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Lyrsha, une jeune vampire déterminée, fait une découverte alarmante : elle est la cible d’une prophétie qui met sa vie et celle de ses proches en danger. Pour échapper à ce destin funeste, elle décide de commencer une nouvelle vie à Seattle. Là-bas, elle finit par comprendre enfin son pouvoir grâce à une femme mystérieuse et incroyablement puissante qui la désire ardemment. Ainsi débute le parcours semé d’embûches, de magie et d’obscurité de Lyrsha. Chant mortel est le premier volet de la saga "Vampire Soldier".
À PROPOS DE L'AUTRICE
Abigaïl Coralie a commencé à écrire des romans bien avant d’atteindre l’âge du collège. L’écriture est pour elle une porte ouverte vers un univers nouveau, empreint de magie, où elle peut se réfugier et donner vie à toutes les idées étranges qui lui traversent l’esprit. Elle considère ce don comme un précieux présent qu’elle aspire à partager avec le monde entier.
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Seitenzahl: 319
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Abigaïl Coralie
Vampire Soldier
Tome I
Chant mortel
Roman
© Lys Bleu Éditions – Abigaïl Coralie
ISBN : 979-10-377-9849-7
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
L’homme a besoin de ce qu’il y a de pire en lui pour parvenir à ce qu’il y a de meilleur.
Friedriech Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra
Non, n’y pense pas, Mérédith ! Trop… trop longtemps enfouis. Je ne dois pas ramener les fantômes. C’en est trop ! Je ne supporte plus la mort ! C’est…
Son sourire me promet des merveilles, et sa main me tente.
Ses yeux brillants de mélancolie semblent un instant un océan de haine et de désespoir, mais je n’y fais pas attention.
Des larmes chaudes coulent dans mon cou. Je suis désolée ! Je veux juste être aimée !
Tout en elle est un mensonge. Une calomnie du bonheur. Je hurle et elle disparaît dans un brouillard, son sourire larmoyant aux lèvres.
Je reprends conscience de mon corps.
Je lui ai pris la main malgré tout…
Et tandis que ma nouvelle vie commence, une vie pour laquelle j’ai changé à jamais, une petite voix trotte dans ma tête…
Tu as pactisé avec le Diable, Merry…
Les lambeaux de ma tunique en cuir semblaient vouloir me dénuder et s’échapper un par un dans le vent du crépuscule. Je les retenais tant bien que mal d’une main tandis que je courais vers le manoir. Certains collaient à mes blessures à cause du sang. Je ne ressentais pas de douleur, mais la sensation d’étirement de ma peau était dérangeante.
La forêt s’éloignait peu à peu derrière moi, me laissant une empreinte de nostalgie mêlée de fierté comme d’habitude. De mon bras le plus amoché s’échappaient des gouttes écarlates, s’éparpillant au gré du vent que je provoquais dans mon empressement. Je courais sans me soucier d’où je mettais les pieds et j’allais à une vitesse folle.
La silhouette imposante du manoir se profila enfin à l’horizon. Je ralentis. La lune s’était levée et j’eus des frissons à cause de ma transpiration qui refroidissait. Je pensai à m’arrêter quelques minutes pour me nourrir, mais mon frère était déjà trop enragé pour que je le fisse attendre un quart d’heure de plus. Bien sûr, je ne comptais pas me presser, mais j’ai toujours eu une bonne intention en premier lieu.
Je marchai durant les quelques kilomètres qui me séparaient de mon immense demeure, jouissant de la clarté lunaire, de l’air frais, de la solitude, et des derniers instants de tranquillité qui s’offraient à moi.
La cour me donna une impression de léger abandon. Était-il possible que pendant le laps de temps durant lequel je m’étais absentée – dont je n’avais aucune idée de la durée, je l’avoue – Craig l’ait négligée, car rongé par l’inquiétude ? Je souris à cette pensée ironique, puis cela me revint. Hadriel, qui s’occupait du jardin à temps partiel, s’était absenté avant ma disparition… imprévue.
Je m’armai de courage, me préparant mentalement à la violence certaine de mon entretien avec mon grand frère.
Je sonnai deux fois, l’appréhension me tordant le ventre. Quelques secondes, qui me parurent une éternité, passèrent.
— Faites-la entrer, déclara finalement Craig, d’un ton passablement irrité.
Je m’inspectai une dernière fois : mes bas étaient en lambeaux et mon corsage tâché de sang. Le vent passa dans mes cheveux emmêlés au possible. J’étais partie à la chasse et j’allais le regretter amèrement. Il faut dire que ce n’était pas la première fois ce mois-ci. J’avoue que j’avais dépassé les bornes. Mais bon… tout le monde est déjà allé trop loin dans sa vie, non ?
Soudain, les gigantesques portes s’ouvrirent sur un majordome impassible.
— Votre frère vous demande, Mademoiselle.
Et voilà ! L’heure de vérité... Tandis que j’arpentais les couloirs déserts, ma gorge se noua. Je déposai le peu de ma sacoche qu’il me restait sur un fauteuil en cuir rouge, style vintage. L’absence de bruit était anormale.
