Se retrouver enfin - Frédérique Roger - E-Book

Se retrouver enfin E-Book

Frédérique Roger

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Beschreibung

Depuis la mort du mari d’Agnès Fournier, le soir de Noël, il y a dix ans, ses fils ont pris des chemins différents et se sont perdus de vue. Maxime, l’aîné, vit désormais à Paris et s’est spécialisé en chirurgie cardiaque. Le second, Sébastien, a abandonné son poste d’enseignant pour reprendre l’exploitation familiale en Corrèze. Quant au petit dernier, Nicolas, il est devenu pompier à Tulle. Pourtant, ce Noël sera différent car il y a un nouvel homme dans la vie d’Agnès et la mère appréhende la réaction de ses fils. La magie de Noël conduira les trois frères dans la ferme familiale, l’occasion pour eux de retrouver leur complicité d’antan et d’échanger des souvenirs. Cependant, chacun cache au fond de lui une blessure profonde qui l’enchaîne à son histoire passée. Se pourrait-il que l’accident de voiture de leur père n’ait pas livré tous ses secrets ?


À PROPOS DE L'AUTEURE


Née en 1975 en Seine-et-Marne, Frédérique Roger développe le goût pour la rédaction dès le collège. Après une licence en Droit, elle choisit d’entrer à l’Éducation nationale. Aujourd’hui, tout en se consacrant à sa vie de famille et à son métier d’enseignante, elle renoue avec sa passion, celle de l’écriture, et signe Se retrouver enfin, son quatrième roman après la trilogie Le cygne noir.

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Seitenzahl: 295

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Frédérique Roger

Se retrouver enfin

Roman

© Lys Bleu Éditions – Frédérique Roger

ISBN : 979-10-377-5057-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Pour Florent, Marine et Thomas, mes enfants

À David, mon mari

Épisode 1

Début décembre

Comme chaque année à cette période, Agnès Fournier prend son courage à deux mains et compose le numéro de Maxime, puis de Nicolas. Elle a plus de la chance de tomber sur leurs boîtes vocales respectives plutôt que d’avoir ses fils en direct. Le téléphone, cet outil formidable pour répandre sa vie sur les réseaux sociaux, mais auquel tu ne réponds jamais quand on t’appelle. Pourtant, cela l’arrange presque de faire la conversation à un répondeur.

Leur projet pour Noël ?

Quelle raison auront-ils trouvée cette année pour ne pas être là ?

Elle excuse par avance leur désaffection. Depuis longtemps, Noël n’est plus Noël, cette fête de famille par excellence, chaleureuse où l’on se rassemble pour partager des instants joyeux, cadeaux et bonnes résolutions, entre fête traditionnelle et consumérisme de folie…

Voilà dix ans que leur famille se désagrège lentement, comme ces bateaux de papier flottant sur les flaques d’eau avant de plonger définitivement et disparaître dans le caniveau.

Voilà dix ans qu’Agnès a perdu son mari et que le deuil teinte ses journées d’une couleur morose. Après la douleur vive qui vous brouille l’esprit, autant que l’avenir, persiste encore une blessure qui se cicatrice au fil du temps. On pense davantage aux belles années qu’on a partagées plutôt qu’à celles qu’on a définitivement perdues.

Voilà dix ans qu’Agnès voit ses fils s’échapper de façon inexorable, tenter de construire leur vie, sachant pertinemment qu’il manque une pierre essentielle à leur édifice… Leur père… Parti trop tôt, au moment où les garçons devenaient des hommes et qu’ils avaient besoin de lui. S’opposer à l’autorité paternelle pour mieux s’affirmer en tant qu’adultes. Et puis finalement écouter ses conseils, entendre ses mises en garde, bénéficier de son regard sur leur avenir respectif.

À présent, chacun s’était engagé dans une voie, mais pas forcément de son plein gré. Un choix, une évidence qui s’était imposée dans la souffrance, en réponse au drame qui avait ébranlé leur famille.

Un 24 décembre, un soir de Noël…

Un accident de voiture ; la faute à personne…

Alors oui, Agnès comprend… Elle a cette indulgence-là vis-à-vis de ses fils.

L’union sacrée des premiers mois s’était dissoute au fil du temps, les visites s’étaient espacées, chacun préférant s’enfermer dans sa souffrance personnelle, plutôt que de supporter ensemble le chagrin et la perte de l’être cher, comme si continuer à se côtoyer entretenait leur douleur plutôt que de l’atténuer…

Alors oui, les derniers Noëls, Agnès les avait passés avec les uns ou les autres, sans jamais pouvoir rassembler ses trois garçons.

Qu’en serait-il cette année ? Qui répondrait à son appel ?

