Les Chroniques du sang - Tome 2 - Scarlett  Marina Ecoffet - E-Book

Les Chroniques du sang - Tome 2 E-Book

Scarlett Marina Ecoffet

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Beschreibung

Jezabel est perdue, prisonnière de l'Aîné des vampires.
Lawrence, Nicolas et ses autres infants sont traqués.
Leur seule chance est de s'unir, de se dresser contre Diancecht, le plus ancien vampire encore existant, quitte à prendre tous les risques, et apprendre des secrets qu'ils n'auraient jamais dû connaître.



À PROPOS DE L'AUTRICE


Née en 1986, passionnée d'écriture depuis l'adolescence, rêveuse intempestive, toujours dans son imaginaire, Scarlett M. Ecoffet est une créatrice dans l'âme. Son parcours scolaire est composé de littérature et d'une carrière créative en tant que Designer-Web.

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Les Chroniquesdu Sang

 

Tome 02 :

 

Réminiscence

 

 

 

 

 

 

 

ECOFFET M. SCARLETT

 

 

 

 

 

 

 

À Jean-Dominique, tu m’as beaucoup donné, tu as remplacé ce père qui n’a jamais été là. J’aurais aimé t’avoir bien plus longtemps dans ma vie.

Scarlett.

 

Prologue

 

 

 

Épaisses et insondables, les ténèbres l’embrassaient. Ses yeux ne perçaient pas les ombres, sa peau transpirait sous la chaleur moite. Depuis combien d’années, n’avait-il plus connu ce genre de chose ? Il avait presque oublié cette sensation humaine qui, en cet instant, faisait perler sur sa nuque des gouttes de sueur tiède. L’humidité couchait sur lui un voile poisseux qui enveloppait sa carcasse, contraignant sa respiration à une lourdeur fracassante. Pourquoi respirait-il d’ailleurs ? Il n’en avait pas besoin, il n’en avait plus besoin depuis des années. Alors, pourquoi ? Pourquoi cherchait-il l’air ? Pourquoi s’acharnait-il à inhaler cette fragrance de poussière, à glisser dans son corps cette essence trainante qui laissait sur sa langue un goût étrange de terre ?

Les ténèbres, inquiétantes et oppressantes, le détenaient. Compagnes de l’instant, elles paraissaient refuser de l’abandonner. Couchées à son flanc, comme une amante demandeuse, elles venaient baiser sa silhouette et le forcer à se tenir allongé. Ses yeux cherchaient à distinguer quelque chose : une forme, n’importe quoi qui aurait pu le rassurer. Mais le néant chahutait son corps, le contraignant à l’immobilité.

Était-il étendu à même le sol ?

Il devinait dans son dos chaque morceau d’inconfort de la terre battue : les pierres minuscules, les brindilles éparses, tout ce que la paillasse grossière laissait se divulguer. Et la noirceur continuait de l’encercler dans une prison moite et poussiéreuse.

 

Avait-il déjà eu peur de la sorte ?

Oui, il se souvenait, de cette terreur. Cette crainte du vide, le néant qui venait prendre place. Il ne discernait rien, hormis quelques sons qui résonnaient vaguement au lointain en percutant son ouïe avec maladresse.

Près de lui, deux respirations hasardeuses semblaient puiser toute la force possible des corps desquels elles s’arrachaient pour se réaliser. Une symphonie bancale d’halètements étranges l’encerclait. Il aurait aimé demander quelque chose, mais sa langue trop lourde, pâteuse, l’empêchait de parler. Sa gorge était prise par le silence. Ainsi le néant continuait de gagner du terrain, raidissant sa silhouette, emparant son cadavre tout entier.

La douleur s’installa enfin et il en prit conscience.

Cette entrave de ténèbres devenait maîtresse du moment. Ne pouvait-il réellement pas faire le moindre geste ? Ou bien des doigts invisibles retenaient son corps ? Toutes tentatives lui apparaissaient veines, tout espoir lui semblait loin. L’attente et la souffrance étaient ses seules épouses. Ses yeux s’agitèrent dans un tremblement. Ses larmes craintives inondèrent ses iris. Mais finalement, une lueur perça, éclairant l’opaque abysse. Une flamme indistincte commença à se dessiner. Elle se rapprocha.