Comme un tambour, mes pas m’annonçaient le glas de mon insouciance. Bon, calme-toi, Lyrsha, ça ne va pas être pire que d’habitude, me dis-je. Il allait crier un bon moment et me laisser vaquer à mes occupations après m’avoir fait promettre de ne pas recommencer.
Je poussai doucement la porte du bureau et vis mon frère faire les cent pas en rond. Il allait finir par trouer le plancher. Il me sentit tout de suite.
— Lyrsha Annabott, approche, espèce de petite imbécile irresponsable !
L’exclamation retentit à mes oreilles, me faisant tressaillir. Malgré tout, je gardai mon sang-froid et m’approchai, un sourire aux lèvres.
— J’en ai autant à ton service, Craig. Quoi de neuf ?
La colère se lisait dans ses yeux.
— Lyr, crois-moi, je te tuerai un de ces jours. Ou bien c’est toi qui me tueras. Est-ce que c’est si dur de respecter une simple règle ? Je t’ai répété un million de fois de ne pas te battre contre les Gardiens des Portes !
— Hé frangin, calme-toi ! Ce n’est pas un drame...
— Pas un drame, répéta-t-il effaré par mon ton désinvolte. Tu aurais pu te faire tuer, Lyrsha !
— Mais je ne suis pas morte, répliquai-je en haussant le ton. Quand est-ce que tu...
Craig, hors de lui, me gifla la joue droite si fort qu’un filet de sang coula à la commissure de mes lèvres. Il avait néanmoins raison. J’avais dépassé bien des limites. Je grimaçai.
— Craig, tu sais bien que je déteste quand tu fais ça, lui reprochai-je en passant ma langue sur mes lèvres.
— Je n’en ai rien à faire. Tu crois que ça me plaît que tu te fasses tabasser ?
Compatissante à son inquiétude, je le pris par les épaules, écartant une mèche blonde de son beau visage.
Si ce n’était pas mon frère, j’aurais pu craquer à mort sur lui. Ses yeux bleu-gris, sa taille et ses muscles parfaitement dessinés, sa voix profonde et sensuelle...
Mais plus que son apparence, il émane de lui une aura protectrice et reposante. Il déchiffre parfaitement les âmes les plus complexes.
— Je ne me fais pas tabasser, le rassurai-je avec un petit sourire. Je suis bien trop forte pour ça...
Il m’attrapa par le poignet.
— Lyr, déclara-t-il, adouci. Ce n’est pas parce que nous sommes ce que nous sommes que nous devons déroger aux règles et mettre nos vies en danger. Ce n’est pas un jeu.
Peut-être pas pour lui, mais pour moi, ça n’avait toujours été qu’un jeu, une fantaisie perverse qui faisait monter l’adrénaline. Mon frère et moi avions des personnalités très opposées.
— Je le sais, Craig. C’est juste que parfois, mon instinct reprend le dessus. Je te promets que c’était la dernière fois.
— Ta parole ne vaut rien. C’est pourquoi tu seras consignée au manoir pendant un mois.
La rage me fit frapper la table de mon poing, même si je savais qu’il avait raison. C’est comme ça avec moi, il faut que j’aie le dernier mot, sinon je me mets en rogne. Une coupe emplie de vin tomba sur le sol, tachant le tapis brodé à la main.
— Tu n’as pas le droit, déclarai-je, irritée à mon tour. Je sais ce que je fais, je ne mourrai pas !
— Tu sais très bien que ça ne marche pas comme ça... je sais ce que tu ressens, Lyr.
— Non tu ne sais pas, fis-je plus calmement. Tu ne le sauras jamais.
Je me détournai élégamment, claquai la porte le plus fort possible et montai dans ma chambre. Au plus profond de moi, je voulais pleurer, mais je me sentais trop forte.
Il ne saurait jamais.
Et c’était vrai. Les vampires ne ressentent pas de colère. Mais ce feu en moi qui attise ma soif de massacres plus violents les uns que les autres, c’est bel et bien de la colère.
Dans ma chambre, passablement énervée, j’essayais d’imaginer ce que je pouvais faire ici, confinée pendant un mois. Je songeai un moment à briser tous les objets avec une quelconque valeur dans la pièce, pour me venger un peu, mais je me serais pénalisée moi-même donc je m’abstins.
Je pris ma peluche dans mes bras. La seule que j’avais jamais eue : un dauphin gris, plutôt délavé maintenant, que j’avais gagné à la fête foraine la semaine après le commencement de ma nouvelle vie. Il s’appelle Nathaniel, et peu de personnes savent que je l’ai.
Je le caressais machinalement, tandis que je marmonnais des insultes à voix basse. Oui, quand je suis énervée, j’ai tendance à beaucoup râler.
Je me rendis soudainement compte que je mourrais de faim. Mon estomac faisait des siennes. Je soupirai. Qui ou quoi que nous fussions, nous restions esclaves de notre corps.
