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Secrets, tome 2 Rob Daniels est déterminé à prouver que son frère Alex se trompe sur toute la ligne. Alex pense avoir trouvé l'amour à travers la pratique du BDSM ; Rob est certain que ce n'est pas possible. Il se rend à plusieurs reprises dans un club de Londres pour lui donner tort. En assistant à la soirée d'inauguration du Secrets, Rob a droit à une mauvaise surprise qui le fait fuir en jurant de ne plus jamais revenir… Mais il ne peut pas s'empêcher d'y remettre les pieds et tombe sur un homme imposant : le Dom Vic Prentiss. Leur première rencontre est un désastre. Mais plus Vic passe de temps avec Rob, plus il est convaincu de deux choses : primo, ce jeune homme est rongé de l'intérieur et deuzio, il est à la recherche de quelque chose. Son instinct le pousse à lui venir en aide, mais une clé est nécessaire pour libérer les secrets dissimulés dans l'esprit de Rob. Il suffit de la trouver. Alors seulement pourra-t-il découvrir le véritable Rob, l'homme qui est effrayé à l'idée de lâcher prise…
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Seitenzahl: 623
Veröffentlichungsjahr: 2019
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Maison d’édition
Résumé
Dédicace
LEXIQUE BDSM
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
XI
XII
XIII
XIV
XV
XVI
XVII
XVIII
XIX
XX
XXI
XXII
XXIII
XXIV
XXV
XXVI
XXVII
XXVIII
XXIX
XXX
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Droits d'auteur
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Secrets, tome 2
Rob Daniels est déterminé à prouver que son frère Alex se trompe sur toute la ligne. Alex pense avoir trouvé l’amour à travers la pratique du BDSM ; Rob est certain que ce n’est pas possible. Il se rend à plusieurs reprises dans un club de Londres pour lui donner tort. En assistant à la soirée d’inauguration du Secrets, Rob a droit à une mauvaise surprise qui le fait fuir en jurant de ne plus jamais revenir… Mais il ne peut pas s’empêcher d’y remettre les pieds et tombe sur un homme imposant : le Dom Vic Prentiss. Leur première rencontre est un désastre.
Mais plus Vic passe de temps avec Rob, plus il est convaincu de deux choses : primo, ce jeune homme est rongé de l’intérieur et deuzio, il est à la recherche de quelque chose. Son instinct le pousse à lui venir en aide, mais une clé est nécessaire pour libérer les secrets dissimulés dans l’esprit de Rob. Il suffit de la trouver. Alors seulement pourra-t-il découvrir le véritable Rob, l’homme qui est effrayé à l’idée de lâcher prise…
À tous ceux qui pensaient que Rob Daniels était un incorrigible petit morveux – nous espérons vous faire changer d’avis.
Comme toujours, nous tenons à remercier notre fabuleuse équipe de bêta-lecteurs : Jason, Helena, Mardee, Debra et Bev.
Boy : Signifie « garçon ». Surnom affectueux donné au soumis.
Dom : Dominant. Il exerce la plus grande influence dans un couple pratiquant le BDSM.
Pet / Pup : Cela signifie littéralement « animal de compagnie », mais dans le contexte BDSM, il s’agit d’un surnom affectueux donné au soumis.
Soumis : Il accepte de se soumettre au Dominant dans un couple pratiquant le BDSM.
Vanille : Quand on utilise ce terme pour qualifier une personne pratiquant le BDSM, ça signifie que cette personne n’aime pas pratiquer la discipline à l’extrême.
Janvier 2017
— EXCUSEZ-MOI, JEUNE homme, pourriez-vous m’aider ? Vous travaillez bien ici ?
Rob Daniels baissa les yeux sur son uniforme : une chemise à carreaux bleu et rouge au-dessus de laquelle il portait un tablier violet criard qu’il avait dû emprunter à Heather parce qu’il avait oublié le sien à la maison. Le logo du supermarché était inscrit au niveau de sa poitrine et la grande poche qui se trouvait à l’avant du tablier était pleine à craquer, contenant du ruban adhésif, une montagne de petites étiquettes pour afficher les prix sur les étagères, plusieurs listes des produits en promotion et un certain nombre de marqueurs indélébiles qui finissaient toujours par lui tacher les doigts. Il ne dit rien, réprimant son envie d’exprimer la première pensée qui lui vint à l’esprit : « En effet, madame. Qu’est-ce qui m’a trahi ? » Il ne voulait pas causer de problèmes. Heureusement, ses jours de repos approchaient. Une journée de moins à endurer ce qu’il subissait quotidiennement.
Finalement, il hocha la tête et marmonna :
— Oui, madame.
La cliente haussa brièvement les sourcils, mais elle reprit un air neutre.
— Je cherche des produits sans gluten, qui doivent aussi être sans lactose et végan.
Elle se tenait devant lui, les bras croisés et maigres, attendant sa réponse.
Il ressentit à nouveau cette envie, celle qu’il réprimait depuis qu’il avait commencé à travailler au supermarché Watts. Il voulait se laisser emporter et répondre : « Vous savez quoi, je crois que j’ai une idée ! Que diriez-vous de boire un foutu verre d’eau ? » Mais Rob n’était pas idiot à ce point-là. Il avait besoin de ce travail qui, à cet instant, lui demandait de faire preuve de tact et de diplomatie. Autrement dit, il devait cacher sa colère derrière une couche de fausse courtoisie.
Il lui adressa un sourire jovial.
— Laissez-moi vous conduire jusqu’à notre rayon de spécialités culinaires. Vous y trouverez sûrement ce que vous cherchez.
Il la guida à travers le magasin, passant devant la boulangerie où l’odeur du pain fraîchement cuit fit gargouiller son ventre, longea le rayon des bonbons et du chocolat, puis arriva dans la section du magasin où Rob était certain qu’elle ne trouverait pas son bonheur.
— Voilà, dit-il en indiquant le rayon en question. Tout ce que vous cherchez devrait se trouver ici.
Il tourna les talons pour retourner d’où il venait, mais la cliente se racla la gorge.
— Pouvez-vous m’en dire plus à propos de ces produits ?
Il grogna intérieurement avant de se retourner, un grand sourire plaqué sur le visage.
— Qu’aimeriez-vous savoir ?
Elle indiqua un paquet de pâtes coloré qui se déclarait sans gluten.
— Quel goût ont-elles ? Si vous en prépariez, avec quelle sauce les mangeriez-vous ? Quel vin se marie bien avec elles ? Ce genre de choses.
Rob écarquilla les yeux. Comment suis-je censé le savoir ? Il n’avait jamais mangé ces pâtes. Par ailleurs, personne ne lui avait jamais posé ce genre de questions. Enfin, presque personne – il avait connu quelques moments gênants. Il regarda autour de lui pour trouver un employé qui pourrait lui répondre, mais il n’y avait personne. Classique.
Quand son attention se porta à nouveau sur sa cliente, celle-ci arborait une expression complaisante. Alors qu’il avait simplement été agacé jusque-là, Rob commença à ressentir un vrai dégoût pour cette vieille chouette. C’était comme si elle savait qu’elle lui tapait sur les nerfs et faisait exprès de continuer.
— Je suis désolé, mais je n’en ai jamais mangé.
Il évita d’ajouter « parce que j’ai du goût », coinçant cette remarque dans son esprit.
Elle s’offusqua et ses joues creuses devinrent rouge vif.
— Je veux voir votre responsable. Depuis quelque temps, la qualité du service de ce magasin ne fait que décliner. C’est inacceptable.
C’est quoi ce bordel ? Selon Rob, la réaction de cette femme était bien trop exagérée. Faire toute une histoire pour un paquet de pâtes ?
— Je peux aller chercher un autre employé qui saura sûrement vous répondre, dit-il en espérant l’apaiser.
Vu son expression, cette proposition ne lui convenait pas.
