Trop de Faveur Tue - Henri Beyle Stendhal - E-Book

Trop de Faveur Tue E-Book

Henri Beyle Stendhal

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Beschreibung

Tout se passe comme si dans le jardin s'affrontaient le désir qui cherche à se manifester et sa censure absolue par l'ordre religieux. La nouvelle peut ainsi se résumer à l'affrontement entre deux forces contradictoires, la famille, la société, qui enferment, les amants qui tentent d'échapper à cette réclusion.

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Seitenzahl: 58

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Trop de Faveur Tue

Trop de Faveur Tue-TROP DE FAVEUR TUEPage de copyright

Trop de Faveur Tue

Henri Beyle Stendhal

-TROP DE FAVEUR TUE

C’est le titre qu’un poète espagnol a donné à cette histoire dont il a fait une tragédie. Je me garde bien d’emprunter aucun des ornements à l’aide desquels l’imagination de cet Espagnol a cherché à embellir cette peinture triste de l’intérieur d’un couvent ; plusieurs de ces inventions augmentent en effet l’intérêt, mais, fidèle à mon désir qui est de faire connaître les hommes simples et passionnés du XVe siècle (sic) desquels provient la civilisation actuelle, je donne cette histoire sans ornement et telle qu’avec un peu de faveur, on peut la lire dans les archives de l’Évêché de… où se trouvaient toutes les pièces originales et le curieux récit du comte Buondelmonte.

Dans une ville de Toscane que je ne nommerai pas existait en 1589 et existe encore aujourd’hui un couvent sombre et magnifique. Ses murs noirs, hauts de cinquante pieds au moins, attristent tout un quartier ; trois rues sont bordées par ces murs, du quatrième côté s’étend le jardin du couvent, qui va jusqu’aux remparts de la ville. Ce jardin est entouré d’un mur moins haut. Cette abbaye, à laquelle nous donnons le nom de Sainte Riparata, ne reçoit que des filles appartenant à la plus haute noblesse. Le 20 octobre 1587, toutes les cloches de l’Abbaye étaient en mouvement ; l’église ouverte aux fidèles était tendue de magnifiques tapisseries de damas rouge, garnies de riches franges d’or.

La sainte sœur Virgilia, maîtresse du nouveau grand-duc de Toscane, Ferdinand Ier, avait été nommée abbesse de Sainte Riparata la veille au soir, et l’évêque de la ville, suivi de tout son clergé, allait l’introniser.

Toute la ville était en émoi et la foule telle dans les rues voisines de Sainte Riparata qu’il était impossible d’y passer.

Le cardinal Ferdinand de Médicis, qui venait de succéder à son frère François, sans pour cela renoncer au chapeau, avait trente-six ans et était cardinal depuis vingt-cinq ans, ayant été élu à cette haute dignité à l’âge de onze ans. Le règne de François, célèbre encore de nos jours par son amour pour Bianca Capello, avait été marqué par toutes les folies que l’amour des plaisirs peut inspirer à un prince peu remarquable par la force de caractère. Ferdinand, de son côté, avait eu à se reprocher quelques faiblesses du même genre que celles de son frère ; ses amours avec la sœur oblate Virgilia étaient célèbres en Toscane, mais il faut le dire, surtout par leur innocence. Tandis que le grand-duc François, sombre, violent, entraîné par ses passions, ne songeait pas assez au scandale produit par ses amours, il n’était question dans le pays que de la haute vertu de la sœur Virgilia. L’ordre des Oblates, auquel elle appartenait, permettant à ses religieuses de passer environ les deux tiers de l’année dans la maison de leurs parents, elle voyait tous les jours le cardinal de Médicis, quand il était à Florence.

Deux choses faisaient l’étonnement de cette ville adonnée aux voluptés, dans ces amours d’un prince jeune, riche et autorisé à tout par l’exemple de son frère : la sœur Virgilia, douce, timide, et d’un esprit plus qu’ordinaire, n’était point jolie, et le jeune cardinal ne l’avait jamais vue qu’en présence de deux ou trois femmes dévouées à la noble famille Respuccio, à laquelle appartenait cette singulière maîtresse d’un jeune prince du sang.

