The Beast - Tome 2 - Armelle Hanotte - E-Book

The Beast - Tome 2 E-Book

Armelle Hanotte

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Beschreibung

Les années ont passé, mais Nicolas n’a pas oublié la Bête. Et si, après tout ce temps, elle était de retour ?

Dix ans après les événements survenus à Chicago, Nicolas vit à San Francisco, où il étudie la criminologie. Elève assidu, il est trop timide pour aborder Noémie, française expatriée aux Etats-Unis. Derek, son meilleur ami et colocataire est bien décidé à le faire sortir de sa coquille, mais à peine lui propose-t-il son aide qu’il disparaît mystérieusement dans la nature… Si dans un premier temps Nicolas refuse d’envisager le pire, il garde en mémoire les actes criminels perpétrés par la Bête dans son enfance …

Retrouvez Olympe et Nicolas pour de nouvelles aventures à San Francisco, dans une romance fantastique signée Armelle Hanotte !

CE QUE PENSE LA CRITIQUE DU TOME 1

"L'auteure mêle avec brio fantastique et romance, nous offrant un magnifique conte des temps modernes." - MjeyW, Babelio
"L'univers qu'elle à créé et la personnalité des personnages ont été décrits avec finisse, et m'ont tous deux transportée." - Lesplumesensorceleuses, Babelio
"Dans ce roman vous trouverez tous ce qu'il faut pour passer un bon moment et qui sait avoir un coup de coeur !" - ReaderOtter, Instagram
"Une romance magique, une revisite de la Belle et la Bête, saupoudré d'une intrigue intense." - La magie des mots, Instagram

À PROPOS DE L'AUTEURE

Armelle Hanotte est une jeune auteure belge. Pour elle, tout a commencé dans une bibliothèque à l’âge de 13 ans. Elle y a découvert son amour de la lecture, mais aussi et surtout son besoin d’écrire, qui ne la quitte plus. Après sa série Calypso, elle revient chez So Romance avec The Beast : Le baiser d’une rose enflammée.

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Introduction

Il y avait des jours où j’aurais préféré ne pas avoir vécu mon enfance de cette manière, où mon âme aurait voulu vivre dans un endroit paisible où nulle bête ne parcourait les rues à la tombée de la nuit, prête à chasser sa future victime. Le ghetto de Chicago m’avait marqué, et pourtant, ma sœur Olympe n’en savait rien. Pendant toutes ces années, je lui avais caché la vérité, celle de cette peur qui m’embrasait le cœur chaque soir. Après tout, elle avait trop de problèmes à régler pour gérer les phobies d’un garçon d’une dizaine d’années, n’est-ce pas ? Et puis, Jason nous avait sauvés. Depuis qu’il était apparu dans nos vies, il illuminait le quotidien de ma sœur, ou plutôt, il la guidait vers le droit chemin. Enfant, ce dernier avait détruit chacune de mes angoisses, et notre déménagement, loin de la ville, m’avait soulagé les épaules d’un poids puisque nous étions loin de la Bête. Bien qu’il nous eût sorti de là, quelque chose à propos de lui m’avait toujours semblé louche sans que je puisse mettre la main dessus.

Alors, le soir, il m’arrivait encore de penser à ces soirées ténébreuses, à ce souffle gras que j’entendais la nuit ou à ces hurlements stridents. Tant de victimes avaient péri dans les griffes de ce monstre.

Toutefois, je refusais d’y songer à nouveau. Mon cœur souhaitait aller de l’avant et c’était ce que je comptais faire. Mes études s’avéraient être un franc succès. La criminologie m’allait comme un gant ! Mon cerveau assimilait toutes les informations sans exception et mes notes élevées m’apportaient une distinction chaque année. C’était d’ailleurs la dernière à passer avant d’être diplômé. J’étais excité à l’idée d’entrer dans la vie d’adulte et d’avoir, enfin, mon propre chez-moi.

Cela faisait plusieurs années que je logeais au campus de l’université à San Francisco. Olympe vivait dans les banlieues chics avec Jason, et ils travaillaient tous les deux dans le même restaurant. L’un le jour, l’autre la nuit. Pendant ce temps-là, je bossais en tant qu’étudiant au café du coin, Coffee&Co, géré par un homme au cœur tendre. Il se passionnait pour ces boissons chaudes depuis tout petit. Ce dernier me rappelait ma sœur et sa passion pour les fameux cocktails.

— Bon, mon gars, tu viens ou pas ?

Derek me sortit de mes rêveries. Je secouai la tête, fronçai les sourcils puis l’observai d’un air hébété. Il portait son sweatshirt dont il était si fier, soit celui de l’équipe de baseball. Mon colocataire, et meilleur ami, jouait à ce sport et s’était inscrit dès son arrivée, trois ans plus tôt. Quant à moi, je préférais de loin laver les tables et servir les clients. Le sport et moi faisions deux – du moins, les sports d’équipe. Parfois, Derek m’amenait en salle pour nous muscler, mais je ne pratiquais rien de plus.