— Ce n’est pas la peine, répliqua-t-elle. De nos jours, c’est typiquement le genre d’attitude auquel nous sommes confrontés dans le milieu de la vente. C’est votre métier, non ? Chaque employé devrait savoir répondre immédiatement à mes questions. Et pourtant, non seulement vous n’avez pas de réponse à me donner, mais vous me faites perdre mon temps. C’est inadmissible. Je veux parler à votre responsable.
Sa voix était cassée, avec un léger trémolo.
Oh, génial. Rob s’imaginait déjà en train de perdre son travail et pour quelle raison ? Il avait essayé de l’aider, il avait été gentil avec elle, mais elle voulait quand même se plaindre auprès de son patron ?
— Je suis désolé, madame. Je vais aller chercher M. Peterson.
Il se rendit jusqu’au bureau en traînant des pieds, les épaules basses. S’il ne lui avait pas fallu quatre semaines pour décrocher ce poste, Rob aurait envoyé balader cette femme et le responsable du magasin, puis il serait parti la tête haute. Mais il allait bientôt devoir payer son loyer. Et, ce soir, il aurait le plaisir hebdomadaire de payer ses factures.
Il entra dans le bureau et se tint devant M. Peterson, son supérieur direct.
— Que puis-je faire pour vous, Rob ? demanda celui-ci sans lever les yeux.
Rob prit une grande inspiration.
— Une cliente aimerait vous parler. Elle a une question sur les spécialités culinaires à laquelle je ne peux pas répondre.
M. Peterson leva les yeux, les sourcils froncés.
— Comme quoi ?
Rob soupira.
— Elle est venue me trouver quand j’affichais les promotions. Elle m’a demandé un renseignement, puis je l’ai accompagnée jusqu’au rayon où elle avait le plus de chances de trouver ce qu’elle cherchait. Quand elle m’a demandé plus de détails, je lui ai dit que je n’avais pas testé les produits et que je ne pouvais pas la conseiller correctement. Alors elle s’est agacée et m’a dit qu’elle souhaitait vous parler.
M. Peterson n’était pas un mauvais patron. D’ailleurs, il se souciait du bien-être de ses employés, contrairement à d’autres personnes pour lesquelles Rob avait travaillé. Durant le mois qui venait de s’écouler, M. Peterson s’était entretenu avec plusieurs employés et avait toujours été juste. Rob espérait qu’il se montrerait tout aussi juste aujourd’hui.
M. Peterson croisa les bras sur son bureau et lança un regard ferme à Rob.
— Vous auriez au moins pu essayer de répondre à ses questions.
Mince. Apparemment, il ne va pas se montrer juste.
— Comment aurais-je pu répondre ? demanda Rob en le dévisageant. Elle me demande avec quel vin se marient ces pâtes sans gluten et quelle sauce il faut y ajouter. Je ne connais pas la réponse à ces questions.
— Dans ce cas, vous auriez pu lui demander de vous laisser un moment pour vérifier. Maintenant, elle est énervée que vous n’ayez pas su répondre et elle le sera d’autant plus après avoir dû attendre.
— Je me suis montré honnête envers elle, protesta Rob. Comment peut-elle s’attendre à ce que je connaisse des détails pareils à propos de tous les produits que nous vendons ? Ne trouvez-vous pas cela insensé ?
M. Peterson haussa les sourcils.
— Elle n’avait aucun moyen de savoir quel était votre statut au sein du magasin. Si ça se trouve, elle pensait que vous étiez le responsable du rayon. Ce que vous auriez dû faire, c’est vous excuser et aller trouver le responsable du rayon, ou bien venir m’en parler.
Rob avait envie de hurler.
— Je suis venu vous en parler.
Pendant qu’ils tournaient en rond, cette vieille peau était certainement en train de s’énerver de plus en plus.
M. Peterson se mit debout et rangea dans un dossier les documents sur lesquels il travaillait.
— Allons voir si nous pouvons apaiser la situation, d’accord ?
Son patron avança jusqu’à la porte, puis se retourna.
— Tous les deux, Rob. Apprendre à gérer les clients ne vous fera pas de mal.
Oh, bon sang.
Il soupira un bon coup, baissa la tête et suivit son supérieur.
La vieille chouette aigrie se tenait toujours au même endroit, le nez collé à sa montre. Quand M. Peterson approcha d’elle, elle posa ses mains sur ses hanches et fit la moue.
— Je vous le dis, ce magasin se dégrade, fit-elle remarquer. Jusqu’ici, je n’avais jamais dû attendre cinq minutes pour pouvoir parler à quelqu’un. C’est tout bonnement inacceptable.
— Toutes mes excuses, madame, dit M. Peterson d’une voix assurée. Lorsque Rob est venu me trouver, j’étais en pleine conversation téléphonique. Je viens tout juste de raccrocher.
Elle grogna, puis son regard se posa sur Rob.
— Je n’apprécie pas l’attitude de ce jeune homme. Je lui ai posé des questions sur une marque de pâtes et il a refusé de me répondre.
— Je n’ai pas… commença Rob, mais il s’arrêta quand M. Peterson leva une main.
— Permettez-moi de m’excuser en son nom. Il vient d’être embauché et ne connaît pas encore parfaitement notre magasin, dit-il avec aisance et assurance en prenant un ton navré.
— Dans ce cas, il aurait peut-être dû suivre une meilleure formation, aboya-t-elle. Il n’était clairement pas prêt à interagir avec les clients et il me semble que c’est votre faute s’il se trouve dans les rayons. Quand je viens ici, je m’attends à ce qu’on réponde à toutes mes questions rapidement et avec courtoisie. Aujourd’hui, je n’ai eu droit à aucune de ces deux choses. Si vous ne faites rien pour remédier à la situation, je passerai un coup de fil à votre supérieur en rentrant à la maison.
Les joues de M. Peterson rosirent légèrement.
— Ce ne sera pas nécessaire, lui assura-t-il. Je vais régler le problème.
Elle leva un doigt vers le visage de M. Peterson.
— Je compte sur vous, répliqua-t-elle sur un ton sec.
La femme croisa les bras et lança un regard complaisant à Rob, puis elle lui tourna le dos et s’en alla d’un pas lourd.
M. Peterson ne la quitta pas des yeux.
— Rob…
— Je n’ai rien fait de mal, riposta-t-il, même s’il savait que cela n’arrangerait pas son cas.
Son patron se tourna vers lui et lui adressa un léger sourire.
— Je sais, mais nous devons satisfaire nos clients au mieux. Cela vous tuerait-il de vous montrer un peu plus sympathique envers eux ? demanda-t-il, son sourire n’enlevant rien au tranchant de ses mots.
Rob sentit la colère monter en lui, mais se mordit l’intérieur de la joue pour éviter de se laisser emporter.
— Elle m’a demandé de l’aider, ce que j’ai fait. Que pouvais-je faire de plus ? Ouvrir le paquet de pâtes et les manger à sa place ? Je ne connais pas ce produit. J’ai proposé d’aller chercher un employé qui serait plus à même de l’aider, mais ça ne lui a pas suffi.
Des personnes passaient près d’eux, vendeurs et clients, mais Rob se fichait de savoir si leur échange les mettait mal à l’aise. Il était sur le point d’être puni de manière injuste pour avoir fait son travail du mieux possible.
— Je comprends, mais selon elle, sa plainte était légitime.
— Légitime ? Dans ce cas, expliquez-moi comment aurais-je dû gérer cette situation ? Parce que je ne vois toujours pas ce que j’ai fait de mal.
Son estomac se noua et ses paumes devinrent moites. C’est du grand n’importe quoi.
Son patron se passa la main à l’arrière de son crâne presque chauve.
— Pourquoi ne prendriez-vous pas quelques jours de repos ? Le temps que la situation s’apaise. Revenez lundi et tout ira mieux. Si je reçois un appel de mes supérieurs, je leur dirai que la situation est arrangée et nous en resterons là.
— Vous me… suspendez ?