J’appuyai sur une sonnette et donnai des instructions dans l’appareil ressemblant vaguement à un téléphone à la voix qui me répondit.
Quelques minutes plus tard, un garçon d’environ vingt-cinq ans arriva ; il portait un bracelet gothique au poignet. Je le toisai hostilement.
— Je ne t’ai jamais vu ici. Tu es nouveau ?
— Je suis arrivé hier, déclara-t-il le sourire aux lèvres. Je m’appelle Jack.
Bien évidemment, je ne fis aucun effort pour retenir son nom.
— Les règles sont les suivantes : tu n’as pas le droit de me toucher. Et ne parle pas non plus. Quand j’ai faim, je deviens irritable et violente. Enlève ta chemise.
Il s’exécuta. Je le détaillai et grimaçai. Il était un peu chétif, mais ça irait pour le moment. Généralement, j’avais des habitués pour ce genre de choses. Mais Hadriel était absent, et Kais… en fait, je n’avais aucune idée d’où il se trouvait, et je l’engueulerais plus tard pour ça. Pour le moment, la faim m’obligeait à me contenter de ce que j’avais sous la main.
Je saisis l’esclave de sang par le bras et plantai mes crocs dans la partie la plus tendre de son cou.
Le sang, chaud et épais, se déversa dans ma bouche et dans ma gorge avec cette sensation de chaleur agréable et substantielle. C’était un tel délice après mes deux jours d’escapade !
Quand ma nourriture se mit à suffoquer, je sus qu’il fallait que je m’arrête. Je poussai un soupir et détachai ma bouche de son cou avec réticence.
Les marques de ma morsure brouillonne prouvaient à quel point j’étais faible. Ça allait déjà mieux. Malheureusement, un seul calice ne pouvait suffire à remplir un estomac vide depuis deux jours...
Le pauvre jeune homme qui m’avait servi de repas, lui, semblait comme anesthésié. Les enzymes contenus dans ma salive agissent comme une drogue sur les humains.
Je léchai consciencieusement la plaie avant de le relâcher, pour éviter les risques d’infection ou je ne sais quoi d’autre.
Après l’avoir renvoyé, je m’assis sur mon énorme King size pour réfléchir, avec mon doudou dans les bras.
Cela faisait environ deux siècles que je vivais. Mon frère avait été transformé en 1845, et moi cinq ans plus tard. C’était, semble-t-il, notre destin.
Nous avions passé la Porte en même temps, après que nos parents avaient mystérieusement disparu. Cela faisait environ cent cinquante ans.
J’avais vingt-deux ans pour l’éternité, et ce n’était pas plus mal.
Le Lans était une contrée tranquille, ressemblant à s’y méprendre à l’Angleterre. La seule différence, c’est qu’elle se trouvait dans une sorte de monde parallèle. En fait, l’univers, c’est comme les vêtements d’hiver. Il y a plusieurs couches métaphysiques superposées. Le Lans est superposé à la Terre telle que je l’ai connue, et est accessible par des passages d’énergie protégés par les Gardiens. On ne sait pas trop d’où ils viennent ceux-là. C’est une espèce vouée à la même tâche pour des millénaires : empêcher les créatures surnaturelles de traverser. À ma connaissance, aucun humain n’a jamais entendu parler de ces passages.
Bien évidemment, c’est Craig qui m’a parlé de tout cela, choses qu’il avait lui-même apprises du Conseil.
Craig... j’aurais pu le tuer tellement j’étais en colère contre lui.
Il ne cesse de me traiter comme un enfant. J’ai pourtant essayé de suivre ses conseils et ses indications, mais c’était plus fort que moi.
Deux jours plus tôt, je m’étais rendue dans la forêt noire de Mira pour chasser, l’un de mes passe-temps favoris. Cette fois-ci, j’avais évité tous les portails donnant sur l’autre monde. Mais un connard de chasseurs de goules avait mal tendu son piège et je m’étais retrouvée coincée. Franchement, quel imbécile espère trouver des goules dans une forêt ? En attendant, j’étais perdue et coincée.
Un simple concours de circonstances, ce n’était tout de même pas de ma faute ! Ce malheureux incident m’avait finalement – bon, j’avoue que j’y étais aussi un peu pour quelque chose – conduit dans le repaire de Gardiens... qui ne me portaient pas dans leur cœur. J’en avais autant à leur service.
Je m’étais donc battue comme une bête, prenant mon pied à massacrer seule cette bande de monstres difformes. Je ne les tuais que rarement, faisant simplement durer le plaisir en les blessant.
J’avais ensuite pris une journée pour retrouver mon chemin. Je m’étais rendu compte que je m’étais égarée dans une partie de la forêt qui m’était inconnue. Pourtant, une partie des évènements ne me revenait pas. Peut-être m’étais-je évanouie ? Seulement voilà : les vampires ne s’évanouissent pas.
Lasse de réfléchir à toute cette histoire, je plongeai la tête sous un de mes oreillers moelleux.