Cette fois, tout parut à portée de sa main, tout sembla possible ! Il devait de supporter encore un peu, un tout petit peu, tout ça pour voir ce visage qui venait vers lui…

Résistant à un hurlement qui l’appelait, ce n’était qu’une question de seconde.

 

« LAWRENCE ! »

 

Les yeux de Nicolas fixaient son visage, des mèches désordonnées tombaient sur son front. Mal coiffé, débraillé, il avait encore sur le bord de ses lippes, la trace de son repas. Ses crocs toujours présents, l’inquiétude tirant ses traits, Nicolas le contemplait, incapable de l’aider autrement.

Ils avaient quitté la France depuis plus d’un an et se trouvaient maintenant en Angleterre. Ils avaient beaucoup trop voyagé, après avoir dressé la liste de tous ceux et celles qu’ils devaient retrouver. Durant ce périple, quelque chose s’était cassé chez Lawrence. Quelque chose l’entravait depuis que Jezabel avait usé de ses dernières forces pour le prévenir. Depuis qu’elle l’avait brutalisé pour l’alerter, il avait quelque chose en lui qui ne lui appartenait pas.

Au tout début, ils avaient supposé qu’un lien s’était établi, comme un ruban mystique entre l’Infant et sa Sire, mais Lawrence en doutait. Il se retrouvait paralysé dans un rêve, incapable de savoir sa signification. Endurant une souffrance humaine et visiblement mortelle. Il tombait dans une situation de faiblesse, qui ne cessait de les mettre en danger, manquant de provoquer un face-à-face non désiré avec Baptiste. Maintes fois, ils avaient devancé le Limier du Saigneur, mais les échecs étaient tout de même présents. Aujourd’hui les infants de la lignée de Jezabel espéraient que la constance de leurs mouvements leur permettrait d’atteindre leur but. Chaque crise le fragilisait, le contraignant à l’inertie soudainement, les installant un peu plus dans un contexte merdique !

Que se passera-t-il quand cela surviendra au pire des moments ?

Lawrence se redressa, le cœur prit dans une course incongrue. Il s’empara de l’avant-bras de Nicolas et ses doigts s’y crochetèrent avec fermeté. L’impression que le vitae dans ses veines fuyait des assaillants mortels le poussa à émettre un son guttural de souffrance. Son regard se voila, il tituba, peinant à se calmer cette fois. La douleur autour de son palpitant n’était pas fantomatique, trop présente, elle mordait son muscle cardiaque pour tenter de lui en arracher quelques morceaux. Il lui sembla qu’une bête essayait de le dévorer.

Debout, les deux frères de sang se soutenaient. La mortelle dont Lawrence se nourrissait tantôt baignait dans une flaque écarlate, le regard livide et vitreux. Elle n’appartenait plus à ce monde. Il peinait à se défaire de la sensation de raideur qui siégeait dans sa carcasse.

 

« Ça… ça a recommencé… »

 

Affirma-t-il pourtant hagard et incertain du moment qui se déroulait désormais.

 

« Non ! Sans rire ! J’aurais pas cru ! Je pensais que cela te faisait bander de faire la planche dans une flaque de sang ! »

 

L’ironie de Nicolas tira à Lawrence un regard noir. La fuite avait mis entre eux une inévitable tension, formant une hostilité particulière. Nicolas avait failli se retrouver aux mains de l’ennemi par deux fois. Aujourd’hui, il craignait de tomber entre les doigts de l’adversaire quand Lawrence serait au pire de sa condition. Ces crises n’avaient pas de sens.