Rob se mordit l’intérieur de la joue pour éviter de hurler.
— Non, lui assura M. Peterson de sa voix apaisante. Cet incident n’apparaîtra pas sur votre dossier. Je vous donne simplement quelques jours de repos pour… vous détendre.
Quelques jours de repos ? Ses ressources financières étaient déjà très limitées. Il ne pouvait pas se permettre de perdre plus de deux jours de paie.
— Mais…
— C’est ce qu’il y a de mieux à faire, Rob. Partez et ne pensez plus au travail. Quand vous reviendrez lundi, toute cette histoire ne sera plus qu’un mauvais souvenir.
Rob serra les dents en s’éloignant le plus vite possible de M. Peterson. Il se rendit à l’arrière du supermarché, passa le tablier par-dessus sa tête et le jeta au sol.
— C’est n’importe quoi, grommela-t-il. Je n’ai rien fait de mal.
Il ouvrit brusquement la porte de son casier pour récupérer sa veste et la claqua assez fort pour qu’elle se réouvre seule. Il la frappa à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’elle reste fermée, puis posa le front contre la surface froide.
La vie était injuste. D’un côté se trouvait Alex, son frère, qui avait un nouveau travail et s’était marié à un homme – Rob avait toujours du mal à le croire – qui l’adulait. Alex n’avait jamais été aussi heureux. De l’autre se trouvait Rob, qui remplissait les rayons du supermarché local. Un travail sans avenir, loin de ce qu’il s’était imaginé faire. Cette injustice le fatiguait. Il fit de son mieux pour chasser ces pensées de son esprit. Il n’avait pas besoin de cette voix qui se lamentait sans cesse dans sa tête.
— Ce qui est fait est fait, marmonna-t-il en enfilant sa veste.
Il récupéra ses tennis et se laissa tomber sur une chaise en plastique.
La porte du vestiaire s’ouvrit et un autre vendeur, Neil, entra en se pavanant.
— Alors, tu es suspendu ?
Cet enfoiré prétentieux sourit, ce qui ne fit qu’attiser la colère de Rob.
— Oui. Sans aucune bonne raison.
Neil s’installa sur la chaise en plastique qui se trouvait près de celle où Rob était en train de mettre ses tennis.
— Tu ne pensais pas que Martin allait prendre ta défense, si ? S’il doit choisir entre se retrouver avec des problèmes ou te les mettre sur le dos, le choix est vite fait, non ?
— Je pensais qu’il valait mieux que ça, répondit Rob en se levant.
Il ignora la manière dont Neil avait appelé M. Peterson par son prénom, ce qui était clairement une tentative pour remettre Rob à sa place.
Neil laissa échapper un rire bref.
— Personne ne va se sacrifier pour quelqu’un d’autre, remarqua son collègue. Ce n’est pas dans la nature de l’homme.
Rob enfila son manteau et se tourna vers Neil.
— Bonne chance. Les promotions attendent toujours d’être affichées.
Il était sur le point d’ouvrir la porte quand Neil l’interpella.
— Prends soin de toi, d’accord ? Tu ne méritais pas ce qui vient de t’arriver.
Faire une remarque sympathique ne lui ressemblait tellement pas que Rob se retourna pour lui faire face. Neil esquissa un sourire.
— Je suis sérieux.
— Oui, je sais.
Rob lui fit un signe de la main pour lui dire au revoir, puis il passa la porte qui menait à l’arrière du supermarché.
C’était la fin du mois de janvier et l’air était mordant. Rob trembla, même s’il portait un manteau. Il plongea une main dans sa poche et compta l’argent dont il aurait besoin pour prendre le bus. Puis, il réalisa qu’il devait économiser le plus d’argent possible. Dans ce cas, nous allons rentrer à pied. Le fait qu’il y ait trois kilomètres à parcourir ne le dérangeait pas ; cela lui laisserait le temps de réfléchir à ce qui s’était passé. Il avait essayé de garder une attitude courtoise avec cette femme. Après tout, ce n’était pas la première fois qu’un client lui posait une question à laquelle il n’avait pas la réponse. Mais elle avait été la pire de tous parce qu’elle ne lui avait pas donné l’opportunité de trouver une solution à son problème.
Rob soupira. Comment vais-je m’en sortir ? Dieu merci, il avait déjà payé le loyer du mois dernier, même si cela avait été difficile. Il avait été à sec et avait eu besoin de quatre jours supplémentaires pour pouvoir payer. Son propriétaire, M. Mackenzie, lui avait laissé un peu de temps pour rassembler l’argent nécessaire, mais Rob savait qu’il ne devait pas compter sur la gentillesse de celui-ci.
Parcourir trois kilomètres avec autant de pensées s’entrechoquant dans son esprit eut des résultats à la fois positifs et négatifs. Le chemin lui sembla court, mais quand il entra dans son appartement, il était mort d’inquiétude. Il se servit un verre d’eau au robinet – même s’il aurait préféré boire une bière –, et s’installa dans le fauteuil gris et usé qu’il avait trouvé au magasin solidaire du coin pour vingt livres. Il était confortable, et après avoir appliqué un produit nettoyant et du Febreze dessus, il sentait bon. Rob jeta un coup d’œil vers la petite table qui se trouvait à côté de lui, sur laquelle étaient posées les factures. De nombreuses factures.
Je ne peux pas repousser l’échéance indéfiniment.
Rob grogna et récupéra le paquet. Il y en avait tellement qu’il en eut l’estomac noué. Il ne pourrait pas payer certaines d’entre elles à cause de sa perte de salaire. Mais peut-être que s’il ne mangeait pas pendant quelques jours, il pourrait compenser. Son estomac gargouilla à point nommé pour protester. Rob reposa toutes les factures sur la table et porta son attention sur une enveloppe en relief couleur crème qui était tombée par terre. Il la récupéra. Secrets ? Il ne savait pas de quoi il s’agissait. Il n’avait jamais vu de carte aussi élégante que celle qui se trouvait à l’intérieur, dont le texte, en relief lui aussi, était doré et lui annonçait qu’il était invité à une soirée d’inauguration. Il ouvrit la carte et découvrit que Secrets était le nom d’un club londonien. Pourquoi un club londonien m’invite-t-il à…
Soudain, il comprit. Il connaissait cet endroit sous le nom de Whispers. Rob grogna et jeta l’invitation à la poubelle. C’était la dernière chose dont il avait besoin.
En ouvrant la porte du réfrigérateur, il se rendit compte que celui-ci n’était qu’un vaste désert. Normalement, Rob aurait dû recevoir son salaire la semaine suivante et avait prévu de faire un peu de courses pour tenir jusque-là. Quand il sortit son portefeuille de sa poche, il y trouva un butin de quarante-sept livres et douze centimes. Insuffisant pour tenir une semaine.
Que faire ?
Il essayait encore de trouver par quel autre moyen il pourrait récupérer un peu d’argent quand son téléphone se mit à sonner. Il regarda qui essayait de le joindre et rejeta l’appel. Après la journée qu’il venait de passer, il n’était pas d’humeur à parler à sa mère. Elle n’était pas méchante, mais elle était devenue de plus en plus envahissante depuis qu’Alex était parti. Elle n’arrêtait pas de lui demander s’il voulait passer les voir tout en lançant des petites phrases peu subtiles pour l’encourager à revenir vivre à la maison. À cet instant, cette option méritait réflexion, mais il ne s’imaginait pas retourner vivre chez ses parents. Il y réfléchirait peut-être si la situation devenait désespérée, mais ce n’était pas encore le cas. Pour l’instant, il ferait mieux de consacrer son énergie à trouver une solution.
