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Grèves à répétition dans les transports publics, arrêts de travail récurrents dans divers secteurs stratégiques, piquets de grève dans la grande distribution, destructions de bien privés, séquestrations de cadres ou d’employeurs... Les syndicats belges sont aujourd’hui la cible de nombreuses critiques et suscitent des controverses passionnées. Pour les uns, ils représentent un contre-pouvoir plus que jamais nécessaire. Pour les autres, ils constituent avant tout un frein aux réformes dont a tant besoin notre pays pour relever les défis du XXe siècle. Il semble bien que les syndicats ont acquis dans notre pays une puissance d’une telle ampleur que leur influence sur la vie économique, sociale et, bien entendu, politique, s’en retrouve décuplée. Au motif qu’ils seraient les seuls dépositaires légitimes des intérêts des travailleurs salariés, il semble devenu impossible de poser un regard critique sur leur fonctionnement interne, l’étendue de leur influence, la légitimité de leurs actions et la pertinence de leurs revendications. Cet ouvrage entend donc lever le voile sur un sujet longtemps occulté au nom de la sacro-sainte paix sociale et du politiquement correct. Il dénonce toute une série d’abus qui n’enlèvent rien à la légitimité des syndicats à relayer les revendications de leur base, sans pour autant enrayer le fonctionnement des institutions démocratiques, dont la légitimité épouse l’ensemble de la collectivité, et non l’un ou l’autre intérêt particulier.
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Seitenzahl: 215
Veröffentlichungsjahr: 2013
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La présentation de l'éditeur
Grèves à répétition dans les transports publics, arrêts de travail récurrents, piquets barrant l'accès aux travailleurs, destructions de biens privés, séquestrations de cadres ou d'employeurs...
En ces temps de crise, il est tentant de voir dans les syndicats des "valeurs refuges" de notre système social. Mais que sait-on vraiment d'eux ? A y regarder de plus près, ils ne constituent rien de moins que le lobby le plus puissant du pays. Un véritable "cinquième pouvoir" incrusté au sein de l'exécutif, du législatif et du judiciaire, doté en toute opacité de privilèges d'un autre âge et de moyens financiers considérables, fonctionnant de façon non démocratique, abusant du droit de grève, opposé à toute réforme et n'ayant de comptes à rendre à personne. En un mot : intouchables !
Ce livre est la première enquête exhaustive couvrant l'ensemble du pouvoir syndical : du fonctionnement interne aux placements lucratifs, du secteur privé à la fonction publique et à l'enseignement. Un ouvrage qui pose la question de l'étendue du pouvoir syndical et de ses dérives.
Alain DESTEXHE, médecin et diplômé de Sciences-Po, ex-secrétaire général de Médecins Sans Frontières, sénateur de 1995 à 2010, est député au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il est l'auteur de nombreux livres dont Le Mouvement flamand expliqué aux francophones et 50 dates-clés sur l'histoire de la Belgique parus à la Renaissance du livre.
SYNDICATS
Alain Destexhe
Syndicats
Renaissance du Livre
Avenue du Château Jaco, 1 – 1410 Waterloo
www.renaissancedulivre.be
couverture: emmanuel bonaffini
photographie de couverture : mario beauregard© fotolia.com
mise en pages: cw design
imprimerie: wilco (hollande)
isbn: 978-2-507-05013-9
dépôt légal: D/2013/12.763/16
Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous pays.
Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est strictement interdite.
alain destexhe
Syndicats
Enquête sur le plus puissant lobby du pays
Préface de Vincent Van Quickenborne
« Dans le temps de la tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire. »
GeorgeOrwell
« La FGTB ne se comporte pas en partenaire social :elle est toujours contre. »
AlexanderDe Croo, vice-Premier Ministre
« Ceux qui font grève jouent réellement avec leuremploi, et plus globalement avec tous les emplois sidérurgiques du bassin liégeois. »
Joao FelixDa Silva,
directeur général du pôle liégeois d’Arcelor Mittal, octobre 2011
À tous les employeurs, salariés, fonctionnaires, délégués, mandataires publics et simples citoyens qui pensent encore que l’État doit être au service de tous et non soumis à un groupe d’intérêt particulier.