***

Effectivement, quand le portable de Maxime Fournier sonne, son fils aîné arpente les couloirs de la Pitié-Salpêtrière à Paris, et franchit le dernier sas de sécurité pour rejoindre le bloc. Tel un chef d’orchestre, il salue l’équipe déjà en place. Tandis qu’il enfile une surblouse, le chirurgien fait signe à l’infirmière d’attraper son portable dans la poche de son « pyjama bleu ». Elle le lui colle sous les yeux. Maxime fronce les sourcils en apercevant « Maman » sur l’écran. Il se dit que sa mère est ponctuelle et puis son répondeur prend le relais, invitant son interlocutrice à laisser un message. Encore un message qui s’ajoute à la kyrielle qu’il ne prend jamais le temps de consulter… Et puis le chirurgien de trente-huit ans se tourne vers la table d’opération. Ils sont tous là à attendre ses ordres, prêts pour la transplantation… C’est à lui de jouer.

***

Quand la sonnerie résonne dans la poche de Nicolas Fournier, le petit dernier de la fratrie traverse la remise au pas de course. Déjà l’adrénaline commande tous ses membres. Il a juste le temps de grimper dans un camion avant que l’engin démarre en trombe et quitte la caserne. Le sapeur-pompier boucle sa veste et enfile sa cagoule pour un départ de feu. Très vite, la sirène retentit et couvre celle de son portable… Une priorité en chasse une autre. Pas le temps de regarder. Quand il reviendra quatre heures plus tard après son intervention, le soldat du feu, âgé de vingt-sept ans, oubliera de consulter sa messagerie…

***

Aura-t-elle plus de chance avec Sébastien ?

Agnès aurait pu traverser la cour pour rejoindre son fils au lieu de l’appeler, mais le temps n’est pas terrible. Au fil des ans, elle est devenue frileuse. Comme si la rigueur de l’hiver sur l’exploitation avait fini par l’emporter.

La ferme familiale qui avait abrité tant d’années de bonheur était à présent une coquille vide. Et cela la peinait de voir Sébastien se débattre avec un projet qui n’était pas forcément le sien. Partout, le fils devait affronter l’empreinte de son père, des souvenirs d’une époque heureuse, facile, pleine d’insouciance. L’impression que l’entreprise familiale était pérenne et que même si le capitaine avait brusquement quitté le bateau, son second pourrait reprendre la barre. Quelle utopie de croire qu’il serait facile de naviguer dans les eaux tumultueuses du monde agricole, les caprices de la météo, les cours de production qui baissent d’année en année, et les charges de l’exploitation toujours plus conséquentes ! Sébastien était amer. L’expérience était rude pour celui qui se destinait à l’enseignement. Une évidence à l’époque. Une impression plus nuancée à présent…

Agnès est certaine que son fils, levé depuis 5 h 30, est déjà parti vaquer à ses occupations, astreintes quotidiennes auxquelles il ne peut échapper. Le métier est dur et parfois ingrat. Même si sa camionnette est toujours stationnée dans le hangar, elle sait que les activités ne manquent pas, surtout en hiver. La charge de travail est plus importante quand les bêtes restent enfermées.

C’est lui, le second, qui avait repris la ferme familiale en plein cœur de la Corrèze aux portes du plateau de Millevaches. C’est lui qui a planté son poste de professeur pour « assumer » comme il dit, refusant que le troupeau de son père soit soldé au plus offrant. Lui qui avait choisi l’enseignement, comme sa mère, n’aura enseigné qu’une année au final. Sébastien se refusait à abandonner l’exploitation, c’était comme tuer son père une seconde fois. Agnès n’avait pas réagi tout de suite ; bouleversée, complètement désorientée par le décès brutal de son mari. Elle aurait dû refuser, dire « non »… Cependant, la mère s’était reposée sur les frêles épaules de son fils âgé alors de vingt-cinq ans, appréciant son soutien sans faille et sa détermination, délaissant ses bouquins d’Histoire pour marcher dans la boue. Elle lui avait même abandonné la maison principale pour s’installer dans une dépendance quand Sébastien s’était marié quelques années plus tard…

Contrairement à ses deux frères qui collectionnaient les aventures tumultueuses et éphémères, le garçon avait mené sa vie amoureuse de la façon la plus sereine au monde. Droit, honnête et sincère, il avait rencontré sa copine Aurélie à l’âge de vingt ans et ils ne s’étaient plus jamais quittés. Le flirt des vacances avait pris le ton de promesses qu’on se fait pour la vie. Deux inséparables…

Et les voir s’installer dans la maison familiale avait rempli Agnès de joie et d’espérance. Elle souhaitait tellement que la vie reparte entre ces murs…

Aujourd’hui encore, la mère apprécie cette proximité rassurante de chaque jour quand elle aperçoit les lumières de ses fenêtres à quelques dizaines de mètres.