— Oui, désolé, j’arrive !

Mes mains saisirent mon portefeuille sur le bureau, puis attrapèrent mon téléphone. Nous étions prêts à rejoindre notre bande d’amis. Tandis que mon colocataire étudiait les sciences économiques, Noémie, une étudiante française en Erasmus, se passionnait pour les langues germaniques. Ses connaissances m’impressionnaient, et son accent faisait fondre mon cœur. Il y avait aussi Elizabeth, qui étudiait à mes côtés et dont la voix m’insupportait. Toutefois, sa compagnie restait agréable, et Derek en pinçait pour elle.

— Il y a un match jeudi soir, tu devrais venir ! Je suis certain que tu serais pris dans l’équipe avec ta carrure. Ça nous ferait enfin un bon joueur sur la vingtaine de mecs dans le groupe.

Nous nous faufilions entre la foule d’élèves. Le campus était prisé par les étudiants, et les appartements étaient les moins chers du marché si nous voulions vivre près des bâtiments universitaires. Contrairement à mes amis, pour subvenir à mes besoins et payer les frais, je travaillais souvent. Quand Coffee&Co ne réclamait pas mes services, je nettoyais les toilettes ou lavais des voitures. En bref, j’étais multitâche, et cela me convenait très bien puisque ça suffisait à financer mes études.

— Non, je t’ai déjà dit que ça ne m’intéressait pas.

Il passa soudain son bras autour de mon épaule, avec un sourire arrogant sur les lèvres.

— Tu préfères bouquiner à la bibliothèque, à la recherche de la belle Française ?

Sa remarque eut l’effet de m’agacer avant même que nous ne commencions la journée. Derek avait de l’audace et représentait un peu l’enfoiré de première qu’on ne tolère pas chez soi. Cependant, son humour et son soutien m’étaient chers. Il me soutenait dans chacune de mes décisions et insistait, mois après mois, pour que j’intègre l’équipe de l’université. Néanmoins, mon cœur n’en avait nulle envie. Je préférais lire des livres, c’était devenu ma passion. Olympe n’avait pas eu les moyens de m’offrir des jeux vidéo ou toutes sortes de divertissements électroniques, alors, adolescent, je m’étais rabattu sur les romans et les jeux d’échec. J’étais, par ailleurs, imbattable jusqu’à maintenant !

— Tais-toi ! Tu sais bien que c’est faux. Je n’ai pas envie de dépenser mon argent de poche dans des livres neufs et on peut emprunter gratuitement tout ce qu’on veut à la biblio. Ça te ferait pas de mal de t’instruire un peu plus, d’ailleurs !

Il grimaça à l’instant même où j’abordai ses notes scolaires en baisse. S’il continuait sur cette route, son père lui couperait les vivres, ce qui le forcerait à travailler ; cependant, Derek détestait cette idée et niait les menaces de ses parents. Il retira alors son bras de mon corps, puis accéléra la cadence de notre marche. Les visiteurs nous jetèrent des regards curieux : certainement de futurs étudiants à la recherche d’un appartement. Si seulement ils savaient… La vie universitaire était juste énorme ! Jamais je ne m’étais autant épanoui auparavant.

Je suivis donc mon meilleur ami dans les escaliers avant de sortir du bâtiment. Le soleil éclairait les lieux et la chaleur caressait ma peau. Des élèves pique-niquaient dans le parc, d’autres lisaient contre un arbre et certains se baladaient dans le campus. Je regrettais presque ma tenue, trop chaude face à ce temps radieux.

— Les filles nous attendent à la cafet’, j’espère qu’elles ne vont pas encore parler de leurs ongles et des rumeurs sur Lady Gaga. Ça m’épuise.

Ce dernier ne se laissait pas abattre longtemps. Il revenait à l’attaque, tout souriant, et refoulait les dilemmes auxquels il devait faire face. Tant pis, ce n’étaient pas mes affaires et j’avais suffisamment à régler. Lors de mes débuts ici, j’avais refusé la présence d’Olympe dans l’enceinte de l’université, mais elle n’avait rien voulu entendre et me rendait visite chaque mois. Ça avait été un véritable supplice. Nous avions dû en discuter de longues heures avant que Jason ne réussisse à la convaincre. Ma grande sœur se montrait trop protectrice. Elle répétait que nos parents nous avaient abandonnés quand elle était âgée de dix-sept ans et qu’elle m’avait emmené avec elle. Pourtant, celle-ci se comportait comme une mère adoptive et son tempérament possessif m’oppressait. J’en avais touché un mot à son mari et il la rassurait. Jason tentait de lui changer les idées, et grâce à lui, elle me fichait enfin la paix. Je comprenais qu’elle souffrait de me voir grandir ainsi, indépendant et loin d’elle, mais j’en avais besoin. La criminologie symbolisait ma propre bouée de sauvetage quand la sienne était la création de cocktails.

— N’est-ce pas cliché de croire que les filles ne parlent que de ça ? La dernière fois, Noémie nous expliquait l’origine du mot fuc…

— Roh, toi et tes phrases philosophiques. Allons-y !