Préface
Alain Destexhe n’a jamais été un habitué de la langue de bois.C’est une caractéristique que nous avons en commun. Je pensequ’un autre trait que nous partageons est la sincérité de notre engagement à vouloir moderniser notre pays. Une condition nécessaire à la pérennisation de notre système de sécurité sociale.
Le triomphe de la mondialisation a sonné le glas d’une série d’avantages exorbitants que nous dénoncions, Alain Destexhe et moi-même, depuis plusieurs années, notamment lorsque nous siégions ensemble au Sénat.
Ces changements nécessaires, nous les appelons encore aujourd’hui de nos vœux. Mais nous devons constater que des forces en ralentissent la mise en œuvre.
En tant que ministre des Pensions, j’ai été amené à conduire une réforme fondamentale pour l’avenir des retraites de nos concitoyens. À cette occasion, j’ai dû faire face à des pressions.
Le gouvernement fédéral a tenu bon. Parce qu’il sait qu’en cette période de crise économique et financière majeure pour la Belgique comme pour l’Europe entière, chaque retard accumulé dans les réformes compromet un peu plus les fondements même de notre système social.
Ce que j’ai également retenu de cet épisode, c’est la conception très particulière qu’ont les syndicats de la concertation sociale. Elle se résume, assez régulièrement, à une volonté d’imposer leurs vues par la force. Il n’est ainsi pas rare que l’arme de la grève, qui devrait en principe être utilisée avec parcimonie, soit utilisée lors de négociations pour augmenter la pression sur l’interlocuteur, qu’il s’agisse du gouvernement ou du patronat.
Les dernières négociations interprofessionnelles ont été l’occasion de constater que cette attitude n’avait pas disparu. L’incapacité des partenaires sociaux à dégager un consensus raisonnable qui permette de rencontrer les exigences de l’intérêt général a même amené le gouvernement fédéral à intervenir dans une série de dossiers. Il est probable qu’il soit d’ailleurs amené à réitérer ce type d’intervention voire, si nécessaire, à se substituer aux partenaires sociaux. Des interventions que les syndicats voient d’unmauvais œil. Et pour cause…
Il est naturel que les partenaires sociaux soient consultés à l’occasion des réformes sociales. Il n’en reste pas moins que le seul dépositaire de la légitimité populaire et, partant, le seul apte à définir et protéger l’intérêt général, demeure le législateur et le gouvernement responsable devant les élus de la Nation.
À cet égard, le sous-titre de l’ouvrage d’Alain Destexhe (Enquête sur le plus puissant lobby du pays) s’avère pertinent. Il retranscrit fidèlement ce à quoi les syndicats, souvent présentés par certains médias comme des « garde-fous » de toute dérive « néolibérale » (sic), n’ont jamais cessé d’être : des organisations défendant parfois de façon acharnée leur idéologie. Des organisations qui ont trop souvent démontré qu’elles pouvaient également aller à l’encontre du bon sens et de l’intérêt de l’ensemble des travailleurs du pays.
Par son analyse extrêmement étayée et les propositions pertinentes qu’il formule, Alain Destexhe exprimein finele souhait de voir les syndicats retourner à la position qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Celle d’acteurs respectables et respectés mais ne compromettant pas les réformes nécessaires à l’action du gouvernement issu des urnes. Non les puissantes machines politiques et financières s’insérant dans tous les rouages de la vie socio-économique de notre pays qu’ils sont devenus au fil du temps.
Les défis qui se posent aujourd’hui à la Belgique et à ses entités fédérées sont nombreux. Les puissances du monde globalisé qui se construit en ce début de siècle s’appellent la Chine, le Brésil ou encore l’Inde. Pour rester compétitifs face à ces acteurs émergents sans sacrifier les fondamentaux de l’État-providence, nous ne pouvons nous permettre de continuer à céder plus longtemps aux lobbies de cette « pilarisation » si caractéristique de la vie politique belge.