— Tu sais quoi ? Je ne vais pas dormir tout de suite, chuchotai-je à Hadriel le Dauphin.
Décidément, ma faim ne se calmait pas.
Je décidai d’arrêter de faire la tête et de descendre à la cuisine. Évidemment, le repas n’était pas prêt. Oui, je mange également de la nourriture solide. Ça aide à tenir pendant un moment sans hémoglobine.
J’ouvris le placard où se trouvaient les verres en cristal et cherchai la bouteille de whisky, qui était manifestement terminée. Je me rabattis donc sur le vin et me servis deux coupes d’affilée.
— Selon toi, le vin est pour les grandes occasions.
La voix de mon frère dans mon dos me fit sursauter.
— C’en est une, répondis-je. Mon frère a pété un câble. Et en plus, il n’y a plus de whisky.
Il éclata de rire tandis que je me resservais un verre. Je commençais à sentir les effets bénéfiques de l’alcool qui se répandait dans mon organisme, mais ça ne brûlait pas encore assez.
— Alors c’est bon ? Tu as fini de faire ta crise d’adolescence ?
Je me retournai et le foudroyai du regard, ce qui sonna un peu creux étant donné que je souriais à moitié.
— Tu lèves la punition ? demandai-je sans vraiment d’espoir.
— Tu sais très bien que je ne peux pas. C’est pour ton bien Lyrsha.
— Je sais. Je culpabilise de te traiter de cette manière, mais tu te prends trop au sérieux, quelques fois.
Il rit encore devant ma mine boudeuse. J’ai toujours eu tendance à faire comme une enfant de six ans quand je suis contrariée.
— Je t’aime petite sœur, déclara-t-il le sourire aux lèvres.
— Moi aussi je t’aime. Parfois.
Il me prit dans ses bras et j’acceptai son étreinte.
Encore ce rêve.
Je me réveillai en plein milieu de la nuit, en sueur, cherchant désespérément de l’air alors même que je n’avais plus besoin de respirer.
Depuis un an, les soirs de pleine lune, je faisais le même rêve. Avait-il une quelconque signification mystique ? Peut-être une vision prémonitoire... Enfin, je ne l’espérais nullement.
Je courais dans la nuit noire où l’on voyait à peine, le bruit de mes pas affolés résonnant comme autant de tambours. Le ciel était de sang, rougeâtre, et la lune ne procurait aucune lumière. Il faisait excessivement chaud, les feuilles des hauts arbres étaient immobiles, faute de vent. Le paysage ressemblait à un tableau horrifique. Et j’étais poursuivie. Jamais encore je n’avais vu le visage de l’homme ou la femme qui voulait me tuer. Simplement une ombre, des pas lourds dans la pénombre ambiante, l’odeur du sang sur ses vêtements… Cet être était-il seulement fait de chair et de sang ? Puis il m’attrapait le poignet et je me réveillais transpirante et en sursaut.
N’arrivant pas à me rendormir, je sortis par l’une des nombreuses portes de service et m’assis ensuite sur l’un des bancs qui entouraient le domaine. Enfin détendue, j’appréciai la lumière blafarde de la lune se reflétant dans l’étang, le calme seulement troublé par le cri enthousiaste des grillons. La nuit est belle, pensai-je. Il est vrai que plus d’étoiles brillaient que d’ordinaire ce soir-là. Peut-être grâce au beau temps, anormalement chaud ?
Soudain, je ressentis une pulsation sourde, inappréciable et constante à la base arrière de mon crâne. C’était beaucoup plus violent qu’une migraine. J’avais l’impression que ma tête explosait de l’intérieur, et je m’attendais à voir du sang sortir de mes oreilles et de mon nez, mais rien de tel ne se passa, pour mon grand soulagement.
Je gémis inaudiblement, réprimant mon envie de hurler. Puis je me transformai en gros loup noir, mon animal favori. Ma peau se tendit sur mes os qui s’étiraient douloureusement. Mes canines triplèrent de volume, ma mâchoire s’allongea et mes yeux s’étirèrent vers mes tempes. Je tombai et atterris sur quatre pattes animales. Mes bras et jambes avaient rétréci, ma peau s’était couverte de fourrure dans un bruissement, mes oreilles étaient maintenant pointées vers le ciel, surmontant un faciès triangulaire.
Plus grosse qu’une louve normale, je courais deux fois plus vite et avais deux fois plus de force sous cette forme, mais je ne pouvais pas l’utiliser de la même manière que quand j’étais sous ma forme humanoïde. La vie et ses compromis !
Je savais que mes yeux gris étincelaient maintenant de douleur et de colère et de... faim. Comme à chaque fois. J’avais mal, et je voulais voir le sang couler, la chair se fendre sous mes ongles et des ecchymoses se former sous mes poings.
Je sautai par-dessus la barrière du parc et m’élançai sur le sentier pavé. Je savais déjà où j’allais, l’endroit où mes pas me conduisaient toujours malgré moi, la forêt noire de Mira. J’étais liée à cet endroit comme un démon est lié à l’enfer, ou un junkie à sa coke.
