The One Night Rule - Sandy Christine - E-Book

The One Night Rule E-Book

Sandy Christine

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Beschreibung

Elle s’était fixée une seule règle, et elle comptait bien ne pas la briser pour cet inconnu aussi mystérieux que sexy.

Rachel a réalisé son rêve en devenant directrice marketing dans une grande compagnie, mais ce poste à responsabilités demande des sacrifices. C’est pourquoi elle ne peut accorder qu’une seule nuit à Noah, dont le regard perçant l’a fait chavirer instantanément. C’est facile quand elle sait qu’elle ne le reverra plus.
Mais lorsqu’elle découvre qu’il est son nouvel employé, la règle qu’elle avait mise en place, lui permettant de se protéger, ne semble plus aussi infaillible. Surtout que Noah semble tenace à ce qu’elle se rappelle de lui. Qui est cet inconnu qui semble si bien la connaître ?

Cette romance à la double temporalité et aux thématiques fortes saura tenir les lecteurs et lectrices en haleine. 


À PROPOS DE L'AUTEURE

Sandy Christine a toujours eu deux passions dans la vie : la mode et l’écriture, qui a pris une place importante dans sa vie lorsqu’en 2020, elle gagne un concours d’écriture en Italie. Après avoir écrit sur plusieurs plateformes littéraires, elle est choisie par Fyctia pour participer à un Wordcamp en mai 2021.

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Chapitre 1. Rachel

Je marche vers la boîte de nuit d’un pas pressé.

Le taxi n’a pas eu la bonté d’âme de me déposer devant l’entrée puisque, d’après lui, il ne pourrait pas opérer de demi-tour avec les voitures qui affluent de tous les côtés. À Paris, les embouteillages sont fréquents, ce n’est pas nouveau !

Mon téléphone sonne dans la pochette rose poudrée que j’ai décidé d’emmener avec moi, plus pratique à mon goût qu’un sac à main. Je suis essoufflée et ai du mal à le saisir. Mes pieds, perchés sur ces talons aiguilles, sont en train de signer leur arrêt de mort et je ne cesse de descendre ma petite robe noire qui remonte un peu trop haut.

Quand je saisis enfin l’objet, la sonnerie a cessé. Une notification m’informe d’un appel manqué de Lisa, ma meilleure amie. Un message vient s’ajouter « Dépêche-toi, il y a plein d’hommes SEXYYYYY ici, j’en suis déjà à mon deuxième verre offert. BOUGE TES FESSES », accompagné d’un selfie d’elle avec un verre à cocktail. Je l’informe que je ne suis plus très loin.

Pourquoi faut-il toujours que ces soirées tournent autour des mecs ? N’est-il pas possible de passer une simple nuit dans un night-club entre copines ? C’est trop demandé ? Si je disais ça tout fort, Lisa lèverait les yeux au ciel et me répondrait d’être moins rigide. Selon elle, je suis tellement froide envers le sexe opposé que ma place devrait être sur la banquise, là où la température y est semblable.

C’est vrai que je n’ai pas beaucoup de conquêtes à mon actif ou du moins peu de relations sérieuses. Je n’aime pas revoir les hommes que je côtoie, je n’en ai pas le temps. Une nuit à leur accorder est déjà bien assez. Deux, ça serait gâcher le plaisir. Il vaut mieux une partie de jambes en l’air avec un inconnu qu’on ne reverra qu’une seule fois dans sa vie et à qui on ne promet rien, plutôt que dix avec le même. Mais encore une fois, Lisa n’est pas d’accord.

Lorsque j’arrive enfin devant la porte noire, des dizaines de personnes sont en train de faire la queue pour essayer d’entrer. Le videur, un gars assez grand et qui semble tout droit sorti d’un film de boxeur, tient patiemment un cordon rouge dans les mains, faisant pénétrer le nombre de personnes qui en sort.

Il fait nuit noire et mes jambes commencent à avoir la chair de poule. Une odeur d’alcool emplit mes narines, mais ce n’est rien comparé au spectacle qui s’offre à mes yeux : une jeune fille d’une vingtaine d’années, habillée d’un rouge sombre, se tient une main contre le mur, l’autre sur sa bouche. Son amie lui tient les cheveux et lui parle à l’oreille. Elle ne tarde pas à dégobiller le contenu de son estomac.

Une silhouette approche, il est habillé d’un jean noir et d’un polo gris. L’une des deux filles, celle qui n’est pas pâle comme un linge, essaye de le repousser, mais celui-ci raccourcit la distance les séparant et tente de lui caresser les cheveux. Le ton semble monter.

Je sors de la file d’attente où je m’étais faufilée et m’approche d’eux.

— Laisse-nous tranquilles.

— Ta copine a besoin d’aide, je pourrais peut-être m’occuper d’elle. Et puis de toi aussi.

Le regard de l’homme est pervers et ses intentions ne font aucun doute.

La blonde bascule la tête de droite à gauche puis ses yeux bleus se plantent dans les miens, apeurés.

— Dégage, abruti.

Ma voix est sèche, dure. Mon regard est assassin. Ma phrase lui décoche un sourire en coin.

— Je ne le répéterai pas une deuxième fois. Tu pars ou j’appelle le videur pour qu’il te vire de là. À toi de voir.

— Le videur ne va rien faire, je suis dehors. Mais si tu veux, tu peux te joindre à nous. Plus on est de fous, plus on rit.

Un rire nerveux sort de ma bouche, mais je ne me démonte pas. Cet énergumène est loin de me faire peur, j’ai connu bien pire.

— Les hommes comme toi me dégoûtent. Donc, tu vas tourner les talons et marcher tout droit jusqu’à ce que tu sois assez loin pour ne plus nous voir.

L’inconnu n’obtempère pas. Une colère envahit tout mon être. Mes poings sont serrés.

Je fais plusieurs pas dans sa direction afin d’être à sa hauteur. Grâce à mes talons, nos tailles sont identiques. Son haleine pue l’alcool, et son corps, un parfum bon marché. Ses yeux sont vitreux et l’intérieur est rougeâtre. Sa barbe est mal rasée et son col de polo retroussé.

— Allez, ma chérie, je sais que je pourrais te faire du bien, plus que personne ne t’en a jamais fait.

Mon coup part tout seul, un crochet du genou dans ses parties génitales en priant pour qu’elles ne soient plus utilisables pendant un long moment. Il se baisse de douleur et m’insulte de nombreuses fois.

Au bout d’un moment qui me paraît une éternité, il traverse la route pour le trottoir d’en face, non sans continuer de m’insulter et de jurer de douleur. Soulagée, je pose ma main sur l’épaule de la blonde.

— Est-ce que ça va ? je me retourne alors vers les deux filles.

— J’ai eu peur. Il est venu comme ça, je ne le connais pas. Julie ne se sentait pas bien, alors on est sorties et il est arrivé. Je ne savais pas quoi faire.

— Ne t’en fais pas, il est parti. Est-ce que je peux vous appeler un taxi pour rentrer chez vous ?

— Oui, je veux bien. Merci pour tout

La blonde me gratifie de milliers de remerciements pendant que je pianote sur mon téléphone à la recherche de mon application. La brune s’est arrêtée de vomir, mais paraît faible.

Une fois le taxi arrivé, je les escorte jusqu’au véhicule, en tenant la brune par un bras et paye la course pour être sûre qu’elles s’éloignent de cet endroit. Mon karma dirait sûrement que j’ai fait une bonne action, mais je lui répondrais simplement que c’est le moins que je pouvais faire.

Une jolie métisse m’attrape par le bras et me force à me retourner.

— Tu étais passée où ? Tu m’as dit que tu arrivais, mais je ne te voyais pas. Ça fait une heure que je t’attends ! Bon, même si un charmant jeune homme m’a tenu compagnie, ce n’est pas une raison pour me faire faux bond.

