50 nuances d'entre deux - Sawaen K - E-Book

50 nuances d'entre deux E-Book

Sawaën K.

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Beschreibung

Plongez au coeur d'une édition spéciale sur les dessous d'une épopée rocambolesque! Dans le Monde Enchanté, les ténèbres menacent une fois de plus d'engloutir toute la lumière, laissant le destin suspendu à un fil fragile. Face à cette nouvelle épreuve, seuls les esprits intrépides d'une ligue de justiciers pourront percer les mystères qui planent et éradiquer le Mal Absolu qui rôde. Leur courage les entraînera dans une aventure épique où la magie, la loyauté et la découverte de soi se mêleront pour rétablir l'Équilibre entre le Bien et le Mal. Alors que le crépuscule teinte l'horizon, nous vous révèlerons des témoignages insolites, des introspections intimes et même des imbroglios à dénouer grâce à un doigté légendaire! Alors, ne zappez pas ! Retrouvez-nous après le jingle dans Les Feux des Enchantés !

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Seitenzahl: 205

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Précédemment dans Les Chroniques d’Ici et d’Ailleurs

Les humains, porteurs à la fois de sentiments positifs et négatifs, sont à l’origine de la naissance d’entités vivant au sein de mondes emplis de magie. D’un côté, le Monde Enchanté et ses fêtes féeriques ; de l’autre, le Monde Désolé et ses célébrations ténébreuses.

Équilibre immuable du fondement de l’univers.

Et si l’Héritier du Père Noël ne croit plus en son destin ; et si un lutin enthousiaste aspire à embellir sa condition ; et si un cupidon drama se donne pour mission de répandre l’amour, même quand on ne lui a rien demandé…

Imaginez qu’un grain de poussière vienne dérailler l’Équilibre des trois mondes… Nous basculons alors dans un véritable Fiasco Enchanté1 !

1Le Fiasco Enchanté, tome I de la série Les Chroniques d’Ici et d’Ailleurs, paru fin 2022

Clap (n.m) :

Sens 1 – Outil de cinématographie pour annoncer le début d’une séquence de tournage Sens 2 – Onomatopée de la fessée

SOMMAIRE

3… 2… 1… Action !

Clap 1 !

Clap 2 !

Clap 3 !

~Entre deux draps de satin~

Clap 4 !

~Entre deux morsures~

~La Loge des Confessions~

Clap 5 !

~La Loge des Confessions~

Clap 6 !

Clap 7 !

~La Loge des Confessions~

Clap 8 !

~Entre deux jeux de séduction~

Clap 9 !

Clap 10 !

Clap 11 !

Clap 12 !

Clap 13 !

~La Loge des Confessions~

Clap 14 !

Clap 15 !

Clap 16 !

Rendez-vous au prochain épisode…

Investigatrices : Sawaën La Sirène & Emy La Licorne

BIBLIOGRAPHIE DE SAWAËN K.

BIBLIOGRAPHIE D’EMY BLOOM

3… 2… 1… Action !

— Ah, ça suffit avec tes paillettes, Lulu ! Je vais ressembler à une boule à facettes !

— Mais…

— Pas de « mais » ! Ganheart se doit de briller par son charisme ! Je ne suis en rien artificiel, moi ! Zou les pinceaux ! Je suis prêt à illuminer les foules !

Alors que la maquilleuse rebrousse chemin en pestant, je me retrouve enfin seul dans ma loge. Je l’avoue, je suis dans un état d’excitation à faire s’électrifier les houppettes des licornes ! Et pourtant… mon émission est une réussite chez les enchantés ! Je suis le numéro 1 des potins mondains ! Les fées ploient leurs ailes devant moi, les lapins teintent leurs poils à mon image et même les elfes en perdent leur magnificence ! Oui, c’est moi la star du show et aujourd’hui va marquer mon sacrement ultime ! Ce que je m’apprête à présenter est l’apothéose de ma carrière ! C’est pour cela que tout doit être parfait !