Le livre et son auteur feront vraisemblablement l’objet d’attaques en règle émanant du monde syndical. Parmi celles-ci, les porte-voix du conservatisme idéologique le plus vivace hurlerontsans doute à une (énième) tentative de détruire notre modèle social.Aux lecteurs de l’ouvrage d’Alain Destexhe, j’aimerais dire ceci : ne soyez pas dupes d’un discours qui n’a pour objectif quede défendre des privilèges dont nul ne peut se prévaloir ! Pour maintenir notre système social, il faut le réformer et le moderniser !
Loin des caricatures qui seront formulées, c’est une œuvre à la fois originale et salutaire que vous tenez entre les mains. Originale,car il n’existait jusqu’ici aucun livre faisant le point sur l’étendue de la puissance syndicale en Belgique, ses (nombreux) privilèges et ses (nombreux) abus. Salutaire, car ce n’est qu’en faisant des syndicats des acteurs responsables que nous pourrons poursuivre les réformes nécessaires, seules à même de garantir à nos enfants que l’État continuera à leur garantir un filet de sécurité pour les petits « accidents » que nous réserve parfois la vie.
Si les propositions de bon sens formulées dans cet ouvrage pouvaient être débattues (et adoptées), il est un fait certain qu’un grand pas vers la modernisation de notre pays aurait été réalisé. Ladémocratie belge comme les générations futures ne pourraient qu’ygagner. C’est donc tout le succès que je peux souhaiter à ce livre.
VincentVan Quickenborne,
ancien vice-Premier Ministre et ministre des Pensions,
député fédéral,
bourgmestre de Courtrai
Introduction
Le cinquième pouvoir
Grèves à répétition dans les transports publics. Arrêts de travail récurrents dans divers secteurs stratégiques (notamment les serviceshospitaliers et postaux). Piquets de grève dans la grande distribution. Destructions de biens privés. Séquestrations de cadres ou d’employeurs. Violences et menaces. Pressions sur des travailleurs ne suivant pas l’avis de la majorité. Opposition quasi systématique à toute idée de réformes de l’enseignement ou de la fonction publique. Rejet de toute initiative visant à moderniser le droit du travail ou notre système de sécurité sociale malgré la multiplication des délocalisations…
Les syndicats belges sont aujourd’hui l’objet de positions ambivalentes. Pour les uns, ils représentent un contre-pouvoir plus que jamais nécessaire en ces temps de crise économique internationale. Pour d’autres, ils constituent avant tout un frein aux réformes dont a tant besoin notre pays pour relever les défis duxxiesiècle et ainsi disposer d’un système de protection sociale efficace.
Il semble que les syndicats soient un peu des deux à la fois. Ils sont assurément nécessaires au bon fonctionnement de toute démocratie digne de ce nom. À l’instar d’autres groupes de pression issus de la société civile, les syndicats ont en effet notamment pour rôle de relayer les revendications d’une part non négligeable des forces vives de la nation.
Il serait par ailleurs absurde de feindre d’ignorer que notre système de sécurité sociale et notre droit du travail, extrêmement soucieux de la protection des travailleurs salariés, sont issus des luttes qu’ont menées les organisations syndicales au cours duxixeet d’une partie duxxesiècle. Ces combats étaient à l’époque mus par toute une série d’injustices.
Le présent ouvrage n’entend donc pas remettre en cause l’existence de ces groupes de pression dont la raison d’être est de défendre les intérêts du salariat. Pas plus d’ailleurs qu’il ne chercherait àremettre en cause des acquis sociaux fondamentaux ayant découlédes combats syndicaux qui font partie intégrante de l’histoire de notre pays. Il n’empêche…
Une société démocratique ne peut fonctionner correctement si elle est gouvernée par des autorités placées sous la coupe de lobbies d’intérêts privés. Elle ne peut pas non plus s’épanouir dansun cadre institutionnel gangrené par l’un ou l’autre réflexe corporatiste mâté de conservatisme, ainsi que d’idéologies plongeant leurs racines dans le contexte particulier de la Révolution industrielle et apparaissant aujourd’hui comme manifestement dépassées.