Il m’embarqua à l’intérieur de la cafétéria. Une délicieuse odeur sucrée me chatouilla les narines et mon ventre gronda. Il mourait de faim et ne tiendrait plus longtemps sans avaler un aliment. Des pains au chocolat, des croissants et des donuts occupaient encore la vitrine pleine, et peu d’élèves se trouvaient dans la pièce, préférant le parc au restaurant. La décoration laissait à désirer entre les murs peints d’un blanc virant au gris, des posters vieux comme l’an 2000 des anciennes équipes de baseball des Eagles et les tables emplies de dessins. Les anciens s’étaient amusés à tracer des pénis et des cœurs partout.

Je balayai la scène du regard, m’attardant plusieurs secondes sur le buffet, puis croisai les yeux d’Elizabeth. Elle leva le bras puis nous fit signe de les rejoindre. Les filles n’étaient pas seules et avaient invité des amis de leur faculté. Au lieu d’être quatre, nous étions six, avec Judas, un garçon de ma classe, et Matthieu, l’homme dont ne cessait de parler Noémie.

— Par ici, les gars !

Derek toisa la scène d’un regard noir, en particulier lorsqu’il remarqua la main de Judas se glisser sous la table vers celle de sa bien-aimée. Ce déjeuner risquait d’être endiablé !

Chapitre 1

— Enfin, vous êtes là. On a cru que vous n’arriveriez jamais !

Noémie se plaignait de notre retard et du fait qu’ils nous avaient attendus pour prendre le déjeuner. Comme la tradition le voulait, les filles avaient apporté leurs propres boissons chaudes. Elles décrivaient le café de l’université comme de la pisse de chat. Étrange comme comparaison, mais je ne cherchais plus à comprendre les femmes. Elles symbolisaient des mystères à résoudre, selon moi.

Les nouveaux nous observèrent, curieux et intrigués, avant de se présenter. Judas étudiait avec Elizabeth à mes côtés. Nous nous connaissions depuis un bail, et nous entraidions pour les examens.

— Ne faites pas cette tête, c’est le latino qui nous a ralentis, s’écria Derek.

Mes sourcils se plissèrent et je le fusillai du regard. J’avais horreur qu’on me surnomme le latino, car ma peau était mate et ma chevelure ébène, et – à croire que ce n’était pas suffisant – mes prunelles sombres terrifiaient Derek la nuit, selon ses propos. Chaque année, il me demandait de me déguiser en loup-garou à l’occasion Halloween. En vain. Il se prenait des refus depuis cinq ans. Ma carrure dépassait la sienne de loin, bien qu’il soit inscrit dans l’équipe de baseball, contrairement à moi.

— C’est faux ! Tu draguais sûrement les filles qui en pincent pour les Eagles.

Sur ces mots, ce fut à son tour de me regarder de travers. Mais nous oubliâmes bien vite cette confrontation et, en deux temps trois mouvements, nous nous étions servis. Affamé, je dévorai l’entièreté de mon déjeuner, puis bus mon café. Le goût amer envahit ma bouche et me réveilla. Nous en dégustions tous un avant les cours et cela nous faisait le plus grand bien. Une journée sans café était une journée ratée, non ? Et puis, Noémie raffolait du cappuccino. Je conservais cette information dans ma tête et espérais intimement avoir la chance de sortir à ses côtés un de ces soirs.

— Vous jouez jeudi, Derek ? Judas et moi, on viendra te voir !

Elizabeth gloussa auprès de son Roméo. Elle lui fit les yeux doux et se colla contre lui. Judas ne semblait pas dérangé par cette proximité, et la nouvelle de leur couple ne m’étonnait pas. Ils se tournaient autour depuis trois mois et mon colocataire niait l’évidence. De toute façon, il se remettrait vite de cette perte.

— Oui, c’est ça. Nicolas a encore refusé ma proposition de nous rejoindre.

Il plombait l’ambiance celui-là, surtout quand il ne possédait pas ce qu’il souhaitait : Eli. Sa mauvaise humeur déteignait sur moi, mais je ne voulais pas m’emporter. Dans moins d’une heure, j’avais cours, et il valait mieux s’y rendre l’esprit léger. Par chance, Noémie prit ma défense. Sa chevelure de blé, attachée en une queue de cheval, dégageait son visage d’ange. Le bleu de ses yeux m’attendrissait. Malheureusement, je ne l’intéressais pas ; elle était tout à fait insensible à mon charme.

— Tu devrais arrêter avec ça. Nic peut faire ce qu’il veut.

— Tu rigoles, j’espère ? Il passe tellement de temps à la bibliothèque que je finis par me demander s’il ne se tape pas la secrétaire ! Attends, à vingt-cinq ans, t’es pas censé vivre comme une grand-mère, le nez dans un livre.