Je me redresse et me contemple dans l’extravagant miroir de cristal pour m’assurer qu’aucun joyaux ne se dérobe à la splendeur de ma chevelure aux reflets lilas. Oui mon chou ! Tu es Ganheart, le plus majestueux, le meilleur des présentateurs télévisés du Monde Enchanté ! Et tu vas te nourrir de toute cette gloire qui t’acclame !, m’enflammé-je en lançant un clin d’œil complice à mon reflet. La confiance en soi est la base de toute réussite, merci Père pour ce précieux conseil !

Je prends une grande inspiration et me dirige vers la porte. Je sais qu’une fois franchie, je vais devoir jouer mon rôle à la perfection. Je m’arme de mon plus beau sourire et arrive sur le plateau la démarche triomphante. Nous avons dû revoir quelque peu la décoration pour cet événement si spécial et j’avoue que cela me plaît énormément. Le bureau en croissant de lune a été remplacé par un large canapé en velours côtelé ; mes invités pourront ainsi prendre leurs aises tout en continuant à répondre à mes questions. Pour ma part, je bénéficie d’un somptueux fauteuil aux enjolivures dignes d’un roi. Façonné à partir d’une ossature clinquante en bois de cèdre et d’un dossier rehaussé, j’y ai ajouté ma touche personnelle en y incrustant quelques pierres précieuses sur les accoudoirs. Après tout, je le mérite amplement !

Mais assez d’introspection. J’entends le public s’impatienter. Entre les cris et les acclamations, le studio est devenu un joyeux capharnaüm. Il est temps que je reprenne en main cette foule en délire. Préparez les éventails, ça va souffler la passion !

Alors que je m’approche en saluant l’assemblée, je vois Deario soupirer tout en me remerciant silencieusement. Eh oui mon chou, tu es loin de posséder les qualifications requises pour maîtriser tout ce petit monde. Un simple geste de la main et un silence monacal s’impose. La joie exulte de mon corps alors que le l’anticipation fourmille en moi. C’est l’instant ; le générique démarre. Depuis la régie, Capucine lance le compte à rebours en chuchotant dans son micro :

— Attention ! 3… 2… 1… Action !

— Belles nymphéas et nobles éclatants, bonsoir et bienvenue dans ce nouvel épisode des Feux des Enchantés ! Je suis Ganheart Le Magnifique et je serais votre humble présentateur pour cette soirée inoubliable ! Êtes-vous prêts à être emportés par la tornade de passion ?

— Ouiiiiiiii ! scande l’auditoire sous une salve d’applaudissements.

Galvanisé par cette énergie, je poursuis avec un enthousiasme non feint :

— Vous m’en voyez ravi, mes amis ! Commençons cette édition par les actualités du jour, orchestrée avec maestro par votre serviteur dévoué. Une surprenante information nous est parvenue et, tel un phare lumineux ouvrant le chemin de la vérité, je me devais d’assurer à mon public adoré une totale transparence. C’est pourquoi j’ai envoyé sur les lieux la meilleure rapporteuse de tout le Monde Enchanté. Mïria, ma chère, je vous laisse la parole !

La petite faë aux tifs dorées apparaît alors derrière-moi à l’écran, exhibant un sourire à charmer les étoiles ellesmêmes.

— Bonsoir Ganheart. Je me trouve devant la grande Salle du Conseil où vient d’être jugé le gang de la Dent Dure. Ces chenapans de souriceaux indisciplinés sont connus du milieu pour leurs mauvais tours. Souvenezvous : ils avaient déjà sévi il y a quelque temps en soudoyant les enfants de l’Entre-Deux avec des bonbons dans le but de garder pour eux tout le butin. Cette foisci, ils se sont alliés aux lapereaux pour détourner les Bulles de Rêves des enfants afin qu’ils réclament davantage de chocolat, détraquant les manivelles de la Manufacture du Cacao en triplant les quotas de production.

— Non mais quelle infamie ! m’insurgé-je une main sur le cœur, appuyé par l’assistance toute aussi choquée par de telles ignominieuses pratiques.