Après avoir mangé un peu de pain grillé, l’estomac de Rob cessa de gargouiller, même si Rob avait encore faim. Il retourna sur le canapé et récupéra la pile d’enveloppes. En les parcourant, son cœur se serra. Téléphone, électricité, gaz, ainsi que l’argent qu’il devait au garage pour la réparation de sa voiture… Même s’il avait dû la vendre parce qu’il n’avait plus les moyens de l’entretenir. Il fit le calcul dans sa tête et peu importe le nombre de fois où il le répéta, le résultat était toujours le même : il n’avait pas les moyens de payer ses factures. Il vivait déjà au rythme de ses paies.
La carte envoyée par Secrets se trouvait encore dans la poubelle. Plus Rob essayait de ne pas y penser, plus cela devenait impossible. Étant donné qu’il n’avait jamais adhéré au club, il était surpris qu’on l’invite à cette soirée. Il n’avait pas les moyens de payer les frais d’adhésion d’un Dom et jamais il ne se serait inscrit en tant que soumis. Cependant, il avait dû renseigner son nom et son adresse pour avoir le droit d’entrer à l’intérieur, et, pour une raison qui lui échappait, il leur avait donné l’autorisation de le contacter.
— Et merde, grommela-t-il en se levant pour la récupérer.
« Vous êtes cordialement invité à participer à la grande soirée d’inauguration du Secrets. Venez rencontrer les nouveaux propriétaires et découvrir les grandes rénovations. De la nourriture et des boissons gratuites vous seront servies. »
En dessous se trouvaient la date et l’heure. Ce samedi. Dans deux jours seulement. Son rythme cardiaque accéléra. Je ne devrais pas. Je n’y suis pas retourné depuis des mois. Je n’ai pas besoin d’y aller. Pourtant, il glissa l’invitation dans sa poche. En effet, il n’avait pas d’argent et n’allait pas en recevoir de sitôt, mais il avait l’opportunité de sortir et s’amuser le temps d’une nuit. S’il ne la prenait pas, il passerait la soirée chez lui à se faire un sang d’encre concernant des choses sur lesquelles il n’avait aucun contrôle.
Rob effectua un calcul rapide. Il allait avoir besoin d’argent pour prendre le train, mais heureusement, il y avait des tarifs préférentiels entre Manchester et la gare d’Euston, à Londres. En revanche, il n’avait plus d’économies…
Il réfléchit plus longuement. Il avait de l’argent, si. Celui qu’il économisait pour acheter un nouvel ordinateur. L’argent qu’il était déterminé à ne pas utiliser parce qu’il avait presque réuni toute la somme. Ce n’était…
Fais-le. Ne réfléchis pas.
Depuis le départ d’Alex, Rob avait remarqué une chose : il avait l’impression de vivre sur le fil du rasoir. Il était plus en colère que jamais et avait besoin d’évacuer toute cette pression. Sa visite au club Secrets lui permettrait de le faire. Après tout, pourquoi garder toute cette colère en moi si je peux l’extérioriser ?
Ce qui le mena à une autre conclusion. Si tu es énervé et que tu as besoin de trouver une personne sur laquelle passer ta colère, qui de mieux qu’une personne comme Alex ?
ROB AVAIT du mal à croire ce qu’il était sur le point de faire. Sa dernière visite remontait à près d’un an, et il avait été certain qu’il ne remettrait plus jamais les pieds dans un tel endroit. Mais l’envie d’y retourner ne le quittait pas, et il se retrouvait à présent ici, dans un train pour Londres, afin de se rendre dans un club BDSM sans vraiment savoir pour quelle raison.
J’ai simplement besoin d’un changement de décor, de laisser mes soucis derrière moi le temps d’une nuit et de ne penser à rien d’autre qu’à m’amuser.
Son but était clairement de cesser de penser.
Il quitta la gare d’Euston et prit un taxi pour se rendre au club. Il savait que ce serait cher, mais il avait fait le calcul : il pouvait se permettre de passer un week-end loin de son train-train quotidien. Son nouvel ordinateur devrait attendre encore un peu, c’est tout. En outre, il avait aussi mis de l’argent de côté pour se payer des cours du soir – en quelle matière, il n’en avait pas la moindre idée ; il attendait encore que l’inspiration lui vienne. Sa vie consistait à vivre dans son appartement, se rendre jusqu’à son travail et revenir à la maison. Une existence monotone qui l’obligeait parfois à trouver un moyen de se divertir, même s’il ne pouvait pas se le permettre financièrement.
Depuis qu’Ella et lui avaient cessé de coucher ensemble, il avait passé la plupart de ses nuits seul. Elle n’avait pas été sa petite amie, plutôt une amie avec laquelle il couchait, mais quand elle avait commencé à sortir avec Kelly, elle avait dit à Rob qu’ils ne pouvaient plus avoir de relations sexuelles. Quant au reste de ses anciens amis, ils ne lui semblaient plus aussi importants qu’ils l’avaient été par le passé.
Cette prise de conscience lui rappela Jamie. Il chassa au plus vite cette pensée de son esprit. Il ne voulait vraiment pas y penser, surtout au vu de sa destination.
Quand il sortit du taxi et se retrouva devant le club, il fut surpris. Des rénovations avaient peut-être eu lieu à l’intérieur, mais l’extérieur du bâtiment qui abritait Secrets avait très peu changé. C’était tellement discret que personne ne pourrait deviner qu’un club BDSM se trouvait ici.
S’il n’avait pas fait partie du carnet d’adresses de Whispers, il n’aurait jamais reçu d’invitation pour participer à la grande soirée d’inauguration. Il était venu jusqu’ici par pure curiosité. Cet endroit n’était pas fait pour lui. Il ne savait même pas pourquoi il avait décidé de se rendre au Whispers en premier lieu, surtout qu’il savait ce qui se passait entre ces murs. Ses deux précédentes visites lui avaient largement suffi. Il avait vu des types se dandiner dans la salle, essayant de se comporter comme de vrais hommes. De l’avis de Rob, ils auraient beau porter tout le cuir du monde, ils n’y parviendraient jamais.
Une fois à l’intérieur, une autre surprise l’attendait. Il y avait bien plus de monde qu’il n’y en avait jamais eu au Whispers. C’était une foule très hétérogène composée de personnes de tous âges, portant des costumes habillés ou des tenues décontractées. Un homme distingué, qui devait avoir une cinquantaine d’années, l’accueillit avant de se tourner pour embrasser un autre homme. L’estomac de Rob se noua, surtout quand l’homme – Jarod – appela celui qu’il venait d’embrasser « monsieur ». Il s’excusa et se dirigea vers l’un des canapés. Il s’installa et observa les hommes qui l’entouraient. Ils souriaient, lui adressaient un signe de tête et certains allèrent même jusqu’à essayer de lui faire la conversation, mais il les ignora.
Pourquoi ai-je dépensé mon argent pour venir jusqu’ici ? Ai-je vraiment cru que ce serait différent ? Mieux ? Quel imbécile.
Quand on annonça que la première démonstration était sur le point de commencer, il se leva pour mieux voir, incapable de réprimer sa curiosité. Puis, il reconnut la personne qui venait de monter sur scène.
Apparemment, Rob était le dindon de la farce.
— Alex ?
Rob regarda son frère avec horreur et sans réfléchir, il changea de position, cherchant désespérément à sortir de son champ de vision. Bon sang, que fait-il ici ? Puis, il remarqua qu’Alex se trouvait avec Léo. Ce qui était logique. Après tout, ils étaient mariés. Sales pervers. Voir Alex exhiber son style de vie devant sa famille avait été assez répugnant, mais le voir partir sans même prendre la peine de leur adresser un dernier au revoir avait été impardonnable. Non pas que Rob ait l’intention de pardonner Alex pour ce qu’il avait fait. Son frère l’avait abandonné quand Rob avait eu le plus besoin de lui.
Pas maintenant. Je ne peux pas penser à cela maintenant.
