Un logement pour la nuit - Robert Louis Stevenson - E-Book

Un logement pour la nuit E-Book

Robert Louis Stevenson

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Beschreibung

"Un logis pour la nuit" ("A Lodging for the Night") est une nouvelle écrite par Robert Louis Stevenson , publiée en 1877.

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EPUB

Seitenzahl: 38

Veröffentlichungsjahr: 2015

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Un logement pour la nuit

Le mois de novembre de l’année 1456 touchait à sa fin. La neige tombait sur Paris avec une persistance rigoureuse ; de temps en temps un coup de vent furieux la faisait voltiger en tourbillons ; la rafale passée, elle recommençait à descendre lentement en flocons interminables dans l'air noir et silencieux de la nuit. Les pauvres gens qui, le nez en l’air et les sourcils humides, la regardaient venir avaient peine à comprendre d’où une telle masse pouvait tomber. Maître François Villon avait, cette après-midi- là, à la fenêtre d’une taverne, proposé un problème. Était-ce le paien Jupiter plumant ses oies sur l’Olympe ? Ou étaient-ce les saints anges en train de muer ? Il n’était qu’un pauvre maître-ès-arts, avait-il ajouté, et comme la question touchait quelque peu hà la divinité, il n’osait s’aventurer à conclure. Un simple, vieux prêtre qui se trouvait parmi la compagnie, paya une bouteille de vin au jeune coquin en honneur de la plaisanterie et des grimaces qui l’avaient accompagnée ; il jura sur sa barbe blanche qu’il avait été lui-même un chien aussi irrévérent que Villon quand il était de son âge. L’air était vif et piquant quoiqu’il ne gelât pas très fort, et les flocons tombaient larges, humides, adhérents. Toute la ville était comme recouverte d’un drap blanc. Une armée en marché eût pu la traverser d’un bout à l’autre, sans qu’un bruit de pas donnât l’éveil.

S’il se trouvait au ciel quelques oiseaux retardataires, l’île devait leur sembler un linceul immense, et les ponts, sur le fond noir de la rivière, de minces barres blanches. Tout en haut au-dessus de la tête, la neige s’amoncelait parmi les réseaux des tours de la cathédrale. Plus d’une niche était pleine, plus d’une statue était coiffée d’un chapeau blanc, qu’elle portât une tête de saint ou de grotesque. Les gargouilles étaient transformées en d’énormes faux nez, s’affaissant vers la pointe. Quand le vent cessait de souffler, on entendait tout autour de l’église un son lourd d’eau dégouttante. Le cimetière Saint-Jean avait bien pris sa part de la neige, toutes les tombes en étaient recouvertes d’une couche épaisse. Les hauts toits des maisons aux alentours s’élevaient majestueux dans leurs vêtements blancs. Les bons bourgeois étaient couchés depuis longtemps, en bonnet de nuit, comme leurs domiciles ; on ne voyait aucune lumière dans tout le voisinage, que celle venant d’une lampe suspendue dans le chœur de l’église, laquelle déplaçait les ombres au gré de ses oscillations. L’horloge marquait bien près de dix heures quand la patrouille, battant des mains, armée de hallebardes et d’une lanterne, passa par là ; elle ne vit rien de suspect aux alentour du cimetière Saint-Jean.

Cependant, adossée au mur du champ de repos se trouvait une petite maison encore éveillée ; pas éveillée pour un bon motif, dans ce quartier où tout ronflait. Elle ne se trahissait que par un jet de vapeur chaude sortant par le haut de la cheminée, quelques endroits faisant tache sur le toit, où la neige avait fondu ; devant la porte, où des traces de pas à moitié effacées étaient visibles. À l’intérieur, derrière les contrevents, maître François Villon le poète, avec quelques-uns des bandits qu’il fréquentait, prolongeait la veillée et on buvait à la ronde.

Une grande masse de charbons ardents envoyait de la cheminée voûtée une forte lueur vermeille, devant laquelle dom Nicolas, le moine de Picardie, la robe relevée, exposait au bien-être de la chaleur ses grosses jambes nues. Son ombre dilatée coupait la salle en deux, la lumière ne s’échappant que de chaque côté de sa large personne, et, en un petit filet, entre ses deux pieds écartés. Il avait le visage couvert d’un réseau de veines congestionnées ordinairement pourpre, mais pour le moment d’un violet pâle (car quoiqu’il eût le dos au feu le froid le pinçait par devant) ; il portait, fortement accusées, les tracés meurtries et contusionnées d’un buveur avéré. Son capuchon, à moitié retombé, produisait une excroissance étrange sur son cou de taureau.

Donc il se chauffait, les jambes écartées, grommelant, coupant la salle en deux par l’ombre de sa forme puissante. À droite, Villon et Guy Tabary, pressés l’un contre l’autre, étaient penchés sur un bout de parchemin. Villon faisait une ballade qu’il allait appeler « La ballade du poisson rôti ». L’admiration de Tabary éclatait à chaque mot trouvé par son ami.