Sous la ceinture - Philippe Gustin - E-Book

Sous la ceinture E-Book

Philippe Gustin

0,0

Beschreibung

Ils sont anticonstitutionnels, antisémites, antipathiques. Avec tant de points communs, suprémacistes et djihadistes sont faits pour s’entendre ! Entre vrais mecs, quoi. Une géniale fonctionnaire des Nations Unies va même leur trouver une petite similitude supplémentaire. Et entend mater ces frustrés par une campagne de contre-marketing… Sous la ceinture ! Ses armes ? Une fable, un andrologue et un pied à coulisse.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 297

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Dis-moi, mon petit lapin bleu…Au lieu de ces jeux imbéciles,si tu lisais plutôt un livre ?

André Bouchoms, mon grand-père.

Prologue

Gabriel sentit une sueur froide lui souiller le dos et les aisselles. Quand on est le plus gros traiteur casher de la ville, recevoir une lettre de menaces signée « Khalid le Fou », c’est flippant.

Suzanne, sa secrétaire, avait déposé la missive sur son bureau, sans le moindre commentaire. Le propos était laconique, ce qui tenait en partie au choix typographique : découper toutes ces petites lettres dans un journal avait dû prendre un temps considérable. Cela disait, sans ambages ni formule de politesse :

Que la fureur de Khalid le Fou déferle sur votre engeance galeuse. Soyez le vecteur assujetti de ma vindicte : quand vous lirez ces lignes, il sera trop tard, l’heure de l’expiation aura sonné.

Khalid le Fou

La voix de Gabriel se fit chevrotante, bien trop aiguë :

— Putain, Suzanne ! C’est quoi ce bordel ? On a trois mariages et une bar-mitsvaen cours ! Vous avez eu les équipes en ligne ?

— Vous devriez d’abord voir les vidéos de surveillance des chambres froides. Ce matin, les gars ont trouvé le volet de l’atelier mal fermé. Rien ne manquait, ils ont cru à une mauvaise manipulation et n’en ont pas parlé… Ils ont eu peur de se faire taper sur les doigts.

Joignant le geste à la parole, elle contourna le bureau et pianota sur le clavier de son patron pour lancer les images.

L’horloge numérique en bas de l’écran indiquait 3 h 51 quand le rideau de fer s’était entrouvert. Une silhouette massive se contorsionnait pour se glisser à l’intérieur. Gabriel en ressentit une frustration intolérable. Il devait contempler, impuissant, cette ignoble larve ramper chez lui et anéantir des années de travail acharné. Lorsque l’intrus se redressa et que son équipement fut visible, la vexation n’était cependant plus que le cadet de ses soucis. La panique le submergea, il dut s’appuyer des deux mains aux accoudoirs de son fauteuil pour ne pas tourner de l’œil.

L’homme – Khalid le Fou ? – portait un masque à gaz à double cartouche filtrante d’un modèle ancien. Probablement un surplus de l’armée. Il avait endossé une combinaison intégrale jetable rappelant celle des apiculteurs. Le capuchon étroit ne laissait entrevoir que l’ovale de son visage, caché par la visière étanche du masque. Les chevilles et les poignets étaient protégés par du chatterton appliqué grossièrement sur une paire de bottes et des gants de vaisselle. Il tenait de la main gauche une série de petites boîtes.

Arrivé au seuil de l’immense chambre froide, il marqua l’arrêt. Avec d’infinies précautions, il dégoupilla l’opercule qui recouvrait ses récipients puis entra, sans la moindre hésitation.

Suzanne bascula vers une autre caméra : Khalid le Fou tenait à bout de bras des raviers où il puisait de petites pincées dont il saupoudrait les préparations.

— Regardez, Monsieur, il en met partout ! Dans les plats, les potages. Et même sur les petits fours !

Par automatisme, Gabriel réagit mollement :

— Suzanne, je vous ai déjà demandé de parler de zakouski…

Khalid le Fou attaquait maintenant les pâtisseries. Bien qu’hébété, Gabriel aurait juré que Suzanne venait de glousser. Ce frémissement le ramena à la réalité qui avait pourtant toutes les apparences d’un cauchemar. Il murmura, osant à peine prononcer le mot :

— De l’anthrax… Nous venons de servir de l’anthrax à six cents personnes…

Suzanne sourit timidement, car elle réalisait seulement l’état dans lequel se trouvait son patron :

— Non, Monsieur. Pas de l’anthrax. J’ai retrouvé les paquets dont il a répandu le contenu. Voyez.

Elle déposa sur le bureau des blisters en plastique, faisant bondir Gabriel qui se couvrit des mains le nez et la bouche.

— Mais vous êtes dingue ! On va se choper le…

Puis, son regard tomba sur l’opercule qui refermait un des raviers.

