A bitter taste - Scarlett Marina Ecoffet - E-Book

A bitter taste E-Book

Scarlett Marina Ecoffet

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Beschreibung

Sept ans après avoir fui Cannes, laissant derrière lui son identité de l’Archange, Gabriel Conti mène une vie paisible en Alaska sous une fausse identité. Marié à Belly, il croyait être libéré de son sombre passé.

Andrea Saint Clair dit l’Héritier, actuel dirigeant de la Pègre Cannoise, ne rêve que de vengeance depuis l’abandon de son ancien amant.

Quand un site d’informations en ligne révèle le visage de Gabriel suite à une avalanche dont il a été victime, l’Héritier charge ses hommes de ramener celui qu’il considère comme un traître en France. L’Archange se retrouve alors piégé dans la toile de la revanche d’Andrea.

Entre passion interdite, secrets ensevelis et vérités douloureuses, leur duel s’annonce bien plus complexe que le simple choc de deux âmes tourmentées. Quand la vérité éclatera, la rédemption et la liberté auront-elles une place dans les ténèbres de leur passé ?




À PROPOS DE L'AUTRICE




Scarlett Marina Ecoffet - Née en 1986, passionnée d'écriture depuis l'adolescence, rêveuse intempestive, toujours dans son imaginaire, elle est une créatrice dans l'âme. Son parcours scolaire est composé de littérature et d'une carrière créative en tant que Designer-Web. 

Darkromance 18+, Darkromance MxM

LGTBQ+, sexe, BDSM, violence, mafia, passion

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Couverture par Ecoffet Scarlett

Maquette intérieure par Ecoffet Scarlett

Correction par Sophie Eloy

 

© 2024 Imaginary Edge Éditions

© 2024 Ecoffet M.Scarlett

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.

 

Le code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou production intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

ISBN : 9782385722937

 

 

Avertissement

 

Ce roman est une darkromance, abordant du langage cru et grossier, des scènes de sexe explicites, de la torture physique, psychologique, des abus sexuels, de l’homophobie, de la misogynie et d’autres thématiques. Des scènes, des propos peuvent heurter la sensibilité d’un lecteur non averti.

 

 

 

Ce roman est interdit aux -18 ans.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À Mélanie, merci pour tout ce que tu as fait sur ce manuscrit et le temps que tu as consacré à sa relecture.

 

Prologue

 

 

 

— Bon matin, David !

La vie ici ressemblait à un petit coin de paradis. Il n’y avait pas grand-chose à faire, hormis se laisser porter et vivre au jour le jour. Parfois, les soucis débarquaient, mais ils étaient différents et extrêmement banals comparé à avant, et cela lui convenait très bien.

La modeste ville de Colver en Alaska respirait la simplicité. Elle était l’archétype de l’isolement. Ici, il ne se passait jamais rien. Le quotidien se dévoilait répétitif, ponctué çà et là par des évènements pour diverses fêtes : Noël, jour de l’An, Saint-Valentin et quelques autres comme la fondation de la ville.

Les gens s’y connaissaient tous et la vie communautaire se conjuguait au rythme de l’entraide et du soutien entre voisins. Il s’agissait d’un véritable microcosme entre bienveillance et ragots. Les habitants parlaient sur tout et tout le monde, souvent en émettant des jugements, mais c’était un endroit composé d’hommes et de femmes avec des bons côtés comme des mauvais. Comme partout ailleurs à vrai dire.

En débarquant ici, il y a sept ans, il avait eu du mal à se faire accepter par les natifs. Les autochtones le jugeaient, le jaugeaient et se méfiaient de lui. Les étrangers restaient des étrangers, surtout quand ils ne venaient pas d’Alaska ou d’Amérique du Nord. Alors lui, lorsqu'il était arrivé de France, cela avait été rapide. Il serait probablement un emmerdeur. Les Français, pour les Alaskains, n’étaient que des geignards plaintifs et désagréables. Toutefois, il avait fini par leur démontrer qu’il était loin des stéréotypes qu’ils pouvaient imaginer.

Embauché comme bûcheron, son tempérament simple, bon et discret avait charmé les habitants. Adopté quasiment à l’unanimité, les gens savouraient sa personnalité : serviable et ne cherchant pas à faire d’histoire. Ce n’était pas des traits factices de l’identité qu’il avait embrassés, mais une nature profonde qu’il cessait enfin d’étouffer.

Aujourd’hui, sous le nom de David Lajoie, il évoluait librement, loin des ténèbres amères de son passé.

Saluant d’un mouvement de la tête ceux qui en faisaient de même, il se dirigea vers son vieux pickup rouge, les bras remplis de commissions. Dans la vitrine de l’épicerie, son corps épais se refléta. Finalement habitué par ce qu’il distinguait dans les miroirs, il ne resta pas à se demander qui était cet inconnu. Au fond, il appréciait sa barbe fournie et sa moustache touffue, cela dissimulait sa mâchoire carrée et entourait sa bouche fine. Ses muscles développés par la charge de travail avaient chassé son apparence sportive pour le transformer en bûcheron, en véritable homme du froid et des bois.

Jadis, sa stature se taillait subtilement, juste ce qu’il fallait pour que sa silhouette soit agréable à regarder. Il s’entretenait, se rasait de près, portait les joues glabres et les cheveux parfaitement coiffés en arrière. Autrefois, des airs soignés couronnaient sa gueule, maintenant il n’avait plus rien du jeune gars d’avant. Le pire, c’est qu’il ne regrettait rien ! Ou en tout cas, pas vraiment.

S’installant dans sa voiture, le sac kraft se renversa sur la banquette, il en soupira. Son contenu s’étala, et il se dépêcha de remettre à sa place les paquets de viande et les légumes qu’il avait achetés. Un sourire niais lui caressa la bouche quand il rangea le doudou sur lequel il avait craqué. Il effleura la peluche toute maigre entre ses grands doigts et se laissa porter par des douces pensées. En redressant ses pupilles, il croisa son propre regard dans le rétro et se moqua de lui-même…

David pouvait bien occuper son esprit à tout un tas de choses, il était incapable d’ignorer à quelle période il se trouvait. Sa femme saurait reconnaître son expression tracassée, discernant dans ses iris ambrés ce qui agitait son cœur. Ce n’était pas en achetant une peluche pour un potentiel bébé qu’il oublierait la date d’aujourd’hui.

Il démarra.

 

Chapitre 1

 

 

 

Belly l’attendait. Il devait rapporter les courses, pour ensuite, filer au boulot.

Cela faisait sept ans qu’il avait fui le sud de la France, cinq qu’il la connaissait, quatre qu’ils étaient ensemble. Ils s’étaient mariés il y a trois ans. Depuis deux ans et demi, ils tentaient d’avoir un enfant.

Le médecin avait dit à Belly : pour vous, ce sera compliqué de tomber enceinte. Avant de le rencontrer, elle avait perdu un ovaire dans un accident.

Cependant, cette ombre au tableau n’était pas un problème. Ils essayaient. Ils essayaient très souvent. Dans toutes les positions, dans tous les endroits de la maison. Leur envie était tellement forte, que cela finirait par se transformer en une obsession trop violente. Souffraient-ils de ne pas parvenir facilement à concevoir un bébé ? Probablement. Comme tous ceux qui ne cessaient d’essayer. Pour l’heure, ils faisaient l’amour encore et encore afin d’arriver à leur fin.

En se garant tranquillement devant la maison, David repensa vaguement à l’appartement qu’il avait autrefois, à ce duplex hors de prix, ultra moderne avec vue sur la mer, dans un immeuble huppé et bourge de Cannes. Il ne regrettait pas ce luxe, préférant en garder un souvenir agréable tout en se contentant aujourd’hui de peu.

L’avantage de ce présent, c’est que ses problèmes étaient normaux, ceux d’un homme quelconque qui achetait des fringues à bas prix et dont la femme rapiéçait les chaussettes par économie. Exit les costumes Gucci, les Maserati et la Rolex. Bonjour les chemises sans marques, le vieux pickup Ford et la montre Timberland. Celle-ci était ce qui avait le plus de valeur, matériellement parlant, dans cette existence. Cadeau de mariage de son beau-père et patron. Un brave gars au caractère dur, mais généreux. Un divorcé travailleur ayant éduqué ses enfants seul, tandis que sa femme s’était tirée avec un Canadien. D’ailleurs, grâce à cet homme, il avait rencontré Isabelle, dit Belly.