Au moins, un sur les trois, pensait Agnès, comme une moyenne, comme si tout rapporter aux chiffres atténuait un peu les émotions, les souffrances et les vieilles douleurs. Mais si elle avait demandé à Sébastien, l’éleveur de trente-cinq ans à présent lui aurait confié que les chiffres aussi apportent leur lot de souffrances, de stress et d’inquiétudes ; notamment ceux de sa comptabilité. Il n’y arrive pas, il n’est pas fait pour ça…

***

Quand la sonnerie retentit, le moteur du tracteur couvre le son de son téléphone. L’écran d’appel s’allume et interpelle l’éleveur en plein paillage. Sébastien décroche, mais rien… Dans l’étable, la connexion est mauvaise, il ne capte plus. En consultant son journal d’appel, l’homme constate que c’est sa mère. Il se dit qu’il passera la voir à l’heure de déjeuner. Quand sa femme Aurélie est de garde à l’hôpital de Tulle, il a pris l’habitude de traverser la cour pour échanger des nouvelles au cours d’un repas en tête à tête, entre mère et fils.

Ce jour-là, quand Sébastien s’attable, le moral n’est pas forcément bon, mais les efforts d’Agnès pour lui mitonner un plat fleurant bon le terroir corrézien, sans compter la flognarde aux pommes, qu’il assortira d’une liqueur aux noix, ont de quoi lui redonner une peu de chaleur et l’énergie pour repartir affronter le froid de ce mois de décembre.

— J’ai essayé de joindre tes frères… Tu as des nouvelles ? demande Agnès, en observant le gaillard devant elle.

Sébastien a pris de son père, ses épaules robustes, sa carrure de rugbyman, un visage doux et rond qu’il dissimule derrière une barbe brune qui renforce son image de gros ours affectueux.

L’homme répond par la négative.

Pas de nouvelle, non… Max et Nico le laissent se démerder tout seul avec l’exploitation familiale.

***

Épisode 2

Finalement, à l’approche du 24 décembre, Agnès a eu ses réponses et apprécie l’originalité dont certains ont fait preuve…

Sans doute pour montrer qu’il a réussi et aussi pour épater la demoiselle, Maxime, son fils aîné, passera les fêtes de Noël sous le soleil des Seychelles, en compagnie de sa fiancée Elena ; une fille qu’il n’a pas jugé bon de présenter à sa mère.

Quant à Nicolas, cette année encore, il sera de garde à la caserne de Tulle. Si près géographiquement et pourtant si éloigné. Un métier, une passion, un engagement sans faille ; le sens du devoir pour pallier celui de la famille…

Alors ses dernières espérances se sont reportées sur Sébastien, encore une fois. Mais lui aussi partira. Un Noël sur deux, le jeune éleveur s’en va fêter Noël dans sa belle famille. Quitter la ferme quelques jours, abandonner les rênes de l’exploitation à son oncle, s’échapper dans un train, direction Bordeaux et le vignoble de son beau-père. Aurélie a toujours aimé la terre. Elle a juste changé de région pour rejoindre l’homme qu’elle aimait.

Alors oui, je sais ce que vous êtes en train de vous dire : « Pauvre Agnès »…

Quels ingrats, ses trois fils ; la laisser seule pour les fêtes.

Mais à soixante-cinq ans, l’ancienne directrice d’école n’a plus l’âge de faire des scandales, plus assez de larmes non plus ; à moins qu’elle ait fait le ménage dans ses sentiments et ne veut garder que les meilleurs. Cultiver le bonheur, l’espérance et les plaisirs simples de la vie. Ni colère, ni rancune, ni amertume et aucun regret dans son jardin…

Pour tout vous avouer, Agnès est même soulagée. Elle n’aura pas à leur mentir ni trouver une excuse pour expliquer à ses trois garçons que cette année, elle a d’autres projets. Ce Noël sera différent. Son avenir lui apparaît à présent, comme ce ciel sombre, chargé de nuages que les rayons du soleil transpercent pour laisser enfin la place aux éclaircies.

Les années se sont écoulées, appliquant un baume sur son cœur meurtri, comblant peu à peu le vide. Agnès s’est longtemps demandé au bout de combien de temps il y avait prescription. Quand son deuil allait-il s’achever pour oser vivre à nouveau ? Et puis le temps a fini par lui apporter la réponse.

Le destin, celui-là même qui lui avait ravi dix ans plus tôt le père ses trois fils, venait de remettre un autre homme sur son chemin…

La peine vous aveugle. Le chagrin vous rend sourd. Et puis quand ils s’estompent vous vous apercevez un jour qu’il y a quelqu’un d’autre pour vous… À leurs âges, ils vivent au moins leur troisième vie. Les enfants ont quitté la maison. Un divorce ou un deuil… Alors il y a urgence à ne plus perdre de temps. Celui qui court sans jamais ralentir ni faiblir et pourtant qui défile parfois pas assez vite ou bien trop.