— Attendez… Je rêve ? Mais ce sont des…

— Oui, Monsieur. Des dés de jambon.

1

Deux ans plus tard

Khalid enroba son poing de sa manche et dégagea un petit rectangle limpide dans la buée. Attablé là, il était le chat sur sa branche, qui voit sans être vu.

La serveuse le fusilla du regard. C’était une grande fille dégingandée qui officiait en salle, tenait la caisse, changeait les fûts et lorsqu’elle ne récurait pas les sanitaires, nettoyait les vitres… Propres d’hier, saligaud ! Elle venait de préparer du potage pour les snobinardes d’en face, qui se nourrissaient de l’illusion qu’un bol de soupe à midi les absoudrait de la demi-bouteille de sylvaner qu’elles écluseraient en rentrant chez elles. Peut-être les hommes étaient-ils moins hypocrites, assumant graisse abdominale ou assuétude, lorsqu’ils traversaient la rue sur le coup de onze heures pour se jeter derrière le col la première chope de la journée.

Elle s’essuya rageusement les mains à un torchon et essaya de se calmer : au moins le gros type n’avait-il pas tracé un phallus dans la buée. Pourquoi les mecs griffonnent-ils prioritairement un organe turgescent dès qu’ils pensent qu’on ne les voit pas ? Les filles ne barbouillent pas de foufounes sur les murs, elles. Ceci étant, elle fit un essai au dos d’un sous-verre en carton. Un papillon qui n’avait que deux ailes et pas d’antennes… gros déficit de potentiel graphique, en fait.

Tout bien réfléchi, le gaillard ne lui était pas antipathique. Il avait même une bonne tête ; son visage rond et imberbe lui donnait une allure de nounours. Son regard presque fuyant n’avait pas le côté inquisiteur des jeunes hommes de son âge, dont certains auraient pu lui refiler une maladie vénérienne rien qu’en posant leur œil torve sur sa silhouette. Le plus humiliant était qu’ils s’en détournaient généralement, n’y ayant rien trouvé d’affriolant. Il avait l’air gentil et plutôt timide, mais la serveuse savait qu’un tel masque pouvait dissimuler une grande nervosité. Voyant qu’elle l’observait, Khalid lui adressa un faible sourire, dont l’absence totale d’assertivité la convainquit que cet ours en peluche n’était pas si mal léché.

Pas comme ces ivrognes en complet veston qui finissaient parfois par tenter leur chance auprès de la jeune femme, l’imprégnation aidant. À cette pensée, elle se dit qu’elle n’avait pas encore vu ses habitués, ni servi beaucoup de soupe alors que l’heure de table était passée depuis plus de quarante minutes. Misère ! Elle se souvint de la réception de Nouvel An organisée pour les membres du Parlement, de l’autre côté de la rue… Ces rats mangeraient et picoleraient à l’œil tout l’après-midi. Au moins n’aurait-elle pas à émincer les légumes pour demain, ni à modifier l’ardoise annonçant les saveurs du jour.

C’était sans doute la force de Khalid. Les terroristes ont habituellement le physique de l’emploi, et leurs photos d’identité ont le charisme maléfique d’images Panini du système Bertillon, père de l’anthropométrie judiciaire ; lui avait indiscutablement une bouille avenante, il était en quelque sorte le Columbo du djihad.

Les vapeurs de légumes lui rappelèrent sa gardienne d’enfants qui, le jour à peine naissant, préparait déjà le repas de ses petits pensionnaires. Sans la distinction proustienne d’une madeleine, la transpiration des poireaux replongea tout de même Khalid un bref instant dans l’insouciance bienheureuse de l’enfance. L’époque où il ne souhaitait pas encore la mort de la moitié de l’humanité.

Khalid se demandait parfois s’il n’était pas trop généreux en offrant toute cette haine au monde. C’était tout le paradoxe de sa condition, qui consistait à vouer tant d’attention et d’énergie à ce qu’il détestait. Mais en cet instant précis, il était de fort bonne humeur. Tout s’annonçait bien, en dehors du grand laideron du comptoir qui dardait sur lui un regard noir. Aurait-elle subodoré quelque chose ?

Khalid se redressa sur sa chaise lorsqu’il entendit au loin les sirènes de la première ambulance. Quand elle se gara, il colla ses yeux au rectangle vitré qu’il venait de nettoyer. De l’extérieur, c’était la seule partie de son anatomie que dévoilait cette burqa de buée.

À l’arrivée des trois autres véhicules du Samu, la jeune femme remarqua que le gros type s’était levé, laissant un généreux pourboire sur la table. Il avait l’air radieux à la vue de toutes ces lumières bleues.

Ce que Khalid ne vit pas en s’en allant, c’était qu’il n’était pas le seul à sourire. Les premiers secouristes étaient ressortis du Parlement pour accueillir leurs collègues avec de grands gestes cocasses.

