Tribulations d’un Wallon voyageur - Yvan Daumont - E-Book

Tribulations d’un Wallon voyageur E-Book

Yvan Daumont

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Beschreibung

Suivez les tribulations d’un joyeux Wallon de Dublin à Séville et de Bologne à Varsovie. Vous y croiserez une psychiatre agitée, un château enchanté, une terroriste incendiaire, des bourreaux pathétiques, des toréadors et à travers une mère-grand, un bigot, un poète et des strip-teaseuses.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Passionné par la littérature russe, Yvan Daumont se consacre à l’écriture telle une thérapie pour faire face aux difficultés de la vie. Après la publication de deux essais aux éditions Jouvence et l’Harmattan sous son vrai nom, il soumet aujourd’hui Tribulations d’un Wallon voyageur, un quatrième roman sous son nom de plume.

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Yvan Daumont

Tribulations

d’un Wallon voyageur

Roman

© Lys Bleu Éditions – Yvan Daumont

ISBN : 979-10-377-2472-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Spaghetti dans la sacristie

— C’est à Bologne que j’ai compris ce qu’est un fasciste. Ça n’a rien à voir avec une quelconque opinion politique. Trop facile ça. Il y a des fascistes Staliniens, écolos, New ages, néo-libéraux, cathos, chamanes, pédagogues, etc.

Être fasciste c’est ne pas se suffire à soi-même, avoir besoin de dominer l’autre, l’écraser, pour se sentir exister. Les fascistes cherchent une idéologie comme le cul-de-jatte cherche les deux fers à repasser qui vont lui permettre de faire avancer son plateau à roulettes. Aucune affaire de conviction là-dedans. Le fasciste ira toujours du côté de l’idéologie dominante, qu’elle le soit au niveau de son quartier, de son école, ou de la planète, qu’importe ! Il va, dans cette idéologie dominante, toujours prendre le rôle du petit chef et il y mettra un zèle hors norme. Quand il dit « deviens ce que tu es », Nietzche est un antifasciste. Celui qui s’assume n’est pas fasciste. J’ai compris cela à Bologne en entrant dans la superbe basilique sur la Piazza Maggiore. Je portais une très belle et longue robe rouge. Seulement voilà, mes épaules étaient nues. Quand j’ai vu s’approcher ce petit gros, sa grosse tête de hamster imberbe, sa chemise grise assortie à son teint, sa cravate beaucoup trop courte, sa façon de s’avancer vers moi… Je l’ai vu, le même, dans les années trente, assis derrière un bureau pourri, entouré de murs de béton sale, dans la banlieue de Moscou, en train de faire la morale du parti à une famille qu’il s’apprêtait à zigouiller. Je l’ai vu, dans une cabane de bambous, des bouts de riz collés sur sa chemise rouge, le même avec les yeux un peu bridés, sermonnant des mourants de faim dans une rizière Khmer. Je l’ai vu dans une cave chilienne. Je l’ai vu, le même avec une barbe, récitant le coran à une gamine souhaitant aller à l’école. Je te jure que j’ai vu tout ça quand il s’est approché de moi, l’air important, heureux comme une mouche à merde dans les toilettes publiques. Il allait pouvoir me donner un ordre, me contraindre, exister en s’appuyant sur ma soumission forcée. Il s’est approché et il a dit : « Un poco di respecto per Djézou ! ».

— Quel con ! Moi j’aime tes épaules, je suis certaine que Djézou il les aurait aimées tes épaules ! T’as fait quoi ?

— Cette larve voulait que j’achète un foulard sale. Parce que tu vois, ces enculés vendaient des foulards.

— Hypocrites !

— Wai, c’est ce que j’ai pensé. Il m’est revenu d’autres phrases de mon éducation religieuse : serpents, pharisiens, vipères. Un type laid qui vient emmerder une femme parce qu’elle montre ses épaules, mais qui fait payer le foulard et le droit de prendre des photos ne manque pas de respect à Djézou ?