Alors les derniers jours avant Noël, Agnès a été saisie d’une frénésie d’achats et d’une impatience qu’elle n’imaginait plus éprouver. Retourner chez le coiffeur, rafraîchir sa coupe et sa garde-robe, se redonner un peu de couleur dans cet hiver morose. Une métamorphose à peine perceptible pour la jeune retraitée très active, mais nécessaire pour son moral.

Agnès entame à présent un nouveau chapitre de son existence, même si le livre est déjà bien rempli. Elle poursuit sa vie comme on entame un nouveau chantier, s’efforçant de ne pas éveiller les soupçons autour d’elle, cacher son bonheur tout neuf, craignant de subir le jugement sans appel de ses fils.

Leur mère a-t-elle seulement le droit de retrouver un peu de bonheur ? Elle s’est longtemps interdit toute nouvelle liaison. Elle est restée la femme de François, avec puis sans lui… Agnès n’était pas prête. Il a fallu du temps. Que ses yeux réapprennent à voir la beauté d’un homme, que ses oreilles s’habituent à une autre voix douce, formulant d’autres mots tendres et sincères, que son cœur s’ouvre à nouveau sans méfiance et plein d’espérance, avec l’envie sérieuse de donner sa chance à un autre. L’être humain n’est pas fait pour vivre seul. Sa meute à elle s’était dispersée, la laissant seule comme abandonnée. Et Agnès éprouvait véritablement le besoin de retrouver un compagnon de route. Pour le moment, cela se présentait bien. Le candidat au poste cochait toutes les cases.

Et puis, la mère se projette dans les prochaines fêtes, comme si les rendez-vous secrets que le nouveau couple s’octroyait ces derniers mois ne suffisaient plus, comme si l’histoire s’emballait à l’image de ces adolescents qui ne se suffisent plus, Agnès aspire désormais à plus…

Elle était pourtant rentrée sur la pointe des pieds dans cette liaison. Elle avait déjà tout vécu avec François, la passion et l’amour sincère, cette affection par-delà les années, la satisfaction d’un couple solide et uni. Elle n’avait plus rien à découvrir et pourtant…

Alors, ces derniers jours, elle guettait Sébastien. Quand ferait-il ses valises ? Pour qu’elle se sauve à son tour, juste un bagage jeté dans le coffre de sa voiture. À son âge, le matériel comptait bien moins que les instants partagés.

***

Épisode 3

Il est dans la nature de l’homme de se projeter dans l’avenir alors que le présent n’est pas encore achevé. Prévoir, organiser, anticiper, mais aussi dominer, dompter, apprivoiser… Cependant, la vie prend parfois un malin plaisir à bouleverser tous nos plans. Soyez humbles devant les desseins du destin.

22 décembre, tard le soir

— On part plus alors ? demande Sébastien, comme une confirmation de ce qu’il avait déjà compris.

L’homme pose la question, sans oser regarder sa femme dans les yeux. Il fixe le plafond de leur chambre, imperturbable, blindé face à ses humeurs changeantes et à ses crises de larmes. Pas insensible, juste incompétent, juste fatigué, juste trop rompu à l’exercice…

— Tu poses encore la question, lui reproche Aurélie, en contemplant son mari allongé près d’elle. Regarde dans quel état je suis… Tu crois vraiment que j’ai envie d’affronter ma famille ? D’aller me répandre en effusions, sourire, m’émerveiller devant les enfants de ma sœur et écouter encore mes parents et leurs remarques démoralisantes après tout ce qu’on vient d’endurer. Seb, c’est au-dessus de mes forces. J’en peux plus de tout ça… finit par lui confier sa femme.

Les « tu as encore le temps, rien ne presse », « tu y penses trop » ou encore les « ça arrivera quand ça sera le bon moment » sont autant de remarques qu’Aurélie ne veut plus entendre à trente-trois ans… Elle le sait, ses chances de grossesse s’amenuisent.

Sébastien s’attarde sur le corps de sa femme et distingue à peine son visage dissimulé entre les mèches rousses qui s’éparpillent sur son buste et voilent adroitement ses seins nus. Aurélie est assise en tailleur sur le lit, si proche de lui, mais si éloignée dans l’esprit. Ils ne s’accordent plus sur le projet « bébé »… Lui voudrait laisser tomber. Pourquoi ne pas passer par l’adoption ? Mais sa femme ne veut pas en entendre parler. Elle persévère et s’épuise. Il ne comprend pas. Sébastien ne la suit plus.