2

Le CEO enfonça la touche de l’interphone. Il avait de belles mains aux ongles nets qui clamaient qu’il était de ceux qui donnent les ordres plutôt qu’ils ne les exécutent.

— Bon, Ahmed, il vient ce thé ?

— Oui, Monsieur, tout de suite.

Ahmed préparait le thé à la perfection. Rien que pour cela, c’était une perle. Il rinçait à l’eau chaude les feuilles noires et sèches pendant vingt secondes, afin de briser leur amertume. Les tiges de menthe étaient ensuite tordues entre ses doigts agiles pour faciliter l’envol des arômes, et il veillait à ce qu’aucun morceau du végétal n’émergeât de l’eau frémissante qu’il versait dans la théière argentée. Sans quoi la menthe cuisait dans l’air brûlant avec un parfum fade. Neuf cuillères de sucre, mais pas de fleur d’oranger. Pourquoi pas une fraise Tagada dans son cognac XO tant qu’on y était ?

Le CEO s’appuya contre le dossier de son fauteuil qui s’inclina en position relax, et ferma les yeux en essayant de se détendre. Les affaires étaient compliquées en ce moment. Le bilan financier de l’organisation s’annonçait mal, les dernières campagnes avaient fait un flop retentissant. Les investisseurs grinçaient des dents, certains ayant menacé de changer de crémerie si l’on n’atteignait pas rapidement les objectifs. Diriger, c’était être contraint à la solitude, lisait-on dans les monographies sur le management. Pourtant, cet aspect de sa fonction ne le dérangeait pas.

Deux coups secs retentirent faiblement à la porte, amortis par l’épais capitonnage façon Chesterfield.

— Ahmed ! Je t’ai déjà dit d’utiliser la sonnette, on n’entend rien ici.

Pour ponctuer le propos, il appuya sur la commande allumant la diode verte dans le couloir, signifiant que l’on pouvait entrer. Le majordome ouvrit, un plateau garni du service à thé dans la main gauche, un bol de Doritos dans la droite, ce qui l’avait contraint à manipuler la poignée de la hanche.

Les yeux toujours fermés, le CEO s’exclama :

— Qu’est-ce qui pue comme ça, Ahmed ? On se croirait dans la lingerie d’une maison de retraite !

— Il n’y avait plus de sablés, Monsieur. J’ai cru que ces espèces de nachos vous feraient plaisir.

— Avec un thé à la menthe ? Tu déconnes ou quoi ?

C’est alors que l’homme à l’élégant costume de lin ouvrit les paupières. Son jeune aide de camp se tenait droit comme un I, la main aux Doritos dans le dos. Il avait le visage glabre, de longs cils noirs et un veston fermé par trois boutons dorés. Une serviette qui avait été blanche était posée sur l’avant-bras portant le plateau, et l’image de ces « serviteurs muets » de bois que l’on trouvait à l’entrée des restaurants du siècle passé venait tout de suite à l’esprit. Du moins pour le haut du corps, car le bas était vêtu d’un short à fleurs Quechua jaune fluo, de chaussettes de tennis blanches et d’une paire de Crocs parme.

— Ahmed, c’est quoi, cette tenue ?

— J’ai voulu vous être agréable en rappelant vos anciens usages, Chef.

— Steward au salon du caravaning, moi ? Jamais, je t’assure.

— Non, vous n’y êtes pas. Je fais référence à ce magazine que vous avez laissé entrouvert aux toilettes, à propos de la culture d’entreprise des grandes multinationales. On est vendredi…

— Mais encore ?

— Friday, c’est casual chic ! Décontracté BCBG. Que des fringues de marque, sportives.

— Pour mon édification personnelle, c’est quelle discipline olympique qui se pratique en Crocs ?

— Ben, euh…

— J’ignorais même qu’ils faisaient cette couleur… Au fait, tu sais à qui la vente de ces « chaussures » profite ?

Ahmed leva un pied, se tordant la cheville pour lire l’inscription sur la semelle : « Boulder – Colorado ».

— J’avais hésité avec des Havaianas, mais pour les chaussettes, c’était compliqué. Il fait frisquet aujourd’hui.

La dernière fois que le CEO avait vu des Havaianas, c’était dans son ancienne vie, sur les quais de Seine. Une jeune Parisienne avait eu le malheur de marcher en tongs dans une déjection d’origine incertaine, pile devant le banc sur lequel il lisait son journal. En parfait gentleman, il lui avait tendu son mouchoir de batiste et ils avaient bien ri. Comme il habitait à deux pas, il lui avait proposé de venir se rafraîchir chez lui. Sa bonté désintéressée, son respect des bienséances et le décor du deux cent vingt mètres carrés avec vue sur le fleuve avaient mis la jeune femme dans d’excellentes dispositions à son égard. Si l’on exceptait le moment où la demoiselle avait voulu lui rendre son mouchoir et le fait qu’elle avait disparu à son réveil, il gardait un merveilleux souvenir de cette rencontre.