Plus jeune que lui d’une dizaine d’années, se faire accepter par la fratrie avait été compliqué. Entre le père protecteur et les deux colosses de frères vindicatifs, il avait dû passer beaucoup de tests avant qu’ils ne l’adoptent. Aujourd’hui, aucun ne pourrait envisager la vie de Belly sans David.

Lui-même ne concevait pas son existence sans elle. Pourtant, il pensait encore à son passé qui le hantait.

Officiellement, histoire d’expliquer son comportement annuellement merdique, il s’agissait de l’anniversaire de la mort de ses parents. Une des raisons qui l’avait poussé à quitter la France pour s’établir ici. Après le décès de son père et de sa mère, sa copine l’avait plaqué, il avait perdu son job et tout était allé de travers. En grosse dépression, il avait chuté au fond du gouffre sans aucune possibilité de remonter la pente. Ne pouvant se supporter comme ça, il avait tout abandonné pour tenter sa chance ailleurs. Cela lui avait plutôt réussi.

Il ne parlait que peu de sa vie française, sous couvert que cela le foutait dans le mal, il ne voulait pas se contredire dans ses mensonges. Ainsi, on prenait sa discrétion pour de la pudeur. David n’étant pas un homme très extraverti, cela collait idéalement.

Sortant de la voiture, il vérifia sa montre : 8 h 12. Il devait se rendre bien plus au nord pour gérer les coupes à flanc de montagne. La neige était tombée lourdement cette nuit et l’équipe de bûcherons serait handicapée par sa présence. Toutefois, cela ne serait pas un véritable problème, ils avaient l’habitude de manier les intempéries dans leur boulot. Il faudrait trancher les arbres, débiter des tronçons et préparer le tout pour les envoyer à la scierie. Une grosse journée en perspective.

Dévisageant son petit chalet en dehors de la ville, il aima l’étroitesse de celui-ci. En grimpant les marches du perron, il traversa la terrasse couverte et ouvrit la porte qu’ils ne fermaient jamais. Ici, aucun voleur, aucun danger.

— Belly ? Je t’ai fait les courses comme promis, je te les dépose et je file ! 

Isabelle devait encore traîner au lit. Elle était la vétérinaire du coin. Bossant toujours avec le vieux Sheldon, ils avaient été appelés d’urgence pour un chien vomissant du sang durant la nuit. De ce fait, il n’insista pas, pensant qu’elle dormait du sommeil du juste. Il se dirigea vers la cuisine, histoire de lui griffonner un petit mot et rentrer les emplettes.

Casper le chat siamois de sa douce manqua de le faire tomber. Étalé en plein milieu du couloir, il se leva soudainement à son arrivée. Pour ne pas le blesser en lui marchant dessus, il exécuta un pas chassé. Ses semelles résonnèrent dans un gros bruit sur le sol et il maugréa dans sa barbe son agacement. Il détestait ce chat. Bête et méchant, il lui faisait les pires crasses : pisser sur sa veste, abandonner des cadavres de souris dans ses chaussures, lui vomir dessus….

L’animal ne l’aimait clairement pas. Lui, le supportait tout juste et Belly en riait. Ses beaux-frères le comprenaient au moins : avant lui, ils avaient enduré le monstre félin.

— Encore en train de te chamailler avec ce pauvre petit chat… 

— Wow ! 

Dans la cuisine rustique, perchée sur une vertigineuse paire d’escarpins se trouvait Belly. Ces chaussures, il ne les avait jamais vues, pas plus qu’il n’avait un jour eu droit à cette combinaison noire moulante à la Playboy. Il resta quelques secondes debout, comme un gland, à la contempler.

Du haut de son mètre soixante-dix, rehaussée par une quinzaine de centimètres du coup, elle était d’une sensualité époustouflante. Bandante pour tout dire ! Certes, elle n’était toujours pas plus grande que lui, son mètre quatre-vingt-quinze était compliqué à rattraper !

Sa silhouette généreuse se trouvait délicieusement mise en valeur par ce dessous sombre. Typée inuit par sa mère, Belly était une belle brune à la poitrine opulente et au cul énorme. Sous ses airs sages se cachait une coquine capable de toutes les saloperies.

Une bosse se forma au niveau de son pantalon. Sa queue n’avait pas attendu d’en voir plus, qu’elle bandait déjà.

Dans un mouvement innocent, elle se tourna pour faire admirer le petit pompon blanc de lapine, juste au creux de ses reins. En faisant cela, elle ajusta un serre-tête à oreilles de lapin sur son crâne. Il battit des paupières en la regardant faire, scotché par cette énergie sensuelle qu’elle dégageait. Tout cela l’excitait !

— T’aimes pas, c’est ça ? 

Elle accompagna ses paroles d’une intonation faussement ingénue, mais surtout fictivement déçue. Cela le rendit dingue.

Abandonnant les courses sur la table, il s’élança vers elle sans attendre pour la soulever. Belly tenta vaguement de protester, éclata de rire et l’embrassa sans plus patienter. Nouant sa langue à la sienne, il retrouva la fraîcheur de son haleine mentholée et le plaisir humide de leur salive.

Dans sa vie précédente, il avait connu beaucoup de femmes, essentiellement des putes à mafieux, des radasses de bas étage intéressées par le fric et le confort qu’apportait un mec puissant. Des meufs qui te faisaient tout ce que tu voulais, tant que tu leur filais ta CB à la fin. Des grognasses arrivistes, profiteuses et hystérocasse-couilles lorsque tu étais maqué avec. Il n’en regrettait aucune. Parce que Belly était une putain de salope au pieu, inventive, créative et qui n’espérait rien en retour. Rien de plus que sa tendresse en tout cas. Il avait une foutue chance, il fallait le reconnaître.

— Non, attends, attends… 

Surpris de l’entendre protester, il la dévisagea, incrédule.

— Ne me pose pas trop brutalement sur le comptoir, j’ai mis un petit jouet… 

Il écarquilla les yeux.

— Ça fait longtemps que tu ne m’as pas sodomisée. 

— Bah pour faire un bébé c’est…

— Aujourd’hui, on ne fait pas de bébé, j’ai juste envie de baiser… 

Son expression pétilla, cela lui convenait totalement !

Leurs dernières parties de jambes en l’air, bien que plaisantes et excitantes, étaient, pour beaucoup, pensées pour prioriser la venue d’un nouveau-né. Sans forcément calculer les jours favorables, ils avaient soigné leurs positions, Belly avait fait le poirier après et tout et tout. Exit les faciales, les zébrures blanchâtres sur ses nichons et tout gobage de foutre. Alors l’idée de simplement la baiser rendit sa bite fébrile.

— Tu vas pas comprendre ce qui t’arrive, bébé. 

Il n’avait pas des heures devant lui. Balançant son bonnet et sa lourde veste qu’il n’avait pas retirée jusque-là, il lui fit confiance pour tenir à son cou, ses cuisses déjà bien accrochées autour de sa taille. Elle soupira :

— Comme je sais que t’es pressé, je me suis calé quelques doigts avant que tu ne débarques.

— Tu t’es fait jouir ?

— À ton avis ? 

Lui présentant son majeur et son index, il n’hésita pas à les sucer avec gourmandise, découvrant la fragrance de sa chatte sur sa peau. Cette pointe de sel… un délice !

— T’as pensé à quoi ?

— Henry Cavill en Superman…

— Salope ! 

S’imaginer avec d’autres personnes, généralement des célébrités, était dans leurs fantasmes à tous les deux. Ils n’avaient toutefois aucune tendance échangiste !

David voyait très bien la scène. L’acteur était comme il les aimait. N’appréciant pas que les femmes, le bûcheron savourait jadis les corps masculins. Quand il était encore Gabriel et Cannois. Cette part de sa sexualité, il l’avait abandonnée, ici les gays n’étaient pas monnaie courante, ni forcément très prisés. Quand bien même, il ne pourrait plus jamais après Lui. Avoir un jour un nouveau mec lui était impensable. Et puis, il était réellement tombé amoureux de Belly, pas comme il avait chéri son ancien amant, mais son attachement à la brune était sincère. Il pouvait donc bien délaisser tout cela.