— L’église était belle au moins ? Putain d’ordi qui met une plombe à s’allumer ! Ah ! Voilà !

— Oui l’église était magnifique, surtout les proportions. En étant à l’entrée, on avait véritablement l’impression de plonger vers la nef. Ce moment aurait dû être sublime. Sans ce connard j’aurais pu retrouver la foi !

— Ahaha ! N’exagère quand même pas trop ! Ah super ! Il est enfin allumé. Bon, tu voulais me montrer quoi ?

— Attends. En plus, ça arrivait le week-end qui suivait ma formation.

— Quelle formation ?

— Nous les profs, nous sommes obligés de suivre deux jours de formation par an. Ça ne sert généralement à rien. Peut-être à faire plaisir aux fascistes de l’idéologie dominante au ministère de l’Éducation à Bruxelles. Ceux qui, assis dans leurs bureaux, ne supportent pas la liberté des enseignants et les enferment dans des grilles de compétences ou d’évaluation. Ces nouveaux commissaires du peuple qui, bien au chaud, loin des écoles, fixent des objectifs de plus en plus délirants afin que d’autres fascistes incapables d’enseigner puissent, une fois l’an, exercer leur besoin d’écrasement propre aux impuissants, en allant sermonner et inspecter les profs.

— OK, je peux mettre ta clef USB ?

— Oui mais n’ouvre pas encore les documents. J’ai donc dû suivre deux jours de formation obligatoire et qui ne servent à rien, si ce n’est à rappeler aux enseignants qu’ils ne sont pas libres. À charge pour eux ensuite de répercuter leurs frustrations sur les élèves, le fascisme est un engrenage bien huilé à l’impuissance. Le premier jour, on poireaute deux heures, puis on nous annonce que la formation est annulée. Le deuxième jour, la formatrice arrive avec plus d’une heure de retard.

— C’était quoi le thème ?

— Ah oui ! C’est important ! C’était sur les enfants à haut potentiel. La connasse qui donnait la formation était psychologue pour enfants.

— Ouille, les pires !

— Tu l’as dit ! Une vraie fasciste avec une gueule de mal baisée.

— C’est quoi le dossier « confessionnal ? » Je peux l’ouvrir ?

— Non, attends. Donc moi aussi j’arrive en retard, vers dix heures. Je m’excuse et m’installe directement pour ne pas déranger. J’apprends que le cours vient juste de commencer. Tu sais ce qu’elle a fait cette petite pute de psychologue fasciste ?

— J’ai peur…

— Elle a fait comme si de rien n’était, puis, vers onze heures vingt, elle a fait une pause-café, et à ce moment-là elle m’a demandé de signer la feuille de présence. Quelques semaines plus tard, j’ai appris qu’officiellement je n’avais assisté qu’à une demi-journée de formation sur les deux parce que cette pute avait indiqué que j’étais arrivée à onze heures vingt !

— La salope !

— Note, je m’en fous, je suis nommée.

— Chienne de communiste qui travaille à l’état !

— N’empêche, ça m’a foutu les boules. Cette nana soi-disant formée pour aider les enfants n’était en fait qu’un vulgaire pou s’agrippant au règlement comme à un cuir chevelu pour en sucer toute la misérable puissance qu’elle était incapable de se donner à elle-même. Deux jours plus tard, je me retrouve face à une grosse tique dans une église. Tu me connais, je n’avais pas encore eu le temps de me calmer !

— Tu m’étonnes ! Tiens au fait, tu étais à Bologne avec ton mari ou avec ton amant ?

— Toute seule ! Damien était en voyage d’affaires en Pologne, le pauvre, et mon amant a la phobie des avions.

— Pfff ces hommes !

— Wai. Mais tu vois le tableau. Oun po di respect por Djézou ! Lui il peut s’exhiber en slip dans toutes les églises !

— Ahaha ! T’es bête ! Le pauvre, il souffre !

