuvent heurter la sensibilité d’un lecteur non averti.


À PROPOS DE L'AUTRICE 

Nade Arslan est née à Viriat en 1991. A l’âge de 8 ans, elle se passionne pour la poésie et se découvre un amour pour les mots en participant à un concours d’écriture. Auteure de la saga « "Sade" », Nade Arslan met seize ans à développer l’univers tout entier de la chronique à travers les péripéties d’un personnage à la fois mystérieux, dangereux et captivant.





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Seitenzahl: 377

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Couverture par Scarlett Ecoffet

Maquette intérieure par Scarlett Ecoffet

Correction par Emilie Diaz

© 2025 Imaginary Edge Éditions

© 2025 Nade Arslan

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.

Le code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou production intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

ISBN : 9782385722548

Avertissement

 

 

 

Cette saga contient des scènes qui font référence aux abus sexuels (consentements discutables et viols), aux addictions et aux violences physiques.

 

 

 

 

Ce roman est interdit aux -18 ans.

Remerciements

 

 

À mon mari, mon premier bêta-lecteur, qui relit chaque phrase avec une patience infinie et une foi inébranlable en mon travail. Merci de croire en moi.

À ma fille Nina, qui m’apprend chaque jour à regarder le monde avec douceur et patience.

À ma maman, pour l’amour inconditionnel, ses racines et cette détermination dont je m’imprègne au quotidien.

À mes frères, pour leur force et leur soutien à chaque nouveau projet.

À mon père, pour les valeurs transmises et pour être, à sa manière, toujours présent.

À mes belles-sœurs, pour les liens tissés au fil du temps et la complicité partagée dans les moments simples.

À Romy et Rose, mes petites nièces, qui rappellent qu’écrire, c’est aussi transmettre (il me tarde que vous lisiez ces lignes, les filles !).

À l’Arménie, berceau de tant de douleurs et de tant de grandeur. Ce roman vous rend hommage, peuple arménien.

À ma famille, dans son ensemble, pour son soutien inconditionnel, sa patience, ses encouragements et cette façon unique de me faire me sentir aimée.

À mes abonnés, fidèles lecteurs et soutiens du quotidien : Gilles, Séverine, Adeline, Mélissa, Corinne, Aurélie, Lorelai, Mathieu, Marion, Imène et tous les autres. Vos messages, vos partages, vos émotions me rappellent chaque jour pour quoi j’écris.

Enfin, à ma maison d’édition, pour m’avoir permis de porter SADE toujours plus loin.

Merci à chacun de faire, à sa manière, partie de cette histoire.

PROLOGUESade

 

 

Je n’aime pas. Je détruis. Je possède.

@mszlt_book

 

      

 ♫ Kill The Tides (Instrumental)

Kill The Tides (Instrumental) 2WEI, Bad Guitar & Rayforce ♫

 

 

Habituellement, j’avais une rage en moi. Une folie familière.

Aujourd’hui, je ne me reconnaissais pas.

Mon obsession pour elle me déstabilisait.

Je ne savais pas comment aimer. Je n’étais pas fait pour ça.

J’étais né pour soumettre, pour incarner un instinct de domination.

Or, elle faisait ressortir ce qu’il y avait de plus inespéré chez moi.

Et je détestais ça.

Il était dit que l’on pouvait tomber amoureux en l’espace d’un regard, d’un murmure, d’un gémissement, d’une caresse et d’un cœur qui bat, en un temps record. Je m’étais toujours cru imperméable à cette absurdité.

Ça avait été une journée comme les autres. J’aspirais à accomplir ce que je savais faire de mieux : tuer, torturer et dévorer en utilisant le prétexte d’une mémoire à venger. Puis il y a eu ces yeux noisette et émeraude à la fois, sa sombre chevelure, ses fossettes creusant sa peau ambrée.

Et ce fut un tremblement de Terre.

J’avais manqué une respiration, me retrouvant le souffle coupé par cette silhouette époustouflante.

Mes pensées ne parlaient plus que d’elle, et ce même lorsqu’elles étaient imbibées d’alcool. Nash me suggérait de faire preuve de courage avec elle. De braver l’impensable. Or, ce n’était pas un effort sur moi-même que je devais faire. Je n’avais besoin de mobiliser aucune force. Je n’avais pas peur de la prendre, je n’avais aucune crainte à en abuser. J’avais exploré mentalement chaque approche pour dompter sa chair, l’habiller de mes désirs et la marquer de mes fantasmes. J’avais imaginé mille façons de l’abîmer à la manière d’une offrande sacrée, de la faire céder à ma violence sous les traces irrévocables de mes excès. Je m’étais souvent interrogé sur le goût que pouvaient avoir ses lèvres lacérées par ma cruauté. J’avais tenté à de maintes reprises d’envisager quelle sensation cela aurait de l’entendre m’implorer lorsqu’elle se plierait à ma brutalité, abandonnant sa liberté sous le sceau de mes exigences.

Depuis que je l’avais rencontré, quand je baisais, c’était à elle que je pensais dorénavant. Toutes les autres femmes n’étaient plus que des simulacres.

Elle était l’obsession.

Elle était l’unique.

L’ultime.

Une déesse.

La mienne.

Avec ou sans son consentement.

Et pourtant.

Vous l’aurez compris, elle m’était interdite.

Ce n’était donc pas par manque de courage que je ne l’avais jamais ne serait-ce qu’embrassée, mais par crainte des conséquences que cela engendrerait, car dès lors que je ferai d’elle ma reine, elle sera la cible de tous mes ennemis.

Et bien pire encore.

L’Amour, que j’avais méprisé des siècles durant, avait eu raison de moi.

Tel s’était épris qui croyait méprendre.

CHAPITRE 1Sade

 

Je trempe ma plume dans l’inspiration et le cognac.

Sade

 

♫ Skinnydipped

BANKS♫

 

 

 

À bord de l’Alpha, chambre de Sade, 27 décembre 2021       

 

Les lumières de ma chambre étaient restées éteintes. Je demeurai allongé dans mon lit, les mains derrière la tête me servant d’appui. Le silence embaumait l’Alpha tout entier. Il était trois heures trente-sept du matin. La majeure partie de la pièce était faite de verre. Les profondeurs abyssales sommeillaient, le souffle retenu au passage de ce puissant submersible. Bientôt, il amarrerait dans les entrailles d’Agartha, terre des enfers. Mon regard d’acier fixait le plafond détaillant chaque reflet d’obsidienne, là où tout le monde n’aurait perçu que du noir. Dans la pénombre, l’obscurité me permettait d’observer davantage les reliefs.