Depuis que cela avait débuté, Lawrence voyait cette vision se développer. Au tout début, il n’était qu’allongé dans le néant à sentir une peur inconnue et possessive le détenir. Peu à peu, il avait entendu les respirations, humé les choses, et puis cette flamme et ce visage qu’il n’arrivait pas à discerner s’étaient rapprochés. Il fallait qu’il tienne un peu plus pour comprendre. Cependant la douleur était atroce et laissait dans son corps un vestige de présence qui l’handicapait dangereusement.

Comme il peinait à mettre un pied devant l’autre, Nicolas préféra le soutenir.

Le petit village de Fordwich en Angleterre allait avoir du mal à encaisser ce cadavre. Était-ce le cadet de leurs soucis ? Pas totalement. Ils n’étaient plus à une époque où ils pouvaient disparaitre de la vue des communs. La nuit restait aussi claire que le jour et les gens dormaient tardivement. Le hameau gardait des allures d’un autre siècle avec son église minuscule entourée des pierres tombales abandonnées, envahie d’herbes folles. Ses rues typiques aux maisons identiques de briques rouges et murs blancs.

Quoi qu’il en soit le monde moderne était là. Et ce cadavre hagard, pas loin du bar de la ville, allait attirer l’attention.

 

« Vous faites un bordel ! »

 

La voix hautaine d’Amélia coupa l’instant, les pupilles pleines de reproches, la vampiresse les détailla avec mépris. Elle avait sur elle une expression lourde, qui sous-entendait qu’ils n’étaient que des idiots ! Elle les fusilla du regard. Derrière elle, un homme attendait, grave et silencieux, il n’était pas très grand, mais il paraissait de ceux qu’ils ne valaient mieux pas déranger.

Amélia portait sur ses traits une jeunesse éternelle d’à peine dix-sept ans. Sa peau métissée avait la pâleur de sa condition, tout en jouant d’une couleur de bronze, oscillant en des nuances charmantes. Les regards curieux ne pouvaient que brûler de désir sous son envoûtement. Sa chevelure de crêpe brune rasée sur les côtés dans une précision nette, ses boucles coiffées sur le haut de son crâne, elle dévoilait sans détour son agacement. Ses grands yeux noirs, soulignés par ses cils démesurés, donnaient à son œil une puissance fatale. Elle frotta son front, faisant un signe de tête à Oishi.

 

« Encore ? Pourquoi je me coltine toujours ce problème ?

— Parce que tu es un as dans la dissimulation des corps ?

— Certes, admit la créature sans lutter contre cette vérité. »

 

Son expression détachée et quasi impassible, le japonais roula des épaules, glissa une main dans sa tignasse mi-longue ramenée en arrière et réfléchit un instant. Un labret noir, une silhouette fine, des muscles discrets… Il ne paraissait pas être âgé d’une cinquantaine d’années. Pourtant, à sa mort, il n’était pas un fringuant jeune homme.

Sa présence était écrasante ! Lorsqu’on finissait par le remarquer, son aura apparaissait déstabilisante. Le charisme qui l’entourait frappait ses adversaires et ses comparses comme s’il savait quelque chose sur les autres qu’il retenait. Toute son attitude était celle d’un prédateur : ses pupilles scrutaient toujours les veines palpitantes qui vibraient à la gorge des mortels, sa silhouette semblait prête à vous attaquer !

Quand un sourire le gagnait, il se présentait étrangement envoûtant, mais l’évènement était rare. Le vampire préservait une forme de barrière pour ne pas laisser personne l’approcher. Parfois, lorsqu’il se pensait ignoré, il souriait à Amélia. Sa complicité avec elle s’affichait alors, faisant briller son visage d’une lueur d’affection. Cette gamine l’avait sauvé jadis et leurs liens étaient forts, ils n’étaient ni mère et fils ni inversement, mais des amis trop proches qui se cajolaient avec tendresse. Ils étaient plus que des amis, moins qu’un couple. Définir les choses avec précisions n’était pas nécessaire. Eux s’en moquaient…

Lawrence sentit Amélia glisser sa silhouette sous son bras, pour l’aider à avancer. Il gronda encore alors que marcher lui était insupportable. Des lames s’enfonçaient dans son bassin à chaque mouvement, comme une petite sirène maudite. Il se força à progresser en serrant les dents. Une rage silencieuse régnait au fond de son être : un an de cette torture commençait à le rendre dingue. Tout comme l’idée que Jezabel soit seule, entre les griffes du Sire des Sires attendant la mort de ses infants en guise de punition.