Il se rappelait lui avoir présenté sa carte de visite pour la mettre en confiance lorsqu’elle avait hésité à le suivre chez lui. Sous son nom aux consonances qui promettaient mille et une nuits, son titre : « Chief Executive Officer », Président-Directeur Général, en bon français. Dans le milieu actuel, il était resté le CEO, suite à une traduction approximative qui ne sonnait pas si mal : « Chef des Exécuteurs d’Officiers ». Bien sûr, il ne fallait pas se limiter pour autant, et les simples troufions ou les civils en prenaient aussi pour leur grade, s’amusait-il à dire quand il sentait que l’auditoire était réceptif.

— Tu es un gentil garçon, Ahmed. Mais qu’est-ce qui te fait croire que mon ancienne vie me manque ?

— Vous rigolez ou quoi ? Paris… Ici, qu’est-ce qu’on s’emmerde, il ne se passe jamais rien.

— Tu exagères. D’ailleurs, on va avoir une belle vidéo de revendication à tourner.

— Cool, ça, j’aime bien.

Le majordome hésita, mais le Chef semblait dans de bonnes dispositions, alors il se lança :

— Monsieur, si je peux me permettre, comment un homme comme vous est-il arrivé ici ? Je veux dire que moi, je n’ai rien connu d’autre : mon père, tout le village l’appelait « Tom Cruise », vu que c’était le meilleur préparateur de cocktails Molotov du bled. Mais vous ?

— Quoi, moi ?

— Ben, vous aviez une bonne situation à ce qu’on dit. Gros revenus, belles voitures, jolies femmes…

— Et quoi, on n’est pas bien ici ?

Ahmed regarda ses pieds, et la vue des chaussons incongrus renforça sa gêne.

— Honnêtement, ça craint. Des fois, je me dis qu’on est juste des sales gosses…

— Tu peux développer ?

Le CEO sentait qu’il valait mieux ne pas éluder cette conversation de fond. Le doute était une étape classique du parcours d’un combattant, il fallait percer l’abcès.

— Oui, vous savez, ces gamins qui cassent le jouet d’un autre parce qu’ils ne peuvent pas l’avoir. Moi, ça me plairait, une belle voiture, une jolie femme. Je ne sais pas, des fois, je me dis que ce monde que l’on veut détruire, c’est parce que nous n’y avons pas de place. Sauf que vous, vous en aviez une, de place.

Ahmed n’avait pas toujours toutes ses frites dans le même sachet, comme on disait à Molenbeek, mais là, il avait marqué un point.

— J’ai fréquenté le gratin, c’est vrai. Tu m’aurais vu… Refiler l’air de rien les clés de la douze cylindres au voiturier et commander un pinard à cinq cents balles pour en laisser la moitié. Prendre l’hélico comme d’autres le métro. On raconte beaucoup de conneries sur le pognon : moi, je te dis qu’il fait le bonheur. En tout cas, une certaine forme. Mais le truc, vois-tu, c’est que le fric, il n’y en a pas assez pour tout le monde. Du coup, pour le bonheur, c’est pareil. L’offre est inférieure à la demande… Pour qu’il y ait des riches, faut des pauvres, logique. Ben, pour être heureux, faut des malheureux. Au fond, le djihad, c’est essayer d’établir un nouvel équilibre, rien de plus. Les chaises musicales, si tu veux.

Le téléphone satellite sonna comme un réveil interrompant une rêverie. Un appel de Belgique.

— Ah ! Les affaires reprennent, Ahmed. Tu vas voir, un peu d’action nous fera du bien.

Malheureusement, l’appareil n’avait pas de fonction main libre, et le majordome au spleen séditieux n’eut droit qu’à une demi-conversation.

— Farid ! Tu n’imagines pas comme ton appel me fait plaisir. Si, si. Enfin, pas le fait que ce soit probablement le dernier, bien sûr. […] Tu as eu mon mémo, hein ? Tribune Est, porte T, ce sont nos gars qui s’occupent des fouilles. Ils te reconnaîtront. N’oublie pas ton billet comme les autres couillons ! Je les retiens, ceux-là. […] Comment ? Que j’attende la fin du match, parce que tu es fan ? Euh, oui, pourquoi pas ? Sauf si les supporters commencent à s’entretuer, hein. Ces morts-là ne comptent pas. […] Écoute, les exégètes sont formels : soixante-douze. Septante-deux, quoi. […] Ah ça oui, par définition, les 72 houris, pucelles du paradis, sont vierges. Alors, repose-toi bien, tu auras besoin de toutes tes forces, petit veinard. […] Si on peut demander qu’il y en ait trois ou quatre expérimentées dans le lot ? Je vais me renseigner. […] Qui ? Non, je n’ai pas vu ses films. Enfin je vois ce que tu veux dire. Tu sais, j’évite ce genre de sites : le jour où les Ricains débarqueront, ils… […] Mais si. Le plus tard possible, mais ils viendront, crois-moi. Et le premier truc qu’ils feront, c’est raconter au monde entier qu’on matait ça à longueur de journée en caressant une chèvre. […] Ah, Ahmed est près de moi, il t’embrasse. Eh, Farid… Y a match aller sans retour, cette fois. Éclate-toi !