J’étais un prédateur. Alors que ma proie n’aurait visualisé que des ombres, j’apercevais les nuances, les strates, les textures, millimètre par millimètre.

— Monsieur Joyce ?

— Effie ?

— Ne serait-ce pas judicieux de vous habiller ? suggéra l’IA.

J’esquissai un sourire.

— Tu es gênée par la vue ? plaisantai-je.

— Elle me laisse indifférente, rétorqua-t-elle tout naturellement.

Je haussai les sourcils, abandonnant un rire franc, dévoilant une dentition d’une blancheur éclatante même dans les ténèbres.

— Voyez-vous ça ? surenchéris-je. Tu es bien la seule…

— Faux.

Mon expression se durcit.

— Pardon ?

— Nous sommes deux. Il semblerait qu’Érévane le soit tout autant.

— Effie… râlai-je.

— Oui ?

— Ne me parle pas d’elle, sifflai-je.

— Comment vous sentez-vous depuis cet affrontement ?

— Ce n’est pas à moi que tu devrais poser la question.

— Érévane n’a pas trouvé le sommeil de la nuit, en effet, même si elle s’est endormie il y a treize minutes de ça.

Mes paupières se fermèrent lourdement.

— Elle n’a fait que pleurer. Elle souffre de maux de tête.

Je serrai les poings en dégageant mes bras, me redressant lentement.

— La fatigue a fini par avoir raison d’elle. Elle a tenté de sangloter en silence et…

— Stop.

Je soupirais, assis sur le rebord de l’immense lit.

— Je l’ai entendu, Effie. Je sais tout ça.

— Vous culpabilisez.

— Disons, je ne supporte pas de la voir dans cet état.

Je fis semblant de l’ignorer, mais en vérité, je n’avais simplement jamais éprouvé cette sensation. Je n’avais observé cette émotion que chez les autres.

— Que comptez-vous faire ?

— Que me conseilles-tu ?

— Selon mon analyse la plus censée, vous devriez la libérer. Elle devra néanmoins vivre cachée quelques années, le temps que les rumeurs, véhiculées par les deux agents de police de New York, s’estompent.

— C’est impensable.

— Vous doutez de ces prédictions ?

— Je veux dire, je la désire pour moi seul. Je ne la laisserai jamais m’échapper.

— Vous vous comportez de manière à ce qu’elle vous fuie, comment souhaitez-vous qu’elle ne cherche pas à se dérober ?

— Nash t’a payée pour me sortir une telle absurdité ?

— Je ne peux être soudoyée par un quelconque in…

— Effie… Je n’attendais pas de réponse.

— C’était donc ironique ?

— Effectivement.

— Je l’ajoute à ma base de données.

— Laisse-moi.

— Très bien, néanmoins, vous paraissez tourmenté. Vous devriez revêtir une tenue et rejoindre votre frère pour échanger. Ne restez pas dans cette situation, car votre vulnérabilité au cognac ou aux femmes risquerait de vous faire en consommer en excès, encore. Et vous en prendre à elle, encore.

Elle appuya volontairement sur cette dernière répétition. La naissance d’un semblant de Mugi la poussa à fuir, aussitôt. Il n’y avait rien d’instinctif dans sa réaction, elle était programmée pour ça. Elle comprit, tout comme un individu le ferait, qu’elle devait se taire face à mon impatience : c’était un prélude.

Une menace à ne pas sous-estimer.

À quoi bon converser avec une IA ? Là où vous vous précipitiez à la poursuite de leurs usages, j’avais parfaitement conscience des limites de ces outils. Elle était uniquement mes yeux et mes oreilles quand j’avais besoin qu’elle le soit.

Rien de plus, ni de moins.

Je fermai les paupières, ancrant mes coudes à mes genoux, les doigts joints pour accompagner mes réflexions. J’avais en mémoire le regard tétanisé d’Érévane et cela me rendait fou. Elle avait regretté son insolence une fois que j’avais imposé la peur. C’était injuste pourtant, j’en avais bien conscience. Elle était en colère contre moi et, en toute logique, elle avait entièrement raison. Je l’avais instrumentalisée à New York, soumise à Agartha, recluse dans l’Alpha et déracinée de Paris.

C’était légitime. Je la gardai captive, avec moi et malgré elle. Sans compter que je l’avais utilisée comme appât pour orchestrer la mise à mort de son agresseur. Je lui avais menti et les choses ne s’étaient pas passées tel que prévues. Elle s’était retrouvée en danger : il avait failli la violer, à nouveau, et il était venu pour l’exécuter.

Il l’avait effleurée, encore.

Je n’aurais pas dû tuer cette pourriture.

Il aurait mieux valu le garder vivant et lui infliger une éternité de torture.

Incessante.

Monstrueuse.

Joycienne.

Je l’avais pourtant abattu pour elle.

Mais également pour moi.

Surtout moi.

Je n’envisageais pas savoir l’unique homme qui l’avait touchée en vie.

Je désirais être le seul.

Et bientôt je le serais.

Celui à qui elle appartiendrait.

Parce que si elle ne me veut pas moi, elle mourra.

Elle n’aura pas le choix.

— À quoi pensez-vous ?

— À te déprogrammer, mentis-je.

— C’est vous-même qui m’avez conçue pour ne pas laisser vos crises existentielles vous envahir, se justifia-t-elle.

— Je n’arrive pas à me sortir de la tête l’image de cet homme posant ses mains sur Érévane, Effie, capitulai-je.

Cette réminiscence m’obsédait et me rendait capable de détruire l’environnement autour de moi. C’était d’ailleurs une des raisons pour lesquelles je m’en étais pris à Érévane. Je vous vois venir cependant : bien sûr qu’elle n’avait rien demandé.

Evidemment que c’était pour elle double peine.

Néanmoins, je ne supportais pas de sentir le parfum de cet homme sur sa peau. Sans compter que j’avais échoué dans ce qui était la mission la plus importante de ma vie : venger India et anéantir ceux qui ont daigné s’acharner sur Érévane.

Mes sens, quant à eux, réclamaient sa chair.