Alors Aurélie refuse de venir se blottir dans ses bras comme elle faisait habituellement, comme si cela n’était plus d’aucun réconfort. Parce que sa femme s’est aperçue que la prochaine fois, ça n’ira pas mieux et que ses promesses sont vaines. Il n’y est pour rien. C’est comme ça, c’est de sa faute à elle… Et voilà le poids de la culpabilité qui l’envahit de nouveau.

Aurélie évoque leur départ pour Bordeaux à la manière de deux soldats montant au front. Pourtant, le combat, c’est eux qui l’avaient mené ici, dans cette chambre, dans ce lit…

« Tout ça »… Une façon bien courte pour résumer ces dernières années. Quand les mois passent, puis les années s’écoulent et que le désir d’agrandir la famille se transforme en un parcours du combattant… Le désir d’enfant devient alors une véritable obsession. Faire l’amour n’a plus rien de magique et devient purement technique. Finis les pulsions, les fantasmes et le plaisir, plus aucune spontanéité entre eux. Chaque mois, l’infirmière calcule sa période d’ovulation et planifie leurs rapports sexuels à la manière d’un général des armées. Cela fait longtemps que Sébastien ne se sent plus le mari, l’amant, l’être aimé, mais se considère plutôt comme un simple géniteur, de la même façon qu’il envoie ses taureaux engrosser les génisses. Faire l’amour sur commande avait tué leurs désirs réciproques.

À la tristesse liée à son incapacité à tomber enceinte s’ajoute pour Aurélie, la culpabilité de priver son conjoint du bonheur de devenir père. C’est de sa faute à elle puisqu’il faut trouver un responsable. La sentence est tombée. Les résultats sont arrivés pile au bon moment pour plomber les fêtes de Noël ; plus rien à espérer. La jeune femme est une terre stérile dont rien ne germera. Sa colère, son sentiment d’injustice, Aurélie s’efforce de les retourner contre elle, encourage même son homme à la quitter, dans ses plus mauvais jours. Sébastien supporte ça, mais pour combien de temps encore ? Tous les deux s’enferment alors chacun dans une bulle négative. Mauvaise humeur, larmes et vagues de désespoir rythment leur quotidien, générant de nouvelles tensions dans le couple.

Ce soir-là, ils s’endorment encore chacun de leur côté du lit, inconciliables.

***

La nuit a été courte et plutôt mauvaise. Et pourtant, le lendemain quand il se lève à 5 h 30, Sébastien se colle à Aurélie, repousse délicatement les mèches de sa figure, dépose un baiser sur sa joue tandis que sa main s’attarde sur son ventre. Puis il se lève et quitte la chambre.

La décision est prise. Ils n’iront finalement pas passer les fêtes de Noël à Bordeaux dans la belle-famille. L’éleveur retourne travailler, la compagnie des bêtes est parfois plus facile à vivre que celles des hommes. Aurélie fait le choix également de prendre la garde d’une de ses collègues à l’hôpital ; un joli cadeau de Noël. Elle ne sera pas de bonne compagnie de toute façon, autant qu’elle retourne s’occuper de ses petits protégés au service de néonatologie. Un comble pour l’infirmière qui ne portera jamais d’enfants…

Le matin, quand Agnès observe son fils racler le pare-brise de la voiture d’Aurélie vers sept heures du matin, elle ne comprend pas. Elle attrape un châle sur la patère et sort le rejoindre dans la cour.

— Eh bien, que se passe-t-il ? Vous ne deviez pas prendre le train pour Bordeaux ce matin ?

Laisser l’exploitation quelques jours et les soucis lui auraient certainement fait du bien. Mais Aurélie en avait décidé autrement…

Sébastien est un taiseux comme son père. Il garde pour lui ses soucis de couple et ne confie rien à sa mère ou plutôt invente une excuse de dernière minute. L’homme hésite un instant entre une grève SNCF, un beau-père faisant un infarctus au milieu des vignes ou bien encore l’hôpital qui rappelle Aurélie en urgence pour pallier des sous-effectifs du service… Finalement, la dernière raison est la plus vraisemblable.

***

Épisode 4

22 décembre, jour J-2

L’aéroport est bondé en cette période de fête et il faut jouer des coudes pour progresser avec son chariot. Mais rien ne peut atténuer l’humeur joviale de Maxime. L’homme progresse en direction des salles d’embarquement… Quitter la région parisienne, la grisaille et le froid de décembre pour le soleil des Seychelles, une semaine, un cadeau de Noël qu’il venait d’offrir avec quelques jours d’avance à sa chérie…

Comme à son habitude, l’homme a le sens des surprises. Deux billets d’avion glissés dans une enveloppe au pied du sapin. Il avait persuadé Elena de l’ouvrir, ruinant tous ses principes et ses traditions. Après un an passé ensemble, l’homme trouvait toujours une façon de se « renouveler ».