Il n’y avait pas à dire, le CEO était un meneur d’hommes, il savait leur parler.

— Bon Ahmed, tu sais quoi ? On dit de ne jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, mais pour le coup, j’ai un bon feeling. Alors, on va se la tourner, cette vidéo de revendication ? Tu sors le matos ?

L’installation comportait un tapis miteux, deux caisses en bois en guise de sièges et une toile tendue sur le mur du fond, représentant une paroi rocheuse.

— Allez, j’enfile mon costume de scène. Quand je pense que ces cons-là nous cherchent dans les montagnes…

3

Khalid marchait vite, d’un pas sautillant. Malgré le froid, le soleil conférait à cette journée un côté printanier. L’air lui semblait plus transparent qu’à l’accoutumée, l’effet de l’adrénaline, sans doute…

Khalid avait conscience que ce qu’il avait accompli était mal, du moins selon le sens commun, mais il en éprouvait une satisfaction confinant à l’hébétude, proche de la perspective de perdre enfin son pucelage avec sa cousine Samira, au cul si bien moulé dans son jeans taille basse. Devoir les plus belles pages de son imagier onanique à un dénommé Levi Strauss, tout de même, c’était un comble !

Il était trop tôt pour réintégrer l’appartement maternel où il tournerait comme un lion en cage avant la narration de ses exploits au journal télévisé. Feraient-ils l’objet d’une glose érudite par des experts ? Qui étaient-ils pour comprendre ce qui ne relevait d’aucune terminologie, mais du pur instinct ?

Secrètement, il rêvait de finir en tête du classement des djihadistes. Il se voyait, Ray-Ban sur le nez, tempérant les acclamations de ses admiratrices, accepter avec une moue dédaigneuse l’Oscar du meilleur scénario d’attentat… Car le moins que l’on puisse dire, c’était qu’il avait innové ! Il venait d’élever l’épandage de la terreur – fumier pourtant préjudiciable à toute culture – au rang de discipline artistique. L’écrabouillage au camion-bélier manquait d’élégance à ses yeux, et les engins explosifs étaient devenus trop communs. D’autant que ces derniers étaient soumis aux aléas de la technologie, toujours plus défaillante depuis que les Chinois en avaient le monopole. Il sourit à l’idée que dans le cas d’une ceinture explosive, on pouvait cependant tolérer le concept d’obsolescence programmée.

L’idée d’oscariser les attentats lui plut. Peut-être serait-ce une manière efficace de populariser son « hobby » pour lui assurer un afflux constant de sang neuf et en rajeunir les cadres. Il imagina plusieurs catégories : meilleurs effets spéciaux, meilleur acteur, meilleur second rôle… Viendraient ensuite les meilleurs costumes : pompier, livreur de pizzas, costard trois-pièces – Stan Smith, futal peau de pêche vintage et bob Vuitton.

Et enfin, mais non des moindres : meilleur scénario original. Il avait fait le test de l’ennéagramme sur Internet, et le résultat était catégorique : Khalid était un créatif. Il estimait être détenteur d’un atout majeur du parfait djihadiste, car un bon attentat se devait d’être inédit, imprévisible ; c’était la clé du succès.

Khalid s’arrêta net lorsqu’il comprit que son idée d’Oscars du djihad était vouée à l’échec : la salle de cérémonie qu’il avait imaginée comble, bouillonnante d’une saine émulation entre concurrents épris d’un idéal commun, serait forcément vide. La tradition voulait en effet que les meilleurs soldats de Dieu finissent en martyrs, ce qui les empêcherait de venir chercher leur récompense, ipso facto posthume…

4

Dans l’imaginaire populaire, l’isolement carcéral est une forme de châtiment. Une manière de sanctionner celui qui, bien que déjà puni, mérite de l’être plus lourdement. Mais ça, c’est la cellule disciplinaire, le mitard, où l’on entre pour une durée maximale de trente jours. L’isolement, en revanche, n’est pas limité dans le temps, et vise essentiellement à assurer la sécurité du détenu. Dans le cas du Chevalier, tous s’accordaient néanmoins à penser que la mesure bénéficiait en priorité aux autres prisonniers.