Je courus de toutes mes forces, tout pour ne plus sentir cette sensation indéchiffrable de lourdeur et de fatigue. Tout juste si je ne tremblais pas.
Je courais si vite que le paysage tournait au rouge sang dans ma vision périphérique, mais je n’en avais cure. Ce qui m’importait seulement, c’était ma guérison. J’aurais pu me briser un membre que j’aurais continué à avancer, boitant dans l’herbe folle.
Je sentis mes yeux rougir. C’était un phénomène inexplicable, même par moi. Mes yeux flamboyaient, leur pupille devenant écarlate et leur iris devenait tricolore, trois nuances de rouge au lieu de trois nuances de gris. J’avais un jour observé le truc devant le miroir et cela m’avait effrayé. Beaucoup de choses se passaient en moi sans que je sache si c’était normal.
Craig m’avait un jour expliqué comment nous nous transformions en animal. Les vampires ont en général cinq marques d’énergie distinctes appelées « feux vampiriques » : le Sceau, celui qui nous anime, la Plume, qui nous distingue des autres créatures de la nuit comme les goules, l’Anneau, qui lie les différentes marques entre elles, le Vent, qui nous confère nos pouvoirs psychiques, et la Brume qui nous permet de changer de forme. Cette dernière nous donne une des facultés des lycanthropes : transformer notre corps humain en une enveloppe animale par la transformation et altération cellulaire. Je n’avais certes pas tout compris, mais la première fois que je pus me transformer, je devins un loup. La raison pour laquelle il m’en avait parlé est que j’arborais une sorte d’anomalie énergique appelée la Rare. C’était un sixième feu qui apparaissait sur un vampire tous les trois siècles. Autant vous dire qu’on n’est pas beaucoup à le posséder ! Apparemment, personne n’a encore réussi à trouver l’utilité de la Rare, mais je m’en fiche.
Haletante après tant de kilomètres parcourus, la langue pendante, j’arrivai à la lisière de la forêt. N’entre pas ! Je donnai une claque mentale à ma conscience, cette voix intérieure qui était beaucoup trop raisonnable. Il fallait que cette douleur se résorbe, et je connaissais la malheureuse solution qui allait par la même occasion m’apporter des ennuis.
Je hurlai à la lune, pas de douleur cette fois, mais plutôt de haine envers moi-même et envers tout le monde. Personne ne pouvait m’aider à faire disparaître mes problèmes.
Je m’enfonçai dans le bois avec aisance, malgré les branches et les racines dressées sur mon chemin. Je n’aurais que quelques écorchures le lendemain de toute façon.
Sur ma droite brillait cette fameuse lumière ocre qui indiquait une Porte de Transfert.
Comme hypnotisée, je courus vers le halo de lumière. Une énergie très puissante se dégageait du cadre flou et se mêlait à la mienne, ou plutôt l’enveloppait, comme un doux manteau de fourrure. L’aspect même de la porte était médiocre, mais la force qui s’en dégageait m’obnubilait et restreignait le monde à cette petite parcelle de terre lumineuse.
La tentation de traverser la porte était forte, mais les gardiens n’étaient pas loin. Je les sentais. Cette constatation me sortit soudainement de ma transe. Un grognement sourd s’échappa involontairement de ma gorge, et je me concentrai. Ma fourrure se rétracta, mes pupilles redevinrent normales, mes os se ressoudèrent différemment : je repris forme humaine. Ce n’était que comme cela que je pouvais répartir et utiliser ma force à bon escient, et il me faudrait me battre ce soir.
La douleur dans ma tête s’était atténuée, mais n’avait pas complètement disparu. Je suppose que le portail en avait absorbé une partie. Je perçus un mouvement malgré la pénombre et je me mis sur mes gardes.
Un Gardien se rapprochait subrepticement. Je fis volte-face, dos à la porte.
Mes crocs s’allongèrent et je sentis des flux de pouvoir traverser mon corps. Cette situation, je la connaissais par cœur.
Ils étaient trois. Trois créatures de cauchemar. Des yeux entièrement noirs, contrastant avec leur peau translucide. On voyait les vaisseaux sanguins à travers et le fluide écarlate qu’ils transportaient.
Ces créatures rachitiques faisaient deux mètres de haut. Elles marchaient sur leurs pattes postérieures, les deux autres repliées contre elles comme des serres.
L’une d’elles poussa un cri strident.
Sans doute qu’elle m’avait reconnue, j’avais souvent traîné dans le coin ces derniers temps. Je souris de mon sourire le plus effrayant, un rictus qui dévoilait mes crocs dans une moue affamée.
Ce serait un corps à corps sans arme d’aucune sorte. Trois contre un ? C’était équitable.
Je pris une position de défense, les pieds écartés, les genoux pliés, mes bras protégeant les zones les plus sensibles.
