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Extrait : "MARTIAL. Est-ce qu'il prend notre atelier pour une boutique de marchande de modes, ce dandy-là ? Voilà plusieurs fois que je le vois passer et repasser. C'est dommage que nous n'ayons pas de rideaux, comme les demoiselles de la rue Vivienne. Depuis que mam'zelle Cécile est ici, tout le monde s'arrête à la regarder. C'est vrai qu'elle est si jolie, et qu'elle a des manières si distinguées !"

À PROPOS DES ÉDITIONS Ligaran :

Les éditions Ligaran proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Personnages

TOUPINEL, peintre en bâtiments : M. SERRES.

ROSSIGNOL, maître serrurier : M. CHARLET.

MARTIAL, son compagnon : M. FRANCISQUE jeune.

Le DUC D’HERBIGNY : M. DUBOURJAL.

CHARLES, son neveu : M. GOUJET.

PRÉCOURT, homme d’affaires : M. ROSIER.

DUFLOT, notaire : M. ÉDOUARD.

CÉCILE, crue fille de Toupinel : Mme HÉLOÏSE GAUTIER.

FRANCINE, chamarreuse : Mme FRENEIX.

La Scène est à Paris.

Acte premier

La boutique d’un serrurier, avec la forge, l’enclume, l’établi et tous les ustensiles du métier. Sur le côté à gauche, un cabinet vitré, où est le comptoir, et où Cécile travaille et tient les livres, auprès une table et ce qu’il faut pour écrire. Au fond la boutique s’ouvre sur la rue.

Scène première

Cécile est dans le comptoir, Martial travaille à la forge, Charles passe dans la rue, et regarde dans la boutique, il disparaît toutes les fois que Martial regarde de son côté.

MARTIAL

Est-ce qu’il prend notre atelier pour une boutique de marchande de modes, ce dandy-là ? Voilà plusieurs fois que je le vois passer et repasser. C’est dommage que nous n’ayons pas de rideaux, comme les demoiselles de la rue Vivienne. Depuis que mam’zelle Cécile est ici, tout le monde s’arrête à la regarder. C’est vrai qu’elle est si jolie, et qu’elle a des manières si distinguées ! Cette jeune personne dans un atelier de serrurier, c’est comme une mouche dans du lait… Aussi, depuis que je la vois… je ne sais pas, mais moi… je me sens tout je ne sais comment !… Quelle différence avec Francine !…

CÉCILE, travaillant.

Voilà encore M. de Vaucelle, il voudrait bien me parler ; mais dois-je l’écouter ?

Charles au fond, montre à Cécile une petite lettre.

MARTIAL, allant à lui.

Dites donc, Monsieur, sans vous commander, est-ce que vous êtes facteur ? vous n’avez pas l’uniforme.

CHARLES

Je ne vous parle pas, mon cher ami.

MARTIAL

Mais je vous parle, moi, mon cher ami.

CHARLES

Est-ce que je n’ai pas le droit de passer dans la rue ?

MARTIAL

C’est juste ; les trottoirs sont établis pour tout le monde ; mais pourquoi regardez-vous dans la boutique ?

CHARLES

C’est que je suis curieux il entre ; je vois là, de fort belles serrures.

MARTIAL

Elles ne sont pas à vendre.

CHARLES

Mais je puis en commander saluant Cécile, ah ! pardon, mademoiselle, je ne vous avais pas vue.

MARTIAL

Oh ! le menteur, voilà une heure qu’il vous regarde.

CHARLES, à Martial.

Êtes-vous le maître de cette boutique ?

MARTIAL

Non, malheureusement ; le bourgeois, c’est M. Rossignol ; mais moi, je suis son compagnon, et, en son absence, je le représente.

CÉCILE, sortant du comptoir.

Monsieur, désirez-vous quelque chose ?

CHARLES

Oui, Mademoiselle.

MARTIAL

Ah ! comme c’est malin… Je sais bien ce qu’il désire, moi. – Expliquez-moi la chose.

CHARLES

J’aime mieux m’expliquer avec mademoiselle.

MARTIAL

Je crois bien.

CÉCILE

Martial, vos manières ne sont pas convenables.

MARTIAL, honteux.

Mademoiselle Cécile il s’éloigne et dit à part, attends, attends, va, je vais te faire déguerpir.

CHARLES, montrant la lettre à Cécile.

Mademoiselle, puisque je ne puis pas vous parler…

CÉCILE

Quelle imprudence !

CHARLES

Expliquez-moi votre présence dans cette maison… Je doutais que ce fût vous que j’ai vue chez madame de Ferville.

CÉCILE

Dans une autre occasion je vous expliquerai ce mystère ; mais cet homme nous observe, vous ne voudriez pas me compromettre.

Elle prend la lettre et la cache dans son sein.