Après son insulte, il l’embrassa de nouveau et l’emmena vers la table de la cuisine, celle où ils prenaient quasiment tous leurs repas en tête à tête.

Le désir lui tordait le corps de pulsions brusques et il la descendit de ses bras pour lui positionner les deux mains bien à plat sur la surface du meuble. Il se pencha sur son être, s’imposant de tout son poids sur elle, lui faisant sentir l’effet qu’elle provoquait. Il mordit la peau de son dos. Comme escompté, elle se cambra contre lui et son petit boule cajola sa bite tendue. Il resta dans cette position, empoignant ses seins pour les pétrir de ses grosses paluches calleuses après les avoir sortis du body.

— Regarde-moi ça, comment ils pointent…

— Je me suis réveillée avec l’envie de baiser.

— T’as fait un rêve de cul ?

— Oui, et je ne me suis pas que touchée du coup…

— Tu t’es godée ?

— Avec le rose…

L’imaginer les cuisses écartées sur le matelas à se mettre de grands coups de godemiché l’excita davantage. Il lâcha ses voluptueuses mamelles pour courir ses doigts sur son corps.

— T’as giclé ?

— J’ai dû changer les draps…

Attrapant le body au niveau de l’entrejambe, il sentit le tissu humide. D’instinct, sa belle lui lança :

— Non, David ! Ne le déchi… 

Trop tard. Elle essaya de se redresser. Belly détestait quand il ruinait ses affaires affriolantes. Elle pestait, mais sans se fâcher pour autant. Dominateur, le blond donna une pichenette au magnifique rosebud qui ornait sa rondelle. Le diamant violine, bien calé dans son cul, attirait son œil lubrique.

Sa compagne trembla. Avec un délice sadique, il profita de son soupir vicieux pour la coincer contre la table. Plaçant son corps sur elle, il bloqua sa carcasse de la sienne. Ses protestations faussement plaintives le ravirent et réveillèrent cette part absolument perverse de sa personne.

— Arrête de faire l’imbécile, t’as juste envie que je te la mette…

— T’as encore niqué un body !

— C’est toi que je vais niquer. 

Sortant son chibre, il le glissa le long de sa fente poisseuse, usant ainsi de son nectar pour la lubrifier naturellement. Il l’enfourna ensuite doucement dans sa vulve affamée.

— David… 

Sa chatte l’avala sans lui laisser aucune échappatoire. Surpris, il eut un frisson électrique qui s’empara de sa virilité. Le sexe de Belly palpitait autour du sien et il gronda :

— Quoi ?

Bécotant sa nuque et le haut de son dos, l’épée bien installée dans le fourreau de chair, il resta au fond d’elle, conquis par la sensation de ses muscles pulsant autour de sa tige.

— David… 

Elle remua d’elle-même sous lui, faisant aller et venir son appendice dans sa matrice. C’était donc cela, elle suppliait comme une chienne en chaleur, en quête de sa dose. Elle le voulait, elle en était impatiente et elle ne se retenait pas !

— Putain… 

Fut tout ce qu’il put dire alors qu’elle ondulait. Son besoin de juter arriva, il n’allait pas déjà finir quand même ? Ils avaient baisé la veille donc il n’était pas en manque, mais en vérité, qu’est-ce qu’elle était bonne !

— David, je le désire dans mon cul s’il te plaît… David… 

— Je veux bien, mais ta chatte n'a pas envie de me lâcher. 

Sans force, il se redressa tandis qu’elle poursuivait ses va-et-vient. En baissant ses yeux, il vit son derche magnifique remuer, cela lui rappela des choses…

Il sortit sa queue désormais plus que lubrifiée pour enfin l’enculer. Belly glapit d’être vide de lui et il asséna une claque sur sa viande. Si intense qu’elle hurla. Il lui avait fait mal, il le savait, mais c’était ce qu’il souhaitait. Putain, oui, il le désirait !

Sa chair pâle marqua rapidement, il en colla donc une seconde et retira le plug. Crachant dans sa rondelle bien élargie, il présenta son gland. La peau autour de son bout s’étira un peu et s’enfourna dans un coup de reins. Ses muscles résistèrent à peine tant elle avait soigneusement préparé le terrain. Dans un râle de satisfaction, il resta avec son cul contre son bas-ventre. Si sa fente était serrée, son anus l’était encore plus. Il devinait l’anneau le tenir avec fermeté et il savourait cette place. Un bref instant de déjà-vu le prit. Il se revit des années en arrière, profondément installé dans son rectum à lui…

Gabriel, on va nous entendre…

Il ouvrit les yeux pour voir la cuisine. Fâché contre lui-même de s’être enlisé dans un souvenir, il vint soigneusement tirer sur les cheveux de sa femme, la cambrant pour pilonner fiévreusement son cul. C’était elle qu’il possédait, personne d’autre.

— Dis-moi que tu veux que je te jute dans le cul !

— Oui, David, remplis-moi… baise-moi ! 

— Ne t’arrête pas de le réclamer. 

Il avait besoin qu’elle le fasse, il craignait de replonger dans une nouvelle réminiscence et il ne le souhaitait pas. Alors, avec acharnement, il s’accrocha à son corps, l’obligeant à parler. Belly, expressive, lui cria des obscénités, s’avilissant d’elle-même.

Il fallait le dire : il avait eu de la chance de la rencontrer et qu’elle le trouve à son goût. Sa vie aurait été bien plus maussade avec une femme plus réservée ou plan-plan. Putain ! Oui ! Peut-être serait-il encore célibataire à s’astiquer comme un connard d’adolescent devant des pornos.

Son karma ne s’était pas montré trop merdique pour le coup. Pourtant, il n’avait jamais été un enfant de chœur et aurait mérité bien pire !

Les prémices de son plaisir, il les sentit, alors que ses couilles ballotaient et s’enduisaient de sa mouille. Il la tira mieux par les cheveux, cette fois pour la déplacer jusqu’à l’évier.

— Ces talons, tu vas les remettre, pour que je te baise debout encore, crois-moi. 

Il était quand même quelque peu forcé d’avoir les genoux pliés, mais c’était réellement délicieux de l’avoir ainsi.

Attrapant le fouet à pâtisserie, il avisa le manche en plastique plutôt épais. Ravi de sa trouvaille, il vint le frotter contre son entrée poisseuse et lui ordonna :

— Mets-toi ça entre les cuisses et branle-toi. Je veux que tu suintes comme une salope. Et t’inquiète, je ne vais pas arrêter de te prendre le cul. 

Appuyant ses propos, il réunit sa tignasse en une queue-de-cheval et se positionna mieux, histoire de l’admirer faire.

Belly, fiévreuse, le corps soumis aux assauts de son mari, ne chercha pas beaucoup. La bouche ourlée de gémissements, elle présenta l’objet à son couloir à sperme. Comme elle n’eut aucune hésitation, il devint impatient en la voyant s’enfiler l’ustensile et s’en réjouir. Elle exulta et lui aussi. Sa cadence fut soigneusement infernale, Belly essaya de poursuivre ses complaintes, mais cela fut compliqué. Il la besogna avec fureur, écartelant la rondelle de son cul et perdant pied en le découvrant faire ses va-et-vient exaltés. Il perdit la course de la jouissance en arrivant en premier.

Se libérant dans un râle, il juta profondément dans ses entrailles, le souffle court et le cœur battant la chamade. Sa douce parvint dans un cri à son tour, son sexe se répandant abondamment entre eux. Elle mit plusieurs secondes à s’apaiser, tirant à son époux un rire de satisfaction. Lâchant l’ustensile dans l’évier, il la vit vacillante, comme à bout de force, et avec le plus tendre soin du monde, il la récupéra entre ses bras pour l’emmener vers le canapé.

— Je vais devoir me changer…

Et faire un passage à la douche, sentir la chatte de sa femme pour aller bosser n’était pas franchement la meilleure des idées. Il abandonna affectueusement Belly sur le sofa pour qu’elle se repose et la couvrit du gros plaid qui y traînait toujours.