Or, il semble bien que les syndicats ont acquis dans notre paysune puissance d’une telle ampleur que leur influence sur la vieéconomique, sociale et, bien entendu, politique, s’en retrouvedécuplée. Au motif qu’ils seraient les seuls dépositaires légitimes des intérêts des travailleurs salariés, il semble devenu impossible de poser un regard critique sur leur fonctionnement interne, l’étendue de leur influence, la légitimité de leurs actions et la pertinencede leurs revendications. Cette situation contribue à l’instauration d’une forme d’omerta sur différentes pratiques qui tranchent avec la volonté politique de faire des principes d’éthique et de bonne gouvernance les lignes directrices de notre vie en société.
Il n’est pas acceptable, à l’heure où les partis politiques comme les entreprises tentent de faire preuve d’une plus grande transparence, que les syndicats (pourtant très enclins à dénoncer ce type dedérive, en tout cas lorsqu’elles émanent des « puissants ») continuent de maintenir une chape de plomb autour de plusieurs thèmesque tout démocrate vigilant se doit d’évoquer lorsqu’il constate de telles dérives au sein d’organismes privés devenus extrêmement puissants.
Cet ouvrage est né d’un constat : celui de l’absence d’étude ou de livre faisant le point sur l’étendue du pouvoir syndical, son imbrication dans la société et l’économie, ses abus, ses privilèges, ses dérives. Il entend donc lever le voile sur des sujets longtemps occultés au nom de la sacro-sainte paix sociale et du politiquement correct, afin de dénoncer toute une série d’abus qui n’enlèvent rien à la légitimité des syndicats à relayer les revendications de leur base, sans pour autant enrayer le fonctionnement des institutions démocratiques, dont la légitimité épouse l’ensemble de la collectivité, et non l’un ou l’autre intérêt particulier.
Il est organisé en huit tabous, huit situations controversées qui reflètent la toute-puissance syndicale et les abus qu’elle entraîne :
1.Les syndicats constituent un véritable « cinquième pouvoir » particulièrement influent au sein des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Il constitue, à ce titre, le plus puissant lobby du pays, ce qui ne va pas sans poser des problèmes d’un point de vue démocratique.
2.Malgré cette puissance, les syndicats se caractérisent par un fonctionnement particulièrement opaque. Le nombre exact d’affiliés reste ainsi un secret particulièrement bien gardé. De même, les organisations sont dénuées de toute personnalité juridique (ce qui leur permet d’échapper à toutes poursuites) et sont dispensées de publier leur comptabilité, malgré les montants extrêmement importants dont elles disposent.
3.Les élections sociales constituent un sujet particulièrement sensible, du fait de l’enjeu important qu’elles représentent pour les syndicats. Les abus ne sont pourtant pas rares, notammentpour ce qui concerne les candidatures et les avantages liés aux fonctions électives. Nous verrons, en outre, qu’à ce jour, ces élections sociales ne concernent pas le secteur public, pour des raisons dont on peut douter de la légitimité.
4.Le droit de grève, droit parmi les plus fondamentaux denotre système juridique, fait, ces dernières années, l’objet d’une instrumentalisation difficilement acceptableà partir du moment où elle porte atteinte aux droits d’autrui. Il n’est en effet pas rare que les citoyens soient pris en otage (au propre comme au figuré) par des grèves sauvages au cours desquelles les droits les plus élémentaires (liberté d’aller et venir, droit au travail) sont tout simplement bafoués.
5.Les travailleurs syndiqués disposent de certains avantages que nous pensons pouvoir mettre en cause. Ils aboutissent en effet à la mise en place d’une « classe » privilégiée difficilement compatible avec le principe d’égalité. Il est notamment admis qu’un syndicat puisse négocier avec un employeur, dans le cadre d’une convention collective de travail, une clause de stabilité d’emploiqui soit réservée à ses seuls affiliés. Le manque de démocratieinterne inhérente aux organisations syndicales est une autresource de problème à partir du moment où ces organisations ont acquis la puissance que nous avons déjà évoquée.
6.La « stratégie du toujours “non” » pratiquée par cesgroupes d’intérêt particulièrement conservateurs constitue un freinaux (nombreuses) réformes dont la Belgique a impérativement besoin si elle veut conserver un modèle social performant et susceptible d’aider le plus grand nombre de personnes, notammentles plus démunies. Or, ce conservatisme est particulièrement patentdans des domaines fondamentaux, telle que la réforme des retraites.