Alors qu’elle avait exprimé le souhait de ne pas me suivre, j’avais manqué de la posséder jusqu’à l’excès dans une démonstration de mon autorité et devant mon équipage ce soir même.

Je me retrouvais pris au piège entre mes instincts, mes affects et leur envie d’en repaître jusqu’à l’ivresse.

Je pouvais la malmener et je savais jusqu’où j’étais en mesure de la réduire. J’avais dû faire appel à Nash, trahissant mes sens. Je ne me sentais pas en capacité de me maitriser.

Ma mâchoire se contracta à cette pensée.

Je n’étais plus un homme de contrôle depuis elle.

Le Monde ne tarderait à le comprendre.

Mes instincts m’indiquèrent les intentions de mon frère, anticipant son arrivée, devançant l’IA. Alors, je me levai, gagnant la salle de bain tout aussi sobre et sombre. J’attrapais une serviette d’un blanc immaculé que j’ajustais autour de ma taille, peinant à dissimuler les contours acérés de mon abdomen.

— Masse musculaire stable. Tension artérielle normale. Température physique : 37,2, annonça l’intelligence artificielle traduisant en données mon état somatique actuel, comme pour se rassurer elle-même.

— Cartographie le corps des autres, pas le mien Effie. Il est resté le même depuis des siècles.

— Pourtant, vous gagnez en densité.

— Tu veux bien arrêter ?

Je voyais bien ce qu’elle essayait de faire.

— Merci Effie, compléta une voix derrière moi.

Je ne pris pas la peine de me tourner.

— Nash, est-ce que tu es conscient que je sais quand Effie agit normalement ou non ?

— Une IA naturelle, vraiment ? ironisa-t-il, amusé par mon semblant d’agacement.

Il m’adressa un sourire que je lui rendis, plus faiblement. Je le rejoignis presque aussitôt dans ma chambre. Il se tenait debout, face à l’immense baie, observant l’obscurité sous-marine.

— Elle n’est pas parvenue à s’endormir avant un long moment, indiqua-t-il sans même tourner les yeux vers moi.

Son ton se voulait neutre, or je savais ce qu’il tentait de faire ressurgir chez moi.

Qu’est-ce qu’ils avaient tous à me préciser que j’avais perturbé le sommeil de cette Nivine ?

— Elle répétait des mots…

— Elle appelait sa mère, le coupai-je.

Mon frère possédait une hyperesthésie auditive supérieure aux Vampires cependant pas aussi développée que la mienne. Il pivota, plantant ses yeux dans les miens et demeura silencieux quelques secondes. Sa présence me faisait du bien. Lui et mon père étaient les seuls à qui je parvenais à me confier. J’hésitai un instant avant de choisir d’intervenir le premier :

— Nash… ce soir, j’ai failli…

Je pinçai les lèvres, la mâchoire prête à céder. Je contenais une furie qui désirait pourtant sortir. Cependant, il décida de me devancer en me coupant dans mon élan :

— Sade, tu as réussi.

Je fronçai les sourcils. Mon regard s’assombrit. Il ne me comprenait pas. Il ajouta alors :

— Tu n’as rien fait d’autre que parvenir à te freiner et demander mon aide, précisa-t-il.

— Pardon ? J’allais la violer putain Nash ! m’écriai-je.

— C’est comme ça que nous sommes faits, rétorqua-t-il aussitôt, le ton placide.

— Va te faire foutre.

J’étais résigné, ce qui ne lui échappa pas. Il tenta de me convaincre en surenchérissant :

— Tu as déjà fauté avec Europe. Elle ne t’en a pas tenu rigueur.

Je n’étais pas surpris. Vous peut-être. Nash était ainsi fait : d’acceptation et d’indulgence. Du moins, entre lui et moi. Jamais face aux autres, ni même devant vous. Il était authentique qu’entre Joyce seulement.

— Alors quoi ? Ça devrait m’aider à justifier une récidive ?

— Calme-toi bordel…

— Je vis dans le remords tous les jours depuis ce que j’ai fait à Europe.

— Quatre siècles après, alors qu’elle est constamment restée ?

— Elle est aussi tarée que nous, bien sûr qu’elle est toujours à mes côtés… Érévane n’est pas pareille.

Il secoua la tête. Il ne voulait pas que je me conditionne à croire que nous étions des monstres et que j’étais le pire de nous deux. Rien de son discours n’était censé. Je repris alors :

— Mes sens ressassent à longueur de temps la jouissance que les résistances d’Érévane m’apporteraient ! tonnai-je en frappant un poing sur ma tempe tel un fou enfermé à perpétuité.

— Arrête.

— Ils amplifient son parfum, sa voix, sa beauté pour me vanter la satisfaction perverse que procurerait la douleur que je pourrais lui faire subir.

— Arrête, répéta-t-il, conscient du tort que ces mots m’infligeaient.

Nash ne supportait pas de me voir souffrir.

— Ils veulent que j’opère un mal sur elle et que je prenne plaisir à le faire ! sifflai-je, à en crisser les dents.

Les veines de mon cou auraient pu exploser si je n’étais pas aussi infaillible.

— Sade…

Je décidai de l’ignorer, dégorgeant dans un râle le fardeau que je portais depuis le jour où mes yeux s’étaient posés sur elle :

— Ils s’insinuent dans mon sommeil pour essayer de me convaincre que lui arracher sa virginité ne ferait qu’exalter ma faim.

— Je serai systématiquement là pour t’en empêcher mon frère.

Nos iris algides se rencontrèrent enfin. Une seconde d’après, j’ajoutai :

— Ne le fais pas pour moi. Fais-le pour elle.

Nous nous comprîmes aussitôt.

— Tu seras toujours celui qui passera en priorité, confessa-t-il.

— Et elle sera toujours celle pour qui je sacrifierai tout, même moi-même, tranchai-je. Et ce jour-là, tu auras interdiction d’intervenir. Si de nous deux tu devais choisir, c’est elle que tu devras sauver.

Cette prédication le fit frémir. Il secoua lentement la tête, par la négative, à mesure que je prononçai ces mots.

— C’est un ordre. Celui d’un chef.

Nous marquions une pause dans cette lutte. Je tournai les talons, laissant mes instincts me mener vers la carafe contenant mon meilleur cognac. Je me servis un verre, l’observais quelques secondes et le bus d’une traite, malgré moi. Je répétai à nouveau la chose puis un troisième avant de le rejoindre. Nos regards se confondirent à travers la baie.