Derek, obsédé par le sexe, m’énerva à cet instant précis. Il brisait toutes mes chances d’obtenir un rendez-vous avec cet ange descendu du ciel et ne se privait pas de m’enfoncer. Toutefois, Noémie passait outre ses remarques, et Matthieu s’interposa dans notre conversation. Nos plateaux se vidaient au fil des minutes écoulées. Il ne restait plus que nos gobelets à terminer.

— C’est pas parce que je suis au supermarché que je baise la caissière. T’es relou, Derek.

Le silence entre nous instilla une ambiance tendue. Je ne savais plus où me mettre. Moi et la sociabilité, nous faisions deux. Je n’aimais guère parler, surtout après une enfance comme la mienne. Personne ici ne croyait en l’existence d’une Bête sanguinaire, et la seule fois où j’avais osé en discuter, mes amis avaient tous cru à un conte pour Halloween. Depuis, le cœur n’y était plus, et mes nuits restaient mouvementées. Mes cauchemars s’enchaînaient les veilles de pleine lune, et Olympe me répétait que mon imagination était débordante. En vain, ses mensonges me pourrissaient la vie. Elle avait oublié la Bête et tous ces meurtres dès notre arrivée à San Francisco. C’était injuste, car pendant ce temps-là, elle contestait l’existence de ce monstre, me laissant passer pour fou.

— Je n’ai pas de leçon à recevoir d’un ingénieur. Retourne à tes machines et tes robots, et lâche-moi les baskets.

— Bon, les mecs, vous arrêtez ? Je sais pas ce que vous avez aujourd’hui, mais vous m’ennuyez. Et toi, Derek, tu te calmes. T’as ramené ta colère à table, et regarde où ça mène.

Les joues d’Elizabeth rougirent sous l’influence de son agacement. On ne voyait plus ses taches de rousseur. Elle rejeta sa chevelure rousse derrière ses épaules, irritée, et ses prunelles vertes s’abandonnèrent dans celles du joueur des Eagles. Je comprenais son énervement ce matin, puisque le comportement de mon ami continuait de m’étonner. Il n’était jamais grincheux, sauf quand il perdait confiance en son jeu de séduction et qu’il s’éloignait de sa bien-aimée. Il fallait dire que la deuxième option le touchait plus qu’il ne le désirait.

— Je vous laisse. J’ai cours dans pas longtemps et je suis à l’autre bout du campus.

Sur ces mots, il quitta la table et l’atmosphère devint moins oppressante. Je bus les dernières gorgées de ma boisson avant de partir à mon tour. Je me redressai, mon sac en main, et je les saluai à la hâte. Matthieu et Judas restaient synonymes d’embrouilles. Un trop grand groupe finissait toujours par se séparer. Il suffisait de voir les boys bands, la plupart cassaient et chacun reprenait une carrière solo. Cela ne m’étonnerait pas si nous terminions de cette façon. Cette année était notre dernière à l’université, excepté pour Derek et Matthieu. Avec deux ans de moins, ils subiraient encore les devoirs et les périodes d’examens après notre départ.

Avant que je ne sorte de la cafétéria, le ventre bien rempli, Noémie me rattrapa. Ses doigts serraient mon poignet. Mon regard plongea dans le bleu de ses yeux. Sa beauté me charmait, et pourtant, elle avait choisi Matthieu. Même si je ne lui disais rien, je la voyais souvent se promener à ses côtés dans le parc ou après les cours. Leur amitié se renforçait de jour en jour, tandis que mon cœur se refermait.

— Attends ! N’écoute pas ton ami. C’est cool de voir que tu aimes lire. Ce n’est pas habituel de connaître un garçon passionné de livres.

Mes lèvres s’étirèrent en un sourire. Sa remarque chassa toute ma colère.

— Depuis quand j’écoute ce que Derek me conseille ? Ne t’inquiète pas, je continuerai à me rendre à la bibliothèque et à louer des livres, rétorquai-je sur le ton de la plaisanterie.

Mon colocataire ressemblait à une brute, mais, malgré les apparences, il avait une grande sensibilité. Je cachais mes sentiments grâce aux romans, tandis que Derek évacuait sa colère dans le baseball.

— Super, alors, à plus tard ?

J’approuvai d’un hochement de tête et, par surprise, cette dernière posa un doux baiser sur ma joue, puis rejoignit sa table. Elle ne me laissa pas le temps de répondre ni de la remercier. Matthieu et la bande n’avaient rien raté de ce moment. Peut-être avais-je encore une chance d’obtenir ce rencard avec ma douce Noémie ?

Chapitre 2

Il m’était impossible de me concentrer en cours. Je n’écoutais qu’à moitié la voix de mon professeur, qui parlait du système juridique. L’ennui me possédait et mon esprit divaguait. Je réfléchissais à mon passé, à tout ce que j’avais traversé pour en arriver ici, sur les bancs de l’université. Ma vie n’avait pas été aussi facile qu’on le croyait. Toute mon adolescence, j’étais resté renfermé puisque mon arrivée à San Francisco m’avait séparé de mes amis. Personne ne m’avait accueilli au lycée, et mes études supérieures représentaient une bouffée d’air frais dans mon monde.