— Je suis désolée, j’ai eu un contretemps. Je suis là maintenant. Et oublie le gars, c’est moi ton date ce soir.

— Bien que je t’aime plus que tout au monde, je suis au regret de te dire que tu ne me feras jamais autant de bien qu’un pénis.

— Lisa, tu es vraiment une nympho ! je rétorque, scandalisée par sa réponse.

— Ma chérie, le sexe il n’y a que ça de vrai dans la vie. Alors, trouve-toi un mec pour passer la nuit et s’il est sexy, tu le rappelles pour un deuxième round. On s’en fiche de ta stupide règle. On ne se lasse jamais d’un bon coup !

Je lui fais les gros yeux, mais Lisa se fiche de ce que je pourrais dire. Elle me prend par le bras, montre le tampon sur sa main au videur et nous entrons toutes les deux dans la boîte.

Il y a foule sur la piste de danse et de nombreuses personnes sont en train de se déhancher sur des musiques rythmées.

Lisa me débarrasse de mon manteau pour le déposer au vestiaire et me montre, d’un signe de tête, deux bruns qui sont en train de nous reluquer de haut en bas, plus loin dans la pièce. Le deuxième me dit vaguement quelque chose, son expression m’est familière, sans que je puisse en connaître la raison. Mais pourquoi ?

Chapitre 2. Noah

Je ne sais pas pourquoi je me suis laissé convaincre de fêter mon départ ici. Mes (anciens) collègues, devenus maintenant des amis, auraient été déçus de me laisser partir sans ''arroser ça''. Ce sont leurs termes exacts, pas les miens.

Me voilà donc assis sur une banquette en cuir noir autour d’une table ronde de la même couleur. Ils sont, pour la plupart, ivres et ne me prêtent plus attention, trop occupés à inviter des filles à s’asseoir avec nous pour profiter de l’énorme bouteille que j’ai eu la gentillesse d’offrir.

— Tu veux venir danser ?

Une blonde, apprêtée de la tête aux pieds, me susurre à l’oreille. Elle aussi, cela se voit qu’elle n’en est pas à son premier verre. Caroline, le nom par lequel elle m’a demandé de l’appeler, me prend par la main avant que je n’aie le temps de refuser et me presse de la suivre.

Au milieu d’inconnus, cette dernière commence à frotter ses fesses contre moi, faisant des mouvements de bas en haut, comme pour attiser la barre qui commence à se former entre mes jambes. Cette fille ne m’excite pas, mais quelque chose sous mon caleçon ne semble pas être du même avis.

Bientôt, nous sommes rejoints par mon groupe d’amis et leurs groupies. Pendant que Caroline se retourne pour parler à l’une d’elles, j’en profite pour m’extirper de la foule et venir me rasseoir à notre table.

Un serveur en chemise noire se plante devant moi :

— Je peux vous servir autre chose ?

— Non merci.

— Et pour vos amis ?

— Je pense qu’ils en ont eu assez. Merci beaucoup.

Le serveur débarrasse les nombreux verres disposés sur la surface du meuble et repart vers le bar.

Paul pose avec difficulté le verre qu’il tient sur la table et s’allonge presque à mes côtés. C’est un miracle qu’il ne le renverse pas !

— Je n’arrive pas à croire que tu vas nous quitter, mon pote ! C’était vraiment cool de travailler avec toi.

— On m’a fait une offre que je ne pouvais pas refuser, je réplique en plantant mes yeux dans les siens.

— Tu promets de revenir à chaque match, hein ?

Paul est un grand fan de football et nous avons l’habitude de regarder le match de son équipe préférée chez lui avec les autres mecs. C’est un rituel, un peu comme une soirée pyjama, mais avec des bières, des pizzas et de nombreuses insultes pour l’équipe adverse. En somme, le combo classique.

Mon ami peine à articuler et le fait qu’il ait ingurgité une demi-douzaine de shots n’arrange rien à la situation. Le ton de ses phrases me fait rire, il parle comme si nous étions des enfants dont l’un quitterait l’autre pour aller dans une nouvelle école, parce que ses parents déménageraient. Mais qu’il se rassure, nous allons nous revoir.

Malgré la petite tristesse que je ressens en l’entendant énoncer mon départ, ce poste chez C & C and Co est une offre qui peut faire avancer ma carrière d’un pas de géant. C’est clairement l’opportunité dont j’avais besoin pour voir mon rêve se réaliser.

Une peur m’envahit : la peur de l’inconnu, de ne connaître ni l’entreprise ni mes futurs collègues. J’aurais dû plus me renseigner, effectuer des recherches. La seule chose certaine, c’est que c’est une des entreprises les plus influentes dans le domaine de la publicité. À partir de là, mon choix était déjà fait.

— J’ai envie de dormir.

Paul s’écroule sur moi. La totalité de son poids repose sur mon bras et mon épaule. Je tente donc de le pousser par tous les moyens. J’arrive à me dégager de son emprise dans une énième tentative. Je vérifie, il respire toujours.

Lucas vient se joindre à nous et décide de rentrer. J’aide ce dernier à porter notre ami jusqu’au taxi et ferme la porte derrière eux. Au moins, je sais que ces deux-là rentreront sans encombre.

Je décide de rentrer dans la boîte à la recherche du reste du groupe, mais je ne vois rien. La foule est encore plus dense que dix minutes auparavant.

J’essaye de me frayer tant bien que mal un chemin vers notre table.

— Merde ! Tu ne peux pas faire attention ?!

Une femme, aussi grande que sublime, me regarde, furieuse. Nos quatre yeux convergent vers son haut blanc qui est désormais couvert d’un liquide rouge.

— C’est moi qui ai fait ça ? je m’enquis en portant un doigt accusateur vers son haut.

— Qui d’autre ? Abruti !

— Je suis désolé, je n’ai pas fait attention.

En traçant une voie à travers les danseurs, j’ai dû, sans m’en rendre compte, rentrer dans cette beauté. Je passe la main par-dessus le bar et attrape un paquet de serviettes pour qu’elle puisse éponger les dégâts que j’ai faits.

— Je suis sincèrement désolé, combien je vous dois pour votre haut ?

Elle relève le menton vers moi.

— Maladroit, mais gentleman. On dirait que tu te rattrapes bien.

L’expression de son visage change en instant et vire vers un aspect plus sensuel. Elle essaye de flirter avec moi. Je ne m’étais pas rendu compte qu’elle était accompagnée, jusqu’à ce que j’aperçoive deux bruns autour d’elle et que l’un d’eux racle sa gorge.

J’ouvre mon porte-monnaie et attrape les quelques billets s’y trouvant. Je lui tends une trentaine d’euros.

— Tenez, c’est pour le haut. Encore désolé.

— Tu sais, tu peux te faire pardonner autrement. Mon haut est foutu, mais pas ce qu’il y a en dessous.

Cette femme est assez directe, j’aime ça.

— Malheureusement pour moi, je pense que vous êtes bien accompagnée.

Je fais un signe de la tête vers les deux hommes.

Ça aurait été sympa de l’avoir dans mon lit, dommage pour moi, elle a l’air d’être prise.

— Lisa, est-ce que ça va ? Qu’est-il arrivé à ton haut ?

Une jolie brune ouvre de grands yeux à mes côtés et sa bouche forme un petit ''o''. Elle passe du haut de son amie à moi et analyse très vite la situation.

— C’est vous qui lui avez fait ça ?

Je passe ma langue sur mes lèvres en détaillant des yeux chaque petit centimètre de son corps. Ses yeux marron tirant sur le vert continuent de me fusiller.

Et là, un souvenir s’infiltre dans mon cerveau et tout me revient en mémoire.