 

***

La petite chambre d’hôte dans la maison louée par les bons soins de AirBNB avait des airs vieillots. Comme si elle avait été mise à disposition après le décès de sa propriétaire, et cela sans que l’on ne débarrasse réellement ses affaires.

Il y avait des odeurs de trépas, indiscernables par les mortels, mais Lawrence devinait les fragrances aigres de produits chimiques et les relents mortuaires des chairs pourrissantes. Amélia avait trouvé un carton plein de photographies jetées là. Sur elles, l’histoire d’une vie qu’on avait juste ignorée.

Lawrence n’en avait spécifiquement rien à foutre, il y pensait pour s’apaiser de ses douleurs. Celles-ci disparaissaient à mesure que le sang circulait de nouveau.

En le ramenant ici, ils avaient croisé une bande de jeunes en train de fumer quelques joints. À moitié cachés aux abords d’un jardin, sans l’être réellement. Une jeunesse simple, s’amusant comme n’importe quel soir, s’enfumant en parlant de tout et de rien. Ils avaient offert leur gorge sans vraiment le savoir, un peu d’hémoglobine de chacun, pour nourrir celui qui avait gaspillé son précédent repas. Une large rasade prise sur chacun, il s’en était retourné ici, sans même essuyer sa bouche. Il reposait là maintenant, une trace carmine sur le coin de ses lippes, le regard appuyé sur le plafond. Ce soir, cela faisait précisément un an que tout avait commencé, que l’avertissement de Jezabel avait été donné, un an que sa quête des autres avait débuté.

 

Chapitre 1

 

 

 

Toulon, été 2020

Le ruban doré à l’horizon finissait d’exister. Bientôt, la nuit allait tomber et s’installer. Le monde s’ouvrirait alors à eux. Cela faisait trois heures que le sommeil avait fui Lawrence, la torpeur tenace s’en était allée, le contraignant à l’enfermement au sein de la petite chambre d’hôtel, qu’ils avaient pris pour quelques jours. Ils avaient quitté l’Espagne une semaine plus tôt, passant par le sud de la France pour rejoindre la Sicile. Rester vingt heures dans un ferry vers l’île ne les enchantait pas, mais c’était quasiment plus sûr, de traverser la mer, que de continuer sur les terres.

Ils avaient atterri à Toulon après avoir longé la Méditerranée. Les entrailles de la ville les avaient accueillis en leur sein. La cité portuaire n’était qu’un point de transition. Ne pouvant s’attarder à aucun endroit, ils se devaient d’être en constant mouvement. Pour l’instant, aucun sbire vampirique du Grand Saigneur n’avait, semble-t-il, retrouvé leur chemin, mais cela ne saurait tarder. Ils en avaient totalement conscience. Lawrence s’assombrissait à mesure que le temps filait, son humeur, son esprit et son être tout entier embrassaient une part plus sombre de sa personnalité. Il pensait à sa fille bien souvent, essayant de comprendre comment et pourquoi elle l’avait dupé ? Comment avait-elle pu agir ainsi ? La souffrance qui découlait de l’acte passé s’était installée. S’il aimait son enfant, son côté immortel ne cessait de lui rappeler qu’elle ne l’était plus. Pourtant, céder à ce fait lui semblait impossible. Il avait pris soin d’elle, il avait nourri ses crocs et fait en sorte qu’elle ne manque de rien. Malgré tout la vérité était là : sa fille ne l’était plus de sa descendance depuis sa première nuit.