Martial est allé à la forge, il a pris un morceau de fer rouge avec des pinces, il le pose sur l’enclume, il frappe dessus de toutes ses forces avec un marteau, et chante en même temps à tue-tête :

Tot, tot, tot, battez chaud.
Tot, tot, tot bon courage.
Il faut avoir cœur à l’ouvrage.
Scène II

Les mêmes, Francine.

FRANCINE, entrant.

Monsieur Martial !

MARTIAL, sans l’écouter.
Tot, tot, tot, battez chaud,
Tot, tot, tot, bon courage,
FRANCINE, lui criant aux oreilles.

Monsieur Martial !

MARTIAL, sans l’écouter.

Il faut avoir cœur à l’ouvrage.

CHARLES, voyant Francine.

La fille de mon portier ! elle va me reconnaître.

Il se sauve, Cécile entre dans l’intérieur.

Scène III

Francine, Martial.

FRANCINE

Comme il se sauve, ce monsieur ; il paraît que j’ai dérangé qué qu’chose ! ah ! ça, Martial est donc sourd ; je vas lui faire ouvrir l’oreille.

Elle lui prend l’oreille.

MARTIAL

Oh ! la, la ! Qu’est-ce qui pince comme ça ?

FRANCINE

Eh bien, c’est moi, quoi ! vous vous faites joliment tirer l’oreille, pour répondre aux demoiselles.

MARTIAL

Et vous, vous tirez joliment fort ! je parie que le bout est resté dans vos doigts.

FRANCINE

Non, il est encore en place.

MARTIAL

Bien sûr ? je ne le sens plus.

FRANCINE

Il est engourdi, ça reviendra.

MARTIAL, regardant.

L’autre est parti.

FRANCINE

Qu’est-ce que vous regardez donc ? vous ne faites pas attention à moi.

MARTIAL

Si, mam’zelle Francine, vous êtes fort aimable et j’ai beaucoup de plaisir à vous voir ; mais je suis occupé.

FRANCINE

Eh bien, laissez-là un moment vos occupations.

MARTIAL

C’est de l’ouvrage pressé.

FRANCINE

Je la suis aussi.

MARTIAL

Air de jadis et aujourd’hui.

Vous savez l’proverbe, mam’zelle,
Faur baltr’le fer quand il est chaud.
FRANCINE

C’est toi que j’vais battre infidèle.

MARTIAL

C’qu’on fait, on doit l’faire comme il faut.

FRANCINE

Voyez donc, comme il se rengorge.

Elle lui donne un soufflet.

MARTIAL

Un soufflet ?

FRANCINE

Ne faut-il pas crier ?

MARTIAL

Mais pourquoi ?

FRANCINE
C’est un soufflet d’forge,
Cela convient au serrurier.
MARTIAL

Vous êtes donc venue ici pour me martyriser.

FRANCINE

C’est possible.

MARTIAL

Écoutez, Francine, le bourgeois n’aime pas que je reçoive des femmes dans la boutique.

FRANCINE

Je me moque du bourgeois, et je viens vous demander si vous vous moquez de moi ?

MARTIAL, embarrassé.

Non, certainement, Francine, je ne me permettrais pas de manquer à une demoiselle comme vous, qui a droit à mes égards, fille d’un portier de bonne maison, et chamarreuse de votre industrie personnelle.

FRANCINE

Oui, mais je m’ennuie de chamarrer, je veux m’établir à mon compte. Mon père m’a promis de m’acheter un fonds, il me faut un homme, vous m’avez fait la cour, et je viens vous assommer de votre parole.

MARTIAL

M’assommer ?

FRANCINE

C’est dans le coq civil, toute personne qui promet, on peut la sommer de tenir.

MARTIAL

Je tiendrai ; mais laissez-moi le temps.

FRANCINE

Vous me faites des traits ; je ne sais pas ce que vous avez depuis un mois, mais vous n’êtes plus le même… Voilà deux dimanches et deux lundis, de suite, que vous n’êtes pas venu au salon de la Victoire. J’ai été obligée de danser avec des étudiants et des clercs d’huissiers qui faisaient leur tête, ça ne me va pas, j’aime mieux les ouvriers.

MARTIAL, embarrassé.

Ah ! c’est vrai… au salon de la Victoire, je ne peux plus y aller, parce que j’ai eu du désagrément avec les sergents de ville, à votre occasion ; ils ont prétendu que je dansais une polka prohibée, et c’était vous.

FRANCINE

Moi, je suis prohibée ! ça n’est pas vrai. D’ailleurs, il ne s’agit pas de tout ça ; il faut venir aujourd’hui parler à mon père, il vous attend dans sa loge.

MARTIAL

Je ne peux pas quitter quand le bourgeois est absent.

FRANCINE

Oui, c’est une colle. J’ai une serrure à faire ouvrir, vous êtes serrurier, vous allez marcher.

MARTIAL