« Parfait » aurait pu être son deuxième prénom. Maxime est conscient de ses atouts et que la vie l’a gratifié des meilleures attentions. Un physique avenant, un métier passionnant, une jolie femme, assorti de tout le confort matériel… Le bel appartement au cœur de la capitale et la voiture de sport faisaient également partie du package. Il a plutôt bien réussi, comme si un parapluie ouvert le protégeait des intempéries de la vie. Et puis l’homme cultive cette ambition permanente de rester toujours en haut du tableau, un esprit de compétition qui a souvent exaspéré ses deux frères.

Ses frangins, le flash de leurs deux bouilles le surprend au milieu de cette foule, de cet aéroport bondé. La nostalgie d’une époque achevée. Son seul regret, depuis la mort de leur père, ne pas avoir su entretenir cette complicité qu’ils cultivaient pourtant depuis l’enfance. Chacun d’eux a tracé sa route et suit son propre parcours de vie, ponctué de rares échanges, quelques coups de fil aux anniversaires, une visite « éclair »… Lui n’a jamais le temps ; à moins que Maxime refuse de le prendre ce temps. Toujours speed, toujours occupé, toujours dans l’urgence… Alors pour une fois, le chirurgien prend des vacances !

Tandis qu’Elena consulte encore une fois leur destination sur les écrans d’affichage, Maxime entame un circuit périlleux entre bagages et vacanciers impatients. Mais le chirurgien est aussi adroit dans le maniement du chariot que dans sa spécialité. La chirurgie cardiaque, c’est son truc.

À chaque opération, c’est une véritable course contre la montre qui s’engage pour trouver un donneur, puis transporter l’organe sans perdre une seconde. C’est son job, parfois il se voit comme le livreur de chez Fedex, un coursier, un expert de la livraison… de cœur. Coutumier des aéroports, Maxime traverse habituellement la France en jet privé pour aller arrêter un cœur en province, rejoindre Paris avec sa glacière, traverser la capitale à fond dans une ambulance du SAMU ou un taxi, escorté par les motards de la police nationale pour se rendre à la Pitié Salpétrière où son prochain patient attend une greffe et procéder à l’implantation… Rien que de le raconter, on s’essouffle !

L’adrénaline et puis sentir l’organe repartir entre ses mains, c’est meilleur que tout. Le chirurgien éprouve une véritable addiction pour ces émotions hors normes qui le plongent dans un état second. Parfois, il se prend pour Dieu… Prendre une vie, puis donner la vie, un super pouvoir ? C’est vrai que Maxime a pris un peu la grosse tête au fil des ans. L’homme a l’insolence de sa réussite… Il se permet tout et on ne lui refuse rien. Son charisme y est sûrement pour beaucoup. Mais il ne faut pas s’y fier, c’est une carapace bien épaisse. Derrière ses sourires et son assurance, l’homme cache aussi des blessures, des échecs, de vieilles erreurs qu’il a balayées et cachées sous le tapis. Lui préfère regarder droit devant lui. Pas le temps de s’appesantir sur le passé. On ne refera pas l’histoire. Alors à quoi bon se souvenir… Maxime ne sait pas s’excuser… La rédemption, il ne connaît pas non plus. Avancer toujours, c’est son credo.

Grand, châtain clair, le chirurgien a troqué sa blouse blanche pour un jean, un tee-shirt dissimulé sous un pull de grosses mailles torsadées, qu’il fera sauter dès leur arrivée. Toujours beau, souriant, zen, c’est plutôt recommandé dans son métier et avec cette assurance de maîtriser « sa » vie et autant que celle des autres…

Elena passe alors un bras confiant autour de son cou, colle sa joue à la sienne et affiche son plus beau sourire pour le premier selfie de leurs vacances. Sourire exagéré, regard de braise, elle force un peu sur leur bonheur… À trente-et-un ans, elle affiche sa vie comme un roman photo sur les réseaux sociaux. Blogueuse de mode, instagrameuse, la jolie métisse aux yeux clairs maîtrise son sujet.

— Alors quelle porte ? lui demande Maxime, en la faisant grimper sur le chariot.

— 46…

Tandis qu’ils passent les contrôles, le chirurgien vide ses poches. Quand il récupère ses affaires à l’autre bout du tapis, son portable se met à sonner. Le numéro de Laurent, l’infirmier coordinateur de la Pitié s’affiche. Il ne répond pas. Dans sa tête, Maxime est déjà parti. Il range l’appareil au fond de sa poche et poursuit. Mais le téléphone vibre, le type insiste. Tandis qu’Elena disparaît dans les rayons du Duty free, Maxime décroche enfin.

