Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Qui a bien pu bouleverser la vie apparemment tranquille d'une startup de la Silicon Valley proche de Stanford ? Où sont passés les millions de dollars qui manquent dans la caisse ? Flic un jour, flic toujours, la capacité d'adaptation de Pauline face à l'inconnu va être rudement mise à l'épreuve. Plongée dans un environnement dont elle ne soupçonnait même pas l'existence et très loin de ses bases habituelles, va-t-elle réussir dans cette nouvelle mission très originale ?
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 208
Veröffentlichungsjahr: 2024
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46
Cette invitation à déjeuner m’avait fortement étonnée ! Qu’est ce qui pouvait motiver mon grand chef pour une telle démarche ?
Surtout dans un super grand restaurant étoilé près des Champs Elysées alors que Bernard Lasnod, le patron du groupe, dispose d’un restaurant « club » privé au dernier étage de l’immeuble P&O, restaurant d’une dizaine de tables pour les « happy few » de la Direction Générale.
Tellement étonnée que je m’en étais ouvert à mon mentor bien-aimé Bertrand, un Bertrand revenu enfin aux affaires à la Direction des Stups après de longues semaines d’hôpital.
-Il ne t’a pas invitée pour un week-end à deux à Ibiza, non ? Donc reste « cool ». Soit toi-même. Il a probablement quelque chose à te dire qui n’intéresse pas les autres.
Devant ma moue dubitative, Bertrand avait ajouté :
-Il parait que dans toutes les grandes organisations, ce type de rendez-vous est souvent le prélude à un changement de poste, ou de carrière, ou de trajectoire, ou même de vie. C’est une sorte de bel écrin pour un bijou de proposition qui n’aurait pas le même impact formulé dans un bureau banal et connu.
Son commentaire additionnel n’avait fait qu’ajouter à mon étonnement et avouons-le à mon stress. J’avais également toujours dans un coin de ma tête l’épisode de la cyber-attaque qui m’avait fait connaitre. Le « boss » avait-il eu écho des retombées inattendues qui m’avaient concernées ?
-Tu veux dire que je vais avoir une proposition de job à laquelle je ne suis pas préparée ?
-Tu peux le dire comme cela, ou autrement. Mais en tout cas, rassure-toi, ce n’est surement pas un entretien préalable à un licenciement
C’est donc pas plus « préparée » que cela que je poussais la porte du restaurant cinq bonnes minutes avant l’heure prévue.
Pousser la porte n’est d’ailleurs pas tout à fait le terme exact car un employé galonné à casquette dorée m’ouvrit en grand la porte dès que le taxi me déposa devant l’entrée.
Je portais une des tenues plutôt « classe » que le patron m’avait offertes quelques mois auparavant lorsque j’avais dû me produire pour la première fois devant la presse. Classe mais chic et sobre.
Il était déjà là et il se leva à mon arrivée :
-Bonjour Pauline, ravi de vous voir dans ce bel environnement.
-Merci Patron, je suis également ravie de cette invitation mais aussi également un peu étonnée. Qu’est ce qui me vaut ce traitement de princesse ? dis-je en jetant un regard circulaire sur une très belle salle de restaurant « art-déco » probablement classée.
Bernard Lasnod m’invita à m’assoir avec un petit sourire complice, sans doute lui-même un peu étonné que j’engage le fer aussi vite.
-Mais c’est que vous êtes une princesse Pauline, une princesse très moderne bien sûr, un peu atypique vous en conviendrez, mais une princesse quand même !
Honnêtement, je ne sus quoi répondre. Le boss avait l’air content de sa répartie et je résolus de sourire en attendant la suite. C’était à lui de conduire la discussion.
Le maitre d’hôtel nous donna les menus et nous annonça les plats du jour. Une fois les commandes passées, quelque peu impatiente comme toujours, je relançais mon vis-à-vis avec un grand sourire d’attente.
-En fait Pauline, je souhaitais surtout savoir comment vous alliez après la terrible épreuve que vous avez traversée. J’étais bien sûr informé jour après jour de ce qui vous êtes arrivé mais j’ai choisi après votre retour parmi nous de vous laisser tranquille. Il y a des moments dans une vie que l’on peut difficilement partager et j’ai décidé de rester en retrait et d’attendre que vous retrouviez une vie normale si je peux employer ce terme.