Celui en face de moi chargea. Au dernier moment, je m’élançai d’un saut de toutes mes forces dans le ciel. Quand j’eus assez de hauteur, je me retournai, piquant vers le sol telle une torpille. Je me rappelle avoir mis du temps à m’adapter à cette nouvelle force après mon retour à la vie.
Le gardien n’eut pas le temps de m’éviter et je l’écrasai de tout mon poids.
Les deux autres croyaient avoir plus de chance en m’attaquant en même temps. Mais Youri, mon coach par intermittence, m’avait fait subir un entraînement d’enfer.
Je balançai des coups de poing qui firent couler le sang. Mais je calculai mal mon coup de pied retourné, ce qui permit à l’un de mes adversaires de m’attraper et de me projeter dans l’air.
Gifle le sol de toutes tes forces avec les deux bras.
Grâce à cela, j’absorbai la puissance de l’impact et me relevai aussitôt. Je ne me donnais pas à fond, ça n’aurait pas été amusant.
Quand la douleur dans ma tête cessa pour de bon, calmée par l’adrénaline et la satisfaction de ma soif de sang, et que je décidai que j’avais assez joué, je les mis au tapis sans aucun problème, m’en sortant indemne comme d’habitude. Je repris ma forme animale et pris la direction de la sortie de la forêt.
Des pas résonnaient derrière moi.
Et merde ! Il y en avait d’autres à ma poursuite…
D’après le tumulte lointain, ce n’étaient plus deux ou trois Gardiens qui étaient à mes trousses, mais une meute. Des dizaines. La dernière fois que j’avais combattu un troupeau de cette taille, je m’étais blessée au visage, à la jambe, et je pouvais à peine marcher.
Je courus de toutes mes forces en direction du manoir, sentant un regain d’énergie, et adressant mentalement une prière pour que personne ne soit réveillé à la maison.
Les pas se rapprochaient rapidement, mais il me restait encore des ressources.
J’accélérai. Un moment même, je crus que mon cœur avait recommencé à battre... Et je sortis de la forêt. Je n’avais pas peur d’eux, l’adrénaline était montée suite à une vision importune de Craig m’attendant sous le porche, les bras croisés. Bien sûr, ce n’était que mon imagination.
Je continuai de courir, voulant plus que tout arriver à destination avant le lever du soleil, avant le réveil de Craig.
Plus calmement, je sautai par-dessus la clôture et repris forme humaine. Je restai un moment haletante, reprenant mon allure naturelle de vampire : pas de respiration, mon cœur arrêté. Les Gardiens ne pouvaient pas me courser au-delà de la grande clôture qui entourait le pré au milieu duquel se trouvait mon manoir.
Je montai quatre à quatre les escaliers menant à ma chambre, le plus furtivement possible.
Ma robe de chambre était méconnaissable, déchirée par endroits, tachée de boue et du sang de mes ennemis, mais je n’avais pas le temps de me changer. Je plongeai sous mes couvertures, feignant de dormir. Trois minutes, quatre minutes passèrent...
Je me détendais progressivement. Soudain, la porte s’ouvrit, laissant passer un rai faible de lumière.
J’en étais sûre ! Il ne peut pas s’en empêcher ce con.
Craig était venu vérifier si je dormais. Dans le noir, je levai les yeux au ciel...
Je sentis son regard peser sur moi pendant de longues secondes, puis il referma la porte et redescendit.
J’attendis un peu de temps avant de me lever et faire un tour dans la salle de bains pour rincer le sang qui avait séché sur moi. Puis je changeai de pyjama, me couchai, et, en quelques minutes, m’endormis.
Mon sommeil ne dura que trois heures. Il était sept heures et le soleil était levé. Je n’étais pas fatiguée pour autant, j’avais plus faim que sommeil.
Je décidai de reprendre une douche avant de manger.
Je restai sous l’eau brûlante pendant une heure, appréciant la manière dont elle m’empêchait de réfléchir, en me plongeant dans une torpeur bienfaisante. À regret, je sortis et m’épongeai avec une serviette. De mon placard, j’extirpai une robe bustier courte, blanche avec des roses rouges comme motif.
Par l’interphone, je demandai qu’on m’envoie Kais, puis m’assis sur le lit en attendant. Quelques minutes plus tard, il arriva. Je vous le jure : si mon cœur n’avait pas cessé de battre quelques siècles plus tôt, j’aurais eu une crise cardiaque sur le champ.
Il était si beau ! Et l’idée que cette magnificence n’appartenait qu’à moi me ravissait plus qu’autre chose.
Kais est un elfe métissé mesurant un mètre quatre-vingt-cinq. Ses yeux et ses oreilles seuls trahissent ses ascendances elfiques.
Ses oreilles sont grandes et pointues, comme celles d’un félin, et frémissent à la moindre contrariété. Elles sont serties d’anneaux argentés, des piercings qui ressortent magnifiquement bien sur sa peau mate.
Ses yeux, quant à eux, sont les plus complexes et magnifiques que j’aie jamais vus. Ses iris tricolores, avec trois cercles de verts différents, allant du plus clair au plus foncé, sont comme parsemés d’éclats de cobalt intense.