— Thalia l’aurait adorée, murmurai-je le cœur serré.

Il esquissa un rictus las.

— Tu consommes beaucoup trop d’alcool Sade et ça, elle l’aurait détesté, j’imagine.

Nash ne connaissait pas notre mère. Je lui parlais d’elle trop peu souvent. Non pas pour la garder pour moi uniquement, mais bien par lâcheté. Ma main se mit à trembler.

Dieu qu’elle me manquait.

Tout était plus simple lorsque je vivais avec elle. Depuis sa mort, le poids des responsabilités n’avait fait que croitre.

— Un jour, reprit Nash, m’arrachant brutalement à mes pensées, un grand homme m’a dit de ne pas permettre à la peur de t’envahir, mais de la laisser t’indiquer…

— … pour quelles raisons elle vient te prévenir, le coupai-je.

Il s’agissait de mes mots. Ceux que je lui avais confiés lorsqu’il cherchait à me ressembler, à apprendre, et que la Grande Cour des Miracles était notre Agartha d’aujourd’hui, des siècles plus tôt.

Je bus une gorgée, anticipant alors la suite du discours de mon frère :

— On a un accord, toi et moi.

— Si tu lui brises le cœur, tu devras la libérer, répétai-je. Je sais, oui. Et visiblement, abuser de son corps ne fait pas partie de ce deal que tu as toi-même imposé.

— Parce que, contrairement à toi, je ne lutte jamais contre mes instincts. Et pour ce qui est de ce qui se contrôle, lui briser le cœur en l’occurrence, peut être évité.

Nash ne m’aidait pas, et contre toute attente, il ajouta :

— Je sais que ça t’anéantirait si tu étais amené à lui voler sa virginité, alors, je te promets que je serai toujours là pour t’en empêcher.

Ainsi, c’est lui qui serait le plus apprécié des deux Joyce, comme toujours et depuis les premiers jours.

Celui qui, en apparence, semblerait être le plus juste et le plus humain des deux.

Ce qui, jamais, ne m’avait dérangé. Je préférais paraître le plus fou d’entre nous. Le plus détesté. Mon frère comptait davantage pour moi que moi.

— J’ai peur, Nash.

— Je le sens.

— Je souhaite qu’elle soit à moi.

— Tu dois lui faire croire qu’elle le veut alors.

— Pas vraiment.

— Tu proposes quoi dans ce cas ?

— Je dois tenter ce que je n’ai jamais fait avant elle.

Sa tête pivota, son regard m’interrogea en silence.

— Lui donner envie d’être avec moi, lui expliquai-je.

Il haussa les sourcils, intrigué.

— La séduire ?

— En quelque sorte. Lui montrer qui je suis et lui permettre… de s’autoriser à m’aimer ou non.

— Quoi, toi, tu vas lui laisser le choix ? plaisanta-t-il.

— Bien sûr. De toute évidence, je sais qu’elle finira par me succomber.

CHAPITRE 2EFFIE

 

 

Tout vous heurte, vous anime et vous consume à la fois.

@mapetitebullefrenchie

      

 ♫ The Map

Papa & Zubi ♫

 

 

À bord de l’Alpha, 27 décembre 2021

 

Il était très exactement cinq heures et vingt-deux minutes. Nash était retourné dans sa chambre, après d’interminables échanges avec son frère. L’Alpha allait bientôt gagner Agartha. J’entamais ma ronde protocolaire, comme à l’accoutumée.

Sade était tourmenté. Je n’avais jamais vu mon maitre endurer de telles émotions. Il n’avait pas trouvé le sommeil et manquait cruellement de repos. Son rapport de la veille, relatant les événements de New York, m’avait été transmis afin que je ne permette à aucun détail de se soustraire à ma vigilance : je devais être en mesure d’expliquer chaque situation vécue à bord du subversif, au sein d’Agartha, de tous les véhicules que détenaient les Joyce comme à l’extérieur de ceux-ci. De la sorte, je pouvais les aider à comprendre, analyser et anticiper chaque problématique, quand bien même Sade n’avait pas besoin que je me substitue à ses instincts.

Il comptait sur moi pour ne rien laisser lui échapper.

Il ne dormait toujours pas. Il faisait des allers-retours lents, à travers la pièce, le regard perdu dans ses pensées, ses doigts bloqués dans sa chevelure. Ainsi, ses muscles saillants ressortaient. Tout son corps était tendu. Ses tatouages accentuaient sa redoutable renommée. Depuis l’arrivée d’Érévane dans nos vies, et particulièrement la sienne, l’équilibre et la maitrise qu’il avait bâtis et rendus pérennes s’effondraient. Il était soucieux et je m’efforçai de deviner ses réflexions.

Sans succès.

— Désirez-vous que je vous porte conseil, Monsieur Joyce ?

Il m’avait programmé pour que je sois disponible pour l’équipage. Cependant il déclinait toujours mes tentatives.

— Tout va bien, mentit-il.

— Très bien.

Sade n’avait besoin de personne et tout le monde comptait pourtant sur lui. S’il montrait un signe de vulnérabilité, Agartha tout entière se laisserait submerger. Il était le pilier, le défenseur, le penseur et l’invincible.

Jusqu’à Érévane.

Il se servit à boire. Du cognac, de toute évidence. Cette liqueur ne connaissait plus aucune crise depuis que les frères Joyce en avaient fait un empire, devançant Hennessy, Martell et Rémy Martin1 – ce qui n’était pas pour leur déplaire puisque leurs distributions maintenaient leur record grâce à eux. Mon maitre épuisa la quatrième bouteille de sa cave personnelle : un nectar extrait à la bonde d’un seul tierçon, un fût de 650 litres dont uniquement 899 carafes ont été vendues à travers le monde, nommées Apostasie2 par Sade lui-même.

Le comportement de Rhéa attira mon attention. Elle qui, de coutume, appelait Europe lorsqu’elle cherchait à la joindre, se mit à pianoter sur son téléphone pour s’adresser à elle. Tous les membres de l’Ordre en étaient équipés. Ils avaient été spécialement conçus à Agartha par des Hommes que Sade avait fini par éliminer. Personne n’était en mesure de les infiltrer.

Personne, sauf moi.

Et ce détail-là, seul Sade en avait connaissance.

Il pistait chacun de ses soldats.

Il ne manquait pas de confiance. Néanmoins, elle n’empêchait pas le contrôle.