Au-delà du fait qu’elle était la chair de sa chair mortelle, il prenait conscience de l’irrémédiable séparation qui s’était épanouie entre eux. Elle avait l’apparence d’une éternelle gamine tout en prenant lentement l’esprit de l’adulte et surtout celui de la créature surnaturelle. Le père en lui s’était cassé, cette place qui le rattachait à son humanité n’était plus. Ce qui l’avait maintenu en laisse, c’était cette petite, mais aujourd’hui, il n’avait plus aucune entrave de sa vie d’homme. Ainsi avait-il enfin embrassé son Don Obscur. Qu’adviendrait-il quand il la reverrait ? Il ignorait encore la terrible vérité : la mort d’Emily et sa fin tristement solitaire.

Retrouver les Infants de sa Sire était son premier objectif, ils devaient se regrouper, se prévenir afin de se dresser contre l’autorité vampirique. Une idée folle n’avait cessé de croitre en lui : il devait comprendre. Comprendre comment Jezabel, Diancecht et Sohan avaient débuté leur vie de Nosferatu. Mais pour commencer sa recherche, il lui fallait des éléments compliqués à obtenir.

Lawrence et Nicolas n’avaient que les noms de leurs frères et sœurs de Sang. Pour se déplacer, ils devaient jouer de discrétion et utilisaient de l’argent qui n’était pas le leur. Ils en avaient pris à différents touristes tout au long de la route, profitant du don de l’esprit qu’ils possédaient pour envoûter ceux et celles qui détenaient le nécessaire. S’ils préservaient des cartes bancaires bien à eux, l’idée de se faire repérer aussi stupidement ne leur convenait pas. Nicolas lui avait expliqué la subtilité des choses puisqu’il n’était pas à sa première tentative de disparition.

Des membres de leur lignée, ils avaient des noms, quelques adresses datant d’une dizaine d’années, des connaissances quant aux habitudes de certains et des suppositions sur les emplacements qu’ils pourraient retrouver. Ils ne s’attendaient toutefois pas à voir leurs visages sur des profils Instagram ou Facebook, mais il ne perdait pas l’espoir d’obtenir des informations. Leurs premières destinations étaient la Sicile. Comme dit précédemment, ils quitteraient le port de Toulon pour rejoindre l’île en Ferry puis la commune d’Acquedolci.

Selon Nicolas, Delilah n’avait jamais abandonné sa région natale, continuant de peindre et de créer, accompagnée de son infant Ornella. Du peu qu’il connaissait de son ainé, elle avait vu le jour durant la République romaine. Épouse soumise et obéissante, elle avait expérimenté les plaisirs saphiques dans le plus grand des troubles jusqu’à choisir de renier toute son existence pour Jezabel. Elle avait délaissé enfant et époux pour la suivre, mais le temps avait eu raison de leur passion. L’éternité ne se conjuguerait pas au gré de leur désir. Certainement parce que Jezabel était un oiseau sans cage, ayant besoin de voyager et qu’à son inverse, celle qui se nommait encore à l’époque Quarta n’en avait pas le goût. Chagrines, mais conscientes de leur éloignement, elles s’étaient séparées. L’Originel avait continué ses errances, Delilah s’était couchée à la fin de la renaissance pour plusieurs siècles, préservée dans un cocon que sa Sire surveillait. Elle ne s’était réveillée qu’à l’âge fastueux de l’Opéra italien au gré des années 1840. La voix d’Ornella avait ramené un désir de vivre. Cette divine cantatrice avait rendu à l’immortelle son envie d’exister. La séduction de l’infant et de la Sire permit à ce couple de s’épanouir à travers les époques.

Delilah n’était pas la plus ancienne d’entre eux, si le tout premier était mort, choisissant de s’ôter la vie, déchirant le cœur de leur Damesang, il y avait Auguste. Celui qui avait changé de nom au cours des siècles passant de Ávgoustos à une étymologie de plus en plus contemporaine venait de Grèce. Le sensible vampire était né de basse classe à une époque où la Grèce était sous l’Empire byzantin. Vie de servitude et de maladie, il avait fini dans un bordel à la fleur de l’âge, rencontrant ainsi celle qui deviendrait sa créatrice. Transformé, mais souffrant toujours de la violence mortelle et de sa capacité de destruction, la Seconde Guerre mondiale fut de trop pour lui. La vulnérabilité d’âme qu’il possédait ramena en lui le dégout et le désir de sombrer dans la torpeur le gagna. Il y céda sous la bienveillance une fois encore de sa Damesang.