Son titre autoproclamé faisait allusion au vainqueur de la bataille de Poitiers, égérie d’une certaine extrême droite moderne. Cependant, s’il ne faisait aucun doute que Charles Martel avait cassé du Sarrasin, il avait bastonné les Saxons et les Frisons avec le même entrain, avant de confisquer les biens de l’Église catholique. Il y avait donc matière à se demander si le chef franc était vraiment xénophobe ou simplement misanthrope. Ou psychopathe.

Dans l’ombre de sa cellule, le suprémaciste blanc était effrontément pâle. Sa peau, qui ne devait contenir aucune mélanine, semblait avoir été détachée, blanchie à l’eau de javel puis recousue sur pièce. Une enveloppe morte sur une bête à sang froid, avare de ses mouvements et plus encore de ses mots. Cet aspect tout en peau était accentué par son crâne rasé au plus près, qui exposait davantage encore une blancheur écœurante. Lorsqu’il passait sa langue sur ses lèvres, on était presque surpris de constater qu’elle n’était pas fourchue. Le geste lent, il tournait toute la tête pour vous observer ; la tourelle d’un blindé venait de pointer la gueule de son tube meurtrier sur votre front.

Ce qu’il y avait de plus effrayant en lui était assurément son sourire permanent, qui ne traduisait cependant aucune bonne humeur. On se demandait s’il se repassait mentalement le film de ses exactions, ou s’il imaginait tranquillement ce qu’il vous ferait quand l’occasion se présenterait.

Ce n’était pas un rôle de composition : le Chevalier faisait même de gros efforts pour ne pas paraître trop à l’ouest, car les premiers experts lui avaient diagnostiqué une schizophrénie assortie de troubles délirants. Cette irresponsabilité pénale présumée décrédibilisant son action et ses projets, il s’était employé à rassurer une seconde vague de psychiatres, qui lui avaient décerné le sésame pour la cour d’assises. Il y avait donc une justice en ce pays, puisque l’on pouvait y être considéré comme sain d’esprit après avoir massacré quatre-vingt-trois personnes.

Si son mode opératoire n’avait rien d’original, il avait innové sur un point : la durée. Habituellement, le déroulement d’un attentat s’étale sur un laps de temps court. Quelques centièmes de secondes pour une déflagration, quelques minutes au volant d’un dix-neuf tonnes. Cette fugacité évite d’ailleurs de réfléchir ou de s’apitoyer : il n’y a guère d’opportunités de changer d’avis. Le Chevalier, lui, avait réussi à isoler ses victimes en vase clos puis s’était octroyé une bonne heure en leur compagnie avant d’être intercepté par les forces spéciales. Il avait eu le loisir de lire l’horreur sur les visages au fur et à mesure qu’il les débusquait. À la fin, une jeune fille s’était même jetée devant lui, ne supportant plus d’attendre que vînt son tour, préférant la mort à la traque. C’est à cet instant précis qu’il avait appréhendé dans toute sa magnificence le pouvoir que procure la terreur.

Huit ans plus tard, l’isolement s’était assoupli. Les rares détenus qui devaient s’en approcher pour la corvée de linge ou la distribution des repas ne s’éternisaient pas, quand ils n’avaient pas refusé ce passage de leur tournée. Le Chevalier recevait pourtant régulièrement du courrier d’admirateurs dont un grand nombre de femmes de tous âges, qui lui proposaient plus que leur seule sympathie. Une photo joignait souvent le geste au verbe.

Il aurait aimé répondre à certaines de ces lettres, moins pour assouvir ses pulsions libidineuses que pour continuer à faire parler de lui dans le monde, mais sa correspondance était censurée, et si c’était pour parler de la météo, il préférait s’abstenir. À une époque de sa vie, il avait pourtant eu la plume facile : il avait rédigé un manifeste, une brique indigeste au titre cérémonieux – An de grâce 732 –, lequel recelait une compilation de théories fascistes, eugéniques et homophobes de quelque mille cinq cents pages.

Récemment, il avait écrit pour se plaindre de ses conditions de détention : sa chaise lui faisait mal au dos et deux générations séparaient sa console de jeux du modèle le plus récent. Le pourvoi, jugé irrecevable, avait définitivement jeté ce triste sire aux oubliettes du système judiciaire, mais pour se donner bonne conscience, on avait remplacé la chaise délictueuse par un canapé aux taches interlopes que le Chevalier avait aperçu huit ans plus tôt, lorsqu’on lui avait présenté la pièce réservée aux visites conjugales.

