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Carlos Dorim a trois identités : caribéenne, toscane, française. Il a vécu dans 5 pays différents, a déménagé une trentaine de fois, a pratiqué des nombreux métiers, mais la poésie lui a toujours permis de trouver, partout, le fond commun inconnu et renouvelé de tous les êtres rencontrés. Il a donc reçu et donné dans chaque culture nouvelle. Dans ce livre, que nous défendons avec engagement, il se lance dans trois nouvelles aventures : la poésie narrative, la poésie des textes longs ou poésie dite de « flot qui vous emporte », la poésie d’improvisation à partir des textes classiques. Mais toujours dans une langue, une seule, le petit bateau de son voyage, le français.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Carlos Dorim est né en 1956 à la Havane, Cuba. Il a vécu en Italie (à Rome et à Florence), à Paris et à Bayonne depuis octobre 2013. Il pense, écrit, rêve en langue française. Il a exercé des multiples métiers : cinéaste, journaliste, organisateur de festivals, directeur de centres sociaux et des maisons des jeunes et de la culture.
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Seitenzahl: 48
Veröffentlichungsjahr: 2024
Sur le chemin des nuages
Il existe un chemin qui suit le fleuve Kizo, au Japon, entre Edo (actuel Tokyo) et Kyoto.
J’ai pris ce chemin, dont la construction entre 1600 et 1639 a été décidée par le shogun Togukawa Yieyasu. J’ai fait ce chemin en compagnie de François Caron, le premier français à être entré au Japon en 1619, et le dernier à en être sorti, en 1639. J’ai fait ce chemin, et il m’a fait et défait, en compagnie du peintre Hiroshige, qui l’a peint dans ses estampes en 1835. J’ai fait ce chemin. Il y a au Japon un rêve éveillé, qui est un secret, qui le grandit et le dépasse. Dans ce chemin le rêve m’a pris.
La lumière s’oublie
dans les lueurs de l’aube
et les nuages passent
et la nuit se fait jour
orange de ce festin
la lumière me traverse
« La ville était un fruit
et j’en oublie le nom »*
sous le ciel mordoré
il n’ y a plus de saisons
tu es seul le temps qui passe
la mort une chanson
* Chanson de Jacques Brel
La pluie est un bruit qui chante
une mélodie entêtante
toujours la même et une autre
chaque goutte une note
un orchestre qui tombe s’envole et retombe
sous la férule du vent
Humez le vent de l’est
tel un oiseau qui pour la première fois
prend un chemin
une migration
inconnue
suivez son odeur
laissez vous emporter par son courant
profond
quittez les cotes françaises et la mer du milieu
survolez la mer rouge
le désert les montagnes afghanes
l’immensité indienne
quittez la terre ferme qui se dit
asiatique
à la fin il y a des îles
et le vent claque s’enroule s’endort
je remonte la mer et le long d’une cote
la trace d’une rivière
la mémoire d’un fleuve
qui dessine dans la mer son pinceau
l’embouchure du Kaizo
D’un chemin à l’autre je voyage je vais
sur un bateau hollandais
me prendre pour un homme étrange
et étranger je vais à la frontière
apprendre une langue un monde
je vais sur un chemin pour chercher
un chemin je suis
un nomade spirituel
sur la peau du monde
avec des traits obscurs
je trace des mots nouveaux
j’écris sur ce sol la musique de mes pas
ce chemin est ici ce chemin je le prends
sur la rivière Kaizo le Kaizokaido
Mais en réalité je n’ai été
que cuisinier sur un bateau
pendant deux ans entre
ces Pays qu’on dit Bas
et celui qu’on peu dire Haut
qu’on nomme le Japon
Sur le chemin
entre Edo et Kyoto
en passant par le Kisokaido
il y a quatre cols
cinq-cents quarante kilomètres
soixante-neuf relais
le ciel est d’un bleu si sombre
qu’on dirait qu’il chante
l’eau s’arrête presque
dans les cascades
avec un bruit inaudible
les montagnes caressent le ciel
d’un geste qui inverse
la gravité
les arbres s’élèvent
comme un enfant ivre de sa
marche entre lune et soleil
des barques glissent
je me retrouve habillé de neige
il faut apprendre à lire
la splendeur
écriture du visible
je suis petit je marche
je connais les contours exacts
de mon corps
dans l’espace
le chemin marche à mes cotés
l’horizon danse immense
je pars connaître le savoir
je pars pour atteindre l’inconnu
je pars pour que la beauté me prenne
et fasse claquer en moi
les drapeaux du bonheur
dans le souffle du vent
Le paysage marche
et je marche sous ses yeux
devant la minuscule place de mes pieds
il nait il prend forme
je vois la ligne du fleuve
se dessiner
l’horizon descendre
le ciel prendre sa place
tout bouge tout danse
dans un seul un unique mouvement
et les ombres qui poussent
sont les barques
sous la lune qui amène
les étoiles
je suis une ombre
je suis
en paix
Sur le chemin le vent
joue à cache-cache
avec un porteur et son chapeau
tout en le poussant au dos
sous le regard hilare
des passants à l’abri
Sur le chemin
une épine
délicatement introduite
dans le pied d’un marcheur
en fait un oiseau
sur une patte unique
le chemin est un farceur
l’homme une virgule
il fait chaud il fait frais
l’air trouve son deuxième souffle
il faut arriver avant la nuit
avant la tempête
une théorie de nuages
se donne rendez-vous
au dessus de ma tête
il va pleuvoir
je ne devrais pas voir
à quel point
ce monde qui se ferme est beau
Qui dira la splendeur
d’un bain chaud
après une journée de marche ?
Des petits soleils se mettent en place
et parcourent mon corps
je le sais tu le sais
l’odeur du riz chaud
attend et nous appelle
La route non pour arriver
mais pour faire le pays
que la route traverse
une auberge fait une ferme
et suivant la rivière Kiso
une ville
marcher voyager être libre
commercer vendre acheter
construire partir
à la recherche de ses amours
apprendre à contempler
la beauté de la neige
sur un lac aux rouges couleurs
d’un automne invité
Mais qui a commencé ?
Qui fut le premier
le rude le léger marcheur
entre les loups et les brigands
et la forêt d’un hiver
qui n’appartient à personne
qui partit seul vérifier