La surprise disparaît, remplacée par la naissance d’un désir. Elle ne paraît pas me reconnaître, mais moi, si.

Comment oublier des yeux comme les siens ? Ces yeux qui m’ont regardé tant de fois. Et sa bouche, sa magnifique bouche qui a été la première à faire des va-et-vient sur moi.

Son corps, quant à lui, est encore plus sexy que dans mes souvenirs. Ses courbes sont affriolantes, un décolleté à se damner, et son cul, je n’ai pas les mots. Je remercie le ciel de m’offrir le spectacle que me procure cette petite robe sur elle.

Tous mes sens sont en alerte, surtout mon érection qui m’indique que je vais être à l’étroit dans mon pantalon.

Lycée Pierre et Marie Curie, première B. Rachel Dumas. Même l’évocation de son nom dans ma tête me fait bander. Nous avions 16 ans.

— Vous m’entendez ?

Elle me sort de mes pensées, les bras croisés sur sa généreuse poitrine. C’est certain maintenant, elle ne m’a pas reconnu. Une partie de moi se vexe, mais l’autre me rappelle le sport intensif que j’ai fait ces dernières années et la dizaine de kilos que j’ai pris pour échapper à mes cauchemars. Et puis, il y a mon état civil qui a changé… Devrais-je lui rappeler ses souvenirs d’antan ou me taire et faire comme si rien n’avait existé ?

— Il semblerait.

Chapitre 3. Rachel

— J’espère que tu t’es excusé auprès de ma copine, je déclare d’une voix ferme à cet inconnu qui vient de transformer Lisa en un remake du film Carrie.

Je le fixe fermement, bien décidée à ne rien lâcher. Il en fait de même.

Après avoir observé chaque parcelle de mon corps, ses yeux verts sont maintenant plantés dans les miens et il ne les détourne pas.

Monsieur l’inconnu avance d’un pas vers moi et nos visages ne se retrouvent plus qu’à quelques centimètres l’un de l’autre. Un peu plus, et nos lèvres se toucheraient presque.

Il surplombe ma hauteur d’une bonne demi-tête. Il doit probablement mesurer un mètre quatre-vingt-dix, très loin de mon mètre soixante auquel j’ai rajouté douze centimètres de talons. Il a l’air d’apprécier cette posture dominatrice et un large sourire s’étend maintenant sur son visage.

Le fait d’être aussi près de cet inconnu me procure une vague de frissons, allant de mes pieds à l’intérieur de mes cuisses. Je rêverais qu’il me prenne sur ce bar, juste là.

Mon souffle devient saccadé et je peux percevoir chez lui un regard brûlant de désir, ou peut-être que c’est le mien ? Rachel, reprends-toi ! Il est tellement sexy dans cette chemise qui met en valeur une partie de ses nombreuses qualités physiques !

Au bout d’un moment qui me paraît interminable, il se décide enfin à prendre la parole.

— Oui, j’ai été poli et courtois avec ton amie. Tu peux le lui demander si tu le souhaites.

— Je confirme, ce beau mâle alpha est ce qui se fait de mieux dans le domaine de la galanterie, rétorque Lisa avec un sourire.

L’expression de ma meilleure amie me rassure et je ne doute pas que le sex-appeal de monsieur Beau-Gosse y soit pour beaucoup dans sa démarche de pardon.

Ma meilleure amie l’observe comme s’il était un bout de viande et elle, un vautour affamé. Pour une raison qui m’échappe, pour une fois, j’ai bien envie d’être celle qui ramène quelqu’un dans son lit. Je ne pense pas qu’elle m’en voudra de vouloir m’amuser.

Je n’accorde plus aucune importance aux deux hommes qui nous accompagnent, ils ne sont rien à côté de ce que lui me procure. Soudain, il me surprend :

— Est-ce que je peux t’offrir un verre ?

Lisa se tourne vers moi et hoche la tête, un sourire salace en coin, comme pour me dire ''fonce ma chérie''.

Je la laisse en compagnie de ses futurs partenaires, lui souhaite une bonne nuit, sachant pertinemment que je ne la reverrai pas avant lundi matin. J’espère que le reste de ma soirée se passera aussi bien que la sienne.

L’homme me prend par la main, ses doigts entremêlés aux miens, comme s’il avait peur de me perdre dans le monde environnant et, étant donné qu’il est dos à moi, j’ai une vue plongeante sur ses magnifiques fesses. Je ne connais même pas son nom et il ne paraît pas pressé de me le donner.

Nous atteignons une table un peu à l’écart du reste de la fête. Il s’assied et me fait signe de l’imiter. Je m’exécute, non sans laisser une distance de sécurité entre nous. Il ne serait pas raisonnable que je perde mes moyens maintenant.

Mes yeux se baissent vers son pantalon et je suis sûre que si je posais ma main dessus, j’y sentirais son désir pour moi. Il se penche vers moi, son haleine est chaude. Sa voix est suave, son parfum enivrant. Ce qu’il me susurre à l’oreille n’arrange pas mon état :

— Tu es très belle, tu sais.

— Comment tu t’appelles ? je lui demande en croisant les jambes.

— Penses-tu que ça ait de l’importance ?

— Pour moi, oui. Je suis Rachel.

Il paraît hésiter avant de prononcer :

— Noah, il dit plus faiblement.

Je marque un temps d’arrêt, parce que ce prénom m’en rappelle un similaire que j’ai connu autrefois. Et la façon qu’il a de le prononcer, je ne sais pas, il y a quelque chose de mystérieux.

Je ne vais pas plus me livrer à lui, mais le fait d’entendre ce prénom me replonge dans mes années lycée. Je n’oublierai jamais les premiers émois que j’ai ressentis pour lui, mon premier amour. Nous nous sommes séparés après l’été du bac, chacun était accepté dans une université différente, mais nous poursuivions le même rêve de carrière. Je me demande s’il a réussi. Il s’appelait Noé Cartier.

La main de Noah remonte délicatement le long de ma cuisse et s’arrête à la naissance de ma robe. Mon pouls se fait pressant sous ma peau. Une nuit, c’est tout ce que je veux de lui.

— Et si on allait chez moi ?

Il me devance. Comment pourrais-je lui résister ? Je dois simplement le prévenir et tout ira bien…

— Il faut que je te dise quelque chose avant qu’on aille plus loin.

— Je t’écoute.

Il m’invite à poursuivre en posant la paume de sa main dans le bas de mon dos. Son geste est tendre et de la chaleur se diffuse là où nos corps entrent en collision. Mes pensées sont confuses, mais il faut que je me reprenne. C’est important pour la suite de la soirée.

— Une nuit. Demain, je pars de chez toi et on ne se revoit plus. Pas d’échange de numéros de téléphone, pas de bavardages, pas de petit déjeuner. Juste du sexe.

— Et pourquoi une seule nuit ? Peut-être qu’on pourrait se revoir par la suite et apprendre à faire plus ample connaissance. Je ne dis pas que je recherche du sérieux, mais je ne dis pas non plus que je serais contre, si jamais ça me tombait dessus.

— Je ne cherche pas une relation à long terme, Noah. Je n’ai pas le temps pour m’investir avec quelqu’un. On passe la nuit ensemble, on se fait plaisir mutuellement et je m’en vais. Il n’y a rien de plus simple que ça. Plein de gens le font.

— Pourquoi ?

Sa question me surprend. Toutes les fois où cette situation s’est présentée, les hommes que j’ai rencontrés ont toujours été d’accord et même heureux, de cette condition. Pour la plupart, ils ne cherchent simplement qu’une fille pour se vider de leurs désirs, littéralement. Ils se fichent des sentiments et ne veulent pas s’embarquer dans un futur naufrage ou être bloqués dans cette situation qu’on appelle ''couple''. Alors pourquoi lui, pourquoi Noah est le seul à objecter ? Je ne comprends pas.