Il bascula dans le présent quand Léo s’adressa à la foule. Il ne pouvait pas manquer la façon dont Alex regardait Léo, comme si cet homme ne pouvait rien faire de mal. Cependant, Rob n’était pas dupe. Alex et Léo n’étaient ensemble que depuis cinq ans, mais Rob était certain d’une chose : un jour, Léo se débarrasserait d’Alex pour trouver un homme plus jeune sur lequel pratiquer sa déviance. Puis, Alex rentrerait à la maison, la queue entre les jambes, les suppliant de réintégrer la famille. Rob était impatient que ce jour arrive parce que même s’il ne vivait plus chez ses parents, il savait que leur mère serait dure avec lui et le surveillerait de près.
Je le déteste. S’il n’était pas parti, il aurait été présent pour moi quand j’avais besoin de parler. S’il avait été normal, je ne serais peut-être pas dans ce pétrin. Si Alex n’était pas tombé amoureux…
Si. Si. Si.
Toute pensée quitta son esprit quand Léo demanda à Alex de baisser son pantalon.
Quand la première fessée provoqua un grand claquement, Rob ressentit l’envie de se précipiter vers la scène pour traîner Alex loin de cet homme, mais ses jambes refusaient de lui obéir. Il se tenait là, planté au sol, pendant que Léo donnait la fessée à Alex. De doux bruits s’échappaient de la bouche de son frère. Rob était pétrifié, attendant que cela prenne fin. Quand Léo arrêta, Rob voulut pousser un grand soupir de soulagement. Sauf que Léo n’en avait pas terminé. Il fit descendre le boxer d’Alex, révélant son derrière rougi, et la fessée continua.
Rob cessa de respirer. Il n’avait plus vu son frère nu depuis la fois où il était entré sans prévenir dans la chambre d’Alex, mais ce dernier se trouvait maintenant devant lui, à la vue de tout le monde, son sexe en érection, alors qu’il était penché sur les genoux de Léo. Il ne devrait pas faire cela en public ! Quand Léo termina, Rob prit le temps de respirer, les muscles crispés. Mais le spectacle n’était pas fini. Quand bien même Rob pensait qu’on ne pouvait pas faire pire qu’une fessée en public, il comprit qu’il avait tort quand Alex se mit à genoux, sortit le sexe de Léo de son pantalon et se mit à le sucer devant leurs spectateurs.
Rob ne supporterait pas cette scène une seconde de plus. Il tourna les talons et prit la fuite, se promettant de ne jamais revenir.
Toutefois, l’ironie de la situation ne lui échappa pas.
J’ai déjà dit ça la dernière fois, non ? Pourtant, je suis de nouveau ici. Pourquoi ?
Rob connaissait la réponse : être ici lui donnait un sentiment de force. De puissance. Il aimait voir ces déviants se pavaner en pensant être de vrais hommes car il savait que, dans tous les cas, il était meilleur qu’eux. Meilleur que son frère, même si ce n’était pas vraiment difficile de l’être.
Merde. Il n’arrivait toujours pas à effacer l’image d’Alex de son esprit. Il avait quitté Manchester parce qu’il ne voulait pas que son frère apprenne qu’il fréquentait un club BDSM. Rob savait pourquoi il s’était rendu au club la première fois. Il avait voulu comprendre ce qui avait attiré son frère dans un tel endroit, voir ce qui l’avait poussé à adhérer à cette… bizarrerie.
Ensuite, il apparaît sur scène. Quelle était la probabilité que je retrouve Alex dans ce club ? Pourquoi ne pouvait-il pas rester à Manchester ? Cet endroit était celui de Rob, son lieu d’évasion, son…
Il prit une vive inspiration. Arrête de penser de cette manière. Tu n’as rien à faire ici. Tu n’es pas comme eux.
Sans se retourner, Rob quitta le club et partit à la recherche d’un taxi. Il devait s’éloigner du club le plus possible.
VIC PRENTISS entra dans son salon et posa sa valise près de la porte. Seigneur, j’ai l’impression que ça fait une éternité que je n’étais pas rentré. Cela ne faisait que deux mois qu’il était parti pour réaliser un projet dans le Grand Manchester, où la société pour laquelle il travaillait avait été engagée pour effectuer une rénovation complète de St. Peter’s Square. Vic avait supervisé le projet. Cela ne le dérangeait pas de se retrouver loin de chez lui pendant une longue période. Il adorait sortir du bureau et revenir à ses premiers amours. Six ans plus tôt, c’était lui qui avait effectué le travail manuel, donnant de sa personne pour embellir toute l’Angleterre en temps et en heure, à moindre coût. Ce dernier projet n’avait pas été un casse-tête, et Vic avait passé de bons moments. Un de ses vieux amis avait supervisé l’avancée du chantier, ce qui leur avait permis de sortir boire quelques verres durant leur temps libre. Comme il n’avait pas vu Rick depuis longtemps, il avait apprécié de pouvoir rattraper le temps perdu. C’était un homme plutôt séduisant, mais Vic et lui ne vivaient pas de la même manière, et leur opinion différait quant à la personne qui était aux commandes. Cela avait été un plaisir de le revoir, mais c’était encore mieux de rentrer à la maison.
Vic sourit. Loués soient les souliers de rubis – ou dans son cas, la réouverture de son ancien club BDSM. Cela faisait bien trop longtemps que Whispers avait fermé ses portes pour rénovation. La dernière fois qu’il avait discuté avec Wayne, il avait découvert qu’ils étaient sur le point de rouvrir.
Une grosse pile de courrier l’attendait sur la table du salon ; il remercia intérieurement Sam et Aaron de l’avoir ramassé en son absence. Son sourire s’élargit. Je suis impatient de voir leurs têtes quand je leur donnerai leur cadeau. Lors d’un week-end, il avait repéré ce tableau dans une galerie d’art qui se trouvait près de son lieu de travail. L’œuvre lui avait tellement rappelé ses amis qu’il n’avait pas pu résister.
Mais cela allait devoir attendre. La pile de courrier était plus urgente. Vic la récupéra et éplucha les enveloppes et les prospectus, cherchant à voir si un courrier important requérait une réponse rapide. Quand il vit une enveloppe sur laquelle était inscrit Secrets, il comprit immédiatement qu’il avait manqué la soirée d’inauguration du club. Bordel. Il aurait aimé voir à quoi ressemblait le nouvel établissement, sans compter qu’il était passé à côté de l’opportunité de rencontrer les autres membres. Il se demandait si les nouveaux propriétaires avaient été capables de rénover cet endroit pour qu’il redevienne ce qu’il avait été jadis. Il ne voulait pas que ce club ferme ses portes parce qu’il y avait très peu d’établissements sérieux à Londres – du moins, selon lui. La fermeture du club auquel il avait adhéré plusieurs années auparavant aurait été une grande perte pour la communauté.
Il avait du mal à croire que cela faisait douze ans qu’il avait passé les portes de Whispers, mort de peur à l’idée de ce qui l’attendait à l’intérieur. Il avait lu un article dans un magazine gay qui l’avait… interpellé. L’idée d’assister à une démonstration de bondage dans le premier club BDSM où il mettait les pieds l’avait fait frissonner parce qu’il s’était souvent considéré comme un homme dominant. D’ailleurs, deux de ses anciens petits amis avaient rompu avec lui parce qu’ils le trouvaient trop viril.
Ce détail fit sourire Vic. Durant les années qui avaient suivi, il s’était calmé. Quand il avait commencé à pratiquer, il avait voulu tout essayer : les fouets, les chaînes, les martinets, et tout ce qui s’ensuit. Aujourd’hui, il était plus intéressé par le fait d’aider un soumis à lâcher prise. Son premier objectif était de les accompagner pour qu’ils atteignent un stade supérieur qu’ils ne pouvaient pas atteindre seuls. Il était respecté dans le milieu, voire convoité, et était devenu une présence dominante au club. Cependant, au fil du temps, il était devenu de plus en plus sélectif quand il choisissait les soumis avec lesquels il réalisait des scènes.