— J’avais envie que cette journée te fasse moins de mal que d’habitude. 

Son aveu dans un petit sourire le conquit, il se rabaissa pour l’embrasser avec tendresse et lui murmurer qu’il l’aimait. Oui, David Lajoie avait de la chance d’avoir une femme comme elle dans sa vie. Parce qu’il fallait confesser qu’il ne le méritait pas réellement…

 

**

Autrefois, David Lajoie se prénommait Gabriel Conti, italien de souche par son père, il était le fils bâtard du chef de la Camorra1. À la mort de sa mère, lors de ses seize ans, son géniteur l’avait pris sous son aile. Il était passé d’une vie normale à celle d’un enfant d’un ponte de la pègre italienne.

Il avait ainsi appris, sans réelle saveur, à exécuter ces choses que les malfrats font. Tuer, extorquer, passer à tabac et d’autres actions peu glorieuses. Il s’était montré excellent, trop, pour le fils légitime de son père. Pour son propre bien, on l’avait fait partir et rejoindre une amie française, intégrée depuis toujours avec le milieu du crime organisé dans l’hexagone. Après avoir monté les échelons avec l’envie de se faire une place, quoique ne manquant ni d’argent ni de fonds, il était devenu le garde du corps d’Andrea Saint Clair, l’Héritier Cannois. Ce qu’il avait fait pour asseoir son statut n’aurait jamais dû lui permettre sa vie actuelle.

Enfin, il avait quand même sacrifié beaucoup en partant. Malgré la partie de jambes en l’air et les efforts de sa compagne pour l’occuper, le souvenir des promesses revint le hanter. Aujourd’hui, c’était une date importante, celle de leur engagement, l’échange solennel qu’ils se soutiendraient toujours…

Ils avaient scellé cela d’un pacte de sang, pourtant, à l’instant T il ne l’épaulait pas. Il se tenait loin. Et cette promesse, injustement contrariée, l’obsédait inlassablement. Ce qu’il avait accompli par le passé pour assurer sa place à l’Héritier, il ne le regretterait jamais. Toutefois, il ne pouvait dire qu’il était heureux et ne souffrait pas de son acte.

Ce fut par la faute de ces pensées chagrines que David, enfin Gabriel, ne prit pas garde à ce qu’il se tramait autour de lui. Aurait-il pu de toute façon y changer quoi que ce soit ?

Le craquement qui résonna était celui de la neige qui se détachait. Elle était tombée en abondance la nuit précédente. Rien d’alarmant pourtant, ce n’était pas inhabituel, encore moins dramatique. Mais cette fois, c’était différent.

Des cris lui parvinrent lentement, une agitation soudaine, hélas ! il fut trop tard quand l’avalanche se déversa sur la forêt et engloutit une dizaine de bûcherons, dont David….

Chapitre 2

 

 

Pendant ce temps là, dans la pénombre d’une cave, un homme solidement attaché sur sa chaise restait tétanisé. Son bourreau se détachait sous la lueur des néons, ne laissant aucune expression trahir l’iris émeraude de ses pupilles. Cela faisait des heures ou des jours qu’il était séquestré ici, dans l’habitacle blanchâtre d’une salle carrelée.

Le temps n’était plus qu’une notion vague sur laquelle il n’avait plus la main mise. Il tentait tant bien que mal de se souvenir, de se raccrocher à la réalité, mais c’était impossible. Le tortionnaire l’avait privé de ses repères, fait en sorte de le désorienter pour qu’il soit à sa merci. Il connaissait les méthodes, il aurait pu les pratiquer lui-même. Étrangement pourtant, dans le rôle de la victime, ce genre de savoir ne valait rien. La faim et la soif le détenaient entre leurs griffes, il sentait le sang, la sueur et la pisse. Sa vessie l’avait trahi quelques secondes auparavant, quand le sadique avait posé le taser sur ses couilles. Maintenant, il baignait dans son urine, en caleçon, le liquide refroidissant. Que voulait le monstre déjà ? Des noms ? Mais lesquels ?

— Je dois confier Jordan, que tu tiens mieux que je ne l’aurais cru.

La lassitude pointa sur la langue du ténébreux maître d’œuvre. Il revint lentement vers lui, un sourire triomphant sur sa bouche charnue.

— Ne t’en fais pas, je ne m’avoue pas encore vaincu…

Tapotant la joue de sa victime, Andrea Saint Clair eut une expression machiavélique. Tout ceci n’était que le commencement et il obtiendrait ce qu’il désirait. Les noms de ceux qui avaient tenté de la lui mettre à l’envers !

 

**

Sur son passage, les visages s’abaissaient en une salutation respectueuse. Aucun homme présent ne se serait permis de redresser un œil sur sa silhouette. Ils savaient, ils connaissaient l’état d’esprit auquel il faisait face. Et absolument aucun d’entre eux ne se serait aventuré à croiser son regard.

Au sein de la villa cannoise, située sur les hauteurs de la ville, régnait une ambiance mortelle. Le parrain ne pouvait endurer une telle médiocrité et les sombres merdes criminelles commençaient doucement à lui chauffer les couilles. De nouveaux minuscules délinquants avaient essayé de le voler, lui, le chef du Sud-Est français. Pensaient-ils réellement pouvoir implanter un des leurs pour venir lui dérober de la marchandise ? Pour qui se prenaient ces foutus baltringues inexpérimentées ?

Le monde mafieux tombait en désuétude. Les petites mains des cités, les malfrats Wish, les novices tentaient de se faire une place. Trahissant toutes les règles d’ententes cordiales et fichant une merde infinie dans leur Univers. Déjà qu’il détestait au plus haut point de traiter avec des banlieusards mal torchés dont le summum du style était de porter un jogging floqué d’un emblème Gucci ! Si en plus la sous-espèce du banditisme se sentait pousser des ailes !

Pourtant, ce n’était pas compliqué d’avoir un minimum d’éducation et de suivre les lois tacites, n’est-ce pas ? Après ces petites merdes revendiqueraient une revanche, se feraient défoncer et reviendraient encore et encore. Pire que des foutues punaises de lit ayant implanté leurs œufs dans un territoire.

L’agacement le couronnait en tout cas et comme en témoignait le sang sur sa chemise autrefois immaculée, le parrain français n’endurait aucun manque de respect. Cette microscopique chiure toujours dans sa cave finirait par parler. Il lui donnerait des noms, clairs et précis avant que cela ne se produise. Il soupira.

Se stoppant devant un miroir, il rajusta sa cravate et constata son état déplorable. Il allait devoir se nettoyer rapidement. Il faisait tache dans la villa impeccable qui reflétait sa réussite et celle de sa famille.

Des générations et des générations de gouvernance de la Provence, assurant une mainmise totale sur des affaires frauduleuses… voilà ce que cela trahissait. Des choses que la police aurait aimé connaître probablement, mais le corps de justice ignorait le nombre des siens à la solde de cette monarchie mafieuse, habilement administrée par Andrea Saint Clair. Elle ne s’imaginait pas tout ce qu’il pouvait faire librement au nez et à la barbe des Don Quichotte encore pétris de valeurs. Elle ne savait pas que les ripoux lui donnaient la facilité d’action sur un plateau d’argent.

Voilà cinq ans maintenant qu’il dirigeait la pègre sudiste en digne héritier de son père. Il avait repris les rênes avec brio, s’imposant majestueusement sur tous ces salopards en puissance. Quelques petits enfoirés avaient essayé de malmener sa conquête du pouvoir. Ils n’étaient plus présents pour en parler, nourrissant les vers ou les crabes, une balle bien logée dans leurs carcasses.

Andrea aimait ce qu’il voyait dans son reflet malgré le sang. Un homme fort, épais de muscles généreux, un regard aussi dur que l’émeraude dont il avait les couleurs. Un mètre quatre-vingt-sept d’autorité, d’intransigeance et de virilité. Andrea adorait être craint, il affectionnait inspirer le respect. Son travail avait été ardu sur le sujet et il ne lui manquait plus qu’un héritier avec une queue pour parfaire son trône.