Il n’avait jamais eu besoin de suivre l’activité numérique de ses acolytes. Je me chargeais toujours de filtrer. Si le moindre doute me gagnait, j’avais pour ordre de l’exposer à Sade. Lui et moi partagions des secrets qu’uniquement lui était en mesure de confesser. Si je me retrouvais malheureusement infectée par une quelconque cyberattaque, mon système s’éteignait, se désintégrant aussitôt et à jamais. Sans aucune sauvegarde.

L’attitude de Rhéa la trahissait. Son rythme cardiaque avait augmenté de 12 battements par minute dès l’instant où elle avait saisi son téléphone. Son flux respiratoire, habituellement stable, se saccadait dorénavant à intervalles irréguliers. Une contraction musculaire persistante se dessinait au niveau de sa mâchoire gauche, sans compter ses pupilles désormais dilatées. Sa température corporelle était légèrement plus élevée. Tous les indicateurs physiques pointaient vers un état de stress intense. Ainsi, je me mis à suivre la conversation entre les deux Nivines, seconde après seconde, lettre après lettre, sans qu’elles ne se doutent de quoi que ce soit :

 

EUROPE

Pardon ?: Sade a fait quoi ?

 

RHEA

Je ne saurais pas te dire lequel des deux a pris la main de qui, mais je maintiens ce que j’ai vu.

 

EUROPE

Érévane et lui, tu en es bien sûr ?

 

RHEA

Oui.

 

EUROPE

Mais…il n’a jamais tenu la main d’une femme !

 

RHEA

Ça m’a fait bizarre quand je les ai surpris.

À lui aussi, je crois.

 

EUROPE

Très bien…merci de m’avoir prévenue.

 

RHEA

Je ne veux pas que tu dises à qui que ce soit que c’est moi qui t’aie vendu l’info par contre.

 

EUROPE

Évidemment. Supprime nos échanges.

 

Rhéa venait de commettre une faute grave. Sade avait averti Valeria qu’il n’hésiterait pas à les tuer, elle et sa sœur, si elles parlaient de ce qu’elles avaient vu le soir où mon maitre était resté auprès d’Érévane, juste avant d’arriver à New York. Sa cadette était désormais condamnée. L’ordre était sans appel : je devais en informer Sade.

Valeria, quant à elle, était dans ses appartements, occupée à satisfaire ses seules obsessions : elle-même. Elle s’était réveillée il y a peu. Elle devait rejoindre Orion et Rhéa pour préparer le petit-déjeuner pour tous. Elle s’était faufilée dans la salle de bain. L’eau chaude ruisselait sur sa peau depuis quelques minutes. J’observais une augmentation notable de sa température corporelle. Particulièrement localisée au bas-ventre. Sa respiration était saccadée, sa fréquence cardiaque en hausse. Ses paupières étaient fermées, ses lèvres entrouvertes, le visage penché en arrière. Elle chuchotait par moment le prénom de Sade et ce qu’elle effectuait portait son empreinte : la brutalité d’un plaisir partagé à de telles reprises que mon maitre laissait toujours derrière lui un manque qu’aucune des Nivines qu’il avait marquées n’oserait avouer. Je percevais ses frissons, ses soupirs qu’elle s’efforçait d’étouffer avec sa seule main encore libre.

Elle se caressait.

Elle communiait avec son propre désir.

Puis, rapidement, les parois du verre s’embuèrent.

Je décidais d’observer Orion très en retard sur le dressage. Il tentait, tant bien que mal, de réparer les dégâts matériels de la veille dans la salle principale. Ses gestes étaient maladroits, précipités. Il semblait sous tension de ne pas parvenir à être prêt, à temps. Sade, pourtant, n’était pas un tyran : alors, pourquoi se mettait-il une telle pression ?

Ce dernier fit irruption dans la pièce, toujours incapable de trouver le sommeil. Lorsqu’il vit le Vampire, il freina sa course, fronçant les sourcils.

— Qu’est-ce que tu fais Orion ?

L’intéressé sursauta.

— M… M… Monsieur Joyce, j… j… j’essaie d… d… de rép… rép…

Les symptômes du chef cuisinier se manifestèrent. Son bégaiement ressurgissait à chaque fois que la peur s’invitait.

Sade le rejoignit aussitôt et dans un soupir.

— Orion, relâche ça. Ce n’est pas à toi de réparer mes erreurs.

— M… M… Mais… t… tout le monde v… v… va ven… venir.

Le Vampire perlait de sueur. Il osait à peine croiser le regard de Sade.

— Le monde profitera d’un brunch dans ce cas. Retourne en cuisine, je m’en occupe, assura mon maitre tout en posant une main sur l’épaule d’Orion. Et appelle-moi Sade, pour la énième fois.

— M… Mer… Merci, S… S… Sade.

Ce dernier esquissa un faible sourire et s’éclipsa aussi vite que sa nature le lui permettait.

Sade n’était pas un chef.

Un chef donnait des ordres. Un chef observait. Un chef déléguait.

Il était un leader. Il portait la douleur avec ses hommes. Il endossait les privations. Il se battait aux côtés des siens et très souvent, il tuait à la place de ses soldats pour leur épargner des années de culpabilité.

Il ne se considérait pas au sommet, ni au-dessus, mais bien à leur hauteur.

Il n’imposait rien et c’est pour cela que tous désiraient le suivre et le servir.

Par instinct, par foi, par crainte aussi, parfois.

Monsieur Joyce désencombra les lieux, dégageant le passage uniquement. Rien de tout cet amas d’objets brisés ne se réparait.

— Effie.

— Je vous écoute.

— Une fois que l’on arrivera à Agartha, informe mes hommes de me renouveler la vaisselle et les meubles de cette pièce.

— Bien sûr.

Il hésita de longues secondes, or tout comme lui, je pouvais anticiper les intentions de chacun.

— Effie ?

Il baissa d’un ton.

— Monsieur Joyce ?

J’en fis de même. Il marqua un arrêt et se racla la gorge.

— Comment va-t-elle ?

— Elle vient de sortir de son sommeil… en larmes.

— Je l’entends, oui. Tu as vérifié si elle présentait d’autres symptômes ?

— Son état émotionnel se dégrade. Les données physiologiques laissent présager une décompensation imminente. La douleur crânienne persiste. Si rien ne change, la dépression pourrait s’installer durablement.