— Je ne vous le fais pas dire, Ganheart ! Le fait est que, suite à de longues investigations, notre brillantissime Police des Enchantés a réussi à démanteler le réseau avec brio ! Le juge Alirea vient de rendre son verdict. Dans sa grande sagesse, elle a décidé que les coupables écoperont d’une peine limoneuse : pendant une demi-lune, ils devront entretenir les marais salants qui sont utilisés pour la fabrication des caramels fondants tout en assistant les nutons dans leurs réparations. Une affreuse sanction qui les fera hautement réfléchir à l’avenir ! C’était Mïria Gracia, en direct de la grande Salle du Conseil ! Ganheart, je vous rends l’antenne !

— Je vous remercie, Mïria. Nous pouvons toujours compter sur notre Matriarche de la Cour des Sages pour maintenir l’ordre et surveiller nos enchantés lorsqu’ils s’éloignent du droit chemin ! Un verdict aussi juste qu’équitable, vous en conviendrez, n’est-ce pas mes amis ? lancé-je à l’assemblée attentive qui reprit avec faveur mon engouement. Quelle histoire ! Bien, la soirée est loin d’être finie ! Après une courte pause, nous nous retrouverons pour notre grand reportage inédit ! Je peux vous l’affirmer, c’est un scoop Enchanté et plus encore !

Je vois l’avidité illuminer les yeux de l’auditoire. J’imagine déjà les téléspectateurs devant leurs petits écrans, eux aussi dans l’attente de ces révélations. Les enchantés raffolent de potins croustillants et ce dossier hautement sensible ne va pas les décevoir. Je laisse planer un instant de silence afin que le suspense s’accroît avant de lancer d’un ton mystérieux :

— Je ne peux que vous encourager à rester avec nous… De source sûre, nous avons appris qu’un drame d’envergure a été évité de justesse ! Nous avons mené nos propres investigations et je vous garantis que ce ne n’était pas une mince affaire… Mais l’exclusivité ne s’arrête pas là ! Nous avons eu l’honneur de pouvoir recueillir les témoignages d’enchantés impliqués dans toute cette affaire. Alors, accrochez vos bretelles, préparez vos lunettes de protection, ce qui suit va vous secouer et faire des étincelles ! On se retrouve juste après le jingle !

Les notes familières du sonal folklorique s’élèvent dans le studio et le plateau s’assombrit sous les lumières tamisées. À peine ai-je le temps de relâcher la pression de ma nuque que les assistants convergent vers moi, armés de pinceaux et de poudre magique pour parfaire mon apparence tout en me félicitant de ce préambule. On me remet en main quelques feuillets inutiles. Comme si je ne connais pas parfaitement mon sujet ! Pampa ! Un événement aussi sensationnel ne peut que s’inscrire dans les esprits, foi de Cupidon ! Impossible de réprimer mon sourire en imaginant les réactions de mon public adoré. Nom d’un pétard chamarré, que j’ai hâte de commencer !

Les cloches sonnent enfin la reprise. Je me rassieds dans mon fauteuil et chasse d’une main agacée les techniciens qui vivotent autour de moi. Bien, l’heure est venue !

— Mes tendres et admirables téléspectateurs à l’insatiable appétit, il est grand temps de donner le coup d’envoi de cette édition spéciale ! Vous n’êtes pas sans savoir que notre beau monde adoré s’est vu confronté à une situation périlleuse. Mais heureusement pour nous, de braves esprits se sont unis pour combattre ce Mal Absolu ! Et ce soir, en exclusivité enchanteresse, nous allons tout vous révéler ! Aucun secret ne sera épargné, des témoignages uniques seront partagés depuis la Loge des Confessions afin de nous éclairer sur certains faits et des mystères à retourner vos slips kangourous seront divulgués ! Entre corsets et paillettes, nos héros ont eu du fil à retordre ! Et pourtant, leur doigté légendaire ont dénoué les liens inextricables de cet imbroglio ! Comment ont-ils fait ? Quels dangers ont-ils dû affronter ? Pour vous, maintenant, nous vous dévoilons tout !

L’attente est à son comble ; l’effet est immédiat. Oui, c’est certain maintenant, ce reportage va me rapporter le Micro d’Or des Enchantés !

Clap 1 !