Sa femme était tombée enceinte une fois et ils avaient eu une petite fille. L’enfant aurait eu trois ans aujourd’hui. Elle était morte d’une leucémie il y a un an, laissant un goût de chagrin sur leurs esprits. Raphaëlle s’en était retournée auprès des anges, abandonnant un père attristé. La frustration de ne pas avoir pu faire quoi que ce soit avait rendu sa nature colérique plus violente encore.

Andrea possédait tout pour être heureux en dehors de ce désespoir parental. Il avait eu bien plus dans la vie que la majeure partie des gens. Toutefois, son passé regorgeait de spectres machiavéliques. L’un d’eux était une vieille ombre qui ne cessait de le hanter, une ombre qui n’avait pas tenu sa promesse…

Y repenser aujourd’hui crispa sa mâchoire, son regard s’irradia. Ce n’était pas tant le chagrin qui le rongeait le plus, mais ce sentiment de rancœur qu’il ne pouvait pas taire. Il désirait faire payer à Gabriel pour tout ce qu’il avait fait. Pour l’acte ignoble qu’il avait commis officiellement, pour ce qu’il n’avait pas tenu officieusement. Personne ne pouvait savoir combien l’esprit du chef mafieux se torturait sur ce qu’il lui ferait pour ne pas avoir été à la hauteur de son amour. Cet enfoiré devrait souffrir d’une juste vengeance qu’il lui réservait.

— Monsieur Saint Clair ? Le commissaire Morreti est arrivé. 

Le patron redressa son regard et dévisagea son homme de main. Avait-il besoin d’indiquer qu’il n’était pas en état de le recevoir ?

L’apparence était d’une priorité capitale, il la travaillait avec soin. Une face rasée de près, des cheveux noirs coiffés en arrière, il respirait l’élégance et l’importance. Insatisfait de son reflet, il fit tourner sa chevalière à son petit doigt et n’eut donc aucune nécessité de précision.

— Je… je vais lui indiquer d’attendre.

L’homme se précipita pour disparaître tandis qu’Andrea prenait le chemin de sa chambre et de ce fait de sa salle de bain.

— Chef ! Chef !

La voix nasillarde du Kidle détourna de sa direction. Descendu de son perchoir de surveillance, le spécialiste en informatique/hacker/responsable de l’information apparut en haut des marches. Comme d’habitude, Andrea soupira. Non qu’il ne l’appréciât pas, c’était même tout l’inverse, mais ses t-shirts d’éternel adolescent et ses jeans l’exaspéraient. Il lui avait maintes fois répété de ne pas être aussi peu soigné. D’accord, il ne sortait que rarement de sa salle des opérations, mais quand même…

Le mafieux dévisagea la course folle du jeune homme qui arrivait vers lui avec des Converse aux pieds. Il l’attendit avec patience alors qu’il ne cessait de réitérer en boucle des chefs précipités. Lorsqu’il lui fit enfin face, Andrea escompta qu’il parle ! Après tout, il l’avait interpellé à outrance, c’était donc à lui de s’exprimer. Mais le souffle lui manquait et il le cherchait dans sa cage thoracique maigrelette.

—  C’est décidé, tu vas faire un minimum de sport…

— Oh, mais chef… 

Le jeune homme de vingt ans se plaignit. Quand on voyait Kevin, on se demandait toujours comment un gars comme lui finissait mafieux. Simplement, parce qu’il était le fils d’un membre éminent du groupuscule, le cadet d’un stentor de la génération précédente, qui n’avait pas réussi à l’éduquer convenablement.

Plutôt que de se fier aux apparences, Andrea avait défendu son potentiel et en avait fait un élément essentiel de sa gouvernance. Ainsi, le remarquable manipulateur d’ordinateur résidait dans un appartement situé dans une des ailes de la villa où se trouvait tout son matériel. Il pouvait dès lors tenir le chef informé à toute heure du jour et de la nuit.

— Regardez, j’ai déjà fait un effort quoi ! 

Il désigna ses cheveux attachés en une queue-de-cheval convenable.

Andrea haussa les yeux au ciel et ne désira pas s’engager dans une conversation inutile.

— Que veux-tu ?

Un instant de latence fut nécessaire pour que le Kid se rappelle alors et lui tende sa tablette.

— Il y a eu un accident dans une petite ville paumée en Alaska.

— Quel intérêt ?  demanda l’homme sèchement sans daigner toucher à l’écran qu’il lui offrait.

— Une des victimes devrait vous plaire !

Un soupir souleva le torse épais d’Andrea. Il aurait pu exiger qu’il s’exprime clairement, mais le Kid avait tendance à apprécier réaliser ce genre d’effets de style. C’était une maladie familiale, son paternel étant le même sur le sujet. Ainsi, il ne perdit pas de temps, attrapa la tablette et fit défiler l’article de journal.

Quelques lignes dans un quotidien américain basé en Alaska. Certainement pas assez important pour être diffusé dans les actualités françaises. Il s’agissait du trou du cul du monde où il ne devait y avoir que trois pelés et un tondu. Il survola les informations et manqua de perdre patience quand il tomba sur les photos des trois victimes surprises par l’avalanche. L’un d’eux fit rater un battement à son palpitant, fracassant sa poitrine d’une douleur vive et d’une nausée soudaine.

— Tu m’as retrouvé ce fils de pute ?

— Yes !

Kevin fit la danse de la victoire, fier de lui. Son air dégingandé s’agita comme un bonhomme gonflable devant une station-service. Certes, Gabriel Conti portait la barbe, s’habillait comme un péquenaud, mais c’était bien sa gueule de démon qui s’affichait sur le site web.

— Réunion dans dix minutes…

— Bah, et le commissaire, chef ? Vous ne deviez pas…

— Rien à foutre de ce blaireau ! Réunion dans dix putains de minutes ! 

Le beuglement d’Andrea tétanisa le jeune homme qui ne se fit pas prier, répondant avec vivacité qu’il se chargeait d’organiser tout cela.

Andrea resta un instant droit comme un i, le souffle raccourci, il tentait tant bien que mal de maîtriser sa hargne. Il allait enfin pouvoir faire payer à cet enfoiré tout ce qu’il ruminait depuis des années maintenant.

 

Chapitre 3

 

 

 

Sept ans plus tôt…

 

— Trouvez Gabriel Conti, trouvez-moi ce fils de pute et ramenez-le-moi ! 

Quand la voix d’Antoine Saint Clair résonnait dans la demeure, personne ne gardait les bras ballants. Ce soir, cette vérité ne dérogeait pas à la règle.

Quelques heures plus auparavant, soucieuse de ne pas avoir eu de nouvelles de son second fils, Baptiste, Marianne Saint Clair avait fait mandater des hommes pour le retrouver. Ils découvrirent son corps à l’entrepôt du port, une balle en plein front.

L’épouse légitime d’Antoine et mère d’Andrea avait toujours veillé sur Baptiste. Ce bâtard, né d’une relation adultérine accomplie lors de sa grossesse, avait rapidement obtenu l’attention de la matriarche. S’il représentait l’erreur d’Antoine avec une gogo danseuse, ce n’était pas sa faute, seulement celle de son géniteur.

Pendant un temps, ce gosse incarna une forme de chantage que la rivale ne cessait d’utiliser. Antoine étant de nature à assumer fut tenu par les couilles, un peu trop, par la blondasse concurrente et finit par amener Marianne à gérer les choses une bonne fois pour toutes…

En tant que fille de mafieux et issue d’un lignage au pedigree reconnu dans le domaine, la matriarche se trouva à la hauteur de ses racines quand elle buta sans remords la mère biologique du corniaud. La pute avait légèrement trop tiré sur la corde et abusé de la patience de Marianne. Quelle idée d’utiliser son propre gamin pour faire chanter Antoine et obtenir tout ce qu’elle voulait ! Son cerveau peroxydé aurait pourtant dû comprendre les choses…

À la suite de cet évènement, le gosse traumatisé devint son fils. Surprotégé, le petit grandit sous l’égide d’une louve qui, contrairement à sa catin de mère, ne visait que son bien. Marianne en profita pour daigner pardonner à Antoine. Plus aucune femme ne chercha à entrer dans le lit du mafieux.