— Hé, Nic, réveille-toi ou tu vas attirer les foudres du prof sur nous !

Elizabeth remarqua mon absence. Je me redressai sur mon siège puis fixai mon écran d’ordinateur. La page était blanche. Mes mains ne suivaient plus le débit de l’enseignant et avaient abandonné l’idée de prendre note pour cette session. Je n’avais aucune chance de rattraper mon retard, et mon cerveau refusait de coopérer. Il préférait songer à la Bête, ce monstre qui me hantait toujours malgré notre déménagement. Il m’avait suivi de Chicago jusqu’ici, et envahissait mon esprit. Chaque recoin de ma tête était occupé par cette chose et j’en souffrais. Olympe m’avait expliqué que ce n’était qu’un cauchemar, qu’elle n’existait pas, alors qu’elle en pleurait la nuit dans ma jeunesse. Mes angoisses provenaient de ce lieu maudit et de la créature qui y rôdait. Pourtant, elle persistait à dire que petit je débordais d’imagination et que rien de cela ne s’était produit. Mais au fond de moi, je savais qu’elle vivait encore parmi nous, et vu le peu de chance que je possédais, peut-être nous avait-elle traqués jusqu’ici ?

— Désolé, je suis fatigué. La nuit a été rude. Derek ronfle comme un porc.

Ce prétexte me sauva de la colère d’Eli. Elle acquiesça, un sourire en coin, puis me proposa de me remettre ses notes ce soir, ce que j’acceptai volontiers, avant que mes pensées ne se tournassent à nouveau vers cet énorme loup. Si j’étais si passionné par les crimes, c’était à la suite de cette enfance catastrophique. Pendant que je refoulais ces peurs à travers mon imagination et les pizzas, ma sœur payait le loyer et s’occupait de moi. Toutefois, cela n’avait pas suffi. Combien de fois l’avais-je entendue pleurer la nuit, ou veiller afin de s’assurer que la Bête ne viendrait pas ? Olympe pourrait me répéter que j’avais rêvé son existence, mon intuition me chuchotait de continuer d’y croire.

Un jour, je ramènerais l’ordre là où il avait disparu. Un jour, je sauverais les gens de ce monstre et plus personne ne craindrait la Bête.

— Derek a bon dos, non ? Cela fait une semaine que tu ressembles à un zombie. Il faut dormir la nuit, c’est fait pour ça. C’est au sujet de ta sœur ?

Elizabeth connaissait une partie de mon vécu et en particulier le comportement d’Olympe. Elle avait beau être attachante, son obsession à vouloir me protéger et me gâter m’oppressait. Elle se prenait pour ma mère alors qu’elle ne l’était pas. D’ailleurs, jamais je n’avais vu une seule photo de nos parents chez elle, et elle refusait d’en parler. Ma mémoire retenait juste le discours qu’elle me tenait enfant – papa est un pompier, il sauve beaucoup de monde. Encore un autre mensonge, à coup sûr. S’il était si tendre et aimable, pourquoi nous aurait-il abandonnés ? Rien ne collait dans son histoire, et plus les années s’écoulaient, plus mon âme pressentait que la vérité éclaterait.

— Non, elle ne vient plus me voir ces derniers jours, et ça me fait du bien. J’ai juste bu trop de café hier soir pour terminer mon projet, et ça m’a empêché de dormir.

Mon amie ne parut pas convaincue, cependant elle ne reprit pas mes mots. Elle se contenta de mes explications, puis suivit les explications du professeur. Cet homme se passionnait pour la psychologie légale et gérait son propre laboratoire à l’université. Ce puits de connaissance m’impressionnait à chaque fois qu’on échangeait ou débattait sur un sujet. Il apprenait tout le temps, et son métier de chercheur lui ouvrait beaucoup de portes.

— Tu travailles demain ?

La question de Judas m’extirpa de mes songes. Mon regard dévia sur lui, il m’observait d’un air curieux. Il ne m’abordait presque jamais et préférait se tenir près d’Elizabeth. Ses yeux pétillaient dès qu’il les posait sur elle. Derek pouvait s’opposer à leur relation, cela se voyait bien que les deux tourtereaux s’aimaient.

— Oui, et en fin de semaine aussi.

— Super, on viendra te voir alors ! Le mercredi, le café est vide, rajouta mon amie, ravie.

J’esquissai un sourire amusé. Ils me sauvaient la mise, car quand personne ne se rendait à Coffee&Co, les journées se révélaient longues et ennuyeuses. Le patron s’absentait et me laissait prendre en charge toute la salle. Après tout, je travaillais à son service depuis bientôt quatre ans, il me connaissait bien.

— Comme vous voulez, mercredi on sert le Freaky Shake à l’occasion ! C’est juste… ma boisson favorite.