7.Si les syndicats posent des actes particulièrement problématiques dans le secteur privé, il en va de même en ce qui concernele secteur public. Celui-ci souffre d’une véritable « tyrannie desacquis » et ce, malgré les nombreux problèmes liés à l’efficacité de l’administration.
8.Enfin, le cas particulier de l’enseignement mérite qu’onlui consacre un chapitre à lui seul, à partir du moment où l’intransigeance syndicale à tout changement (notamment en termes d’organisation) peut être considérée comme une des causes desmauvais résultats enregistrés par nos établissements dans lesclassements internationaux.
La conclusion de cet ouvrage a pour vocation d’apporter despropositions à chacune de ces problématiques, dans le respect desprincipes démocratiques (tels que le principe de bonne gouvernance et de transparence, le respect des droits d’autrui, la recherche d’un service public performant et de qualité, etc.). Ce nouveau modèle social que nous souhaitons voir émerger respecterait bien entendu la nécessaire indépendance des organisations syndicales. Il veillerait néanmoins à mettre un terme aux abus évoqués ci-dessus. Pour ce faire, nous n’hésiterons pas à nous inspirer de ce qui se fait chez nos voisins européens.
Ce nouveau modèle social que nous appelons de nos vœux, la Belgique et ses entités fédérées en ont plus que jamais besoin. Il constituerait, à n’en pas douter, la base des réformes structurellesnécessaires au maintien de la protection dont chaque citoyen belgedoit pouvoir disposer en ces temps particulièrement incertains pour tous les entrepreneurs et travailleurs, salariés comme indépendants.
01
Au cœur des trois pouvoirs
Les syndicats ont ceci de particulier en Belgique qu’ils se sont vu conférer un rôle fondamental dans le domaine social au sein des trois pouvoirs – exécutif, législatif et judiciaire – ce qui ne va bien évidemment pas sans poser des problèmes.
Ces compétences transversales renforcent la puissance des organisations syndicales et en font des acteurs incontournables dans un nombre grandissant de domaines parfois assez éloignés de la défense des travailleurs. Cette situation est renforcée par leur rôle d’intermédiaire dans l’octroi des allocations de chômage.
Législateurs du droit du travail
Les « syndicats représentatifs » (FGTB, CSC, CGSLB) participentà l’élaboration et à la conclusion des conventions collectives de travail. Il s’agit d’accords conclus entre une ou plusieurs organisations de travailleurs et une ou plusieurs organisations d’employeurs. Elles déterminent les relations individuelles et collectivesentre employeurs et travailleurs au sein d’une entreprise, d’une branche d’activité voire au niveau interprofessionnel. Elles s’appliquent alors à l’ensemble des travailleurs du royaume.
Plusieurs dizaines de CCT, voire davantage, sont conclues chaque année dans notre pays. Elles viennent grossir un nombre extrêmement élevé de conventions existantes dont certaines brillent par leur caractère obsolète.
Ces conventions collectives de travail constituent une source de première importance en droit du travail. Elles régissent des matières aussi diverses et fondamentales que le niveau des rémunérations des salariés, les conditions relatives à l’octroi d’une prime, les règles applicables en matière de stabilité de l’emploi, le droit éventuel à la prépension, etc.
Or, les dispositions contenues dans les CCT s’imposent aux travailleurs, même si ceux-ci ne sont pas membres d’une organisation syndicale et même s’ils contestent ces dispositions.
La multiplication des CCT va de pair avec une désertion du terrain du droit des relations collectives et individuelles du travail par le pouvoir politique, pourtant issu des urnes.
•Aujourd’hui, les organisations syndicales ont acquis, dans les matières relevant du droit du travail, unvéritable statut de législateur.
•Les CCT s’imposent aux employeurs et aux salariés qui en contesteraient la teneur, même si les salariés ne sont pas syndiqués ou appartiennent à un syndicat n’ayant pas avalisé le texte adopté au sein d’une commission paritaire ou du Conseil national du travail.
•Des acteurs privés se substituent aux autorités publiquesdans des domaines pourtant extrêmement sensibles tels que la réforme des retraites ou encore l’harmonisation des statuts d’ouvrier et d’employé au nom de la « démocratie sociale ».