Introduire un téléphone portable et son chargeur en prison n’était pas une mince affaire ; le Chevalier planquait donc jalousement le sien. Il avait pris la précaution de percer la membrane du petit haut-parleur diffusant la sonnerie avec un cure-dents, afin d’éviter que celle-ci ne retentisse accidentellement. Un accident est vite arrivé : l’appareil pouvait sortir inopinément du mode silencieux ou signaler sa présence par un bip strident indiquant que la batterie serait bientôt vide. Malheureusement, il s’était aperçu que c’était le même haut-parleur qui aurait dû diffuser la voix de son interlocuteur, ce qui avait réduit son premier appel à un dialogue de sourds. Comme le Chevalier était homme à tirer parti de l’adversité, il avait décidé de ne plus communiquer que par texto, ce qui devait renforcer son aura ténébreuse. Accessoirement, cela éviterait que les matons pensent qu’il parlait tout seul sous sa couverture et fassent revenir les psys.

Il alluma l’appareil et trouva stupide de devoir introduire son code de sécurité puisqu’il n’y avait personne pour le lui voler. 0732 était un millésime facile à retenir : il était tatoué en gothique sur son torse. Il avait un nouveau message d’Anton.

— Votre bras armé est prêt à frapper, Seigneur.

Il aimait que l’on y mette les formes.

— Je n’en attendais pas moins de toi, mon frère.

— Votre forfait pour le mois de janvier est presque épuisé. Nous vous conseillons notre formule illimitée. Intéressé ? Appelez-nous sans tarder pour recevoir la visite de l’un de nos conseillers ou passez dans l’une de nos boutiques.

Connerie de merde.

— J’ai tout revérifié. Avez-vous un dernier conseil à me donner ?

— Il se peut que tu doutes. Ne recule pas. S’ils te font pitié, évite leur regard.

Lui, c’était ce qu’il avait préféré, ces yeux exorbités, émergences irisées du cerveau reptilien, qui ne se fermaient pas alors que leur face heurtait le sol avec un bruit mat. Il ajouta :

— J’oubliais : le temps sera compté, mais ne te précipite pas. Reste concentré. Efficace.

— Je ne faillirai pas. Pour notre cause !

— Pour le manie fesses !

— ?

— Manifeste. Saloperie de correcteur. Et surtout : amuse-toi !

— Bien, Seigneur. Un jour, nous serons réunis.

C’est ça, et puis quoi encore. Le manifeste… Cet imbécile d’Anton allait vraiment commettre ça au nom de ce torchon ? Non, le Chevalier avait d’autres ambitions pour le futur proche.

Il engagea une seconde conversation :

— Slt Gerhard, tt est ok. Anton est prêt. Cargaison arrivée ?

— Tt baigne. On est full.

— Et le Web ?

— Un clic et c’est online. Impossible de nous doubler.

— On va tout déchirer.

— Sûr.

5

Tout au long de sa promenade, Khalid avait résisté à la tentation de consulter les informations sur son portable. Les articles sur le Web étaient trop souvent mal rédigés, dans l’urgence que requérait la primeur d’une actualité qui ne s’arrêtait jamais. Systématiquement, en cas d’attentat, on avançait des nombres de victimes et de blessés farfelus, occasionnant, selon que la fourchette était haute ou basse, faux espoir ou déception chez les populations ou chez les auteurs.

Khalid voulait une indication fiable de sa performance. Ce serait donc au journal télévisé du soir qu’il découvrirait l’étendue des dégâts. C’était le même présentateur depuis qu’il avait commencé à suivre l’actualité internationale. Le charisme débonnaire de cet homme suffisait à cautionner ses propos et parvenait encore à créer un rare moment de communion lorsque résonnait le jingle solennel du début du direct. Après le salut convenu aux dames, demoiselles et messieurs, il annoncerait les titres. À moins d’un séisme meurtrier aux Philippines ou d’un nouveau scandale sexuel outre-­Atlantique, peut-être n’y en aurait-il qu’un, cette fois.

Ce n’est donc qu’au pied du respectable immeuble 1930, en fouillant ses poches à la recherche de ses clés, que Khalid vit le texto de sa mère : Coucou mon chéri. Je serai un peu en retard. Je dois faire des courses, Samira mange avec nous. Tu m’aideras à cuisiner ? Biz.

C’était un signe du destin ! Le jour de son coming out ou, plus exactement, de son passage à l’acte, serait parfait : en plus de la réussite de son plan, il partagerait cette consécration avec les deux êtres qui lui étaient les plus chers. Sa mère, qui l’idolâtrait depuis sa naissance, mais n’était pas totalement impartiale, et sa cousine Samira, gaulée comme un avion de chasse.

Enfin, quand il pensait « partager », c’était une façon de parler, car ni l’une ni l’autre ne se doutait que derrière ce garçon placide et serviable se cachait un moudjahid. Pour leur sécurité et surtout, pour sa liberté de mouvement, mieux valait qu’elles restent dans l’ignorance, même si ce soir, il lui en coûterait de ne pouvoir leur ouvrir son cœur en laissant exploser sa joie.