Je raffolais de ce chocolat chaud sucré, de sa crème fraîche au-dessus, et des pâtisseries qu’on y ajoutait. J’avais découvert ce mélange au début de mes études, et depuis, je ne pouvais plus m’en passer. Quand Olympe appréciait le thé glacé, je buvais un cacao chaud ; nous étions tellement différents. Bien qu’elle eût pris soin de moi toute ma vie, je lui en voulais de mentir sur ce qui me terrifiait.

— C’est sérieux ?! Le Freaky Shake ? Rassure-moi, vous aurez votre brownie au cœur fondant ? C’est mon favori !

Elizabeth profitait de mes jours de travail pour savourer nos préparations. Je les cuisinais tôt le matin et nous les vendions d’une traite. Au moins, ce job m’apprenait à bien cuisiner et, grâce au boss, je ne ratais jamais mes gâteaux, ni mes repas, ni mes bagels ! Beaucoup me reconnaissaient pour ça sur le campus et, au fil des années, ils venaient de plus en plus nombreux au café, excepté le mercredi, jour d’entrainement des Eagles. La plupart des élèves s’y rendaient pour observer et soutenir notre équipe. L’ambiance sur le site était vraiment agréable ; cela nous motivait !

— Je vous dérange peut-être ? De quoi pouvez-vous parler qui soit plus intéressant que les rôles en justice ?

Les joues de mon amie rougirent, Judas baissa la tête d’un air honteux, tandis que je croisais le regard de l’enseignant dans la plus grande indifférence. Je haussai les épaules, puis m’excusai de notre attitude, puisque personne ne prononçait un mot.

— De rien, monsieur. Il est bientôt midi, et nous disions juste que nous avions du mal à vous suivre avec un ventre vide.

Il leva les yeux au ciel, puis poursuivit sa leçon. Autant en cours il se montrait détestable, autant monsieur Spencer était adorable dans les couloirs. Le reste de l’heure s’écoula à une vitesse folle, et enfin, les étudiants se ruèrent vers la sortie, prêts à dévorer leurs sandwichs.

— On a eu chaud, il aurait pu nous réclamer un rapport écrit !

Eli était dans tous ses états et me menaçait d’être la pire amie au monde si, par malheur, nous nous faisions encore remarquer par nos enseignants. Elle aimait plus que tout ses études et, grâce à ses notes, elle s’assurait une place dans la recherche. Si elle voulait obtenir une bourse, il lui fallait se montrer discrète, obtenir de bonnes notes dans toutes les matières et, surtout, avoir une moyenne de dix-huit sur vingt.

— Très bien, miss intello. Allez, on y va.

Judas passa son bras autour de sa taille. Nous nous dirigeâmes vers la sortie de l’amphithéâtre. Ses murs jaunes me donnaient la nausée et les sièges de velours rouges se cassaient au fil des années. Tandis que nous marchions ensemble, mon téléphone vibra dans ma poche. Mes mains le saisirent et l’écran s’alluma. Je soupirai en lisant le nom écrit, m’attendant au pire. Olympe désirait que l’on se voie dans la semaine pour que l’on puisse discuter ensemble.

Le couple ne discerna pas mon changement d’humeur. Ils parlaient de leurs prochaines balades au parc et de leur sortie au centre commercial. Pendant qu’ils oubliaient ma présence, je répondais à ma sœur. Mes doigts pianotaient sur le téléphone. Garde ton calme, Nicolas. Ce rendez-vous se passera comme sur des roulettes, et tu rentreras chez toi de bonne humeur. Après tout, la famille n’était-elle pas ce qu’il y avait de plus important ?

Chapitre 3

Je prévins ma bande qu’Olympe m’attendait chez elle. Elle vieillissait à vue d’œil, et dans peu de temps, ma sœur aurait la quarantaine. C’était étrange de la voir vieillir de cette façon alors que je commençais à peine ma vie.

Je parcourais donc les ruelles de San Francisco, la tête rivée sur l’écran de mon téléphone portable. Mes doigts écrivaient à une vitesse impressionnante et Derek ne semblait pas surpris par la nouvelle. Le groupe se réunissait un peu tous les soirs, et parlait de tout et de rien. Cela nous faisait du bien de compter les uns sur les autres et de partager nos douleurs. Toutefois, je gardais les miennes pour moi. Personne ne croyait en la Bête, alors à quoi bon leur en toucher un mot ? Cette affaire était personnelle et aucun d’eux ne devait subir mes propres souffrances. Je réglerais cette histoire et je me faisais la promesse de mettre fin à l’enquête.

L’ambiance de San Francisco changeait beaucoup de celle de Chicago. Dans les rues, les promeneurs souriaient, riaient et paraissaient heureux dans leur vie. Dans la ville de mon enfance, c’était le contraire. On se contentait de travailler, la peur au ventre, et de rentrer chez soi à la hâte.

Les façades colorées se succédaient, passant du bleu au rose. Ma sœur possédait une maison jaune, dont la couleur avait bercé mon adolescence. Aussi loin que je m’en souvienne, des roses occupaient la plupart des meubles, et toutes provenaient de cadeaux offerts par Jason.