— Pourquoi quoi ?

— Pourquoi ne souhaites-tu pas t’établir avec une personne ?

J’ai envie de lui hurler au visage que ça ne le regarde pas. Sa curiosité commence à m’énerver. Oui, il m’en faut peu. À la place d’une crise d’hystérie, je lui réplique :

— Est-ce que tu te rends compte que tu viens de briser la tension sexuelle qui nous entourait ?

— On sait tous les deux qu’il me suffit de te toucher là (il survole mon entre-jambes), ou là (mon décolleté), pour que ta libido remonte en flèche.

Il n’a pas tort, je suis brûlante. Je crois sentir mon string s’humidifier.

— Donc… pourquoi ?

— Et si je n’ai pas envie de te répondre ?

— Je ne t’oblige à rien, mais je parie que tu me supplieras qu’on recommence. Encore et encore.

Je ne peux pas lui dire la raison de cette ''règle'' auto-imposée. Cela me brise encore lorsque j’y repense, alors en parler à voix haute est tout simplement impossible. Et, à l’instant présent, je n’ai pas envie de parler, j’ai envie d’agir.

Je me penche vers lui et murmure dans son oreille :

— Emmène-moi rapidement chez toi, je crains de voir ton pénis exploser dans ton jean si tu ne le libères pas tout de suite.

— C’est parce qu’il sait que cette nuit, il t’appartient.

Il n’en fallait pas plus pour envoyer un signal d’alarme à mon corps. Je ne tiens plus. Il me le faut, en moi. Ses mots ont un effet dévastateur. Je ne sais pas si je pourrais tenir le temps du trajet.

— J’espère que tu n’habites pas loin.

— Dix minutes

Parfait !

Chapitre 4. Noah

Nous sommes dans le taxi qui nous ramène chez moi. Assis chacun sur notre siège, nos regards ne cessent de se jauger. Je la dévore des yeux et bientôt je sais que ma bouche et tout mon corps prendront le relais. Les nombreux allers et retours de sa langue sur ses lèvres me signifient qu’elle est impatiente.

Je pourrais très bien la prendre sur cette banquette marron, mais je ne souhaite pas qu’un autre la voie. Je veux que, ce soir, elle soit entièrement à moi, comme quand nous étions jeunes. Si ce n’est pas le destin qui a mis cette sublime créature sur ma route, alors je ne sais pas ce que c’est.

Son sourire en dit long sur ses pensées. Bon dieu, comment pourrais-je bien lui résister ? Ma queue est plus dure que du métal. J’ai l’impression de redevenir ce jeunot qui découvrait une fille nue pour la première fois. Je prie pour que le chauffeur se dépêche et je serais même capable de lui donner tout l’argent que je possède pour qu’il roule plus vite.

Et quand je pense que mon désir est au maximum, elle murmure dans mon oreille :

— Est-ce qu’on t’a déjà attaché ?

Mon sexe réagit avec ferveur. Cette femme est incroyable. Bien évidemment que je désire qu’elle m’attache ! Je la laisserai faire tout ce qu’elle veut de moi tant que je peux continuer à l’admirer. Ce soir sera sa nuit, notre nuit, et je compte bien la rendre mémorable.

Le taxi avance enfin dans ma rue. Je discerne mon bâtiment au loin. Je paye puis compose le code de l’immeuble. À peine la porte de mon appartement ouverte, la déesse me saute dessus.

Je la plaque contre le mur de l’entrée, ma bouche collée à la sienne. Nos langues se titillent puis s’enroulent pour ne former qu’une. Entre deux baisers, elle agrippe le bas de mon haut et le fait disparaître. Elle s’arrête un instant pour m’observer. Son regard est brûlant lorsqu’elle détaille mon torse.

— Tu aimes ce que tu vois ?

— J’aimerai encore plus quand tu n’auras plus de vêtements pour te cacher.

Elle se baisse et attrape la ceinture de mon pantalon, puis en défait les boutons. Rachel descend mon bas à mes chevilles, bientôt rejoint par mon caleçon. Sa merveilleuse bouche emprisonne mon sexe. Je suis complètement en elle. Sa langue se joue de moi et masse mon érection. Cette femme regorge de talents, ce qu’elle me fait est à se damner.

Des gémissements sortent de ma bouche et je ne pense pas pouvoir me retenir très longtemps si elle continue dans cette voie. Je lui fais signe de remonter et la soulève. Ses jambes accrochées autour de ma taille et ses bras autour de mon cou, je nous dirige vers ma chambre.

Le trajet ne l’arrête pas, ses lèvres s’attaquent maintenant à mon cou. Comment suis-je censé rester lucide avec ça ? Je la jette sur le lit. Son corps rebondit sur le matelas.

— Déshabille-toi, je lui ordonne.

Elle se lève et me fait asseoir sur le lit. Debout devant moi, elle relève lentement sa robe. J’aperçois petit à petit le haut de ses cuisses, puis la dentelle de ses sous-vêtements. Elle porte un ensemble noir transparent qui ne laisse aucune place à l’imagination.

Ses courbes sont majestueuses. Son soutien-gorge peine à cacher ses énormes seins que je prendrais le temps de sucer un à un. Ses larges hanches guident mes yeux vers son cul parfaitement rebondi dans ce tout petit string. Je ne suis visiblement pas le seul à avoir changé en dix ans.

Elle attend que j’agisse, et après la contemplation, je passe à la pratique. Je la pousse vers le lit, écarte ses jambes en prenant soin de faire tomber à terre ses vêtements en trop, et enfouis ma langue dans sa moiteur. Je la mordille, la suce, la masse et la goûte. Elle mouille beaucoup et la chaleur de son liquide se répand dans ma bouche.

Elle se tortille sous mes actions et prononce des paroles à peine audibles. Petit à petit, ses mots deviennent des cris, de plus en plus aigus. Je remonte à côté d’elle, mon doigt prend le relais pendant que je m’attaque à ses seins. Je ne les mange pas, je les gobe. Cette femme vient de me prouver l’existence du paradis.

— Putain, tu es parfaite !

Mon envie de m’occuper d’elle laissera certainement des marques temporaires sur son corps, ou plus précisément sur sa généreuse poitrine. Si je continue, elle risque de jouir sous la pression des deux doigts que j’ai en elle et je m’en voudrais si je n’avais pas le temps de nicher mon sexe dans le sien.

Je m’arrête brusquement à la recherche d’un préservatif. Je fouille ma table de chevet et y trouve l’emballage. Je le déchire et le déroule sur mon sexe.

— Qu’est-ce que tu souhaites ?

— Toi, en moi.

En bon soldat, je m’empresse d’obéir aux ordres de ma belle.

Lorsque nos deux parties entrent en contact, c’est une explosion. Mon bassin produit des coups secs et je rentre profondément en elle. Elle me supplie de continuer, encore et encore. Son intérieur est si chaud que je pourrais y rester toute la nuit.

Une de ses mains empoigne mes fesses, l’autre griffe mon dos. Le plaisir est démultiplié. Rachel est dans le même état que moi. Et dans un dernier va-et-vient, nous jouissons d’un même écho.

Je m’affale sur le côté, épuisé, et jette le préservatif à la poubelle. Ma respiration est saccadée et j’ai du mal à me reprendre. C’était le meilleur coup de ma vie, sans aucun doute. Rachel est sur le dos, les yeux clos et la bouche entrouverte. Sa poitrine se lève et s’affaisse en mouvements irréguliers.

— Je n’ai même pas eu le temps de t’attacher, elle rit timidement.

— La nuit n’est pas encore terminée.

Je me tourne vers elle et, du bout des doigts, trace des cercles sur son ventre.

— Merci, pour ce moment.