-En premier, je vous remercie infiniment pour le petit mot d’encouragement que vous m’avez fait porter à la clinique, je répondis. Cela m’a profondément touchée. Et je dois ajouter que vous-même et l’ensemble des collègues avec qui je travaille m’a effectivement laissé digérer ce drame sans m’assaillir de questions qui m’auraient gênée. Merci à vous, j’ai beaucoup apprécié.
L’ombre du foetus que je perdis au début du quatrième mois de ma grossesse passe entre nous pendant que je reprends ma respiration :
-Pour répondre complètement à votre question, cela va aussi bien que possible. Les médecins m’ont assuré que cela ne remettait pas en cause une future maternité. Mon changement brutal de situation ajouté à mon énergie débordante – ce sont leurs propres termes – sont probablement à l’origine de cette fausse couche. Ils m’ont dit qu’il faudra que je choisisse un moment plus calme pour faire un enfant...
-Ne choisit-on jamais le bon moment ? rétorqua avec à propos mon vis-à-vis
-Complètement d’accord avec vous Chef. C’est exactement ce que je leur ai dit. En plus, l’idée même de planifier une maternité, cela ne rentre pas vraiment dans ma façon de penser et d’agir.
Je ne peux évidemment pas lui raconter que cette période très difficile pour mon corps fut précédée de la suite inattendue de la cyber-attaque, de la tentative d’assassinat de Bertrand et de la clôture un peu spéciale du dossier Romero, trois évènements qui m’avaient finalement assez secouée et que pour deux d’entre eux je n’ai pas pu vraiment partager avec quiconque.
Après un moment occupé à manger et à échanger des banalités, Bernard reprend la parole :
-Je voulais aussi vous dire que je tiens beaucoup à vous et que je souhaite sincèrement que vous vous épanouissiez dans notre groupe. Nous avons besoin de talents comme les vôtres et notamment de cette façon décomplexée d’aborder les sujets. Je suis persuadé que vous comprenez tous les ressorts politiques qui permettent à chacun d’entre nous de vivre en bonne intelligence avec les autres mais quand il faut aller droit au but, vous savez aussi prendre des chemins innovants et cela n’a pas de prix.
Dois-je dire quelque chose ? Si ce n’est pas une déclaration d’amour – professionnelle bien sûr – cela y ressemble.
-Patron, vous me gênez
-Je vous en prie Pauline, faites comme tous mes proches collaborateurs, appelez-moi Bernard s’il vous plait.
-OK Bernard, mais vous me gênez quand même avec ces compliments. J’essaie effectivement de rester moi-même tout en intégrant petit à petit les codes bien particuliers de la vie dans un grand groupe international tel que P&O, ce qui avouez-le, n’est pas toujours facile.
-Vous voulez dire que la navigation sur un frêle esquif dans une mer infestée de requins mais toujours étonnamment calme en surface n’a maintenant plus de secrets pour vous ?
Nous éclatons de rire tous les deux. Dans un élan de connivence, le boss lève son verre, content de son image.
-Parlez-moi un peu de vos quatre années dans la police demande-t-il après un grand silence
J’hésite un cours instant de lui parler de mon petit frère. Non. Trop tôt. Je ne suis pas encore totalement dans une zone de confort avec lui.
-Je me suis vraiment éclatée dans la création et l’animation d’une équipe performante, équipe qui comme vous le savez a obtenu de très bons résultats. J’ai surtout bénéficié d’un patron...
Je cherche désespérément les meilleurs mots pour qualifier Bertrand
-Génial, oui génial. Pédagogue, animateur, droit, sincère, juste. Avec son aide et sa confiance, j’ai pu aboutir à « la prise de la décennie » comme ils l’ont dit dans les médias. Je suis sûre que je vous en ai déjà parlé.
-Pourquoi ne pas continuer alors ? J’imagine que vous auriez un brillant avenir tout tracé dans la police. Ils seraient heureux de vous reprendre à un poste de grande responsabilité après un passage réussi dans le « privé ».
Je sens qu’après m’avoir délivré ses messages, il veut me faire parler. Pourquoi pas après tout.