16h03, Eli : « Bonne merde Nic ! Dis-toi qu’Olympe a peut-être préparé une tarte aux myrtilles ? »

16h05, Noémie : « Oui, vois les choses du bon côté. Elle te cuisine toujours une pâtisserie, et avec le peu de chance que tu as, Jasons sera là. »

16h07, Nicolas : « Vous rêvez, elle va surtout me faire passer un interrogatoire sur ma vie universitaire et demander si j’ai trouvé l’amour. Une conversation qui risque de m’endormir. »

16h09, Derek : « Et alors, le latino, tu n’as pas une jolie fille en vue ? Balance-lui n’importe quoi, tant qu’elle y croit, ça suffira. Et puis ta sœur n’a rien à dire sur tes relations. Elle s’immisce un peu beaucoup dans ta vie. »

16h09, Noémie : « Tais-toi, abruti. Sa sœur s’inquiète, et c’est normal. Elle voit son petit frère grandir. Ce n’est pas parce qu’elle veut en apprendre plus sur ce qu’il devient qu’elle est mauvaise ! »

Noémie défendait Olympe ? Une grande première ! Cependant, elle avait raison. Ma grande sœur ne me harcelait plus de questions. Le plus compliqué avait été au début, quand j’ai quitté le foyer. Elle s’assurait que je ne manquais de rien, que mon frigo restait plein et que les frais universitaires ne me coûtaient pas trop cher. Au départ, elle avait payé la plupart de mes factures, puis, désirant mon indépendance, je lui avais demandé d’arrêter. Je voulais à tout prix que ces études, et surtout ce diplôme, soient ma fierté avant tout.

Soudain, alors que je répondais par message au groupe, mon corps percuta celui d’une inconnue. Nous perdîmes notre équilibre et tombâmes au sol avec violence. Il fallait dire que les rues de San Francisco ne ressemblaient pas du tout à celles de Chicago. Ici, tout grimpait ou descendait en pentes dangereuses. Je ne m’habituais toujours pas à cette inclinaison. Mon cœur craignait encore qu’une voiture ne roule sur la route à contresens, prête à causer un accident, ou qu’une maison ne s’écroule. Drôles de peurs, n’est-ce pas ?

— Excusez-moi ! J’aurais dû regarder où je marchais, dis-je, dans l’embarras.

Mon sac sur le dos, je me redressai, puis coinçai mon téléphone dans ma poche. Mes amis resteraient sans réponse de ma part jusqu’à mon retour à l’appartement. La maison d’Olympe se trouvait à quelques mètres d’ici, peut-être trois ou cinq minutes à tout casser. L’inconnue se releva à son tour, sans un mot. Ses yeux me fixaient de la tête aux pieds. Elle m’analysa et observa avec intensité mon visage. Mes sourcils se froncèrent, surpris par l’apparence de cette dernière. Cette femme possédait les mêmes traits que ma sœur.

— Il n’y a pas de soucis. Bonne journée.

Lisait-elle dans mes pensées ? À l’instant même où mon esprit songea à notre famille, elle partit, prenant ses jambes à son cou. Je ne pris pas le temps de la rattraper. L’Amérique regorgeait de plusieurs cultures différentes, et nous n’étions pas les premiers à avoir des airs de latino. Ce fut donc bredouille que je continuai mon chemin, jusqu’à ce que la porte du cocon de ma sœur se dessine sous mon regard. Cette teinture jaune commençait à me piquer les yeux, je préférais de loin les maisonnettes bleues. Mon pouce pressa le bouton de la sonnette, et un bruit strident se répandit dans l’entièreté du bâtiment. Mes oreilles discernèrent des pas de l’autre côté du mur, et subitement, la porte s’ouvrit sur Olympe. Elle n’avait pas changé et restait toujours aussi mince que par le passé, alors que nous mangions désormais à notre faim.

Vêtue d’une robe fleurie, ses longs cheveux attachés en chignon, elle me céda le passage, le sourire aux lèvres. Elle était radieuse, et à chaque fois que je la voyais, ma colère se dissipait. Olympe avait été pour moi une véritable mère lorsque j’étais plus petit, et puisqu’elle représentait mon unique famille, je peinais à lui en vouloir de m’aimer autant. Elle ne se prenait pas pour une grande sœur, mais pour bien plus, et Jason le remarquait à son tour.

— Enfin, petit frère ! Alors, comment ça va ?

Une délicieuse odeur de chocolat embaumait tout le foyer. La décoration du couple faisait vivre cette maison. Entre les livres de cocktails, les roses à tout va et les murs bruns, il ne manquait rien. Jason accordait une grande importance aux cadres sur les parois. Ils symbolisaient leurs réussites et leur bande d’amis. Olympe avait repris sa vie à zéro en arrivant ici, et cette idée me plaisait. Au fond de mon être, je rêvais aussi de tout reconstruire loin de San Francisco, voire même de quitter ce pays. La Bête ne pourrait pas me suivre jusqu’en Europe.

— Comme un étudiant en cours, et toi ?