Les jours s’écoulaient paisiblement dans le Monde Enchanté, au rythme cyclique des fêtes célébrées par les humains. Et en ces temps radieux, les rues se paraient des atours entremêlés de ces festivités tourbillonnantes, un kaléidoscope éphémère de couleurs éclatantes qui se chevauchaient en une harmonie fugace.

Pour les êtres de l’Amour, cette période représentait l’apogée de leurs existences. Un temps dédié à la Dévotion de l’être aimé qui glorifiait leurs naissances ; l’essence même des sentiments amoureux. L’effervescence du quartier de l’Amour teintait l’atmosphère d’une palette de rose d’or et de rouge ardent. Les décorations en pâte à sucre, les habits en tulle bouffant, les boissons au parfum prononcé… Chacun apportait sa contribution pour mettre en avant cette féérie romantique. Le sourire aux lèvres, les enchantés rayonnaient telles les étoiles scintillantes d’une belle nuit dégagée, entraînant des batifolages à travers les autres contrées. Les esprits chantonnaient des sérénades et des couples se formaient sous le regard attentif de leurs gardiens ailés. Entre deux regards de connivence, les lapins préparaient des délices ouvragés en chocolat agrémentés d’étincelles dorées, secondés par les marmottes pour les emballages.

De l’aube au crépuscule et des étoiles à l’aurore, des nuées de petits cœurs enchantés arrivaient par vague, se déposant délicatement sur les parterres fleuris et les statues immuables. Ils représentaient les vœux d’Amour Éternel provenant du Monde de l’Entre-Deux. Les apprentis cupidons étaient alors dépêchés pour la cueillette, parfois accompagnés de vénus en formation ou d’aphrodites joueuses, s’en donnant à cœur joie avec pour visée d’accomplir au mieux leurs vocations.

Si la plupart d’entre eux décidèrent de rester dans un périmètre coutumier, Louni et Lolita préférèrent jouer les aventuriers. En tant que protégée de Xochipilli, la jeune déesse en devenir avait toujours été à son aise entourée par la nature, un environnement intensifiant son pouvoir qui ne demandait qu’à s’exprimer. Aussi aujourd’hui décida-t-elle de faire preuve d’audace et de changer ses habitudes.

— Allez Lou ! Je suis sûre que personne n’a pensé à aller vérifier du côté de notre vénéré Yggdrasil !

— Mais c’est un endroit sacré ! s’insurgea son comparse, choqué par de telles élucubrations et des conséquences que cela pourrait engendrer. Ta bien-aimée souveraine ne va sûrement pas apprécier cette intrusion dans son antre utopique !

— Loupinou ! Je suis une de ses favorites ! M’introduire là-bas ne causera aucun problème, bien au contraire ! Sais-tu que seuls quelques élus chez les cupidons connaissent l’endroit exact où il se situe ?

— J’ai entendu dire que rares étaient mes aînés à y avoir accès… acquiesça-t-il.

— Et pour cause : cet arbre recueille les plus pures et les plus sincères déclarations ! Xochipilli les conserve avec attention afin de les remettre aux prédicateurs les plus compétents. Voilà pourquoi l’endroit est tenu secret, acheva-t-elle d’un air conspirateur.

— Mais nous n’avons pas été chargés de cette tâche, je te ferais remarquer ! Alors dis-moi, comment pourrionsnous y introduire sans recevoir les foudres de la déesse ?

— Mais tu as du marshmallow dans le ciboulot ou quoi !? Je suis une de ses favorites, je te l’ai déjà dit ! Ça fait partie de mon apprentissage de connaître ce genre de confidences !

— Je ne suis toujours pas convaincu d’y avoir ma place…

— Enfin, chéri ! minauda-t-elle en papillonnant des cils. Nos rôles sont étroitement liés. Cette mission est une opportunité de prouver notre valeur à nos paires !

— C’est pas faux… Mais si on se fait prendre…

— J’en prends l’entière responsabilité, le coupa-t-elle avec ferveur. Allez Loulou ! Que risque-t-on au fond ? Personne ne sait que nous y allons ! Ce sera une surprise, un cadeau inestimable aux yeux des nôtres !