— Tu n’as pas à me remercier, nous en avions envie tous les deux.

Au milieu de la nuit, je sens une silhouette se faufiler sous la couette et venir enlacer mon entrejambe. Cette femme va sûrement venir à bout de moi, mais je crois bien que nous sommes repartis pour un round supplémentaire…

Chapitre 5. Rachel

Un rayon de soleil vient illuminer mon visage. J’ouvre les yeux avec peine et dois me dégager d’une main posée sur mon ventre. Les volets ne sont pas fermés et la lumière du jour me permet donc de me souvenir du lieu où je me trouve.

Noah est allongé sur le côté, face à moi. Le drap gris couvre le bas de son corps, mais je me fais un malin plaisir à observer son torse saillant.

La soirée de la veille a été si rapide que je n’ai pas prêté attention aux détails environnants. Nous sommes dans sa chambre, une pièce un peu trop dénuée de couleurs à mon goût. Les murs sont blancs, sans cadre ni tableau. Il y a seulement un lit double, une commode en bois clair et une table de chevet dans les mêmes tons. Même la fenêtre, pourtant plutôt spacieuse pour Paris, ne permet pas de ramener de la vie dans cet espace. Je pense qu’il ne doit pas avoir beaucoup de talent en matière de décoration.

Un bref ronflement me fait savoir qu’il est toujours dans les bras de Morphée. Je profite de cet instant pour m’éclipser.

Mes membres sont endoloris, mais ce que Noah a fait à mon corps la veille est digne de finir sur le podium de mes meilleures expériences sexuelles. Je ramasse mes vêtements éparpillés un peu partout dans l’appartement, qui est, au passage, semblable à la chambre, et les enfile en essayant de faire le moins de bruit possible.

Les lendemains de nuit de débauche sont toujours les plus embarrassants et je serais reconnaissante de ne pas avoir à le croiser et devoir simuler un rendez-vous important pour m’éclipser sans plus amples explications. En passant devant le bar de la cuisine, un bloc de pense-bêtes fluo me donne une idée. J’attrape un stylo sur le plan de travail et y rédige une simple note.

« Merci pour cette nuit, c’était mémorable. La prochaine aura de la chance d’être dans ton lit. »

Un pincement au cœur m’envahit, mais c’est trop tard, je dois dire adieu à ce bel étalon qui m’a fait tant de bien pour revenir à ma routine. Mais peut-être qu’en me laissant tenter plus souvent par les sorties proposées par Lisa, je rencontrerai d’autres hommes comme Noah, qui sait ?

Mon corps me supplie de recommencer, il en a besoin. Cela faisait trop longtemps que je ne m’étais pas laissé porter comme la nuit dernière. De nombreux mois que je me cache derrière ma peur et ma règle (que je me répète comme un mantra), mais c’est à cause de lui et du mal qu’il m’a fait. Je n’arrive pas à surmonter la souffrance qu’il m’a fait endurer. Il est encore trop tôt pour réparer un cœur en porcelaine brisé à coups de marteau.

Je suis rentrée chez moi aux alentours de 11 h. Lisa m’a appelée et nous nous sommes mutuellement raconté nos expériences de la nuit. Elle m’a expliqué, avec tous les détails, qu’elle s’était rendue chez l’un des deux hommes avec qui on avait passé la soirée et que l’autre (à son plus grand regret) n’avait pas pu les suivre. Faute de malchance, la colocataire de Tom (qui n’est autre que sa mère) est rentrée plus tôt et ils n’ont pas pu finir ce qu’ils avaient commencé. Lisa est donc repartie chez elle sans avoir pu profiter au maximum de ce qu’il avait à lui offrir.

Pour moi, ce fut un fou rire qui dura une dizaine de minutes, et pour elle, une grande déception. Mais heureusement, mon récit lui a remonté le moral. Je crois qu’elle se déteste de m’avoir laissé Noah, mais, d’après ses dires, elle est « heureuse de m’avoir offert ce cadeau ». On peut donc considérer Lisa comme ma bienfaitrice de la soirée.

Après cet appel, qui a duré un long moment, je me décide enfin à me préparer de quoi déjeuner. J’ouvre le réfrigérateur et découvre qu’il est aussi vide qu’un ciel sans étoiles. Je note mentalement de faire des courses aussi rapidement que possible.

Me voilà donc allongée sur mon canapé, un paquet de biscuits entre les mains. Je lance un programme au hasard sur la plateforme de streaming et fixe l’écran sans grand intérêt.

L’écran de mon ordinateur posé sur la table basse s’éclaire. Je m’approche de l’objet et découvre l’arrivée d’un nouveau mail. Le grand patron de l’agence de publicité dans laquelle je travaille me presse de lui envoyer le plus rapidement possible mes idées pour la nouvelle campagne que nous sommes en train de développer pour un très gros client. Je fais l’impasse sur le repas et m’attelle immédiatement à la tâche.

Je passe mon après-midi entière à la recherche d’un slogan pouvant convenir à ce client. Le message doit poursuivre un seul but : être marquant pour que les futurs acheteurs du produit l’aient dans la tête durant des jours entiers, après avoir visionné le spot télévisé.

Lorsque j’étais au lycée, mon professeur de chimie nous avait enseigné qu’il fallait qu’on révise régulièrement nos cours pour s’en souvenir, exactement comme les publicités. Ces dernières ne restent pas longtemps à l’antenne, parfois quelques secondes, mais sont diffusées à répétition. Il est donc plus aisé de se souvenir d’une phrase prononcée tous les soirs pendant dix secondes, plutôt qu’un long discours d’une minute. Et je me suis aperçue qu’il avait raison, c’est exactement cette tactique que nous utilisions en tant que publicitaires.

Je me creuse donc les méninges afin d’éblouir notre client avec mes idées. Si le projet ne lui plaît pas, on peut dire adieu à un gros cachet.

Je griffonne sur un bout de papier tout ce qui me vient en tête puis, en fin de journée, une idée lumineuse me vient. Je peaufine mon projet toute la soirée, en imaginant plusieurs lieux pour tourner le spot et mettre en avant le produit.

Une fois au lit, je suis fière de ma productivité du jour. Je programme mon réveil pour qu’il sonne à six heures le lendemain matin et me laisse porter par toutes les ondes positives qui m’entourent. En somme, un week-end bien rempli !

- Lycée Pierre et Marie Curie, 2 septembre 2010 -

Il est tard lorsque je rejoins mes amis devant la grille du lycée, mais heureusement pour moi, l’appel n’a pas encore commencé. Aujourd’hui, c’est la rentrée, ce jour que beaucoup redoutent puisqu’il signifie la fin des vacances, mais pour moi il n’en est rien. J’ai un objectif de carrière en tête et cet établissement me permettra, je l’espère, d’y parvenir. Ceux qui ne me connaissent pas disent que je suis trop jeune pour être aussi ambitieuse et sûre de mon choix, mais ce n’est pas de ma faute s’ils n’ont pas trouvé la voie qui les fera vibrer. Je suis mature pour mon âge, mais plus que tout, extrêmement déterminée.

Il est neuf heures lorsque le proviseur se décide enfin à appeler les élèves ma classe. J’ai la chance de me retrouver, une année de plus, dans la même section que la plupart de mes amis et connais une grande partie des autres. Enfin amis, c’est un bien grand mot. Le proviseur nous appelle un par un, par ordre alphabétique.

— Cette année, nous accueillons un nouvel élève. Noé, vous pouvez suivre Mme Henrie qui sera votre professeure principale.

Toutes les têtes se retournent vers celui qui vient d’être appelé. Noé rejoint le troupeau que nous formons devant l’entrée. Il baisse la tête, le regard rivé sur ses pieds. Mais, le temps d’un bref instant, nos yeux se rencontrent et je lui souris.