Olympe m’invita dans le salon. À son installation, cette dernière avait adopté un chat surnommé Candy. Un nom ridicule pour un animal, mais il était vraiment mignon. Adolescent, je le comparais à Garfield pour ses poils roux et son gros bidou. D’ailleurs, une fois dans le fauteuil, Candy vint s’asseoir sur mes jambes et ronronna. Sa présence me manquait quand je me sentais seul ou quand je faisais face à des problèmes.

Olympe ramena par la suite deux grands verres de thé glacé. Elle essayait de nouvelles recettes et je l’aidais à choisir les meilleurs parfums. De cette façon, ma visite servait au moins à quelque chose.

— Super ! Jason a reçu une promotion, il monte en grade. Et quant à moi, je m’occupe du bar trois jours semaine.

— Tu travailles à mi-temps maintenant, alors ?

Elle acquiesça, ravie de cette nouvelle qui pourtant m’inquiétait. Comment ferait-elle si son couple se brisait ? Je refusais que ma sœur soit dépendante d’un homme, qui plus est, qui n’avait pas ma confiance. Sa venue dans notre famille s’était faite soudainement et, étrangement, il restait la seule personne ne niant pas l’existence de la Bête dans nos conversations. Certes, petit, Jason nous avait éloignés de ce monstre, mais son autorité s’opposa à la mienne en grandissant. Pourquoi, alors, ma sœur contredisait-elle toutes mes explications concernant mon cauchemar ?

— Ne fais pas cette tête. Jason gagne assez pour deux, et mon salaire nous permet de faire des sorties. Tu es conscient qu’on est ici depuis bientôt une dizaine d’années et qu’on n’a toujours pas visité la ville ?

Je haussai les épaules, faussement intéressé. Avec Noémie, nous avions fait le tour de San Francisco en plusieurs jours, et nous nous étions bien rapprochés. Son accent français m’amusait, et elle était si timide que ses joues rougissaient dès que mon regard se posait sur elle. Ma meilleure amie avait beau me faire croire qu’elle appréciait Matthieu, je gardais l’espoir d’un avenir commun. Il m’arrivait de rêver d’elle, de nous dans un futur proche, et mon cœur conservait ces douces images. Si par malheur Derek l’apprenait, il me vendrait à la blondinette, et je serais fichu.

— Pour ma part, j’ai déjà visité la plupart des musées, des parcs, et surtout le pont. Noémie voulait à tout prix le voir, alors on y a été avec Elizabeth.

Sur le moment, je ne réalisai pas ce que je venais de dire, jusqu’à ce que les yeux d’Olympe commencent à pétiller. Avais-je vendu la mèche ? La culpabilité me rongeait. Cela n’arrivait qu’à moi. Ma maladresse me surprenait à chaque fois. Mon esprit réfléchit vite à une solution – change de sujet, Nicolas ! Comment avais-je pu être aussi stupide ? J’avais baissé la garde, et voilà ce qu’il se passait. Mon interrogatoire sur mes études se transformerait bientôt en interrogatoire sur mes amours. Olympe connaissait déjà Elizabeth, mais pour ce qui était de Noémie, jamais je n’avais prononcé son prénom devant ma sœur.

— Noémie ? C’est ta petite amie ?

Olympe se retint de me harceler de questions. Pour obtenir plus de temps de réflexion, ma main saisit le verre et je bus plusieurs gorgées. Le goût de la menthe et du citron envahit ma bouche. Les glaçons dans la boisson rafraîchirent mon corps enflammé par la chaleur extérieure et par la bourde que je venais de lâcher.

— Personne, juste une fille française. Elle voulait visiter la ville, et puisqu’on est dans la même université, je me suis proposé. Sinon, ta boisson est parfaite pour les temps d’été !

Par chance, on frappa à la porte d’entrée. Jason fit son apparition dans le salon et me salua. La décoration de la pièce me faisait penser au style des années soixante. Certainement au goût des deux amoureux, qui se roulèrent une pelle sous mes yeux. Une scène embarrassante, en particulier car Olympe restait ma sœur, et que cet homme me semblait toujours aussi étrange que dans mes souvenirs. Tout semblait contradictoire dans mes pensées. Jason était à la fois notre sauveur, celui qui nous avait permis de vivre loin de Chicago, mais il représentait aussi l’homme qui s’imposait dans notre foyer.

— Une Française, tu disais ? Laisse-moi deviner, elle vit à Paris ?

Il prit place dans le sofa sans crier gare et s’insinua dans notre conversation. La tournure qu’elle prenait m’irritait. Jason conservait bien sa gueule d’ange, et l’âge n’avait pas arrangé sa barbe. Il la laissait pousser et ma sœur adorait ça.

Perdu dans mes pensées, une chose en amenant - une autre, je m’interrogeais et m’étonnais qu’ils n’aient pas encore eu d’enfants.

— Je ne suis pas venu pour parler d’une fille, si ? Car je t’avouerai, Olympe, que je préfère rentrer terminer mes rapports, si c’est le cas.