Sauf que choisir devenait difficile. Il avait peut-être changé, mais les soumis aussi. Les hommes qui avaient fréquenté le club avant qu’il ferme ses portes se souciaient peu de la soumission en elle-même. Ils cherchaient surtout à avoir des relations sexuelles brusques avec une petite dose de bondage.
Peut-être que les nouveaux patrons vont changer cela. Vic espérait qu’ils seraient plus pointilleux sur la sélection de leurs adhérents parce que la plupart des soumis du club ne retenaient plus son attention. Il savait que ce n’était pas seulement dû à l’évolution des soumis. Dans six mois, il fêterait ses trente-quatre ans, et son âge le faisait peut-être réfléchir. Oui, avoir des relations sexuelles était agréable, mais il devait y avoir quelque chose de plus profond que cela, non ?
Il avait vu plusieurs relations naître et évoluer entre parmi les membres. Certaines duraient des années, d’autres une seule saison, mais ses camarades semblaient heureux. Vic eut une pensée pour Sam et Aaron, ses amis. Ils avaient trouvé un troisième partenaire à aimer et pendant longtemps, Vic avait trouvé qu’ils formaient le trio parfait. Mais il avait suffi d’une seule nuit pour que tout change.
Les relations sont fragiles. Cependant, cela ne le décourageait pas. Il voulait trouver la même chose que ses amis : une chance de connaître le bonheur avec une personne qui non seulement le comblerait sexuellement, mais dont l’esprit et le corps serviraient de terrain de jeu à Vic.
L’esprit…
Vic adorait le sexe. Forcément. Mais la vie – les relations amoureuses – ne se résumait pas à ce qui se passait au sein d’une chambre. Ou sur un canapé. Ou plaqué sur la table de la cuisine. Vic avait besoin d’une personne qui lui permettrait de se surpasser, de réfléchir et de repousser ses propres limites.
Sam et Aaron occupaient toujours ses pensées. Il sortit son téléphone et composa le numéro de Sam.
— Salut, mon grand.
— Vic ! Es-tu rentré à la maison ?
Sam semblait heureux de l’entendre.
— Oui. Merci d’avoir ramassé mon courrier.
— Ravi d’avoir pu te rendre service, répondit immédiatement Sam.
— J’ai reçu l’invitation du nouveau club. Avez-vous assisté à la soirée ?
Sam resta silencieux quelques instants.
— Non. Aaron et moi ne sommes pas… nous ne sommes pas encore prêts.
Le cœur de Vic se serra. Il avait espéré que la situation évoluerait, mais il n’y avait toujours aucune joie dans la voix de son ami. Le jour où leur soumis leur avait annoncé qu’il voulait mettre fin au contrat qui les unissait, le ciel leur était tombé sur la tête. Les deux Doms avaient cru qu’ils étaient heureux. Désormais, les deux hommes refusaient de sortir, même s’ils devaient à tout prix retrouver un troisième partenaire.
— Vous devez vous ressaisir, affirma doucement Vic. Si vous ne le faites pas, vous ne trouverez jamais la personne qui vous correspond.
Intérieurement, il pria pour que Sam l’écoute, pour qu’il soit ouvert à cette suggestion.
Il entendit un grand soupir à l’autre bout du fil.
— Nous pensions l’avoir trouvée. Apparemment, ce n’était pas le cas. Je ne cherche pas à changer de sujet, mais…
— Non, répliqua Vic en rigolant. Bien sûr que non.
De toute manière, il savait que c’était le moment d’arrêter d’en parler.
— Petit malin, va. As-tu passé un bon moment dans le froid glacial du nord ?
— Ah-ha, ça sent le vécu. Oui, c’était agréable. J’ai retrouvé un vieil ami, mais tu sais quoi ? Dorothy avait raison. Il n’y a rien de mieux que d’être chez soi.
Sam s’esclaffa.
— Je promets de ne jamais dire à qui que ce soit que tu as cité Le Magicien d’Oz. Ta réputation de Dom s’envolerait en fumée.
— Maintenant, qui fait son petit malin ? Tu sais aussi bien que moi que ma place au sein de la sainteté Dom est solide.
Cela fit rire son ami.
— Je vais discuter avec Aaron, dit Sam. Voir si je peux le convaincre de retourner au club. Je ne suis pas sûr que ça fonctionne. Aucun de nous n’est prêt à retourner à l’endroit où nous avons rencontré Seb.
Vic le comprenait. Que l’on soit un Dom ou non, ce n’était jamais facile de faire face à des souvenirs douloureux.
— Faites ce qui est le mieux pour vous. Du moment que vous êtes l’un avec l’autre…
Sam laissa échapper un rire triste.
— Ce n’est pas la joie quand aucun de nous ne veut se laisser prendre.
Vic éclata de rire.
— Ne dis à personne que j’ai cité Le Magicien d’Oz et je ne répéterai pas à Aaron ce que tu viens de me dire.
— Marché conclu, confirma Sam. Désolé, mais je dois te laisser. Je suis censé faire une pizza et je dois aller abaisser la pâte.
— D’accord. Passe le bonjour à Aaron de ma part et n’oublie pas de lui dire combien j’apprécie le service que vous m’avez rendu.
Vic leur ferait la surprise de leur offrir son cadeau la prochaine fois qu’ils se verraient.
— Je n’y manquerai pas. Je suis content que tu sois de retour. Nous pourrions faire un barbecue, un de ces soirs. Enfin, une fois que le temps se sera un peu réchauffé.
— Si ma mémoire est bonne, c’est à mon tour de vous recevoir. Dès que mon planning sera confirmé, nous fixerons une date. En revanche, je suis d’accord pour attendre une hausse des températures. Je n’ai aucune intention de me geler les miches dans le vent arctique. Il faut au moins attendre le printemps pour que j’envisage de sortir mon gril.
— Entendu. Et si tu vas faire un tour au nouvel établissement, pourras-tu me dire ce que tu en penses ? J’ai vraiment envie que nous recommencions à sortir.
— Bien entendu. Bonne soirée, Sam.
Après avoir raccroché, Vic récupéra sa valise et la porta jusqu’à sa chambre. Il l’ouvrit et jeta ses affaires sales dans le panier à linge. Après avoir retiré ses vêtements et les avoir ajoutés à la pile de linge, il se dirigea vers la douche.
Quand Aaron avait rénové la maison, Vic lui avait dit qu’il devait considérer la salle de bain comme la pièce maîtresse. Vic voulait une cabine de douche qui accueillerait sans problème son mètre quatre-vingt-dix-huit. Ce devait être un endroit dans lequel il pouvait se détendre après une dure journée de travail. Quand il avait découvert les plans de sa future salle de bain, il avait été ravi de voir qu’Aaron avait parfaitement compris ses attentes. Une cabine en verre et en marbre avec quatre jets au plafond, dont l’eau jaillissait avec assez de pression pour masser ses muscles douloureux jusqu’à ce qu’ils se délient et que Vic se retrouve totalement détendu.
Il fit couler l’eau dans la douche et vérifia l’heure. Il était encore assez tôt pour qu’il se rende au club, mais son travail et son trajet jusqu’à Londres l’avaient exténué. Il n’avait envie que d’une douche, d’une tasse de thé et d’environ vingt-quatre heures de sommeil. Même s’il savait qu’il serait loin d’en avoir autant. Le lendemain matin, il devait se lever à l’aube, s’enfiler quelques tasses de café, puis se rendre rapidement au bureau pour s’attaquer à la montagne de papiers l’attendait. C’était le seul désavantage quand on quittait le bureau quelques semaines. Il savait que même si Janice s’était occupée des dossiers les plus urgents, il aurait malgré tout beaucoup de dossiers à gérer dès son retour. Pourtant, il adorait son travail. Montgomery and Trypp était l’une des agences d’architectes paysagistes les plus connues à Londres, et le fait que Vic occupe un tel poste à ce stade de sa vie prouvait l’étendue de son talent.