Chapitre 6. Noah

Aujourd’hui n’est pas un jour comme les autres. Je fais ma rentrée dans la cour des grands. Non pas dans une nouvelle école comme un enfant, mais dans l’une des entreprises les plus prestigieuses de mon domaine.

C’est donc de bonne humeur que je me lève, en ce doux matin de septembre, et que je me prépare. Une chemise en coton bleu ciel et un pantalon beige sont mes armes pour conquérir mes futurs collègues. Une pression de parfum et je suis prêt à partir.

La note laissée par Rachel dimanche matin trône encore sur mon plan de travail, je n’ai pas eu le courage de la jeter. Cette nuit avec elle, c’était comme un saut dans le passé, mais en cent fois mieux. J’ai retrouvé mon âme d’adolescent, tout en y ajoutant mes qualités de séducteur chevronné.

Cela fait des années que je n’avais pas eu de nouvelles d’elle, pourtant en la serrant dans mes bras c’est comme si nous nous étions quittés seulement la veille.

Une semaine que je n’ai qu’une seule idée en tête : la retrouver. Maintenant que je sais qu’elle est à Paris, la tâche ne devrait peut-être pas être aussi compliquée, non ?

Elle et moi, c’est une évidence. J’en suis convaincu. Je crois aux signes et pour moi, la revoir après toutes ces années, complètement par hasard, en est un.

Je n’ai pas eu le courage de lui dire qui j’étais, la lâcheté a toujours été une de mes caractéristiques. Je ne sais pas pourquoi je ne me suis pas présenté à elle, peut-être par peur qu’elle me rejette. En même temps, comment aurait-elle pu me reconnaître ? Je ne ressemble plus à ce gamin qu’elle a connu et, depuis ce drame, j’ai été contraint de prendre l’identité d’un autre.

Il est aux alentours de neuf heures lorsque je sonne à l’interphone du bâtiment grisâtre dont l’adresse m’a été indiquée par email, quelques jours plus tôt.

Je donne mes nom et prénom à la secrétaire et cette dernière me signale l’ouverture de la porte vitrée à travers un bruit strident. Je suis le chemin qu’elle m’a indiqué et emprunte l’ascenseur jusqu’au dernier étage.

Le hall d’entrée de l’immeuble est spacieux, carrelé de grandes dalles miroitantes. Je croise plusieurs personnes, mais elles ne m’adressent aucun regard, ni même une marque de politesse. Bienvenue dans le monde du travail parisien, Noah !

J’attends patiemment que l’ascenseur s’arrête, puis entre lorsque les portes sombres s’ouvrent sur une magnifique jeune femme en tailleur pâle et hauts talons. Trop concentrée sur son téléphone, elle ne se rend même pas compte de ma présence à ses côtés.

Je jette plusieurs coups d’œil à ma montre de marque, un cadeau de mes parents. Le stress monte en moi. Je déglutis, ma pomme d’Adam monte et descend plusieurs fois. Nous sommes arrivés à destination. Un dernier regard au miroir et me voici entré dans l’arène.

Je m’avance devant un bureau en bois clair où une femme à lunettes est assise derrière un ordinateur. Un téléphone et de nombreux papiers sont posés devant elle. J’en déduis que c’est sûrement à elle que je dois m’adresser.

— Bonjour. J’ai rendez-vous avec Mme Lisa Bertin à neuf heures trente.

Elle lève les yeux au-dessus de ses lunettes rondes. Ses lèvres sont pincées, son visage est sec et je peux percevoir de petites rides au coin de ses yeux.

— Vous êtes en avance, monsieur.

—Il vaut mieux être en avance qu’en retard, n’est-ce pas ?

Je me force à sourire, mais cela ne la déride pas pour autant. Elle me fait signe du doigt d’attendre dans le salon situé derrière moi. Je la remercie pour sa ''gentillesse'' et pars dans la direction indiquée.

Le salon en question est un espace ouvert, au milieu de plusieurs bureaux et autres salles. Des fauteuils et des canapés en velours entourent une table basse rectangulaire en métal où sont disposés des prospectus et quelques magazines people.

Je contemple les hommes et les femmes qui passent à côté de moi, tous ont l’air pressés, mais sont amicaux avec ceux qu’ils croisent. Mise à part la première personne aperçue ici, une bonne humeur générale semble régner ici. Je me détends un peu, je vais me sentir bien ici. Je vérifie mon téléphone, réponds aux mails et messages reçus pour patienter.

À neuf heures vingt-cinq, une voix féminine appelle mon nom. Je me retourne et un visage familier apparaît à quelques mètres de moi. Cette peau dorée, ces lèvres charnues, ces grands yeux foncés, je les ai déjà rencontrés. Elle aussi semble m’avoir reconnu. Son visage arbore une expression de surprise puis laisse place à un sourire sensuel.

La chance me sourit, c’est ce que j’ai envie de crier au monde entier.

Je ne suis pas adepte des jeux de grattage ou des tirages au sort, je perds systématiquement. Malgré tout, j’ai l’impression que cette fois-ci, la roue tourne et qu’on a enfin décidé de m’accorder un peu de chance.

Il y a déjà une semaine que nous nous sommes croisés, Mme Bertin et moi. Il y a une semaine que j’ai passé une merveilleuse nuit avec sa copine. Peut-être qu’avoir la meilleure amie de Rachel en collègue pourrait être l’occasion d’obtenir des informations sur elle ?

Non, Noah, tu es dans un milieu professionnel et tu dois le rester. Mais le visage de la femme en face de moi pense tout le contraire. Elle est plus qu’heureuse de me revoir.

Je repense à la note laissée par Rachel dans ma cuisine et ses mots résonnent dans mon esprit. Nous avons eu la chance, par un heureux hasard, de nous rencontrer dix années plus tard, et je ne laisserai une décennie nous séparer. Il me la faut et l’organisatrice de mon rendez-vous pourrait sûrement être un avantage dans ma quête.

En l’espace de quelques secondes, elle devient mon but à atteindre.

— Monsieur Wilson, suivez-moi dans mon bureau.

Ses désirs sont des ordres et je suis son magnifique petit cul, moulé dans un pantalon blanc, à travers un long couloir bordé à nouveau de bureaux. Elle ne se gêne pas pour se déhancher ouvertement.

Nous arrivons dans ce que je présume être son espace professionnel : une pièce aux murs ivoire, un bureau en verre transparent, trois chaises noires. Il n’y a aucune photo, aucun tableau accroché au mur, ni même une seule petite décoration qui me laisserait penser qu’elle s’est approprié cet environnement.

Elle s’assied en face de moi et d’un ton professionnel, m’explique son travail et ses attentes envers moi. Mme Bertin est ce qu’on pourrait qualifier de chargée de clientèle, elle est celle qui accueille les clients. Une sorte d’intermédiaire entre l’entreprise et eux. Je ne dois donc pas la décevoir.

Cela me démange de lui parler de Rachel, mais je me ravise. Je vais être tel un jardinier : la laisser grandir, s’épanouir, puis dès qu’elle sera mûre, je la cueillerai et obtiendrai les informations dont j’ai besoin.

Lisa Bertin me fait ensuite une visite guidée de l’agence. Quand nous arrivons devant la pièce comportant la photocopieuse et divers matériaux informatiques, elle insiste bien sur le fait que « jamais personne ne vient ici à partir d’une certaine heure, c’est utile lorsqu’on veut être seul un moment », suivie d’un clin d’œil. Je range mes hormones et ne réagis pas à son attaque.

Puis vient la présentation officielle avec mes nouveaux collègues. Certains sont chaleureux et me souhaitent la bienvenue, tandis que d’autres me dévisagent à peine. Je suppose qu’ici, la compétition est plus féroce que dans mon ancienne agence. Chacun se bat pour être celui qui trouvera l’idée qui va plaire.