Remarquant un début de sourire naître sur les lèvres mutines de son ami, la future divinité renchérit avec un enthousiasme non feint :

— Je te jure que tu ne regretteras pas cette échappée ! reprit-elle sur un ton plus charmeur. Cet arbre n’est pas qu’un simple conifère… C’est tellement plus que cela ! Imagine de petits messages qui gambadent de fleurs en fleurs tels des papillons butinants pour se poser d’euxmêmes sur l’Yggdrasil, attirés comme des amants… N’estu pas excité un minimum à l’idée d’un tel spectacle ?

— Si, évidement ! Mais je présume qu’ils ne vont pas se laisser appréhender aussi facilement qu’une luciole. Comment comptes-tu procéder pour ne pas les effrayer ?

— Il suffit de jouer les caméléons ! Enfin, le cours de la Fée Niasse ne t’a-t-il donc rien appris ? Tout émissaire de l’Amour doit jouer de ses charmes en se fondant dans la masse. S’accoutumer à notre environnement est l’un des préceptes essentiels à nos qualifications. Enfin, comment penses-tu que le taux de réussite de nos prédécesseurs soit aussi élevé dans l’Entre-Deux ? Ils sont experts en la matière ! Si nous désirons être parmi l’élite, nous devons nous entraîner assidûment. Alors, pourquoi ne pas en profiter ? Autant sortir du lot dès à présent !

Bien qu’encore hésitant, Louni lui accorda qu’une telle opportunité ne se présentait qu’en de très rares occasions.

— Bon, après tout, il faut bien mettre en pratique nos cours… Je te suis, ma douce !

Loin de l’attention de leurs camarades, nos deux frondeurs s’en allèrent le cœur plein de félicité. Ils tempérèrent leur excitation derrière un masque d’entrain nonchalant bien qu’ils peinèrent à ne pas se précipiter. Enfin arrivés à la périphérie de la ville, Louni déploya ses somptueuses ailes aux reflets jaspés puis, tout en prenant Lolita dans ses bras, il s’élança vers les cieux indigos. En chemin, ils croisèrent la route d’un jeune pégase qui, sous le regard empli de fierté de ses parents, expérimentait sa première envolée. Après deux essais infructueux, le novice triompha de l’apesanteur et fendit l’air à travers les flots de nuages cotonneux. Exultant de joie, il décida de poursuivre les deux complices et débuta une course folle dans la joie et la bonne humeur, suivi de près par les deux adultes amusés par ce spectacle enchanteur.

Alors que jaillissait droit devant eux un cortège de chênes majestueux entourant un cercle de pierres, un effroyable hennissement les prit de court. Louni se crispa et échangea une œillade déconcertée avec sa compagne tandis que le mugissement empli de terreur recouvrait tout autre son. L’instinct les amena à se retourner pour assister, impuissants, à la tragédie qui frappait leur monde.

L’un des pégases chutait à une vitesse affolante avant de s’échouer lourdement sur le sol. Un bruit sinistre se répercuta jusqu’aux confins de la vallée alors que la nuque de l’animal se brisait d’un coup sec. Un vent lourd le souleva, emprisonnant son corps inerte dans l’étreinte de La Mort. Au-dessus de lui, sa compagne filait avec précipitation à travers les courants pour le rejoindre. Dès que ses sabots touchèrent le sol, elle s’approcha d’un pas chancelant pour lui donner quelques coups de museau dans le vain espoir d’un miracle. Mais il était trop tard. Réalisant la douloureuse et sordide réalité, l’esseulée à l’agonie trembla de tout son être. Levant son regard embué vers le firmament, elle se lamenta. Ce chant funeste, écho d’une plainte accablée, désola La Vie ellemême.

Louni, jusqu’alors spectateur impuissant, sortit de son état de stupeur et s’empressa d’entamer leur descente pour épauler les âmes heurtées par cet obscur désastre. Alors qu’ils soutenaient la jument éplorée, le cupidon en devenir remarqua un détail des plus effrayants. Le défunt équidé à la robe d’ébène ternie par ce drame était à présent dépourvu de ses magnifiques ailes. La fourrure lisse de son dos ne laissait paraître aucune aspérité, comme si ses appendices dorsaux n’avaient jamais existé.