-J’étais allé au bout de ce que la police peut faire dans ce domaine très spécifique des stups c’est-à-dire démanteler un réseau. Des réseaux, il y en avait quatre gros. J’en ai eu un ! Il y en a peut-être de nouveau quatre ou plus encore maintenant. Mais la solution du problème de la drogue n’est pas entre les mains de la police. Ni même au niveau des pays producteurs.
Bernard hausse les sourcils m’indiquant par là qu’il attend la suite.
-Le problème de la drogue c’est la consommation. Tant qu’il y aura un marché, il y aura des producteurs et des réseaux. La solution n’est donc pas policière, elle est politique et elle passe par des décisions fortes qui notamment touchent la santé publique. Mais aussi la répression. Regardez l’exemple du tabac. A force de communication et d’information, d’augmentation des taxes, de restrictions d’endroits où fumer aussi, la consommation régresse dans presque tous les pays développés.
-Fine analyse, commente sobrement le patron
-Sans compter que les salaires dans la fonction publique sont loin de ceux de P&O j’ajoute incidemment avec le sourire. C’est loin d’être ma motivation première mais cela fait partie du tableau, dis-je avec le sourire
-Jean Charles que j’ai croisé récemment m’a dit qu’il aimerait vous récupérer dans son organisation. Vous savez qu’il vous apprécie beaucoup et que compte tenu de ses remarquables résultats, j’ai étendu ses responsabilités sur deux autres métiers. Il voudrait carrément vous confier l’animation d’une marque.
-Arrêtez Bernard, c’est trop de compliments d’un seul coup. J’ai également beaucoup d’estime pour Jean Charles qui est comme moi très instinctif. Mais est-ce qu’il faut prendre le risque de mettre deux instinctifs ensemble ?
Mon interlocuteur me regarde avec un large sourire. Nous sommes manifestement sur la même longueur d’onde.
-C’est quoi la suite pour vous alors ?
-Aucune idée Bernard. Ce que je fais aujourd’hui me passionne. J’aime la nouveauté, la difficulté, l’inconnu. J’aime construire, suivre un projet, régler un problème. Au final, j’ai plus l’âme d’un architecte que celle d’un gestionnaire.
-Toutefois vous m’avez dit vous être « éclatée » - je reprends votre propre terme – à animer et à gérer une équipe ?
-Oui vous avez raison, mais en parlant gestion, je me suis mal fait comprendre. Je pensais plus aux chiffres et aux procédures qu’au facteur humain. Avec une équipe à diriger, chaque jour est différent.
L’arrivée du café mis un terme soudain à nos échanges sur mon avenir et nous terminâtes avec des banalités.
Contrairement à ce que Bertrand imaginait, il n’y eut pas de proposition. Seulement beaucoup de réconfort, des compliments et ce que j’ai perçu comme un vrai encouragement à rester moi-même.
Et ça m’allait très bien.
Le salon d’attente « business » est déjà bien plein et il n’est pourtant que six heures trente du matin. N’ayant pas eu le temps de petit-déjeuner, je picore quelques viennoiseries insipides. Le café n’est pas vraiment meilleur.
Ferdinand mon expert « hackeur » pour la sécurité du Groupe m’accompagne. En réalité, c’est moi qui l’accompagne car il n’a besoin de personne pour déployer la « charte sécurité » du groupe dans une filiale nouvellement rachetée.
Mais aujourd’hui, il s’agit d’une très célèbre marque de luxe italienne basée à Milan et c’est dans l’espoir de rencontrer le mythique créateur de cette griffe que je me suis invitée, mon agenda le permettant.
Mon téléphone vibre soudain. Je suis surprise de voir le nom du grand patron s’afficher sur l’écran du portable.
-Bonjour Pauline me dit-il, je vous dérange peut-être pendant votre footing matinal ?
Entre la foule devant le buffet qui me bouscule et le bruit des échanges, j’ai du mal à l’entendre. Je m’isole dans un coin comme je peux.
-Bonjour Bernard je réponds, non pas du tout, vous ne me dérangez pas. Je suis à l’aéroport et je pars dans quarante minutes à Milan visiter votre dernière acquisition.
-Est-ce impératif que vous y alliez aujourd’hui même ?
-Je suis avec Ferdinand que vous connaissez et je peux tout à fait déléguer si c’est vraiment nécessaire.