Éminence grise de l’exécutif
Les syndicats, notamment chrétien et socialiste, exercent une influence particulièrement importante sur l’exécutif.
La mouvance démocrate-chrétienne
Le mouvement ouvrier chrétien (MOC), et plus encore son pendant néerlandophone, l’ACW1, incarnent le pilier « chrétien » au sein du monde syndical. Leur influence est considérable. Outre le Groupe Arco2(premier actionnaire de Dexia jusqu’au démantèlement du groupe fin 2011), le MOC comprend également lesMutualités chrétiennes (45 % des patients belges et 9 000 employés). L’influence du MOC s’étend par ailleurs aux relais d’opinion (organes de presse et institutions universitaires).
Le syndicat chrétien lui-même n’hésite pas à désigner le MOCcomme «l’expression politique de la CSC»3. Il faut dire qu’il n’a cesséces dernières années de «consolid[er ses]relations avec le PS, Ecolo et le CDH»4.
Il en va de même en Flandre, où l’ACW conserve des relationsprivilégiées avec le CD&V à travers des «personnes de confiance»5. Plusieurs parlementaires et ministres de ce parti sont en effet réputés proche de l’ACW, quand ils ne sont pas directement issus de ses rangs6. Ainsi en va-t-il de Jo Vandeurzen (ancien président du CD&V et ancien ministre de la Justice, actuel ministre flamand du Bien-être, de la Santé publique et de la Famille), de Steven Vanackere (ex-ministre des Finances qui a justement démissionné suite à ses liens troubles avec l’ACW dans le cadre d’un « deal »entre Belfius et le mouvement ouvrier chrétien), de ServaisVerherstraeten (secrétaire d’État en charge de la Réforme de l’État et de la Régie des Bâtiments), d’Hilde Crevits (ministre flamande de la Mobilité et de la Fonction publique), Joke Schauvliege(ministre flamande de l’Environnement et de la Culture), d’Étienne Schouppe (ancien patron de la SNCB, ancien secrétaire d’État à la Mobilité), d’Inge Vervotte (ancienne ministre de la Fonction publique et des Entreprises publiques) ou encore, avant eux, de l’ancien Premier Ministre et actuel député européen Jean-Luc Dehaene.
À y regarder de plus près, le MOC peut être assimilé à une forme de lobby au service de la CSC (bien que ce soit laseconde qui soit intégrée dans la première), laquelle reconnaît d’ailleurs «appuyer, pour jouer un rôle politique au nom de la démocratie[sic], de la solidarité et des intérêts des travailleurs, via le MOC et l’ACW, les responsables et les partis politiques démocratiques qui aident le mieux à réaliser ses objectifs»7. Les réseaux qu’il entretient jusqu’aux plus hauts sommets de l’État en font un acteur extrêmement influent, qui n’a rien à envier aux puissants lobbies œuvrant au sein des institutions européennes et si souvent décriés par le monde syndical…
L’ampleur de cette influence et du lien de l’ACW/MOC avec les partis démocrates-chrétiens fut révélée au grand jour au moment du démantèlement de Dexia. Le groupe Arco, holding financier du MOC, bénéficia en effet d’un traitement privilégié par rapport au commun des mortels.
En tant que principal actionnaire de Dexia, Arco, issu d’une organisation si prompte à dénoncer les dérives du capitalisme, aurait dû voir que Dexia allait droit dans le mur.
Outre cette responsabilité, il fut assez interpellant de voir les coopérateurs d’Arco bénéficier d’une garantie d’État (et donc de l’argent des contribuables) pour leurs actions. Rappelons que cette garantie ne joue en principe que pour les livrets d’épargne ! Certains se souviendront qu’un sort tout à fait différent avait été réservé aux actionnaires de Fortis…
Arco avait joué… et perdu. En tant qu’organisme privé, c’était à lui d’assumer sa perte. Aussi importante fût-elle.
Comme l’écrivit Ariane van Caloen dansLa Libre Belgique, il était évident que cette garantie avait été obtenue grâce au «lobby puissant du milieu des syndicats chrétiens»8.