Les larmes aux yeux, la jeune déesse rejoignit doucement la pégase sonnée, caressant son échine et lui lançant quelques enchantements pour la soulager de sa peine. De son côté, Louni tentait de garder éloigné le jeune poulain affolé. Tandis qu’il lui murmurait des paroles apaisantes, un autre évènement fortuit attira son attention. À l’orée des arbres, certains cœurs itinérants dégringolèrent jusqu’au sol avant de se désagréger en cendres.

Pendant que son amie restait prostrée par ce cauchemar, l’apprenti cupidon reprit contenance. Tout en gardant un œil sur son protégé, le jeune esprit parcourut d’un pas tourmenté la distance qui les séparait des cœurs tombés à terre. Arrivé à destination, il se pencha pour observer de plus près les vœux dissipés. L’herbe, d’ordinaire d’un vert flamboyant, avait roussie, comme si ces petits messages d’amour étaient devenus aussi nocifs que de la bile de crapaud venimeux.

— Nom d’une libellule ! Mais que se passe-t-il ici !? surgit une faë des Bois, alertée par l’écho des lamentations.

— Le pégase… balbutia Louni. Ses ailes… elles ont disparu. Et ce n’est pas tout ! Regarde ! pointa-t-il vers les escarbilles. Les Vœux d’Amour ont brûlé…

— Quoi ? Comment est-possible !?

— Je ne sais pas… Nous étions en train de nous amuser quand tout ceci est arrivé… sanglota-t-il, incapable de poursuivre.

— Par les akènes lumineuses de la Forêt Enchantée, il faut que je prévienne ma Reine ! s’exclama-t-elle en s’agitant.

— Préviens également Cupidon ! s’écria-t-il tout aussi dévasté. Il faut qu’il nous rejoigne ici sans plus tarder !

En digne colporteuses officielles du Royaume, l’apprenti ne doutait pas un instant que l’information parviendrait rapidement à ses destinataires. Soulagé de cette délégation, les épaules de ce dernier s’affaissèrent alors que ses émotions continuaient à tourbillonner en lui. Pour la première fois de son existence, un nouveau sentiment l’envahit : la colère. Une colère intangible face à cette injustice. Et il ne savait comment gérer cette subite envie de faire acte de vengeance.

Cette situation n’était pas sans lui rappeler une catastrophe survenue auparavant, lorsque les mondes s’étaient entrechoqués dans un chaos indescriptible mettant en péril les frontières de l’Équilibre.

Absorbé par ses pensées, Louni sursauta lorsqu’une main réconfortante se posa sur son épaule. La venue de Cupidon, qui l’attira dans ses bras en un geste de consolation, le rassénéra. Bien qu’éphémère, cette étreinte lui permit de laisser enfin libre court à sa peine.

L’ambassadeur de l’Amour écouta avec attention le récit chevrotant des deux témoins. Tant de questions se bousculaient entre leurs déclarations. Comment les ailes de cet animal sacré s’étaient-elles soudainement volatilisées ? Pourquoi certains cœurs avaient-ils perdu toute vitalité ? Était-ce les seules perturbations recensées ?

La Reine des Faës, perchée dans son éternelle bulle de savon cristallisée, écoutait avec attention leurs échanges, son regard impassible murant ses tourments. Prenant les rênes en main avec une autorité innée, elle s’adressa à son escorte :

— Xilia, Yaely, raccompagnez cette mère et son petit auprès de leur famille. Kaloha quant à toi, je te charge d’informer notre vénérable Licorne de cette tragédie, si ce n’est pas déjà fait…

— Et pour lui, interrogea d’une petite voix Lolita en désignant le cadavre de l’équidé tout en caressant le poulain orphelin…

— On s’occupe de tout, s’immisça Cupidon après une dernière caresse à son descendant. Vous deux, rejoignez vos quartiers et prévenez vos frères et sœurs. Interdiction de se déplacer tant que nous ignorons ce qu’il se passe ; inutile de prendre le moindre risque.

— Et pour les autres ? s’inquiéta Louni.