-C’est parfait alors. Je vous attends à mon bureau.
Dès qu’il a raccroché, j’explique la situation à Ferdinand et je repasse à l’envers tous les contrôles pour attraper un taxi.
Le patron n’a pas été très explicite mais j’ai bien saisi dans sa voix une véritable urgence.
Il n’est pas encore tout à fait huit heures lorsque j’arrive chez P&O. L’immeuble est encore quasiment vide et silencieux. Bernard a la mine des mauvais jours. Il m’adresse un très mince sourire lorsque je pointe le nez à sa porte en m’indiquant un siège.
-Un méga problème chef ? je dis
-Je ne sais pas encore, Pauline
Lors de la cyber attaque qui avait valu de nous rencontrer, il avait une bien meilleure tête qu’aujourd’hui.
-Merci d’être venue si vite. Je vais vous dire ce qui me préoccupe continue-t-il en se levant pour aller fermer la porte que j’avais laissée ouverte.
Il me raconte alors une histoire que je vais tenter de résumer telle que je la comprends.
Il y a un peu plus de trois ans, il a investi dans une start-up californienne prometteuse baptisée Uranis. Cette société a breveté et développé une machine dotée d’intelligence artificielle permettant de quantifier tout un ensemble de marqueurs sanguins à partir d’une simple analyse d’urine.
En résumé, cette innovation devrait permettre de supprimer la plupart des prises de sang – entre 80 et 90% des cas actuels -tout en donnant des résultats en moins d’une heure à partir d’un simple échantillon d’urine.
Le marché mondial de l’analyse médicale de cette branche dépassant les cent cinquante milliards de dollars, la nouvelle machine si elle va jusqu’au bout, présente une opportunité incroyable.
Au-delà des gains économiques évidents, l’innovation permettrait de mettre sous contrôle des marqueurs sanguins importants avec une méthode non invasive.
Car chacun sait que beaucoup d’adultes (des hommes surtout) et les enfants craignent les piqures liées à ces prises de sang. Piqures qu’il faut faire le plus souvent « à jeun » ce qui ajoute des contraintes horaires tant aux patients qu’aux personnels médicaux.
Autre avantage, la méthode étant non invasive, elle pourrait être pratiquée quasi journellement sans impact aucun sur le patient.
Enfin, dernier espoir mis dans ce travail, une miniaturisation de l’équipement et une production de masse pourraient ensuite être envisagées pour une utilisation par le patient lui-même chez lui.
Une véritable révolution ! aurait dit Steve Jobs
Après ce long développement, Bernard me regarde d’un air interrogatif pour voir si je le suis bien et si je comprends l’étendue de l’innovation
-C’est vous qui avez investi ou P&O ? je demande
-J’y viens tout de suite, dit-il
J’apprends alors que depuis une dizaine d’années, P&O finance une Fondation pour la Recherche – FRPO en abrégé – Cette fondation a mis des fonds dans une quinzaine de dossiers – deux cent vingt millions d’euros à date - et l’un d’eux a déjà permis l’éclosion d’une licorne. Une grande fierté pour FRPO.
Comme je ne sais pas ce que signifie une « licorne » mais que je ne veux surtout pas passer pour inculte, je sais qu’aussitôt sortie du bureau, je vais foncer sur internet pour voir ce qu’il en est. Dans sa bouche, cela avait l’air d’évoquer un gros succès.
Après une première année de recherche, Uranis a déposé des brevets et fait un tour de table de soixante-dix millions de dollars pour avoir les ressources nécessaires et suffisantes pour développer une machine prototype.
Concernant Uranis, Bernard a investi à titre perso dix millions de dollars et FRPO vingt-cinq millions. Cette opportunité lui avait été donnée par Louis Le Blan, un milliardaire américain administrateur indépendant de P&O que Bernard connait depuis longtemps et qui place une partie de sa fortune dans des start-up.
Ce Louis a également investi dans Uranis et parallèlement, une banque de la Silicon Valley a complété le tour de table, AIB, Adobe Investment Bank.
-J’y ai mis toutes mes économies Pauline et même au-delà me dit-il – faisant sans doute allusion à un prêt qu’il aurait contracté pour ce projet.
A ce moment, je comprends mieux de quoi il parle et dans quelle mesure il est directement et indirectement impliqué.