— Je pense que tu l’auras remarqué, mais ici le tutoiement est de mise.

— C’est ce que j’avais cru comprendre, effectivement, Mme Bertin.

— Qu’est-ce que je viens de dire ? Appelle-moi Lisa !

Elle accentue les deux syllabes qui composent son prénom, comme pour le graver en moi. Elle ne devrait pas se faire de soucis à ce sujet, je ne risque pas de l’oublier.

— Avant de terminer notre entrevue, je dois te présenter à notre supérieure.

Après avoir toqué, elle ouvre une porte où est inscrit ''directrice marketing'' sur une plaque en or.

Une femme est plongée dans une pile de dossiers, des papiers éparpillés sur la totalité de son bureau.

— Rachel, voici le nouveau.

Elle relève la tête de ses documents. Ses yeux marron s’écarquillent en grand.

— Noah, voici Rachel. Je ne pense pas avoir besoin de faire les présentations.

J’ai envie de rire de la situation. Tout est parfait. Je ne pouvais décemment pas rêver mieux !

Chapitre 7. Rachel

Il est tout bonnement impossible qu’il soit là, devant moi, sur mon lieu de travail.

Il passe une main sur sa charmante chemise bleue, ce qui ne fait que faire ressortir encore plus ses épaules musclées, tandis que je papillonne des cils pour être certaine de ne pas être l’objet d’une hallucination.

Il doit remarquer que ma surprise est totale puisqu’il ne cesse de sourire. Son putain de sourire charmeur qui m’a plu lors de notre unique rencontre.

— Rachel, est-ce que tu vas bien ? demande ma meilleure amie ne parvenant pas, elle non plus, à dissimuler son sourire.

Si c’est une blague de Lisa, ce n’est vraiment pas drôle. Mais à la tête qu’elle fait, je peux deviner qu’elle n’y est pour rien.

Est-ce un heureux hasard ou cet homme m’a-t-il suivie jusqu’ici ? Peut-être que c’est un serial killer qui apprend à connaître ses futures victimes, qui les suit jusqu’à leur lieu de travail pour ensuite mieux les assassiner. OK, ok, j’ai besoin de sommeil, moi.

Je reprends mes esprits au bout d’une minute qui s’éternise et viens à la rencontre du charmant stalker/psychopathe/dieu du sexe. Je suis sa patronne, à moi de me comporter comme telle.

Je fais le tour du bureau et lui tends une main professionnelle tout en lissant ma tenue.

— Enchantée, Noah. L’entreprise est ravie de vous accueillir.

— Le plaisir est partagé, il rétorque en humidifiant ses lèvres.

Sa poignée de main est douce. S’il avait été un autre homme, je n’aurais sans doute pas remarqué la lenteur qu’il prend pour retirer ses doigts des miens. Il y a quelque chose d’impénétrable dans ses yeux, une lueur que je n’arrive pas à analyser. Ils ont la même couleur que ceux de mon amour passé.

Je me racle la gorge et bombe le torse.

— Je suis donc Rachel Dumas. Je vous souhaite la bienvenue chez C & C and Co. Vous remplacerez David, qui a déménagé dans le sud. C’était un très bon élément et j’espère que vous serez dans sa lignée, je déclare en insistant pour lui montrer mon air détaché.

Mon regard le met au défi. Je veux lui montrer qui est aux commandes de cette entreprise, et ce n’est pas une nuit de luxure qui va me transformer. Il sera logé à la même enseigne que tous les autres. Aucun favoritisme ne sera toléré.

— Je connais les exigences que vous placez en moi. Si on m’a recruté, c’est justement pour mes qualités professionnelles. Je ne vous décevrai pas.

— J’y compte bien. Vous avez une période d’essai d’un mois, qui peut être interrompue à tout moment.

Deuxième avertissement, Noah.

— C’est noté. Je saurais me montrer indispensable, madame.

Un rictus vient fendre ses lèvres. Malgré sa phrase qui peut semer le trouble sur sa double connotation, je ne vais pas faillir. Il est mon nouvel employé et il le restera.

Je jette un regard vers sa main droite, dont les doigts font du piano sur le dossier de la chaise qui fait face à mon bureau. Il n’a l’air nullement perturbé par le fait que nous avons passé la nuit ensemble. Il paraît même plutôt à l’aise avec l’idée.

— Lisa, peux-tu conduire notre nouvelle recrue vers Marc, s’il te plaît ? Je veux qu’il s’attelle immédiatement à la tâche. Nous avons une grande campagne à bâtir et le plus vite sera le mieux.

Ma meilleure amie hoche la tête et ouvre la porte de mon bureau pour que les deux en sortent. Je m’installe à mon espace de travail et observe la silhouette de Noah disparaître de mon environnement.

Je souffle un bon coup et me prends la tête entre les mains en jurant comme un charretier. Mon nouvel employé est en réalité un homme qui m’a vue littéralement sous toutes les coutures, dans mon plus simple appareil. Je ne le connais pas, comment pourrais-je espérer de lui qu’il taise notre nuit ? Si ce secret venait à être révélé, je risque ma place et j’aime trop mon travail pour laisser un pénis tout gâcher, aussi incroyable soit-il.

Alors que je me replonge dans mes documents clients après une bonne dose d’autocritique, Lisa déboule dans la pièce comme une fusée

— Je n’y crois pas !!!

Je lui intime du doigt de baisser d’une octave et d’un coup de hanche, elle referme la porte de mon bureau.

— Quoi ?

— Tu ne vas pas me dire que ce n’est pas un signe ? Le mec sur qui tu as craqué est là, derrière ces murs. Tu le verras tous les jours !

Je lève les yeux au ciel. Lisa ne me laissera donc jamais tranquille.

— Je t’arrête tout de suite, je suis sa patronne. Il ne se passera rien entre nous. C’est juste un hasard si on exerce la même profession, rien de plus. Il est peut-être un serial killer qui me suit partout.

— Rachel, c’est la décision de Veymers, et il l’avait recruté bien avant que vous vous soyez rencontrés. Les premiers emails échangés datent de plus d’un mois.

— Comment tu sais tout ça ? je l’interpelle en comprenant que ma meilleure amie a joué à l’agent des renseignements.

— Je me renseigne, c’est tout, elle rétorque du tac au tac en minaudant d’un air innocent.

Je vois très bien où Lisa veut en venir. Je ne rentrerai pas dans son jeu.

— Il avait l’air heureux de cette rencontre en tout cas. Je l’ai vu à la façon qu’il avait de te reluquer.

OK, maintenant j’ai droit à ses sourcils qui se relèvent plusieurs fois. Du grand Lisa.

— Je te remercie pour tes conseils façon madame Irma, mais maintenant est-ce que tu pourrais sortir ? Il y en a certains ici, qui ont beaucoup de travail.

— Tu n’échapperas pas à ton destin, Dumas. Ça, tu vois, c’est la vie qui te fait un signe. Elle te dit d’arrêter cette règle stupide, de sortir de ce bâtiment et de te bouger les fesses pour enfin avoir une vraie relation !

Un rire nerveux secoue mon corps alors que j’abaisse l’écran de mon ordinateur portable. Lisa en profite pour se rapprocher de mon bureau et y poser ses poings.

— Est-ce que je peux savoir pourquoi c’est toi qui me parles de relation ? Tu n’es pas la plus experte en matière d’amour.

— Certes, j’aime être libre, c’est un fait. Mais, si l’occasion se présentait, je ne refuserais pas un tête-à-tête tous les soirs avec ce bel apollon.

Elle ponctue sa phrase d’un regard vers la porte fermée.

— Tu n’as qu’à le prendre si tu le veux tant ! je l’informe en mâchouillant le capuchon d’un stylo.