Après une longue douche chaude, Vic traîna les pieds jusqu’à la cuisine et alluma la bouilloire. Une tasse de thé à la camomille et il irait se coucher. Il retourna dans la salle à manger et récupéra l’enveloppe envoyée par Secrets. L’impression de l’invitation était de haute qualité, et l’enveloppe en elle-même avait dû coûter une fortune. Vic était certain d’une chose : ceux qui avaient racheté Whispers avaient de l’argent.
Il décida de vérifier si le club avait un site Internet. Les anciens propriétaires avaient cru que leur bonne réputation suffirait à leur réussite, mais ils en avaient fait les frais quand le nombre d’adhérents avait commencé à diminuer. Ils s’étaient rendu compte de leur erreur trop tard. En ajoutant à cela le fait qu’ils prenaient tous les deux de l’âge, il avait été plus simple pour eux de vendre l’établissement. Vic avait entendu dire qu’ils avaient approché Thomas Williams, l’un des propriétaires du club Colliers & Menottes à Manchester, puis Vic avait dû quitter Londres pour le travail et avait été trop occupé pour suivre les derniers événements.
Il sortit son téléphone et lança une recherche sur Internet. Pour l’instant, il n’y avait aucun site, mais ils venaient tout juste d’ouvrir leurs portes. C’est peut-être sur leur liste des choses à faire.
Quand la bouilloire se mit à siffler, Vic sortit sa tasse préférée, plaça un sachet de thé à l’intérieur, versa de l’eau et attendit qu’il infuse. Son téléphone sonna, et, quand il le sortit de sa poche, il sourit en voyant le message de son assistante.
Tu pars pendant deux mois et je me retrouve à travailler avec Terry le Terrible. J’espère pour toi que tu n’as pas oublié de me ramener un joli cadeau et par « joli », je veux dire « cher ».
Cela faisait six ans que Janice travaillait pour lui. C’était une perle et beaucoup de ses collègues voulaient se payer ses services, mais elle lui restait loyale. Pendant son séjour à Manchester, Vic lui avait acheté une très bonne bouteille de brandy qu’il comptait lui offrir le lendemain. Il était sur le point de lui répondre quand il reçut un autre message.
Désolée de devoir t’annoncer cela, mais demain, tu as une réunion avec les grands patrons. J’espère que tu n’avais rien prévu pour ton retour parce qu’un nouveau projet t’attend déjà. Cette fois, ce n’est pas à l’extérieur, alors tu pourras dormir dans ton propre lit, mais il va être long. Attends-toi à passer quatre longues semaines à travailler.
Vic grogna. Il avait déjà manqué la soirée d’inauguration du club et il n’avait pas couché avec quelqu’un depuis… Seigneur, à quand cela remontait-il ? Quatre mois ? Il n’avait même pas eu le temps de souffler, mais on lui donnait déjà un nouveau projet sur lequel travailler ? Il regarda encore une fois l’enveloppe. Je m’en fous. Il allait devoir trouver du temps pour s’y rendre. Il prit son téléphone et pianota rapidement.
Bien, mais tu vas passer ces longues semaines à travailler avec moi. Si tu penses que je vais être le seul à passer des semaines entières au bureau, tu rêves.
La réponse de Janice ne tarda pas.
LOL. Tu vas t’en sortir, j’en suis sûre. Une fois que ce projet sera terminé, tu seras en vacances. J’ai posé tes semaines de congés.
Cette femme était une merveille. Vic savait qu’il ne survivrait pas sans elle.
Ah oui ? Combien de temps ?
Tu seras en congé pendant trois longues et douces semaines à partir du 23 mars. Et pour ton information, je serai en congé en même temps que toi. Je ne veux pas me retrouver à nouveau coincée avec Terry.
Parfait. À demain matin, pianota-t-il, heureux. Après avoir branché son téléphone pour le recharger, il prit sa tasse de thé et s’installa pour la savourer. En résumé, il ne pourrait pas se rendre au Secrets avant le mois de mars, mais une fois qu’il serait libre, il y passerait toutes ses nuits et ferait le show.
Ces garçons ne savent pas ce qui les attend.
Mars
ROB ÉTAIT étonné d’avoir tenu si longtemps sans devenir fou, mais il y avait toujours un point de rupture et il l’avait atteint.
Deux mois de merdier. Deux mois de conneries. Deux mois de… bon sang, il n’y avait pas assez de mots pour exprimer ce qu’il avait enduré depuis qu’il était revenu de son dernier séjour désastreux à Londres. Bien sûr, il n’aurait pas dû être surpris d’apprendre que cette sotte avait fait une réclamation. En revanche, il avait été surpris par les répercussions. Il avait l’impression que M. Peterson était tout le temps sur son dos, et chaque fois qu’ils discutaient, son patron était de mauvaise humeur et le réprimandait parce qu’il n’apprenait pas le métier assez vite. Rob avait toujours la sensation de faire l’objet d’une surveillance accrue et son niveau de stress ne tarda pas à atteindre des sommets. Peu importait ce qu’il faisait, ce n’était jamais assez bien.
Quand M. Peterson lui avait annoncé que s’il ne voulait pas perdre son travail, il allait devoir s’améliorer, Rob avait commencé à se demander s’il était le seul employé à être traité de cette manière. Cela avait été la deuxième surprise : aucun de ses collègues n’avait connu une expérience similaire à la sienne. Rob avait alors compris qu’il était traité différemment.
Il avait la possibilité de saisir le conseil des prud’hommes pour harcèlement, mais il n’avait pas du tout envie de faire de vagues. Il ne voulait pas qu’on découvre les mauvais choix qu’il avait faits par le passé. Des choix qui pourraient lui coûter son travail.
Quand il reçut une lettre qui l’informait que son loyer était sur le point d’augmenter, il eut l’impression que c’était la goutte d’eau qui venait faire déborder le vase. Il devait changer d’air, même si ce n’était que pour un week-end. Il savait exactement où il voulait se rendre.
Londres l’appelait. Encore. Malgré toute sa volonté, Rob ne pouvait pas résister à son chant. Il essaya de ne pas penser à la somme d’argent qui s’échappait des économies destinées à l’achat d’un ordinateur. Il n’avait pas d’autre choix. Je n’ai peut-être pas vraiment besoin d’en acheter un nouveau. Cela faisait tellement longtemps que son écran était cassé qu’il s’y était habitué. En plus, s’il changeait d’ordinateur, il allait devoir transférer les documents, les programmes, ce qui serait pénible…
C’était impressionnant de voir le nombre d’excuses qu’il pouvait trouver pour justifier le fait de piocher dans ses économies.
Il dormit dans le train et ne se réveilla que lorsqu’un passager lui secoua gentiment l’épaule en arrivant à Euston. Ensuite, il emprunta un taxi et finit par se retrouver ici, devant Secrets, à se demander ce qui pouvait bien le pousser à toujours y revenir.
Le portier le salua quand il approcha de la grande porte en bois. Une fois à l’intérieur, Rob eut l’impression d’avoir été attiré dans un autre monde contre son gré. Il y avait bien plus de monde que lors de la soirée d’inauguration, et le simple fait de regarder ces personnes, leurs interactions, leur… lien… lui noua l’estomac.
Pourquoi ai-je toujours cette sensation ? C’était comme s’il était à la fois dégoûté et attiré par ce qu’il voyait. Est-ce possible ? D’être attiré dans deux directions opposées ?
Après avoir confié sa veste à la personne en charge du vestiaire, il s’installa au bar. Le barman s’approcha tranquillement de lui, et Rob fit de son mieux pour ne pas le fixer. Cet homme avait l’air charmant, outre le fait qu’il ne portait quasiment rien. Son torse imberbe, son ventre plat et sa minceur apprirent à Rob tout ce qu’il avait besoin de savoir. Cette tapette – selon toute vraisemblance – ne serait jamais viril comme lui. C’était un autre Alex.
— Bienvenue au Secrets, le salua le barman avec un grand sourire. Que puis-je vous servir ?