Si l’organisation joue sur les mots, il n’en reste pas moins que la CSC conserve quand même une apparence d’indépendance. En effet, l’organisation interdit de cumuler un mandat politique avecson activité syndicale. Bien que toute relative, cette disposition doitêtre saluée. Le syndicat socialiste n’a ainsi pas jugé utile d’adopter une interdiction analogue.
La mouvance socialiste
Les liens entre les organisations syndicales et les partis ouvriers puis sociaux-démocrates sont historiquement très étroits. Des nuances apparaissent cependant selon les pays européens. Ainsi,alors que les relations entre les partis sociaux-démocrates allemandet français et leur syndicat se sont distendues au fil du temps, la prégnance de la sphère syndicale socialiste sur le PS belge reste extrêmement vivace.
Cette proximité entre le PS et la FGTB se traduit également sur le terrain. Les sièges des deux organisations ne sont en effet séparés que par un boulevard.
Les statuts du PS réservent par ailleurs un siège au syndicat socialiste au sein de son bureau politique9…
Enfin, le rôle joué par la centrale socialiste durant les différentes campagnes électorales en faveur du parti « frère » (mobilisation des délégués syndicaux, appel de la FGTB à voter en faveur du PS, etc.), notamment à l’occasion des élections régionales de2009 (on se rappellera par exemple de la campagne d’affichage « Lecapitalisme nuit à la santé » -sic) au moment où ce dernier étaitdonné perdant par tous les sondages semble accréditer la thèse selonlaquelle le syndicat socialiste aura largement contribué au maintien du PS au pouvoir à tous les niveaux et ce, depuis maintenant vingt-cinq ans.
Cette proximité a également été rappelée par la presse au lendemain de la formation du nouveau gouvernement fédéral, soulignant la proximité entre le formateur Di Rupo et les représentants des syndicats et acteurs du « pilier socialiste » afin de discuter avec eux du futur programme socio-économique difficile qu’ils allaient devoir accepter, vu l’ampleur de la crise que traverse le pays10.
La CGSLB : le petit poucet du monde syndical
Le pilier libéral fait pâle figure à côté des deux machines de guerre socialiste et chrétienne. Son principal syndicat, la CGSLB (et son pendant flamand, l’ACLVB), voit néanmoins son influence augmenter lorsque sa signature est sollicitée en front commun syndical. De même, l’organisation semble bien implantée au sein de certaines catégories professionnelles.
Conséquences
Cette proximité (pour ne pas dire « promiscuité ») entre les grandssyndicats et les partis politiques traditionnels octroie aux premiers un extraordinaire pouvoir d’influence sur les seconds.
Cette influence se traduit notamment par les interactions entre services d’études des syndicats et des partis politiques. Elle explique également la propension récurrente du gouvernement fédéral à systématiquement s’inspirer des accords interprofessionnels au moment d’élaborer certaines politiques sociales. De là à dire que certains avant-projets de loi ou d’arrêtés royaux sont passés par les services de tel ou tel syndicat, il n’y a qu’un pas…
Elle se traduit également par le poids écrasant que possèdentles syndicats au sein des nombreuses instances de concertation existantes dans diverses institutions parapubliques. Ces dernières (tel le Conseil wallon de la politique scientifique11) n’ont pourtant parfois qu’un rapport assez lointain (quand on en trouve un) avec la défense des travailleurs salariés, qui reste à notre sens la raison d’être du combat syndical. Un aperçu succinct permet de se faire une idée de cette présence syndicale…
Liste succincte d’organes de concertation au sein desquels siègent les organisations syndicales « représentatives » :
•Le Conseil national du travail
•Le Conseil central de l’économie12
•Le Conseil de régence de la Banque nationale de Belgique13
•L’ONAFTS14
•L’Onem15
•L’Inami16
•La Commission de l’indice17
• LeComité consultatif de l’AFSCA18
• LeConseil fédéral du développement durable19
•Le Conseil wallon de la politique scientifique
•Le Vlaamse Raad voor Wetenschap en Innovatie20
•Le Conseil économique et social (Région bruxelloise)21
•Le Conseil économique et social (Région wallonne)22
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