— Wai. Mais pourquoi aussi avoir pris la croix pour symbole ? C’est encore un truc de fasciste ça, imposer la foi en un mourant, rappeler la souffrance et la mort en permanence. Le Christ, non, Jésus, c’est son nom bordel, ne devrait-il pas être représenté après la résurrection ? Le fait qu’on ait choisi comme symbole son agonie n’est-il pas le signe le plus visible que cette religion a été récupérée par des fascistes qui idolâtrent l’écrasement, la souffrance et la mort ?

— Pas con, en plus ça permet de dire au peuple : « souffre en silence et ferme ta gueule, comme le Christ sur la croix ». Tu me fais penser, j’ai une nièce de cinq ans, un jour elle m’a demandé : « Pourquoi on fait le signe de croix pour dire bonjour à Jésus ? C’est lui rappeler un mauvais souvenir ! ».

— Tout à fait ! Pourquoi ne pas le représenter vivant, ressuscité, un fouet à la main pour chasser tous les ultralibéraux et un verre de vin de Cana dans l’autre ? Un Jésus qui glorifierait la résistance et la joie de vivre ?

— C’est ce que tu as essayé d’expliquer à la larve qui voulait te mettre le voile ?

— Autant expliquer la physique quantique à un débile. Si demain l’état islamique entre dans Bologne, il sera le premier à crier : « Oun po di respeto por mahometo ! », et si Staline gagne, il sera le premier à crier qu’il faut raser les églises.

— Bon, mais t’as fait quoi alors ? T’es sortie ou t’as acheté son châle ?

— Je l’ai baisé !

— Quoi ?

— Enfin, seulement au sens propre. Au sens figuré j’hésite encore un peu.

— Raconte !

— Je lui ai fait mon plus beau sourire, je suis allée acheter son putain de foulard. Je lui ai demandé en riant de bien vouloir m’aider à le mettre sur mes épaules. Ce porc s’est exécuté, il couinait. Puis je me suis promenée en bougeant mes hanches comme je sais le faire.

— Tu pourrais tricoter un chandail avec ton cul !

— Ce pédé me suivait à quelques mètres, mine de rien, mais je savais qu’il matait ma croupe.

— T’as fait quoi ?

— Après m’être retournée sur lui et lui avoir fait un clin d’œil en passant ma langue sur mes lèvres, je suis entrée dans un confessionnal.

— Nooon !

— Si ! Dix secondes plus tard, il ouvrait la porte avec son air de crapaud se prenant pour un colonel.

— Il t’a foutue dehors ?

— Non, il est resté immobile, incrédule quelques instants. J’étais complètement à poil, sauf les chaussures. J’avais une pose provocante, les bras tirés vers le haut, tenant le foulard.

— Pourquoi tu tenais le foulard ?

— Attends, tu vas comprendre.

— T’es malade ! T’aurais pu te retrouver au poste, en Italie en plus !

— Je l’aurais accusé de viol, c’était une option !

— La salope !

— Merde à la fin ! Ras le bol de tous ces hypocrites, tous ces menteurs, moi aussi je peux mentir !

— Qu’est-ce qu’il a fait ?

— Il est entré, a refermé la porte et il a baissé son pantalon. Il pétrissait mes seins sans ménagement. Je crois que ce connard s’attendait à ce que je le suce. Mais ça, c’était au-dessus de mes forces.

— Il en avait une comment ?

— Une limace, à peine plus dure qu’une limace et en tout cas pas plus grosse. Si j’avais mis du sel dessus, elle aurait fondu.

— Ah ! Quelle horreur ! Tu ne l’as quand même pas laissé te baiser ?

— Si ! Je l’ai un peu astiqué, je lui ai mis une capote que j’utilise avec mon amant. J’ai pu la mettre d’une seule main facilement, elle était dix fois trop grande. J’ai même eu peur que cet abruti ne la perde dans mon ventre.

— Beurk ! T’aurais eu du mal à l’expliquer à Damien !

— Il m’a prise comme ça, debout. Ça a dû durer quarante secondes max avant qu’il ne jouisse. Le plus drôle, c’est que j’ai joui aussi !

— Quelle salope !