— Comment ça « si rien ne change » ? s’agaça-t-il.

— Libérez-la.

— Va te faire voir.

— Je ne peux pas appliquer cette injonction.

Il serra les poings et se pinça l’arête du nez. Je venais visiblement de le contrarier. Est-ce que j’aurais dû au moins tenter d’aller me faire voir ?

— Préviens Nash qu’il doit la rejoindre d’ici quelques minutes, m’ordonna-t-il avec appréhension.

— Très bien.

— Une dernière chose.

Je savais ce qu’il allait me réclamer. À chaque fois qu’on évoquait le cas d’Érévane, une soif libidinale le gagnait sans qu’il ne puisse la contrôler.

— Fais venir Valeria dans ma chambre. Maintenant.

— Entendu.

CHAPITRE 3nASH

 

Je suis tel que je suis. Imprévisible, monstrueusement diabolique, mais si tu lis entre les lignes, tu verras aussi mon charme irrésistible.@passion_lecture_lily

 

 

 ♫ Someone else(featuring Jacob) - Bishop Briggs ♫

 

 

À bord de l’Alpha, chambre d’Érévane, 27 décembre 2021

Je pris une profonde inspiration au moment même où Effie ouvrit les portes de la chambre de la fille d’India. C’était Sade qui devait être à ma place. Bien entendu, je ne voyais aucun inconvénient à converser avec cette Nivine. Je dirais d’ailleurs que ce n’était pas pour me déplaire. Tous les hommes auraient pris plaisir à le faire. Néanmoins, j’avais besoin d’elle pour que mon frère évolue. Jamais aucune femme ne l’avait rendu aussi vulnérable et hésitant. Elle était, malgré elle, la seule à être parvenue à faire vaciller l’être le plus infaillible sur Terre, en un temps record. C’était un risque cependant. Il devenait dichotomique en sa présence : plus cruel encore qu’on ne le connaissait déjà et indulgent pourtant la seconde d’après. Tous ceux qui l’avaient vue, elle, à l’œuvre avec mon frère, avaient compris qu’elle pouvait s’avérer redoutable. Ils pouvaient l’attester : elle était en mesure de le faire douter de lui-même sans effort. Elle avait la capacité d’en faire ce qu’elle en voulait et l’ignorait. Bien au-delà de sa splendeur évidente, elle était une belle personne. Elle n’avait rien d’ordinaire. Soit. Elle appartenait aux Nivines et était chaste qui plus est. Une denrée rare de nos jours. Tout ce que Sade recherchait. Cependant, elle avait tout autre chose que personne n’expliquait et n’en avait même pas conscience.

Elle avait vécu recluse et ne connaissait pas grand-chose de notre monde.

Ainsi, elle était importante à mes yeux. J’oscillais entre la protéger de mon frère quand c’était nécessaire et la pousser dans ses bras lorsque le moment était le bon. J’avais besoin d’elle pour achever ce que j’avais entrepris depuis des centaines d’années : épargner mon homologue de cette existence qu’il endurait plus qu’il ne l’expérimentait. Car ne vous y trompez pas, Sade ne vivait pas. Il survivait. Il tenait debout pour préserver les autres, pour tous nous sauver.

Il était impitoyable cependant, il n’était pas heureux.

Or, j’aspirais à ce qu’il connaisse le bonheur.

Qu’il oublie ce monstre que tous avaient attendu et qu’il incarnait.

Qu’il ressente, enfin, la peur de perdre une femme qu’il désirerait chérir.

Que l’amour lui arrache une faille, une impuissance.

Non pas pour l’affaiblir, mais pour l’humaniser.

Je finis par entrer et constatais qu’elle n’était pas dans sa chambre. Son parfum m’indiqua qu’elle se trouvait dans la salle de bain. Elle sortait de sa douche. J’aperçus une partie de son corps dénudé avant de détourner à la hâte mon attention. Putain, elle était bien plus belle que n’importe quelle Nivine… Si elle n’avait pas été choisie par mon frère, je n’aurais pas laissé l’opportunité à cette fille de fuir. Je l’aurais faite mienne, probablement sans chercher à lutter, contrairement à Sade.

Lorsqu’elle sortit de la pièce pour rejoindre sa chambre, ses yeux se posèrent sur moi et elle sursauta, resserrant sa serviette autour de sa silhouette.

— Mais qu’est-ce que tu fiches ici ?!

Je me raclai la gorge, tâchant de fixer ses iris plutôt que le reste. Ma voix était moins rauque que celle de Sade. Ses fossettes se profilaient à la commissure d’un sourire à peine esquissé lorsqu’elle comprit que je n’étais pas lui.

Ses cheveux, encore humides, collaient à ses bras, traçant sa silhouette sans la moindre pudeur. Des perles d’eau dévalaient son derme. Quelques gouttes se faufilaient le long de son cou, dessinant sur sa chair des chemins que mes yeux ne demandaient qu’à suivre. Je dus maitriser mon excitation.

Elle était sublime.

— Nash ?

Dangereusement sublime.

Ses iris couleur émeraude étaient ourlés de nuances de miel. Je devais fournir un effort pour rester concentré.

— Je… Hm.. Je voulais savoir comment tu allais.

Sa peau ambrée encore humidifiée par la douche laissait glisser l’eau le long de ses courbes avec une lenteur lascive.

— Tout va bien, mentit-elle.

Elle fuit aussitôt mon regard et traversa la pièce pour saisir sa tenue pliée sur son lit. Elle disparut ensuite à nouveau dans la salle de bain attenante et prit le soin de demander à Effie de fermer la porte derrière elle.

— Je voulais te remercier, pour hier soir, ajouta la Nivine en parlant plus fort, oubliant que j’étais en mesure de l’entendre.

Elle s’habilla à la hâte et, après quelques minutes, réapparut en dégageant ses cheveux coincés dans son pull. Elle sautillait à cloche-pied seulement, préoccupée à enfiler une chaussette, puis l’autre.

— Sans toi, je…

Elle manqua de tomber. J’eus le réflexe de la rattraper. Elle laissa échapper un gémissement, fronça les sourcils lorsqu’elle s’aperçut que je la maintenais avant de me lancer un coup d’œil, gênée.

— Elle déteste qu’on la touche, s’agaça Sade qui nous épiait à l’autre bout de l’Alpha.

Il était manifestement occupé dans ses appartements avec Valeria et ne pouvait pourtant pas s’empêcher de nous surveiller. Mon attitude l’importuna.