Bref, ne voyant pas Baptiste revenir, la lupine en elle s’était éveillée. Son gosse était parti sur une mission facile flanqué de Gabriel Conti : récupérer une grosse somme d’argent. Contre toute attente, le chien docile choisit l’appât du gain simple, tuant le dernier de la famille, et s’envola avec le fric. De nombreuses preuves l’accablèrent, notamment une conséquente dette de jeu…

Antoine Saint Clair exigea qu’on le retrouve et qu’on lui ramène ce petit enfoiré.

 

**

— Mais qu’est-ce que t’as foutu ? 

Andrea se tenait assis sur le rebord du lit, les coudes posés sur le genou, agitant ses jambes dans un réflexe archaïque. Anxieux, furieux, l’envie de vomir s’épanouissait en lui, tandis que son amant vérifiait ses affaires. Gabriel se dépêchait, l’air imperturbable.

— Je n’ai pas eu le choix, ton frère voulait balancer pour nous. S’il l’avait fait, ton père t’aurait tué. J’ai agi en conséquence.

— Mais je m’en fous de mon paternel ! 

— À d’autres !

Le regard du brun souffrait en observant le blond. Le tourment en lui était si vivace, qu’il ne parvenait pas à gérer, dans sa tête, le pire se dessinait et s’agitait.

Gabriel, lui, le toisait froidement, tâchant de ne pas flancher. Ils n’avaient pas le temps pour des adieux. L’Italien essayait de ne pas s’excuser, de se montrer aussi insensible que possible. Ce n’était normalement pas compliqué, il savait parfaitement le faire autrefois, avant qu’il ne se laisse aller à une intimité amoureuse en la compagnie du Français.

— Je pars. C’est mieux comme ça, An… 

Se dressant subitement, il plaqua son amant contre le mur de l’appartement. Une douleur vrilla le dos de l’Italien.

Des yeux d’Andréa sortait une lueur de rage que rien n’aurait pu apaiser. Son mal s’ancrait en son être. Il n’avait jamais rien éprouvé pour qui que ce soit, et aujourd’hui, le seul qui avait un tant soit peu réussi à animer ce morne palpitant en son torse voulait se tirer ! Après toutes ces promesses, tous ces instants, tous ces désirs…

Tenu par le col de sa veste hors de prix, Gabriel ressentit de la peine pour Andrea et ne se priva pas de l’afficher. Devant cet air contrit, le Français se sentit pris en pitié. Lui ? Lui on le prenait en pitié ? Depuis quand putain ? Depuis quand ?

— Plus rien ne te fera obstacle maintenant, susurra-t-il en glissant sa main tatouée sur celle du colérique.

— Et si je n’en avais plus rien à foutre de tout ça ? Si je te choisissais toi ! 

Vociférant sa dernière phrase, il l’écrasa un peu plus contre le mur. Sa passion le rendait dingue, il n’arrivait pas à gérer cette émotion qui embrumait son esprit. Il voulait lui faire du mal et le blesser pour qu'il comprenne sa propre douleur. Il voulait lui administrer la pire raclée de sa vie, histoire de lui exprimer toute la souffrance qu’il ressentait de cette foutue trahison. Il voulait…

Les lèvres de Gabriel se posèrent sur les siennes.

Surpris, il ne désira pas répondre. Il tentait de détourner son attention en usant de stratagèmes pour l’apaiser. Il refusait de lui donner ce pouvoir sur lui ! La langue du blond glissa entre ses lippes et vint quérir la sienne le faisant étrangement abdiquer. Leurs bouches scellées, le brun se raccrocha, mordit la chair rosée de la pulpe adverse, chercha à le garder.

Loin d’être dupe, il comprenait que Gabriel lui disait adieu. Hélas, son corps rendit les armes une fraction de seconde. Ainsi, Gabriel lui échappa. Se détachant de lui, il disparut. L’Héritier demeura immobile quelques instants après que la porte fut claquée. Le vide l’enveloppa, le prenant dans ses bras et le cajolant. Le froid picora son épiderme. De rage, son poing s’abattit sur le mur. Un cri déchirant s’envola de sa gorge. Maintenant, il était de nouveau seul, et pour cela il ne lui pardonnerait jamais !

 

Chapitre 4

 

 

 

 

 

Gabriel entendait des bruits en écho dans son esprit. Des hurlements de panique qui pactisaient avec un froid soudain. Il n’arrivait pas à se souvenir du moment où il s’était endormi. Ses pensées revoyaient la neige qui venait vers eux, comme un monstre affamé, sa tentative pour essayer de s’éloigner, son incapacité à courir plus vite que le diable immaculé. Couvert de glace, il se rappelait s’être débattu pour ne pas avoir pour plaid cette poudre gelée, formant un maigre espace avec ses bras autour de lui. Il se rappelait l’air manquant et l’oxygène absent. S’était-il lentement endormi ?

Quand la neige l’avait enveloppé de son manteau mortel, la sensation d’être minuscule l’avait envahi totalement

Il n’arrivait pas à savoir si tout allait bien. Le vacarme assourdissant d’un bip ne faisait que le déranger, se répétant sans cesse dans une litanie agaçante. Il oscillait entre deux eaux, conscient de la réalité sans pour autant parvenir à s’y accrocher. Sa lutte était compliquée et cela commençait doucement à l’emmerder.

Allongé sur le lit solitaire de l’hôpital, il se trouvait loin de la ville qu’il habitait normalement. C’était le souci quand on vivait dans le trou du cul du monde. L’accident de Colver n’avait pas vraiment fait la une des magazines. Ne s’étaient intéressés que la presse locale, un peu nationale et partout ailleurs, cela n’avait été qu’un encart ou un bandeau informatif, voire rien du tout. Des incidents, il y en avait tout le temps à travers le pays, l’ensevelissement de trois bûcherons, cela s’avérait être un évènement mineur, trop pour y apporter de la curiosité.

La tête dans le guidon et le corps endolori, Gabriel eut l’impression d’émerger d’une trop longue sieste. Son esprit vaseux ne l’aida pas à saisir pourquoi il se trouvait dans une chambre aux murs blancs, sur un matelas en plastique qui grinça dès qu’il bougea. N’était-il pas sous la neige quelques secondes auparavant ? Des fils le reliaient à une machine et Belly somnolait toute proche.

Il regarda, hagard, la pièce. Sa femme blême, recroquevillée sur le fauteuil de l’hôpital, ressemblait à un oisillon hors de son nid.

Grondant avec éloquence, Gabriel avisa son bras perfusé et son index enfermé dans l’appareil qui prenait son pouls. Fronçant les sourcils, il essaya de se remémorer les évènements qui venaient de se passer.

La neige, sa tentative de fuite, son ensevelissement et sa tentative d’espace… le manque d’oxygène…

L’esprit confus, son envie de se lever fut plus importante que le reste. Dans un nouveau grognement, il entreprit son action, faisant fi des douleurs présentes dans son corps. Bien mauvaises complices, elles se réveillèrent rapidement et lui expliquèrent un peu leur façon de voir les choses : bouger ? Pas question !

À force de se comporter comme un ours mal léché, sa compagne émergea de sa torpeur.

— Ne remue pas, gros idiot… balança-t-elle doucement, se relevant afin de l’empêcher de faire de même. Elle appuya sur la sonnette des infirmières et se pencha au-dessus de lui.

— S’est passé quoi ?

Sa voix écorchée au fond de sa gorge arracha un air tendre à Belly. Il cessa de gesticuler pour plonger dans son regard avec affection. Ses beaux yeux sombres le charmèrent et domptèrent son agitation. Ce fut donc avec le plus sournois des plaisirs que son être réveilla toutes les douleurs possibles qu’il possédait. L’impression de s’être fait rouler dessus par une semi-remorque attrapa sa carcasse.

— Il y a eu une avalanche et tu as été enseveli. Tu as été vite découvert grâce à ton émetteur de détresse. Tu as fait un peu de coma à cause du manque d’oxygène. Tu as été le plus chanceux… 

Il regarda sa douce, soucieux de cette dernière phrase.

— John est mort, Matt a perdu un bras… 

— Merde. 