J’ai toujours adoré ses yeux. Ils mettent la plupart des gens mal à l’aise, mais moi je les trouve fascinants.
Le reste de son physique évoque tout sauf les elfes. Ce peuple, dont le physique évoque celui des danseurs classiques, ne lui a rien légué, mises à part sa grâce et son agilité naturelle.
Kais est imposant avec sa haute taille, sa mâchoire carrée, ses larges épaules, ses longues jambes musclées comme celles d’un sportif de haut niveau et ses abdominaux saillants. J’avais d’abord pensé qu’il était à moitié humain par son père, mais son métissage n’a rien d’humain : son père est un démon. Un incube plus précisément. Et Kais a hérité – pour mon grand bonheur – de son pouvoir d’attraction physique et de sa sensualité naturelle.
Je me suis toujours sentie minuscule à côté de lui, du haut de mon mètre soixante-cinq, mais mes longs cheveux me font paraître un peu plus grande. Ils m’arrivent un peu plus bas que la taille. J’aimerais bien couper un peu cette masse auburn et ondulée, mais si je le fais, je regretterai parce que les cheveux d’un vampire ne repoussent pas, à moins que leur propriétaire ne fournisse beaucoup d’énergie métaphysique. Donc je les laisse en l’état, car je n’ai pas envie de me fatiguer.
Kais les a aussi longs que moi, mais ils sont noir ébène et bouclés. Lui aussi est en admiration devant mes yeux gris. Bien qu’à première vue ils n’aient rien de spécial, le fait qu’ils changent quelques fois de couleur le fascine.
Je me levai et il s’approcha de moi de sa démarche fluide, avec un petit sourire en coin.
— Vous m’avez fait appeler, maîtresse ? me demanda Kais.
— Oui mon cœur. J’ai besoin de me nourrir et personne d’autre que toi ne m’apporte ce dont j’ai besoin, lui répondis-je, perdue dans son regard.
— Lyrsha... si votre frère apprend la teneur de vos sentiments envers moi...
— Ne t’ai-je donc point manqué ? le coupai-je. Cela fait quatre jours que nous ne nous sommes pas vus. Je suis en manque de toi, Kais, alors ne parle pas de mon frère, je te prie. Il m’agace !
Il sourit. Bien sûr que je lui avais manqué. Il avait parlé de Craig uniquement pour me taquiner.
— Ma douce, pas une minute ne passe sans que je pense à vous, rit-il.
— Alors qu’attends-tu pour m’embrasser ?
Et pour me montrer sa bonne foi, il renversa ma tête en arrière et plaqua ses lèvres sur les miennes. C’était un baiser chaud, doux. Nous jouions, comme chaque fois.
Kais était maintenant habitué à mes désirs. J’aime ce qui est brutal, sauvage, à la limite du sadisme.
Il me plaqua contre le mur. Nous ne jouions plus désormais.
Sa langue explorait ma bouche avec force, il mordillait mes lèvres, me contrôlait.
Je gémis de désir et de plaisir. Quatre jours c’était long, surtout quatre jours sans ça...
— Kais, gémis-je enfin, quand ses lèvres quittèrent les miennes au profit de mon cou. Je t’en prie !
Il ne répondit pas, sachant très bien ce que je voulais et prenant plaisir à me torturer.
Puis soudain, il me laissa glisser au sol puis s’allongea au-dessus de moi, à terre. Il releva ma robe, découvrant mon bassin. Il déchira ma culotte et je me mis à respirer par saccades. Je pensai une seconde qu’il fallait que je contrôle cette respiration pour ne pas m’étouffer bêtement, mais bientôt, mon esprit fut envahi par Kais, son corps, sa chaleur, sa présence.
Il glissa ses doigts sur la partie la plus sensible de mon anatomie, me titillant, me poussant à bout.
— Crois-tu vraiment que ça ne m’a pas manqué ? murmura-t-il à mon oreille. Que ton corps, ta bouche ne m’ont pas manqué ? Que te faire gémir, te faire jouir ne m’a pas manqué? Vous me prenez donc pour un monstre, maîtresse ? Nous allons remédier à cela...
Pendant son monologue, ses doigts étaient entrés en moi. Ils allaient et venaient de plus en plus vite, m’arrachant de petits gémissements, me faisant regretter mes paroles provocatrices.
— Je te taquinais, Kais, répondis-je les yeux fermés, la voix haletante. Donne-moi ce que je veux. Je t’en supplie.
Soudain, les va-et-vient cessèrent, me laissant frustrée, mon sexe palpitant. J’entendis le froissement indiquant qu’il enlevait son jean, puis il approcha son poignet de ma bouche.
Je sentis le sang palpiter sous sa peau, si proche, si appétissant… Je humai l’odeur musquée de sa peau, suivis du bout de la langue ses veines chaudes. Je mordis délicatement à son poignet et son corps frissonna. Il me pénétra, me prenant par surprise, pendant que son fluide vital coulait dans ma gorge, m’apportant force, énergie et réconfort. C’était magique, la conjugaison des deux sensations, lui en moi et la chaleur qui envahissait ma gorge. L’inconfort de notre position était loin derrière.