— Relâche-la.

Il ne supportait pas que quiconque soit en sa compagnie. Je m’exécutais alors que dans le même temps elle s’appuya sur moi pour retrouver son équilibre et retirer ses mains cramponnées à mon bras.

Ses joues étaient brûlantes.

Mon bas-ventre aussi.

Elle s’écarta.

— Je… reprit-elle. Je n’imagine pas jusqu’où il aurait pu aller. Vraiment, merci.

Je savais que ces mots blesseraient Sade. Et, même si ça n’était pas son intention, Érévane oubliait qu’il pouvait nous entendre. Quand bien même Sade me voulait ici pour m’assurer qu’elle ne soit pas envahie par la tristesse, je devais l’amener à comprendre pourquoi il avait agi ainsi et en quoi il n’était pas un monstre.

— Érévane, jamais Sade ne serait allé plus loin.

— Qu’est-ce que tu fous ? s’interposa mon frère. N’essaie pas de me défendre, Nash.

Valeria lui demanda à qui il parlait. Il lui répondit de la fermer.

La fille d’India planta son regard dans le mien. Elle semblait stupéfaite.

— Il luttait contre ses sens et il y serait parvenu, ajoutai-je, sourd aux ordres de Sade me sommant d’arrêter.

— Non, trancha Érévane. Je l’ai vu se transformer. Je l’ai entendu t’appeler. Il était en détresse, déterminé à me…

Elle était catégorique, furieuse et tentait de le contenir. Elle ne poursuivit pas sa phrase. Elle ne voulait pas ne serait-ce que concevoir la suite.

— Il ne vaut pas mieux qu’eux, finit-elle par conclure.

Elle pointa son bras en direction de la surface. Sade comme moi savions qu’elle parlait de Kurt et ses hommes. Je le sentis frappé par la désolation.

Je soupirais. Elle ressemblait à mon frère. J’imaginais juste à quoi ressemblerait un désaccord entre eux deux.

— Assure-toi qu’elle va bien, amène-la à se confier, soulage-la et sors.

Mes sens me réclamaient la même chose, dans une tout autre perspective cependant. Tous l’ignoraient, Sade y compris et je devais continuer à le cacher.

— Rien ne justifie son comportement, mais sache qu’il se bat constamment contre sa nature quand il est avec toi.

— Pourquoi ?

— Parce qu’on est fait ainsi.

— On ?

— Lui comme moi, notre espèce est différente de la tienne. Ses instincts lui martèlent sans cesse d’abuser de toi.

— Arrête, tenta-t-elle, on ne peut plus mal à l’aise.

— Il est né comme ça, répétai-je.

— Comment tu peux en être si sûr ? s’enquit-elle, trahissant un élan d’espoir de me voir me tromper.

Parce que je le vis en permanence quand nous sommes, toi et moi, dans une même pièce, Érévane, me gardai-je de lui confesser.

Mes instincts également désiraient que je la malmène et qu’elle me résiste pour en tirer une bien meilleure jouissance. À la différence de mon homologue, je parvenais à les étouffer – et je ne lutterais pas tant si elle n’appartenait pas à mon frère. Mes sens, en revanche, n’étaient pas assez puissants. Je n’étais pas assez bon.

Je ne maitrisais pas le Mugi, Dieu merci. Car une fois qu’il se réveillait, il était celui qui contrôlait.

— Parce que j’ai pu le vivre par le passé moi aussi, rétorquai-je à la place.

Elle haussa les sourcils. Son cœur se mit à battre à vive allure.

Avait-elle peur de moi désormais ?

— Tu mens, intervint mon frère.

Évidemment, rien ne pouvait échapper à Sade.

— C’est le prix à payer contre la souveraineté, Érévane.

— Je… Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

— Sade n’est pas à la tête de la chaîne alimentaire pour rien.

Elle me fixa de longues secondes durant et sursauta légèrement lorsque la voix enjouée d’Effie nous interrompit :

— Bienvenus à Agartha, soldats. Nous sommes le dimanche 27 décembre 2021, l’air est froid, la fraîcheur est omniprésente et l’atmosphère malgré tout agréable. Les températures avoisinent les -5 °C. L’humidité est absente, le temps est sec et la neige tombe comme l’a demandé Monsieur Joyce. Vous êtes tous invités à rejoindre le couloir de sortie.

CHAPITRE 4VALERIA

 

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Je suis Sade Joyce. Priez pour ne jamais me croiser ou entendre parler de moi.

@mszlt_book

 

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 ♫ Solo (featuring Emmanuel Franco) - Daisy Gray ♫

 

 

 

À bord de l’Alpha, chambre de Sade, 27 décembre 2021

 

Je l’attendais sans bouger, nue, allongée en travers de ses draps comme il l’avait demandé. J’imaginais son regard posé sur moi et un frisson parcourut l’intérieur de mes cuisses, là où je laissai mes doigts glisser. Sade était destiné à faire jouir toutes les femmes, quelle qu’en soit son espèce. Il se disait que sa soif s’était décuplée depuis l’arrivée de cette Nivine et que sa puissance de domination était plus époustouflante encore.

Je me mis à le contempler dans l’embrasure, plus fébrile qu’à son habitude. Je fantasmais alors ses iris, durs et voilés, plantés dans les miens. Je devinais qu’il portait sur lui cette tension pour elle qu’il ne désirait pas avouer : celle d’un homme au bord de l’explosion, consumé par une attirance pour celle qu’il refusait de nommer. Il se serait adossé à la porte, ses doigts crispés sur le chambranle. Et moi, je n’aurais rien dit, comme il l’exigeait toujours.

J’aurais été sage.

Obéissante.

Nous n’avions pas besoin de parler de toute façon. Il ne venait jamais pour chercher des mots. Il était là pour se satisfaire.

J’exalterai son odeur et mon corps y répondrait aussitôt. Il ne m’adresserait ni un sourire ni une parole et rien que cette omerta m’exciterait. Ses gestes seraient secs, animés par la rage et lorsqu’il m’effleurerait, l’excitation me fendrait le ventre. Il m’arracherait ensuite mes vêtements comme un homme en quête de plaisir seulement. Il ne se soucierait pas du mien.

C’était bien connu. Sade ne faisait pas l’amour aux femmes. Il les consommait.