— J’ai missionné mes faës pour informer chaque enchanté de regagner son foyer et de faire montre de prudence, les avisa la Reine.

— Hâtons-nous, les enjoignit Cupidon en se dirigeant vers le quartier de l’Amour.

Suivant ses propres conseils, la Reine des Faës regagna sa province. En chemin, elle espéra qu’aucun autre incident ne survînt. Elle déchanta aussitôt. Dans les différents territoires du Monde Enchanté, de nouveaux évènements aussi grotesques qu’invraisemblables lui étaient rapportés.

À la Taverne des Oursons en Gélatine, le tenancier servit deux tasses de liqueur de pommes d’Amour à un couple de passage après une longue journée de travail, tranquillement installé au comptoir. Alors qu’il retournait vaquer à ses occupations, des cris indignés l’alertèrent. Soucieux du bien-être de sa clientèle, il se hâta vers eux et fut effaré par les accusations portées à son encontre. Jamais il ne s’était trompé dans une commande ! Aussi vérifia-t-il immédiatement le contenu du tonneau où il préservait son spiritueux de saison. Circonspect, il versa dans un verre un peu du breuvage ambré, le goûta… pour le recracher aussitôt. Non seulement le contenu n’était que du jus de fruit mais, en plus, il avait perdu de sa fraîcheur, le rendant impropre à la consommation. Quelle plaisanterie déplorable voulait-on lui jouer ? Ce n’était pourtant pas la Journée des Farces !

Deux chaumières plus loin, la pâtissière de À La Baguette connut le même genre de mésaventure. Ses cookies aux canneberges sortirent difformes du four et une odeur âcre emplit l’échoppe, si bien que, pour la première fois de sa vie, elle dût jeter sa fournée sous les yeux affligés des habitués. Les regards échangés trahissaient un certain malaise.

Au loin, les aiguilles de pin des forêts de sapins étaient devenues aussi tranchantes que des ronces épineuses tandis qu’un épicéa millénaire perdait ses pics verdoyants dans la blancheur du sol enneigé et ce, dans l’ignorance la plus totale.

Clap 2 !

La Forteresse, un édifice majestueux malgré sa petite envergure.

Sa dominance se justifiait par le fait qu’elle surplombait les montagnes des Neiges Éternelles depuis son perchoir. Toutefois, sa fonction incarnait son authentique valeur. Les dirigeants du Monde Enchanté y tenaient régulièrement des rencontres formelles afin de débattre sur les nouveautés du Monde de l’Entre-Deux en prévision de leurs éphémérides. Car le Temps était une notion primordiale régissant les fondements de ce Tout, de cette stabilité si fragile et pourtant inaliénable. Une harmonie préservée du risque d’engendrer le chaos et l’anéantissement des trois mondes.

En ce jour assombri par cette perte, aussi affligeante que soudaine, une atmosphère pesante gagna l’unique salle du bâtiment où les membres de la Coalition siégeaient autour de la grande table ronde. Si, d’ordinaire, ils s’attelaient à des badinages plaisants dans l’attente des retardataires, aujourd’hui, les tourments avaient oblitéré les barrières de la politesse. Les pingouins costumés, fidèles serviteurs de l’édifice emblématique, ne parvenaient même plus à s’immiscer entre eux pour leur offrir des collations. Tous gesticulaient sur leurs séants, certains anxieux, d’autres énervés par ce nouvel événement noircissant la sérénité et la joie habituelles, les souvenirs du précédent fiasco évité de justesse toujours prégnant dans les mémoires. Malgré les lunes passées, la peur insidieuse d’une nouvelle catastrophe ébranlait leur flegme légendaire.

Des larmes silencieuses coulaient sur le faciès de La Licorne, atone. Sa robe aux couleurs flamboyantes avait pris une teinte violine, évoquant le deuil qui l’accablait. La peine qui se dégageait de cet être si pur bouleversait ses pairs, les plongeant dans une poignante fatalité. Imaginer perdre l’un des leurs de manière si inattendue leur paraissait insurmontable. Les conjonctures ne cessaient de leur rappeler la précarité de leur équilibre.