— Dis-moi que tu m’appelles pour me souhaiter de bonnes vacances, annonce le chirurgien, en coupant son interlocuteur dans son élan.

— Tu es où là ?

— À l’aéroport, pardi ! Je pars en vacances, tu l’as oublié ça peut-être…

— Sérieux ? C’est tout ce que j’espérais. Chevalier vient de se faire cartonner sur le périph… On a un mec en mort cérébrale à Nice et un client pour toi en urgence vitale à Paris…

Ces informations sont accueillies par un profond silence, comme si le médecin avait déjà coupé quelques connexions. Maxime semble plus absorbé par Elena en train de faire une razzia de parfums et de chocolats.

— Tu m’écoutes là ? insiste Laurent.

— Y a pas que moi… T’as essayé Lambert comme chirurgien ?

— Je te rappelle que c’est bientôt Noël. T’es le seul encore dispo.

— Je ne le serai plus dans une demi-heure, précise Maxime.

Finalement Elena repose « J’adore » de DIOR et préfère « Coco Mademoiselle » de chez CHANEL, le flacon de 200 ml, s’il vous plaît. « Essence de parfum pour une femme libre et envoûtante… »

— Max ? T’es toujours là ?

Un soupir à l’autre bout du fil lui confirme sa présence et l’infirmier lance une nouvelle offensive.

— Le type a trente-huit ans. Sa femme est là, enceinte jusqu’aux yeux, avec les deux premiers. C’est Noël dans deux jours Max… Pense à ton père…

Le salopard, il utilise des armes dont il ne connaît pas la portée.

Maxime frémit, une boule se forme au creux de son estomac. Dans deux jours, cela fera dix ans… Dix ans que François Fournier s’est tué dans un accident de voiture. Il pense aussitôt à sa mère Agnès et à ses deux frères Seb et Nico. Et l’image chemine de son esprit jusqu’à son cœur. Maxime imagine cette famille, autour de ce lit d’hôpital, autour de ce père intubé, branché sur des machines ; tous en train d’espérer un miracle. Un miracle qu’il tient au bout de ses doigts ; lui et personne d’autre…

— Putain, c’est jeune trente-huit ans…

Une pensée qu’il a formulée tout haut et sur laquelle le coordinateur rebondit.

— Max, c’est l’affaire de quelques heures… Tu diffères ton départ d’une journée et tu sauves une vie. Je te garantis que ton Noël se passera beaucoup mieux si tu acceptes ce vol pour Nice…

— C’est une menace ou tu es en train de faire appel à ma bonne conscience ?

Maxime n’attend pas de réponse. Il observe Elena qui s’affole devant la bijouterie cette fois. Le chirurgien se dit qu’il n’a pas vraiment le choix, que les Seychelles attendront bien quelques heures de plus. C’est quoi une journée, quand on peut offrir vingt ou trente ans d’espérance de vie supplémentaires à un homme qui n’a plus que quelques heures à vivre…

Maxime n’a pas le temps d’expliquer la situation à sa fiancée que déjà son nom résonne dans les haut-parleurs de l’aéroport de Roissy CDG.

Oui, on demande Maxime FOURNIER, le super chirurgien ! Le jet privé est prêt à décoller. Paris – Nice, le compte à rebours est lancé !

***

Épisode 5

22 décembre, 7 h du matin

La nuit a été courte. Quelques heures de sommeil volées entre les interventions nocturnes apportant chacune son lot d’adrénaline, d’émotions et d’histoires. Trois sorties majeures, un début d’incendie de cheminée pour démarrer la soirée, un accident routier vers 22 h et puis cette alerte vers trois heures du matin…

Nicolas Fournier, en automate, l’esprit encore ensommeillé, finit de boucler sa ceinture, ajuste sa tenue avant de rejoindre ses collègues de garde pour le petit-déjeuner.

Dans la cafétéria de la caserne, plus sympa de l’appeler ainsi même si ça ressemble plus à un réfectoire, l’ambiance matinale est joyeuse et détendue. C’est important de se retrouver ensemble, une convivialité qui fédère les équipes et qui permet de trancher avec la dureté du métier. Les effluves de café bien chaud accueillent les retardataires.

Le sapin qui trône dans un coin, comme les guirlandes qui clignotent autour du comptoir où trône une corbeille de viennoiseries contribuent largement à la bonne humeur ambiante. Le centre de secours a été décoré pour les fêtes. Dans le hall d’entrée, Nicolas a croisé des collègues qui tentaient d’installer le bonhomme de neige gonflable en vain, tandis qu’un père Noël est suspendu dans les escaliers. Tout est bon pour rappeler les fêtes aux malchanceux qui seront de garde le 24 décembre…

Autour de la table, on évoque la météo des prochains jours et le risque de neige.