Cela lui mit un coup d’entendre ce genre de choses. Matt avait dix ans de moins que lui et venait de se marier. Quant à John, il laissait une veuve et trois gamins. Ces révélations l’attristèrent profondément. Ils se connaissaient depuis un moment désormais, les uns et les autres formaient une famille. Cela lui causa donc un sacré trouble, comme s’il eut été coupable d’être encore vivant et de ne rien avoir.

Un toc-toc à la porte le tira de ses pensées. Une infirmière entra et se rapprocha. Sans attendre, elle vint l’asticoter de questions pour analyser comment il se sentait. Belly le laissa, le temps qu’ils lui fassent une petite batterie de tests.

 

**

Gabriel dormait beaucoup, luttant peu contre la fatigue. Il y concédait chaque fois avec bonne grâce.

Les médecins étaient satisfaits de voir son état et le gardaient pour le remettre d’aplomb convenablement, mais cela le stressait. La note finale allait être salée. Belly lui avait ordonné de ne pas s’en préoccuper, mais il ne réussissait pas à ignorer ce fait. De l’argent, ils en avaient : un fond d’urgence. Toutefois, dépenser autant pour ça, le faisait chier. Du coup, il était de mauvaise humeur et rester au lit n’arrangeait rien.

Ce matin-là, il finissait son petit-déjeuner quand sa belle entra. Rayonnante, elle avait sa tête des grandes révélations avec un petit sourire plein de promesses. Il la contempla virevolter autour de lui, déposer un baiser sur sa joue tandis qu’il mâchait sa biscotte avec un air con.

— Qu’est-ce qui t’arrive ?

— Tu as de la visite ! 

Tant de joie pour ça ? Probablement son beau-père en prime… il ne chercha pas trop.

— Ce sont deux cousins à toi, ils ont vu les informations et ont pris le premier avion !

Son audition devint floue autant que sa vision. Accusant le coup de cette annonce, il rejeta les draps qu’il avait sur lui pour se lever.

Gabriel tenta d’envisager les possibilités qui s’offraient à lui sans pour autant alerter Belly. Au fond de sa gorge : une boule d’angoisse ; sur son front : de la sueur. Il essaya de parler, mais la porte de la chambre s’ouvrit. C’était trop tard…

— Ah, vous avez trouvé une place ?

— Ouais… claironna un homme en direction de sa femme avant de se concentrer sur lui. Hey coucou le cousin ! 

Passant l’encadrement, la silhouette de Christophe fut suivie de celle de Clément. Les deux gars pénétrèrent dans la pièce d’un air jovial et décontracté.

Christophe Sciocca et Clément Bourrache approchaient désormais la quarantaine. Le premier était un type svelte et sec qui avait finalement accepté sa calvitie. Son crâne rasé et sa barbe bien plus fournie qu’auparavant formaient les caractéristiques principales de sa personne. Le second était dégingandé, maigre comme un squelette, deux yeux d’un bleu électrique perçant ses traits. Les deux porte-flingues excellaient dans leur domaine et à n’en point douter Antoine avait dépêché les meilleurs pour le ramener.

Bêtement, Gabriel se sentit rassuré de ne pas découvrir Andrea. Il se demanda, furtivement, si le mafieux était finalement à la tête du réseau ? Est-ce qu’il avait pu réussir ? Allait-il bien ?

Ses pensées furent chassées par la voix de Christophe qui parlait un anglais impeccable.

— Bordel ! T’imagines pas combien on a balisé dès qu’on a vu les infos !

— Maman était en mode : mais c’est David ! Puis, tu la connais, elle est partie dans tous les sens. Déjà, quand tu t’es barré en plaquant tout, elle était en PLS. 

Gabriel écoutait les mensonges, son corps en pilote automatique. Comment Belly aurait-elle pu se douter de ce qu’ils étaient réellement ? Il n’avait jamais été très loquace sur son passé. L’on pouvait même dire qu’il n’avait jamais parlé que de ses parents et de son ex. Il voyait le pire se dessiner. Des images mauvaises arrivaient dans son esprit et troublaient ses pensées. Il connaissait par cœur toutes les méthodes du groupuscule, imaginer le négatif était donc à sa portée.

Leurs paroles tombaient, ils plaisantaient avec Belly, trop heureuse de pouvoir découvrir une belle-famille. S’il n’accomplissait rien hormis accompagner le mensonge, c’est qu’il savait ce qu’il se passerait s’il la ramenait. Ses craintes ordonnaient sa prudence.

De vaines tentatives de plan lui tournèrent dans le crâne tandis qu’il faisait semblant avec eux. Belly finit par les abandonner parce qu’elle devait tout de même gérer son travail.

Dès qu’elle fut sortie, l’ambiance changea.

— Ça faisait vraiment longtemps, Gab’.

— S’il vous plaît, laissez Belly en paix.

— Il ne lui arrivera rien, t’en fais pas. Tu sais comment ça marche. 

Bien entendu, il n’avait rien oublié. Tant qu’il obéissait, tout irait pour le mieux. Jouer au con déclencherait les hostilités. Ils avaient le pouvoir.

— On va appeler le chef, il veut te causer directement. 

Gabriel concéda à cela dans un hochement de tête. Résigné à ne pas faire n’importe quoi et à suivre sagement les directives, il entendit les battements de son cœur résonner dans ses pensées. Avoir conscience de ce qui allait lui arriver était peut-être pire que de simplement ne rien savoir.

L’anglais avait été délaissé pour le français. Les accents sudistes revenaient dans les bouches des mafieux. Le polyglotte se sentait désemparé. Il comprenait déjà qu’il allait devoir tout déserter et l’idée l’anéantissait. Tout ce qu’il avait construit était perdu…

Il se maudit de s’être fait prendre par la normalité. Il aurait dû vivre reclus. Mais voilà, il avait abandonné la prudence pour la certitude que tout irait bien. Il n’aurait jamais dû oublier la ténacité d’Antoine Saint Clair.

Ses yeux vides furent attirés par le téléphone que Christophe agitait maintenant sous son nez. L’écran de l’iPhone révélait un A. Saint Clair comme interlocuteur. Attrapant l’objet dans un geste lent, Gabriel mit l’appareil à son oreille.

La réalité s’écrasa sur sa gueule, la sensation de vertige l’emporta, il s’éclaircit la voix pour dire quelque chose, mais on lui coupa l’herbe sous le pied :

— Bonjour, Gabriel. 

Sa vision se flouta dès qu’il reconnut l’intonation grave de celui qui avait été son amant. Son palpitant fracassa trop vite sa cage thoracique. L’impression d’être pris dans l’étau d’une main géante et invisible le laissa démuni et le souffle court. Assis dans son lit, il regardait un point devant lui.

— Bonjour, Andrea. 

Sa langue eut toute la peine du monde à se mouvoir. Il articula ses propos lentement. Gabriel connaissait Andrea par cœur. Il l’imaginait posé sur son fauteuil de bureau, impérial, son bras tendu, sa main crispée à gratter la pulpe de son pouce avec l’ongle de son index, puis de son majeur. Ses yeux devaient briller d’une lueur émeraude.

Gabriel comprit qu’il était donc le boss, il détenait le trône de son paternel. Ce qu’il avait accompli avait porté ses fruits. Dans un sens, il en fut heureux, presque. Mais l’impression se dissipa pour ramener l’inconfort de la réalité.

— Voilà ce qu’il va se passer, Gabriel… 

Andrea lui expliqua qu’il allait suivre Christophe et Clément, sans rien tenter et ainsi rentrer docilement en France. À lui de gérer sa femme pour le coup, il ne doutait pas qu’il saurait faire. Après tout, ce n’était qu’une question de choisir le mieux pour elle sans lui demander son avis. Il connaissait totalement comment faire.

Muet, Gabriel attendit que le Cannois finisse.

— Tu embarqueras avec les gars. Une fois sur le sol français et chez moi, je te promets que Julien rentrera et laissera ta douce en paix. Tu te souviens de Julien ?

— Bien sûr…

— Parfait. 

Comment ne pas se rappeler de lui ? L’ancien militaire, reconverti en mafieux à cause d’un problème médical qui ne le rendait plus apte au service. Un sniper qui ne ratait aucune cible, éliminant proprement ses victimes.

— Je suis impatient, Gabriel, tu n’imagines pas. 

Et il raccrocha.