Mais je ne sais toujours pas où il veut en venir ! Peut-être « sécuriser » le travail de cette société « cousine » du groupe, la mettre à l’abri d’un hackeur potentiel ? Peut-être plutôt régler un problème de sécurité soudain qui nécessite d’intervenir vite ?
Au total, il y aujourd’hui 5 administrateurs seulement, Kareen, la directrice fondatrice qui avait fait la petite mise de fond initiale avec sa collègue chercheuse Nicole et les 4 du nouveau tour de table, AIB, Louis, FRPO et Bernard.
-Dans la réalité me précise Bernard, Louis qui possède de grosses participations par ailleurs et qui siège déjà dans six conseils importants comme P&O me donne systématiquement son pouvoir. Pareil pour FRPO. Ce qui fait qu’avec 3 voix sur 5, je représente les deux tiers des actions et je suis de facto le dirigeant principal non exécutif de Uranis. Le patron de Kareen quoi.
Le bureau de Bernard n’étant volontairement séparé de ses assistantes que par des cloisons vitrées, je note que Adèle, celle qui travaille avec moi vient d’arriver. Elle nous regarde et doit se demander ce que je fais là dans ce bureau alors que je devrais être en train de survoler les Alpes !
Tout occupé à expliquer l’origine et l’actionnariat de Uranis, Bernard note quand même un mouvement dans le bureau d’à côté et s’arrête un moment de parler pour jeter un oeil. J’attends tranquillement qu’il continue car je n’ai pas encore compris ce que je viens faire dans son histoire.
-Bien. Comme je vous disais, j’assure donc la présidence de chaque conseil d’administration depuis notre mise de fonds. De mémoire, nous en avons tenu sept des conseils. Le dernier il y a à peine deux mois.
Honnêtement, je trouve l’accouchement long et difficile. Tout ce qu’il me dit est tellement éloigné de mes préoccupations depuis que je suis dans son groupe !
-Lors du dernier conseil d’administration, Kareen a indiqué qu’il y aurait probablement un retard de quelques mois sur la mise à disposition du prototype. Retard somme toute assez compréhensible pour un projet aussi pointu qui s’étale sur près de trois ans. A ce moment, la trésorerie couvrait encore largement une année d’exploitation.
Bernard n’arrête pas de se frotter une joue, le front, la bouche, la nuque, les yeux. Manifestement sous pression.
-Cette nuit, Kareen m’a appelé au secours. Elle n’a pas hésité à me réveiller en pleine nuit car elle a besoin de plusieurs millions de dollars très vite. D’après ce qu’elle m’a dit, il ne reste plus que deux semaines de trésorerie ! Elle avait déjà contacté Louis qui l’a renvoyée vers moi. Elle avait aussi demandé à AIB une ligne supplémentaire de crédit. En vain.
Bon, c’est sûr qu’entre un an de trésorerie et deux semaines, ça fait une belle différence. Cette nouvelle a du méchamment le réveiller.
-Je lui ai demandé de m’envoyer un rapport complet pour ce week-end et de convoquer un CA exceptionnel aussi vite que nos agendas le permettent car j’ai la réunion annuelle du groupe la semaine prochaine.
Bernard me fixe intensément en joignant les mains sous son menton.
-Ça sent mauvais cette histoire Pauline. J’ai pourtant une grande confiance dans Kareen. Jusqu’à ce coup de fil improbable, j’aurais dit qu’elle faisait un parcours sans faute, un parcours tout à fait exceptionnel. Là, elle m’est apparue confuse et incapable d’expliquer exactement ce qui se passe. Aucune de mes questions n’a eu de réponse claire. C’était très étonnant. Comme si elle-même ne comprenait pas. C’est simple, je ne l’ai pas reconnue.
Il hoche la tête d’un air entendu.
-Vous comprenez que ce type de situation ne peut pas se résoudre avec une réunion à distance. En temps normal, j’aurais pris l’avion pour comprendre ce qui se passe. Là, au vu de l’AG annuelle du Groupe qui m’oblige à être à Paris, je ne peux vraiment pas y aller.
Je commence à le voir venir.
-J’ai besoin de quelqu’un de confiance qui ne se laisse pas noyer par les apparences.