Il n’aurait pas le choix : il devrait se composer un personnage impassible pour la circonstance. Jamais il n’avait éprouvé autant d’empathie pour Peter Parker, dont il se jura de revoir les aventures, fort de ce nouvel éclairage. Il se félicita tout de même de ne pas avoir à enfiler un collant moule-bite pour son travail de super-héros…

6

La fillette aux cheveux platine était en nage. Elle devait avoir dix ans, onze tout au plus. Cela faisait bien quatre minutes qu’elle sautait, changeant parfois de jambe, au-­dessus de la corde que ses deux amies faisaient siffler dans l’air brûlant. Un attroupement essentiellement masculin s’était créé dans la cour de récréation. Elle était vraiment douée. La cadence était infernale, certains s’étaient mis à l’acclamer… Effectuant un dernier saut qui lui fit effectuer un tour complet sur elle-même, elle retomba de la pointe des pieds sur la corde, qui s’arrêta net, et s’inclina en un salut composé. Un rouquin qui n’avait plus cligné des yeux depuis le début de la prestation allait se déboîter le coude à force d’applaudir. Elle l’ignora superbement pour aller chercher sa gourde, rangée à l’ombre sur un banc. S’y trouvait une fillette du même âge, replète, les cheveux noués en une queue-de-cheval, des lunettes rondes sur le nez. Lorsqu’elle se pencha pour attraper son eau, la petite blonde lâcha perfidement :

— Alors, grosse vache. Qu’est-ce que tu dis de ça ?

La binoclarde ne leva pas les yeux de son livre :

— Deux cent soixante-huit. Et approximativement trois millions.

— Qu’est-ce que tu me chantes ?

— Tu as effectué deux cent soixante-huit sauts. Les chocs qui en ont résulté t’ont fait perdre environ trois millions de neurones. À ce train-là, tu finiras l’année avec un Alzheimer.

— Mais… le sport, c’est excellent pour la santé ! C’est pour ça que je suis mince et belle, alors que toi…

— Tu es belle, c’est vrai. Et tout cet exercice te fera devenir encore plus jolie. Les garçons sont déjà fous de toi et ça ne va faire qu’empirer.

— Ah, tu vois ! Tu es jalouse.

— Dans quelques années, tu coucheras avec eux. Autant que tu voudras, car ils seront tous à tes pieds. Mais tu dois savoir que chaque coup de bite aura le même effet sur ton encéphale que tes sauts à la corde. C’est ton squelette qui va transmettre l’onde de choc, de ton cul à ta tête. Un coup de reins et poc ! Ton cerveau cogne sur ta boîte crânienne. Boum, les neurones. Envolés, éjaculés. À trente ans, tu te seras tellement fait percuter les méninges par périnée interposé que tu devras te faire tatouer ton adresse dans la paume de la main, pour que le mec qui s’occupe de toi sache où te déposer quand il aura fini sa petite affaire. Moi, au même âge, j’aurai sans doute un gros cul, mais il n’aura pas causé ma perte. En plus, ça amortit.

— Mais… Mais…

— Ben voilà. La preuve. Ça a déjà commencé. Si tu pouvais t’écarter un peu ou au moins te passer un coup de déo, ce serait sympa. Je n’ai pas envie de perdre ma caution à la bibliothèque parce que mon livre sent la chaussette.

À ce stade de la conversation, les lunettes n’avaient pas quitté leur lecture, et ce n’étaient plus des gouttes de sueur qui ruisselaient sur le visage de la blondinette.

Trente-cinq ans plus tard, Evelyn Bright avait conservé un bon gros derrière qui avait amorti quelques coups de reins. La dioptrie de ses verres rendait son regard inquisiteur tandis que ses cheveux coupés court lui conféraient une allure volontaire. Si son physique n’était pas déplaisant, son tempérament était moins engageant.

Car Evelyn foutait les jetons. Furieusement intelligente, elle ne mettait jamais longtemps à trouver le défaut de la cuirasse ou le bon angle d’attaque. Personne n’emmerdait Evelyn Bright, et elle ne concevait aucune frustration de cette mise à l’écart, consciente qu’il n’y avait pas de meilleur point de vue pour observer et comprendre le monde.

La New-Yorkaise détenait un doctorat en économie doublé d’un master en langue et lettres françaises. La pratique conjointe de l’anglais et du français, les deux langues de travail principales de l’organisation, lui avait permis d’intégrer un poste de fonctionnaire de rang supérieur à l’ONU1. Mais après dix-neuf ans comme Spécialiste des Communications à la Section de l’assurance maladie et de l’assurance vie du Service de gestion du risque financier, relevant de la Division des finances du Bureau de la planification des programmes, des finances et du budget, Evelyn pensait avoir fait le tour de la question.

Elle voulait un peu d’action et venait de postuler au poste de