— Une bière. Ce que vous avez à la pression.
Le barman mordit sa lèvre rose et brillante.
— Je suis désolé. Nous ne servons pas d’alcool. Nous avons de l’eau minérale, de l’eau gazeuse, du Fanta…
Bordel. Ils ne sont même pas capables de boire comme des hommes.
— Laissez tomber, répliqua Rob.
Venir ici avait été une erreur, et il ne le comprenait que maintenant. Combien de fois vais-je encore devoir venir jusqu’ici pour comprendre la leçon ? Ce soir était peut-être le bon soir, le dernier soir, celui où il allait enfin comprendre qu’il n’avait rien à faire ici.
Il descendit rapidement de son tabouret et avança de quelques pas avant de s’arrêter net. Devant lui se tenait un homme qui ne ressemblait à aucun autre. Il était grand – bon sang, il doit faire au moins deux mètres –, chauve, portait une barbe bien taillée et avait des muscles à n’en plus finir. Quand l’homme se retourna, Rob découvrit que sa veste était ouverte sur son torse, ses poils sombres disséminés sur l’étendue de peau nue. Son visage possédait des traits fermes, anguleux, mais une certaine douceur s’en dégageait. Rob n’arrivait pas à expliquer la raison pour laquelle il trouvait cet homme si fascinant. Mais il n’avait pas l’intention de rester pour le découvrir. Il devait quitter cet établissement et retourner chez lui, à sa place. Le lendemain matin, il enverrait un e-mail au club pour leur demander de retirer son nom de leur carnet d’adresses. Ensuite, il ne repenserait plus jamais à cet endroit.
Il se fraya un chemin à travers la foule et arriva près de l’homme qui avait retenu son attention quelques instants plus tôt.
Le géant le fusilla du regard, ses yeux gris fixés sur Rob.
— Les garçons bien élevés disent : « Excusez-moi, monsieur », grogna-t-il d’une voix rauque qui le fit frissonner.
— Va te faire voir, répliqua Rob en essayant de pousser l’homme hors de son chemin.
Ce fut aussi impossible que de déplacer un immense menhir.
Le géant s’enroula la main autour du poignet de Rob.
L’homme qui se trouvait près du mastodonte se mit à rire.
— Eh bien, Vic, tu es tombé sur un petit fougueux.
Vic grogna en gardant les yeux fixés sur Rob.
— Dis-le. « Excusez-moi, monsieur ».
— Va te faire voir ! aboya Rob. Lâche-moi, espèce de tafiole !
Rob tira fort, essayant de se libérer de cette main de fer.
Les lèvres de Vic formèrent un sourire ou un rictus ; Rob n’aurait su dire lequel.
— Tafiole ? Mon garçon, si j’en avais envie, je pourrais te briser comme une brindille. Nous ne tolérons pas l’impolitesse dans cet établissement, alors je te conseille de partir. Ou bien j’appelle la sécurité pour qu’ils te jettent dehors.
Rob essaya de se libérer.
— J’allais sortir, justement ! D’ailleurs, je serais déjà dehors si tu ne me barrais pas le chemin, souligna Rob avant de poser les yeux sur son poignet emprisonné. Ou si tu ne m’empêchais pas de partir.
Le regard de Vic étincela, mais il lâcha Rob. Ce dernier mit quelques secondes à retrouver son équilibre pour éviter de s’étaler par terre.
— Dans ce cas, je te souhaite une bonne nuit. La porte est juste ici. Je ne te retiens pas, ajouta-t-il avec dédain.
La poitrine de Rob se souleva. Comment ce bâtard ose-t-il poser la main sur moi ? Il avait envie de s’en prendre à cet homme, de lui coller son poing dans la figure, mais compte tenu de sa chance, ses os finiraient fracturés. Rob grommela en avançant vers la sortie. Il devait quitter cet endroit. Il jeta un dernier regard par-dessus son épaule et vit le géant rire. Il se demanda, brièvement, s’il riait de lui.
Ce qui le surprit, c’est qu’il se souciait vraiment de la réponse.
DU COIN de l’œil, Vic regarda le garçon quitter le club et claquer la porte derrière lui. Voilà une personne complètement perdue. Il se demanda – brièvement – si ce garçon était entré dans le club par erreur. Il était mignon, si on aimait ce genre d’hommes. Cheveux bruns, descendant un peu en dessous de la nuque, mince, mais avec une belle musculature. Il avait des yeux bleus qui scintillaient malgré la faible luminosité à l’intérieur du Secrets. Mais Vic n’appréciait pas les jolis garçons, sauf quand leurs lèvres étaient enroulées autour de son membre et qu’ils ne pouvaient pas parler. Le garçon qui venait de sortir ? C’était tout à fait l’un de ceux dont la bouche devait rester occupée.
— Était-ce un membre du club ? demanda Jack Keller, inquiet.
— Je n’en ai pas la moindre idée. En revanche, c’était un petit con. Ça fait des années que personne n’a plus eu l’audace de me traiter de tafiole.
Jack se mit à rire.
— Je croyais que tu allais le plaquer sur tes genoux.
— Ça aurait peut-être amélioré son comportement, remarqua Vic en secouant la tête. Je ne pense pas que ce soit un adhérent. Sinon, on lui aurait déjà appris les bonnes manières.
Surtout si Vic avait eu son mot à dire.
— Tu as raison, je l’imagine mal en tant que membre du club, confirma Jack avant de marquer une pause. D’ailleurs, j’aimerais avoir tes premières impressions sur le Secrets.
— Eh bien… fit Vic en regardant autour de lui. Ils n’ont pas regardé à la dépense. Ça se voit immédiatement.
— Je ne parle pas du décor, répliqua Jack avant de se pencher vers lui. Les rumeurs disent que les propriétaires ont préparé cette soirée afin de montrer quelle direction allait prendre leur club.
— Comment ça ? demanda-t-il en fronçant les sourcils.
— Ils ont donné l’opportunité à chaque membre de Whispers de continuer à pratiquer dans le nouveau club, mais apparemment, les propriétaires – Eli et Jarod – sont plus exigeants avec les nouveaux membres qu’ils essaient d’attirer.
Vic ouvrit de grands yeux et siffla.
— Tu viens de piquer ma curiosité.
Toute action visant à augmenter le nombre de soumis de qualité lui convenait.
— Alors, maintenant que tu es enfin là, qu’as-tu l’intention de faire ? demanda Jack en souriant. Es-tu venu pour jouer ou simplement pour visiter le club ?
Vic laissa échapper un grognement.
— J’étais venu pour jouer, mais je suis de mauvaise humeur à cause de ce garçon. Je pense dîner ici, puis rentrer à la maison.
Il tourna les yeux vers l’entrée du club et sourit en voyant Wayne débarquer. Derrière lui se trouvait un homme que Vic n’avait encore jamais vu.
Seigneur, à quand remonte notre dernière discussion ?
Vic avait bien l’intention d’arranger cela avant de partir.
— Je vais aller saluer Wayne. Seras-tu là ce week-end ?
Jack se renfrogna.
— Oui, mais ensuite, je vais devoir jouer les baby-sitters car ma sœur s’en va pendant trois semaines. Alors je ne passerai sûrement pas au club. Mais il y a pire… dit-il comme s’il venait de mordre dans un citron. Le dernier soir, je vais devoir aller voir Carter Quinn avec ma nièce.
— Qui ?
— Le phénomène pop révélé par Internet. À l’époque, il avait une chaîne YouTube sur laquelle il jouait sa musique, puis il a été repéré par une maison de disque et maintenant, il fait un carton. Il est en tournée et passe par Londres. Ma sœur était censée accompagner sa fille, mais son mari et elle ne seront pas encore revenus. Ça les arrange bien, si tu veux mon avis.
Vic éclata de rire. Il tapota l’épaule de Jack.
— Je suis sûr que tu vas survivre.