— Oui hein ! C’est dingue le pouvoir du mental. Ce type me répugnait, mais j’ai gardé les bras en l’air, je l’ai observé me bouffer les seins pendant qu’il bougeait en moi et j’ai pensé : « Je fais la pute dans une église ». Et j’ai vraiment joui très fort !

— Et après ?

— Rien, je suis sortie. Lui se cachait, je ne l’ai plus vu. Le pire c’est que dans une des rues qui donnent sur la Piazza Maggiore, je suis entrée dans une autre église.

— Pour te confesser ?

— Aha ! Non, comme ça ; il y avait également un gardien à l’entrée, tout maigre, tout souriant, déjà âgé. Je lui ai demandé si je pouvais entrer avec mes épaules nues. Il a ri et m’a répondu : « Vous croyez que ça aurait dérangé Jézou vous ? »

— Heureusement qu’il y a encore de vrais croyants. Mais je ne comprends pas. Pourquoi te faire sauter par un fasciste ?

— Pour pouvoir mieux le baiser mon enfant !

— (…) Tu l’as filmé ! C’est ça ton dossier « confessionnal » !

— Yep ! Je tenais mon iPhone caché dans le foulard, il n’a rien remarqué ce porc.

— Je peux voir ?

— Oui, vas-y, clique.

— … Ohooo Salope ! Dis donc, t’as pas que des belles épaules toi !

— Merci !

— Il a des toutes petites mains, le gars ! Comme il te bouffe les seins ! Oufti, on voit bien son badge ! Il n’a rien remarqué ?

— Non, j’ai bien joué le coup hein ?

— Super, tu comptes en faire quoi ?

— Je ne sais pas. J’ai des scrupules moraux. Je me demande si je ne devrais pas tendre la fesse gauche.

— Taratata ! C’est tout vu ! Je vais te flouter le visage et balancer tout ça à l’évêché de Bologne, au Vatican, sur Facebook et Youporn ! Attends, je renomme ton fichier. Ça te va si je l’appelle « Oun po di respecto pour Djézou ? »

— Très bien, merci ! Je savais que je pouvais compter sur ma meilleure amie pour m’aider à résoudre ce dilemme moral.

— Va, et continue de filmer tes péchés !

Yvan et la Polish des mœurs

1

« Noon pitié tuez-moi mais pas ça ! Pas ça ! Tuez-moi ! Insensible aux supplications de sa proie, Günter continuait méthodiquement à huiler la chaîne de sa tronçonneuse. Il s’approcha en sifflotant et plongea ses yeux bleus de glace dans le regard terrifié de la jeune femme sous le sac plastique… vrouiimm… »

Bip bip bip la montre d’Adam sonne, 17 h. Il sourit férocement et pose son livre, sa vraie journée commence seulement.

Adam Miniskievitch est concierge dans un building du nouveau Varsovie. Il passe huit heures par jour derrière un vieux bureau en contreplaqué de bois clair dans un vaste hall poussiéreux face à un escalier de béton sale. À partir du premier étage, les murs sont propres, repeints, les portes sont vitrées, équipées de parlophones. Trois banques se partagent ce vieil immeuble dont l’entrée semble avoir été oubliée.

Le même pantalon bleu lavasse, la même chemise blanche, été comme hiver. Aucune compétence requise, aucun travail à faire, aucun renseignement à donner. Son métier c’est être la relique.

Mais Adam a trouvé le bon filon. Les jeunes quittent le pays pour chercher un avenir meilleur. Pas lui. Il a trouvé la bonne combine : tous les soirs, et dès qu’il a congé, il se métamorphose et se rend au bord de la Barbacane, muraille de briques marquant la limite entre la vieille et la nouvelle ville. Un long manteau et un masque de velours rouge sang, une immense hache à la main, il devient le concierge des enfers. Son copain Pawel, petit chauve moite et jovial, arrête les touristes, leur pose la tête sur une grosse souche de bois. Adam jongle alors avec sa hache le temps des photos, puis reçoit quelques Zlotys. C’est du bon business.