Chaque coup de rein dont il me gratifiait, de plus en brutal, nous amenait plus près du point de non-retour. Il gémissait aussi, au-dessus de moi, tenant à peine. Mes crocs enfoncés dans sa peau lui procuraient, comme je le savais déjà, une sensation de plaisir indescriptible.
Puis dans un ultime assaut de mon intimité, la vague de plaisir nous submergea, ensemble, nous laissant à la fois vides, et pleins de cette énergie nouvelle, du fait d’être ensemble.
Un bruit se fit entendre dans les escaliers. Après deux siècles de vie commune, je reconnaissais les pas de Craig.
Il ne peut pas rester en place celui-là ! Je ne suis plus à l’école, putain...
— Ciel, mon frère ! Cache-toi !
Amusé par mon ton théâtral, Kais se releva, récupéra son jean en riant sous cape, et s’enferma rapidement dans la salle de bains.
Au moment où la porte se refermait sur lui, Craig entra. Il paraissait calme.
— Bonjour, ma chère sœur. Comment as-tu dormi ?
— Oh, ce que tu peux être cérémonieux ! Je te préfère quand tu me traites d’emmerdeuse, le taquinai-je.
Les vampires, comme je l’ai déjà souligné, ne ressentent pas la colère. Mais l’agacement, si. Et vu la tête de Craig, je l’agaçais prodigieusement.
— Pourquoi as-tu fait appeler Kais ?
— J’avais besoin de me nourrir. J’ai le droit, non ?
— Eh bien… amorça-t-il.
— Question rhétorique, le coupai-je sèchement. Qu’est-ce que tu veux ?
— Tu es sortie de ta chambre hier soir ?
— Non.
— Parce que j’ai entendu du bruit et...
— J’ai simplement fait un cauchemar, j’ai pris une douche. Va-t’en maintenant.
— Lyrsha, je suis ton frère. Tu pourrais me laisser te parler au moins.
Il n’avait pas encore saisi la bizarrerie de la situation, moi avec ma robe déboutonnée, échevelée, et lui, voulant absolument que je rende des comptes.
— Craig, je suis ta sœur. Alors, à moins que tu n’aies envie de me voir à poil, tire-toi de ma chambre pendant que je me change, aboyai-je.
Il voulut ajouter quelque chose, se ravisa, secoua la tête et redescendit les escaliers.
Je fermai la porte et me laissai tomber sur mon lit. Nous l’avions échappé belle ! Ce que je faisais n’était pas répréhensible en soi. Après tout, je suis grande, je peux faire un peu ce que je veux. Mais je ne savais pas, ou plutôt, je savais trop bien comment mon frère réagirait face à mon style de vie hédoniste. Ce n’est pas parce qu’il ne ressent pas la colère qu’il ne peut pas être outré, ou dire des choses qu’il regrettera après coup…
Ma journée s’annonçait extrêmement longue.
Craig m’avait annoncé que je devais reprendre l’entraînement avec Youri. Pourquoi ? Parce qu’il savait à quel point ça m’emmerdait. Et comme je n’avais pas arrêté de le faire chier depuis quatre jours, il prenait sa revanche.
Bon, c’était plutôt parce qu’il avait peur que je me fasse tuer en agissant comme une irresponsable, mais je n’aime pas admettre que mon frère fait des choses gentilles : ça me fait culpabiliser.
J’enfilai un jogging et me rendis dans la salle de gym. Elle faisait deux fois la taille du salon. C’était... impressionnant. Comme si pour le traverser de bout en bout il fallait obligatoirement une bouteille d’eau et un sac de couchage.
Youri soulevait des poids dans un coin. Je me demandais si je devais ou pas le prendre par surprise quand il me remarqua. Tant pis.
— Lyrsha ! Ça fait longtemps, tu ne trouves pas ?
— Pas assez longtemps à mon goût, grimaçai-je.
Il afficha l’énorme sourire que j’avais appris à détester. Je roulai des yeux théâtralement.
— Toi aussi tu m’as manqué, railla-t-il. Enfin, surtout ton cul sublime...
Le problème avec Youri, ce ne sont pas seulement ses blagues salaces et son manque de respect envers moi. C’est qu’avec ses deux mètres dix et son corps de catcheur, il me fait me sentir inférieure. Et à cause de ça, il se croit tout permis.
— Ne commence pas Youri. Et profite bien de la vue parce que c’est tout ce que tu auras. Interdiction de toucher.
— Oh ! Tu me déçois, je croyais qu’on avait dépassé ce stade. Tu aurais dû me dire tout de suite que tu étais lesbienne, on aurait gagné du temps.
Je levai les yeux au ciel, encore. Ce mec se croit irrésistible parce qu’il a des muscles, une grande gueule, et qu’il est un loup-garou, mais il est misogyne et totalement insupportable.