Le grand-duc François était mort le 19 octobre 1587 sur le soir. Le 20 octobre avant midi, les plus grands seigneurs de sa cour, et les négociants les plus riches (car il faut se rappeler que les Médicis n’avaient été dans l’origine que des négociants ; leurs parents et les personnages les plus influents de la Cour étaient encore engagés dans le commerce, ce qui empêchait ces courtisans d’être tout à fait aussi absurdes que leurs collègues des cours contemporaines) – les premiers courtisans, les négociants les plus riches se rendirent, le 20 octobre au matin, dans la modeste maison de la sœur oblate Virgilia, laquelle fut bien étonnée de ce concours.

Le nouveau grand-duc Ferdinand voulait être sage, raisonnable, utile au bonheur de ses sujets, il voulait surtout bannir l’intrigue de sa Cour. Il trouva, en arrivant au pouvoir, que la plus riche abbaye de femmes de ses États, celle qui servait de refuge à toutes les filles nobles que leurs parents voulaient sacrifier à l’éclat de leur famille, et à laquelle nous donnerons le nom de l’Abbaye de Sainte Riparata, était vacante ; il n’hésita pas à nommer à cette place la femme qu’il aimait.

L’abbaye de Sainte Riparata appartenait à l’ordre de saint Benoît, dont les règles ne permettaient point aux religieuses de sortir de la clôture. Au grand étonnement du bon peuple de Florence, le prince cardinal ne vit point la nouvelle abbesse, mais d’un autre côté, par une délicatesse du cœur qui fut remarquée et l’on peut dire généralement blâmée par toutes les femmes de sa cour, il ne se permit jamais de voir aucune femme en tête-à-tête. Lorsque ce plan de conduite fut bien avéré, les attentions des courtisans allaient chercher la sœur Virgilia jusque dans son couvent, et ils crurent remarquer, malgré son extrême modestie, qu’elle n’était point insensible à cette attention, la seule que son extrême vertu permit au nouveau souverain.

Le couvent de Sainte Riparata avait souvent à traiter des affaires d’une nature fort délicate : ces jeunes filles des familles les plus riches de Florence ne se laissaient point exiler du monde, alors si brillant, de cette ville si riche, de cette ville qui était la capitale du commerce de l’Europe, sans jeter un œil de regret sur ce qu’on leur faisait quitter ; souvent elles réclamaient hautement contre l’injustice de leurs parents, quelquefois elles demandaient des consolations à l’amour, et l’on avait vu les haines et les rivalités du couvent venir agiter la haute société de Florence. Il était résulté de cet état des choses que l’abbesse de Sainte Riparata obtenait des audiences assez fréquentes du grand-duc régnant.

Pour violer le moins possible la règle de saint Benoît, le grand-duc envoyait à l’abbesse une de ses voitures de gala, dans laquelle prenaient place deux dames de sa cour, lesquelles accompagnaient l’abbesse jusque dans la salle d’audience du palais du grand-duc, à la Via Larga, laquelle est immense. Les deux dames témoins de la clôture, comme on les appelait, prenaient place sur des fauteuils près de la porte, tandis que l’abbesse s’avançait seule et allait parler au prince qui l’attendait à l’autre extrémité de la salle, de sorte que les dames témoins de la clôture ne pouvaient entendre rien de ce qui se disait durant cette audience.

D’autres fois le prince se rendait à l’église de Sainte Riparata ; on lui ouvrait les grilles du chœur et l’abbesse venait parler à son Altesse.

Ces deux façons d’audience ne convenaient nullement au grand-duc ; elles eussent peut-être donné des forces à un sentiment qu’il voulait affaiblir. Toutefois, des affaires d’une nature assez délicate ne tardaient pas à survenir dans le couvent de Sainte Riparata : les amours de la sœur Félize degli Almieri en troublaient la tranquillité. La famille degli Almieri était une des plus puissantes et des plus riches de Florence. Deux des trois frères, à la vanité desquels on avait sacrifié la sœur Félize, étant venus à mourir et le troisième n’ayant pas d’enfants, cette famille s’imagina être en butte à une punition céleste.

La mère et le frère qui survivait, malgré le vœu de pauvreté qu’avait fait Félize, lui rendaient, sous forme de cadeaux, les biens dont on l’avait privée pour faire briller la vanité de ses frères.