L’adjudant signale que les pneus n’ont pas encore été changés sur l’un des véhicules

— C’est pas très grave…

— Oui, mais si on doit monter sur un col et qu’il y a de la neige ?

— Le col de l’utérus ?

Rires de la petite assemblée et regard appuyé vers Nicolas… La plaisanterie lui est destinée mais ne le fait pas rire. Cette nuit, il a eu droit à son baptême. Après son premier mort, son premier accouchement…

— Alors Nico, ça porte bonheur le liquide amniotique ? renchérit un collègue, en faisant allusion à son pantalon trempé quand il a pris en charge la jeune fille.

Vingt-sept ans à peine et se retrouver entre les cuisses d’une femme qui n’est pas la sienne… Mémorable !

Cette nuit, l’ambulance était partie pour un « mal de ventre ». Les trois pompiers avaient trouvé la fille assise sur les marches d’un hall d’immeuble. Vingt ans, pas plus, emmitouflée dans un survêtement trop grand pour elle, la patiente cachait bien son jeu. Alors qu’ils l’avaient transportée dans le VSAV (Véhicule de Secours et d’Assistance aux Victimes), quelle n’avait pas été leur surprise en constatant qu’elle était sur le point d’accoucher dans leur ambulance !

— Merde… je vois déjà la tête ! s’était exclamé Nicolas qui avait espéré un moment que la demoiselle allait serrer les cuisses jusqu’à l’hôpital.

La rupture de la poche avait accéléré le travail. Le sauveteur avait attrapé le kit de naissance sans tarder. Il avait suffi de quelques poussées pour que le bébé arrive ; la tête puis les épaules. Le pompier n’avait eu qu’à tendre les mains pour récupérer le nouveau-né dans ses bras. Une petite fille qu’il avait aussitôt enveloppée avec précaution dans une couverture de survie avant de la déposer sur le ventre de sa mère…

— J’en veux pas… ENLEVEZ-MOI ça !

Un cri de rage, d’effroi et de détresse confondus. Son équipier avait été obligé de sangler la fille pour ne pas qu’elle s’échappe du brancard. Alors que le conducteur avait pris le chemin de l’hôpital de Tulle, toutes sirènes hurlantes, Nico s’était résigné à garder la petite dans ses bras. Au bout de neuf ans de métier, il en avait déjà vu, mais cette intervention le touchait particulièrement. Comment étaient-ils passés d’un instant aussi magique au drame qui les accablait à présent…

— On a des nouvelles de la fille ? s’enquiert soudain le jeune pompier, en attrapant un mug à l’effigie de Winnie l’ourson.

— Déni de grossesse, je crois. Pauvre gosse…

À ce moment, Nicolas se demande laquelle est la plus à plaindre… Cette jeune femme qui vient d’accoucher dans le dénuement le plus total, sans famille autour d’elle pour l’accompagner dans cette épreuve qui normalement aurait dû être un événement heureux ?… Ou bien la petite avec laquelle il avait échangé des regards soutenus durant le trajet. Ses deux billes bleues ne l’avaient pas lâché. Elle s’était accrochée au regard rassurant de son sauveteur ; ça avait matché tout de suite entre les deux…

— Et le bébé ? Qu’est-ce qu’elle va devenir si la mère n’en veut pas… interroge Nico, toujours bouleversé par son intervention.

— C’est l’Aide sociale à l’enfance, confirme un gradé, en apposant une main réconfortante sur son épaule.

— Bienvenue dans le monde ! ajoute un autre, en lui tendant la corbeille où il ne reste plus qu’un pain aux raisins.

Ils ont bouffé tous les croissants et les pains au chocolat, cadeaux du boulanger, un volontaire qui sait encourager les troupes.

Et puis les échanges se poursuivent, plus joyeux. Le quotidien les rattrape. Les bips d’alerte se mettent à sonner et plusieurs pompiers quittent prestement le réfectoire pour la première intervention de la journée.

Ceux qui restent s’attellent aux activités et tâches quotidiennes sur le centre de secours. Tandis que certains enchaînent avec une séance de sport, d’autres rejoignent la remise pour la vérification et le nettoyage des engins.

— Alors, t’as prévu quoi finalement pour Noël ? lui demande son équipier alors qu’il teste l’EPA (l’échelle pivotante automatique), un beau joujou tout neuf livré en avance par le père Noël.

Nicolas croit à une blague. Lui qui se planque régulièrement à la caserne chaque 24 décembre… Une façon pour lui d’échapper au deuil. Il ne peut pas soutenir le regard de sa mère Agnès en ce jour si particulier ni celui de ses deux frères. Lui était présent le jour de l’accident, il était dans cette putain de voiture…