Mécanique, le blond restitua à l’homme de main l’appareil. Son esprit vide de toutes émotions sensées. Il était résigné. L’épée de Damoclès avait fini par tomber…

 

**

Assis à son bureau, le sourire d’Andrea s’étalait sur ses traits dans une expression mauvaise. La satisfaction de l’emprise, voilà ce qui agitait ce connard inapte au pardon. Revanchard comme un clébard affamé s’acharnant sur un os pourri, il inspira lentement.

Le temps avait été long, mais il était enfin venu le moment de faire payer à Gabriel son abandon. Le mafieux ne connaissait pas le dicton indiquant de tendre l’autre joue. Il n’était de toute façon pas capable de se rabaisser à un tel pardon et il allait pouvoir lui rendre la monnaie de sa pièce pour ce vide intersidéral qui l’habitait désormais.

Quand il avait appris que ce chien vivait heureux avec une femme au fin fond du trou du cul du monde dans le vague espoir d’être pénard, Andrea avait décidé de prendre sa revanche. Son téléphone vibra d’ailleurs, le nom de son père s’afficha. Il hésita à répondre, forcément, il ne pouvait pas ne pas l’appeler, avec humilité Andrea l’avait prévenu dès qu’il avait su.

Son paternel incarnait une ombre casse-couilles qui veillait à rester informé. S’il avait choisi de s’éloigner des affaires, c’était pour laisser son fils avoir la mainmise sur l’Empire et le respect de tous. Il était fier de son gamin, et leur relation ne se tissait d’aucun négatif.

Soupirant, il prit l’appel :

— Oui, père ?

— Alors ?

— Je le fais rapatrier. Je te préviens dès qu’il touche le sol français, tu pourras être présent quand je m’occuperai de ce fils de pute.

— Très bien, ta mère et moi nous préparons à rentrer dans ce cas.

Ils raccrochèrent en même temps après un dernier échange. Clair et succins, comme souvent entre eux, le mafieux se laissa aller dans son fauteuil pour réfléchir. Son père voulait écarteler Gabriel, lui désirait prendre son temps. Il escomptait le faire souffrir lentement, pour qu'il paye de lui avoir administré cette blessure non cicatrisée.

 

**

La menace de Julien planait au-dessus de son crâne et l’empêchait d’échafauder un seul plan. À la moindre tentative, il passerait à l’acte. Une balle, une unique, et Belly mourrait.

Christophe et Clément logeaient chez lui, sa femme leur avait ouvert leur porte gaiement avec toute l’hospitalité et la joie dont elle savait faire preuve. Gabriel se reprochait de ne pas avoir été prudent. Jamais il n’aurait dû se laisser aller au confort d’une vie facile, d’un bien-être bienvenu. Maintenant, les loups étaient dans la bergerie.

Les deux porte-flingues ne s’inquiétaient pas qu’il puisse se casser en abandonnant tout derrière lui. Après tout, c’était une éventualité. Mais Gabriel possédait une réputation bien ancrée : malgré tous les éléments sombres qui le composaient, il n’était ni égoïste ni nombriliste. Il n’acceptait pas que des tiers morflent pour lui.

Habitué à se sacrifier, histoire d'offrir à l’autre la possibilité de se reconstruire, il ne dérogerait pas à la règle. C’était ce qu’il avait fait pour Andrea.

Son amour pour cet homme le tordait encore de chagrin, mais son affection se tarissait au fil du temps. Jamais il ne pourrait l’oublier, toutefois, il pouvait panser ses plaies.

Il savait que le mafieux ne pouvait plus le voir en peinture, Andrea était trop entier, trop intense. Avec lui, c’était tout ou rien. Mais cela lui allait parfaitement, car aujourd’hui, il aimait Belly. D’une autre manière, d’une vivacité plus posée, d’une tendresse moins destructrice. Et c’était parce qu’il éprouvait cela, qu’il se devait de la protéger et faire en sorte qu’elle le déteste… c’était le mieux. Une fois qu’il aurait mis les pieds en France, il ne reviendrait pas. Elle n’aurait plus de ses nouvelles. Elle ne devait pas l’espérer ni savoir la vérité, il ne fallait pas qu’elle plonge dans ce monde.

Quelques jours s’étaient écoulés. Prêt à sortir, il attendait l’arrivée de Belly. Il ne s’en irait pas avec elle, les Français poireautaient en bas comme il leur avait demandé.

Sa femme entra. Elle rayonnait de le ramener à demeure. Gabriel sentit au fond de lui une émotion le brûler. Il devait terminer rapidement, pour ne pas défaillir et perdre le peu de courage qu’il possédait. Cette fois, partir faisait beaucoup plus mal, il avait un foyer, elle était sa famille…

—  Belly ? dit-il gravement. Faut qu’on parle.

Son articulation bancale fit froncer les sourcils à sa belle. D’abord, elle le regarda avec un sourire amusé, son énergie toujours au beau fixe. Son expression intriguée, elle concéda à poser son cul sur le lit à côté de lui quand il tapota celui-ci. Gabriel, les épaules affaissées, puisa au fond de son torse la force nécessaire.

—  Tu sais, j’ai pas mal réfléchi…

Comprenait-elle la suite de ce qu’il allait dire ? Probablement. Il la vit se raidir, sur la défensive. Belly avait un sacré caractère. Impulsive, elle était un peu comme Andrea : entière. Avec elle, c’était tout ou rien. Jamais de demi-mesure et il adorait cela.

—  J’ai songé à tous les détails de notre vie et je crois que tout nous prouve qu’on ne devrait pas rester ensemble.

— Tu te fous de moi ?

— Non.

Belly ne pleurnicha pas, ce n’était pas son genre. Éduquée parmi des mecs, elle s’avérait plus dure qu’eux. Son regard s’assombrit davantage en le dévisageant et lentement, elle quitta sa proximité.

—  Belly, je suis désolé. Je pensais que tout allait bien. Mais cet accident… cela m’a fait réaliser que… cela m’a fait réaliser que je n’avais plus envie d’avoir un enfant, je veux vivre pour moi. Heureusement que tu n’es pas capable de tomber facilement enceinte. 

Il savait qu’il lui faisait mal. Ce bébé, ils en avaient parlé de long, en large et en travers. Toujours plus amoureux que jamais à l’idée de pouvoir faire naître une vie. Il souffrait autant qu’il la faisait souffrir.

Il aurait adoré continuer tout cela, avoir cet enfant avec elle et connaître les joies simples d’une existence tant ordinaire. Mais il avait tellement fait de merde. Son passé était jonché du pire. Ainsi, fallait-il envisager que tout ceci était un juste retour de bâton.

—  Je veux que nous divorcions.

Le coup de poing qu’il se mangea en pleine face lui fit voir de petites étoiles. Il souffrit physiquement, mais la douleur la plus vive était au fond de lui.

Quand la porte claqua, il fut rassuré et envahi d’un sentiment de néant.

Pour la repousser, il ne pouvait pas mieux faire. Elle ne connaissait pas ce trait de sa personne, celui capable du pire pour faire partir les autres. Apte à cela pour ceux qu’il aimait, il les éloignait sans crainte d’être détesté.

Seul dans la chambre, le nez douloureux, il resta là un moment. Le poids du monde affaissait ses épaules et il crut crever à chaque respiration. Son cœur se tordit, son esprit s’embrasa, ses yeux se piquèrent d’une souffrance nouvelle. C’était terminé. L’histoire avec Belly, l’Alaska, sa propre sensibilité et sa liberté.

Au fond de lui, Gabriel avait été heureux ici. Éloigné du milieu que son passé lui avait imposé, il avait pu retrouver cette part de lui émotive, sincère, qu’il avait dû étouffer en entrant dans l’environnement de la mafia. Parce qu’un mec, un vrai, ça ne braille pas… pourtant des larmes affluèrent à ses joues. En silence, il les laissa s’écouler, le haut du corps voûté.

Pendant dix minutes, il encaissa, ravalant la bile aigre qui flirtait avec sa gorge. Puis, doucement, le bûcheron se décida à détacher de son chagrin. Il essuya de ses mains calleuses les pleurs qui mouillaient ses pommettes, attrapa son sac et se dirigea vers la sortie.