Mes doigts s’inspirèrent de ces voluptés à la lisière de mes songes pour me préparer à recevoir Sade en bonne et due forme.

Il entra sans bruit. Il ne s’annonça pas. Je ne pris pas la peine de tourner la tête. Je sentis seulement la tension se comprimer, nous rapprochant inévitablement. Sade avait cette fascinante façon d’occuper l’espace sans avoir à le revendiquer. Il venait dérober ce qui lui revenait de droit. Je faisais partie de son harem et j’aimais ça. Nous toutes cherchions à être celle qu’il ferait le plus appeler pour son plaisir. J’entendis uniquement son souffle, plus court qu’à l’accoutumée, rauque et indiscipliné.

Je ne me redressai que lentement, découvrant mes seins à la lumière tamisée filtrée par le puissant Alpha. Le submersible le plus grand et impressionnant de tous. Sade ne s’avança pas vers moi. Il ne détourna pas non plus les yeux. Ses pupilles étaient ce qui me faisait fondre avant tout quand ils les plantaient sur moi. Il ressemblait à une bête qui renonce à la retenue.

Ce regard traduisait l’attente. Comme il me le répétait souvent, je n’étais pas ici pour qu’il demande : j’étais là pour exécuter et satisfaire ses besoins.

Je me faufilai au sol sans un mot, mes genoux effleurant le tapis. Son pantalon était encore boutonné. J’y glissai mes doigts. Je pris le temps. Parce que je souhaitais qu’il comprenne que chaque geste était pour lui et que je ne permettrais à aucune Nivine d’être meilleure que moi. Même s’il détestait ça, je voulais le dominer à ma manière. Il n’avait qu’à fermer les yeux. Qu’à me laisser faire. Son membre était dur, lourd et impatient. Sa peau brûlait sous ma paume. Je pouvais sentir son sang pulser. Et je l’aimais ainsi : troublé, conquis, perdu entre le désir et la honte d’un autre nom sur ses lèvres. Érévane.

Je le pris lentement dans ma bouche. Un premier frisson parcourut son abdomen. Ses muscles saillants se contractèrent. Il transpirait la puissance. Mes paupières se fermèrent à moitié. Je le contemplais, j’observais chacune de ses réactions. Je penchai ma tête, faufilant mes mains sur sa peau recouverte de tatouages. Il se tendit aussitôt et il ne m’arrêta pas. Il me somma de poursuivre. Ma langue glissa sur lui, docile et habile. Je le sentis lutter contre un soupir. Son corps vacilla sous mon emprise. Il me dévisagea tout en plongeant ses doigts dans ma chevelure. J’approfondis le mouvement, le gorgeant de moi, l’avalant jusqu’à m’en faire mal. Je le désirais entier, je le réclamais pour moi seule. Je souhaitais qu’il oublie Érévane, ne serait-ce que là, entre mes lèvres. Je m’imaginais être sa femme. L’unique. Mon cœur tressaillit.

Ses doigts se refermèrent ensuite sur ma nuque. Il n’avait rien d’un homme tendre. Et je ne le voulais pas ainsi. Nous étions raccord. Il était un roi et un souverain. Et même s’il était un amant aux yeux ailleurs, je n’existais que pour lui offrir cette volupté.

Je le sentis grandir davantage dans ma bouche, pulsant contre ma langue. Il gémit, très bas, presque malgré lui. J’alternai les rythmes, les pressions, les lentes tortures de plaisir. Je désirais l’entendre jouir grâce à moi. Je voulais qu’il s’abandonne et me montre que j’étais faite pour ça.

Là, dans cette chambre, le seul endroit où Érévane n’existait pas encore.

Quand il se tendit violemment, tout entier au bord de l’explosion, je le fixai, la bouche pleine de lui, les yeux fiers, ardents et provocants. Il jouit dans ma gorge avec une brutalité presque animale, ses doigts crispés dans mes cheveux, son souffle heurté et tout son corps secoué par le spasme. Je ne bougeai pas. J’attendais les ordres, sans détourner le regard.

Il s’enfonça davantage et me repoussa brusquement la seconde d’après.

J’eus la respiration coupée.

Et quand il recula enfin, vidé, je lui souris.

Je sentis Érévane entre nous.

Pourtant, elle n’était pas là.

Pas encore.

CHAPITRE5ÉRÉVANE

 

 

Dark hair. Cognac eyes.

@nadearslan

 ♫ Hollywood’s Bleeding - Post Malone ♫

 

 

À bord de l’Alpha, 27 décembre 2021

 

Nash venait de quitter ma chambre. J’inspirais profondément. C’était à mon tour de devoir rejoindre la sortie de l’Alpha. Tout le monde attendait de pouvoir gagner Agartha. Quant à moi, j’avais peur. J’étais terrorisée à l’idée de le croiser lui.

Je ne craignais pas qu’il s’en prenne à moi. Son frère avait raison : il passait par tous les moyens pour ne pas avoir à obéir à ses instincts. Malgré le fait qu’il prétendait me garder captive pour respecter les dernières volontés de ma mère, il désirait plus que tout me préserver, c’était évident.

C’était donc tout autre chose que je redoutais.

En vérité, j’appréhendais de rencontrer son regard, de faire face à son attitude, car tout, absolument tout, m’attirait chez lui. Et malgré moi. Je ne souhaitais pas qu’il m’ignore ni même qu’il m’adresse une once d’animosité. J’avais envie de lui demander pardon pour mon comportement et j’attendais qu’il en fasse tout autant. Je désirais fuir son monde et en faire partie intégrante pour autant. Je voulais qu’il me porte cette attention – que tous décrivaient comme nouvelle – et qu’il m’oublie aussi.

J’étais faite de paradoxes. Est-ce que ça ressemblait à ça les prémices de l’amour ?

Cet ascenseur émotionnel était insupportable. Je suffoquais rien qu’à cette idée. Je devais pourtant me rendre à l’évidence : il me fallait trouver un moyen de quitter Agartha, déserter cet univers-là et échapper à Sade tout bonnement. Rien de sain ne laissait présager notre relation.

Cette vaste pièce me paraissait soudainement étriquée. Je me précipitais alors pour sortir et freinais ma course quand je tombais nez à nez avec Rhéa qui me toisa de la tête aux pieds :

— Sade m’envoie t’informer qu’on attend plus que toi, marmonna-t-elle en accompagnant son ton d’une attitude dédaigneuse.