Pas se noyer et pas se faire manger par les requins qui tournent en dessous de la surface j’ai envie d’ajouter mais je sens bien que l’humour à ce moment ne passerait pas.
-Vous ne connaissez vraiment personne là-bas en dehors de Kareen chez Uranis ?je demande à tout hasard
-Si bien sûr, il y a Mike, l’avocat d’affaires Mike Chandler, celui qui a bouclé l’augmentation de capital, un super avocat associé sénior de chez Garmin et Hovland. Je l’ai rencontré lorsque je me suis déplacé là-bas. Mais je n’ai pas trop envie qu’il mette seul son nez dans une difficulté potentielle dont je ne connais encore rien. Il sera temps de le faire intervenir lorsque nous en saurons plus.
Bon, je crois que j’ai compris ce qu’il veut. D’autant qu’il ne dit plus « je » mais « nous ». Il m’a déjà associé de facto à son problème
-En fait, j’ai aussitôt pensé à vous Pauline continue-t-il, pour aller enquêter sur place et comprendre ce qui se passe. Vous savez très bien faire, mieux sans doute que je ne le ferais. J’ai une totale confiance en vous pour aller au fond des choses.
Enquêter, enquêter c’est bien joli mais les histoires de finance, de chimie et de machines nouvelles, ce n’est pas trop mon domaine. Le temps que je formule une question, je m’aperçois qu’en fait il attend une réponse de ma part.
-Oui, bien sûr. Pourquoi pas Bernard, je hasarde. Mais j’irais là-bas en tant que quoi ? Directeur Général sécurité P&O ? Enquêteur privé ?
Il me regarde fixement un long moment sans répondre. Manifestement, c’est une très bonne question.
-Bien sûr, bien sûr, vous avez raison Pauline. Ecoutez. En temps normal, j’y serait allé. Donc si je raisonne logiquement, il faut que vous y alliez pour me remplacer.
-Et donc, de façon pratique ? j’insiste car il n’a pas répondu complètement à ma question
-Donc, je vais vous donner ... tout pouvoir pour agir à ma place, conclut-il. Vous me représenterez en tant qu’actionnaire d’Uranis et de même pour Louis et FRPO. Je vous signe ces pouvoirs immédiatement.
Le patron se lève et va chercher Adèle qui est encore seule dans le grand bocal vitré des assistantes.
-Réglons tout de suite les problèmes de logistique car il n’y a pas de temps à perdre. Je souhaite que vous soyez dans l’avion en début d’après-midi
Installée confortablement dans mon fauteuil « business », je jette un œil distrait sur l’étendue uniformément blanche parsemée de lacs et rivières gelés qui caractérise à cette période de l’année le nord du Canada. Encore trois heures et demie de vol avant l’arrivée à San Francisco.
J’ai lu en détail le dossier Uranis que m’a donné Bernard. J’ai aussitôt rentré dans mon téléphone tous les contacts fournis.
Je suis en train de parcourir une sorte de revue de presse concernant Uranis depuis sa création que m’a envoyée Ferdinand de retour d’Italie. Vingt et un articles dans la presse locale californienne et trois dans des journaux nationaux depuis le démarrage d’Uranis. A part un article dans une revue technique où apparait Nicole la chercheuse, Kareen est la porte-parole unique de Uranis.
Ferdinand m’a aussi indiqué que le fameux styliste milanais que j’espérais rencontrer est actuellement à New York pour un défilé. Cette mission soudaine ne m’aura donc rien fait perdre...
Une dénommée Gil, assistante qui travaille pour Kareen, m’attend à l’aéroport pour m’emmener chez Uranis.
Je repense avec attendrissement et un peu de mélancolie aux quelques minutes que j’ai pu partager avec Jérôme mon compagnon. J’espère que cette mission éclair ne dépassera pas quelques jours. Il me manque déjà.
Après un nouveau coup d’œil sur l’immensité glacée et blanche que nous survolons, je décide de fermer les yeux afin d’emmagasiner des forces pour la suite.
Je cherche un SUV noir Ford Explorer dans la file de voiture qui attendent à la sortie de l’aérogare « international » de San Francisco. C’est le contact qui m’est parvenu sur mon portable dès l’atterrissage. Une grande feuille « PAULINE » est de plus apposée sur le pare-brise.