Lisa râle dans sa barbe, se redresse, puis me déclare avec assurance :

— Ma chérie, s’il me voulait vraiment je ne serais pas là à parler avec toi. C’est toi qu’il veut, j’en mettrais ma main à couper et Dieu sait que j’en ai besoin, de mes doigts !

Je balaie cette conversation d’un revers de main

— On a passé une nuit ensemble, une seule. Ça ne voulait rien dire et il doit sûrement être un coureur de jupons.

— Qu’est-ce que tu peux être têtue quand tu t’y mets !

Je suis submergée par le travail et découragée par mon manque d’optimisme, Lisa s’en va enfin pour me laisser vaquer à mes occupations. On a un gros client à convaincre de signer chez nous, il n’est pas question que je fasse mumuse avec le nouveau.

La tornade Lisa revient me voir pour l’accompagner déjeuner deux heures plus tard, mais je refuse poliment. Je n’ai pas le temps de manger quoique ce soit ce midi, pas tant que je ne serais pas satisfaite de ce que je produis.

Au retour de sa pause, elle vient me déposer un thé noir parfumé à la vanille. Le liquide me brûle la langue, mais l’odeur qui entre dans mes narines est alléchante.

La vanille a toujours été une de ces odeurs que j’affectionne énormément. Elle me rappelle les vacances au soleil avec mes parents lorsque j’étais jeune. Mes parents adorent voyager et j’ai eu la chance de découvrir de nombreux pays.

Je me suis toujours dit que, si un jour je rencontrais quelqu’un, j’aimerais parcourir le monde avec lui. Mais tous mes rêves et espoirs ont été détruits lorsque j’ai rencontré un démon, deux ans auparavant, dans cette rue du centre-ville. Je n’aurais pas dû le laisser me raccompagner. Ni même l’inviter à entrer. Je n’aurais pas dû accepter de le revoir. Il a éteint un morceau du feu qui crépitait en moi, et mes rêves sont partis en fumée.

À vingt heures, je suis la dernière encore présente à notre étage. Toutes les bonnes âmes de cette compagnie sont rentrées chez elles, pressées de retrouver la chaleur de leurs foyers. Moi, je ne pense pas que je manque à mon canapé ou à mon lit.

J’actionne l’interrupteur de mon bureau et ferme la porte à clef. L’étage est sombre et seule la faible lumière du hall m’aide à me diriger.

— Vous aussi, vous travaillez tard ?

La voix me terrifie et je sursaute en laissant échapper les affaires que je tenais entre mes bras. Tout s’étale par terre avant que je ne comprenne ce qu’il se passe.

— Je suis désolé, je ne voulais pas vous faire peur.

Une silhouette se précipite pour m’aider à rassembler ce qui s’est échappé de mes mains. Je le gratifie d’un sourire, mais ne le reconnais pas.

J’appuie sur le bouton blanc du couloir et les spots du plafond se remettent à fonctionner. Une lumière vient nous éblouir et je vois enfin distinctement le visage du monstre des couloirs qui rôde à la nuit tombée.

Il est plutôt bel homme, je dois l’avouer. Il me sourit timidement, visiblement embarrassé par la situation.

— Je m’appelle Yann, je travaille au deuxième, il s’adresse à moi en se grattant machinalement le derrière du crâne.

— Rachel. Qu’est-ce que vous faites ici à part effrayer des inconnus ?

Mes yeux sont plantés dans les siens et je tente de l’analyser comme un tableau Excel.

— Je dois rendre un dossier urgent pour mon patron, mais notre imprimante est tombée en panne et la deadline est dans une heure. L’agent de sécurité de l’immeuble m’a dit de venir à votre étage, car la vôtre a été réparée récemment et est beaucoup plus puissante.

— Oui c’est vrai, le technicien est venu la semaine dernière. Elle fonctionne, je l’ai utilisée sans problème tout à l’heure. Vous voulez que je vous y conduise ?

Je ne sais pas d’où me vient cette bonté d’âme, peut-être que je souhaite simplement vérifier qu’il ne volera rien d’autre que de l’encre.

— Je ne voudrais pas vous déranger. Vous aviez l’air de rentrer chez vous.

— Cela ne me dérange pas, rien ne m’attend chez moi, donc je peux retarder mon départ de quelques minutes, je lui apprends en haussant les épaules.

Il me suit jusqu’à la salle informatique, me remerciant à de nombreuses reprises. Je reste avec lui pour m’assurer que tout fonctionne correctement. L’appareil imprime à la chaîne des dizaines de feuilles colorées composées de dessins et d’écritures diverses.

— Vous me sauvez la mise ! Mon boss m’aurait certainement licencié sans votre aide.

Son expression est beaucoup plus détendue que lors de notre rencontre dans le couloir. La forte lumière blanche de la salle me permet de l’observer comme en plein jour. Je ne sais pas dans quelle branche est Yann, mais il me fait penser à un hipster en costume.

Sa barbe brune fournie contraste avec sa chemise blanche déboutonnée au niveau du col. Ses cheveux bruns sont partiellement recouverts de gel et ses lunettes écaille donnent un look studieux à son regard. Il est à croquer !

Chapitre 8. Noah

— Je te promets que tout s’est bien passé, je rassure ma mère au téléphone sur mon nouveau travail de rêve.

Elle ne cesse de me répéter qu’elle est fière de moi et je peux le sentir à travers le combiné. Après tout ce qu’on a traversé ces dernières années, elle est heureuse que je puisse enfin m’épanouir. Sa voix est pleine d’enthousiasme et de conseils avisés pour ''mettre ma patronne dans ma poche''. Si elle savait que ma fameuse patronne est Rachel Dumas, elle ne réagirait pas de la même façon…

Au plus loin que je m’en souvienne, mes parents ont toujours adoré Rachel. Pour eux, elle représentait une parfaite belle-fille, la petite jeune qui avait de l’ambition et qui était bien sous tous rapports. Alors, quand on s’est séparés, ils ont eu du mal à le digérer.

Le peu de filles que je leur ai présenté par la suite n’a jamais été à la hauteur du premier amour de leur fils. Je me souviens des nombreuses fois où ma mère m’a demandé de ses nouvelles, et de la mine triste qu’elle arborait ensuite lorsque je lui répondais que nous n’étions plus en contact.

—Est-ce que tu es libre le week-end prochain ? Cela fait longtemps qu’on ne s’est pas vu et tu nous manques.

Je réfléchis, mais ne vois aucun obstacle à cette visite. Cette nouvelle la rend heureuse. Nous fixons les détails puis il est temps de l’abandonner afin d’affronter mon deuxième jour chez C & C.

Le métro est bondé à cette heure-ci puisque c’est le moment d’embauche générale. Les quais sont remplis de dizaines, voire de centaines de personnes, toutes différentes les unes des autres.

Certains ont décidé de rester concentrés, des écouteurs vissés dans leurs oreilles. D’autres feuillettent le journal distribué à l’entrée. Et d’autres encore, comme moi, admirent cette cohue matinale.

Nous sommes entassés dans la rame, tels des animaux en cage. La proximité avec mon voisin me permet même de sentir quelques odeurs « rafraîchissantes ». Ce dernier ne connaît visiblement pas le principe d’une douche. Les stations défilent sous mes yeux et je commence à en connaître l’ordre par cœur.

Sur la route me conduisant au bureau, je décide de faire un arrêt imprévu. Le café de Jean, le nom inscrit sur l’enseigne, est calme. Seulement quelques personnes sont attablées, une boisson chaude devant eux. L’environnement est sombre, les lumières sont basses et le bar ne paraît pas tout jeune. J’aime cet aspect rustique des lieux, on sait que ce genre d’endroit a du vécu.

— Qu’est-ce que je vous sers ?