En troisième venait Ghaïth. Né dans une Arabie préislamique du temps de jâhilîya1. Il avait été un dévoué du culte de Manat au Yémen, un riche héritier et un bâtard princier. Sa nature de « petit con » comme le disait Jezabel avait bousculé ses habitudes. De la volonté de conquérir l’étrangère à la chevelure flamboyante était arrivé un désir de se dédier à elle et d’apprendre. Ils étaient restés plus d’un millénaire quasiment deux ensemble avant que leurs chemins ne se séparent.

Par la suite, il y avait eu Oishi, bien des années avant que le Japon ne se ferme au monde. Celui qui fut assassin n’avait jamais raconté sa vie et Jezabel avait gardé les choses pour elle. Leur relation était la plus mystérieuse. Ils la tenaient sous silence, car elle leur appartenait. La pudeur du japonais était ainsi.

Après, il y avait eu Nicolas, suivi de peu par Ignacio. Un gamin chilien venu faire quelques études en Europe à l’époque du siècle des Lumières. Il avait rencontré Jezabel dans la fleur de l’adolescence, mais ce ne fut que des années plus tard qu’elle le transforma. Quand un jour, elle reçut une lettre tourmentée lui expliquant combien son mariage l’anéantissait et qu’il demandait son aide. Ainsi devint-il son infant, son complice et son confident. Ils n’éprouvaient pas de désir ensemble. Ignacio préférant la gent masculine et ne vouant à Jezabel qu’une platonique admiration.

Quelques années après cela, Oishi retrouva sa Sire. Ils vécurent de concert, voyageant jusqu’aux Amériques pour s’y épanouir. À La Nouvelle-Orléans, ils rencontrèrent l’intrépide et insolente métisse qu’était Amélia. De cette histoire à trois, il en resta la plus jeune infante physiquement de Jezabel.

Cette longue liste s’accompagnait de peu d’élément. Des noms, des prénoms, de maigres informations sur leurs derniers lieux connus. Ils avaient du pain sur la planche. Jezabel n’avait pu partager ses savoirs. Quant à Nicolas, ce n’était pas qu’il ignorait les autres. Certains lui étaient étrangers. Quand bien même, ils n’avaient pas l’habitude de garder trace de tout ce que les uns et les autres faisaient dans leur quotidien. Ni de se tenir au courant de leurs agissements respectifs. Les vampires de cette lignée étaient en finalité tous, ou presque, bien indépendants, loin de l’organisation rigoureuse des autres.

Lawrence s’inquiétait de la justesse de leur périple, Baptiste risquait-il de les devancer ? Le monstre était meilleur Limier qu’eux et disposait certainement de plus d’élément pour convenir à ses recherches. Se contenter d’espérer de trouver les choses facilement ne suffirait pas. Préoccupé, le buveur de sang se décida à quitter le Little Palace, petit hôtel rue Berthelot de Toulon, pour aller chasser. Il enfila un jean, passa un t-shirt noir et laissa un mot à Nicolas qui reposait inerte sur le lit. Il saurait le retrouver au besoin. De toute façon, il n’irait pas loin, simple question de prudence.

Quand il sortit de l’édifice, une chaleur percuta son visage sans qu’il n’en ressente de la gêne. Il devina, sans les voir, les traces orangées du soleil à l’horizon et fit une grimace. Il ne risquait pas de croiser celui-ci au cœur de la vieille ville, surtout maintenant, mais il aurait probablement dû rester encore enfermé. L’idée ne le ravissait pas, il avait besoin de bouger, de se nourrir un peu. La faim était en train de le tirailler et de chatouiller son corps. Pour preuve, il devinait mieux les effluves qui se dégageaient des silhouettes mortelles. Les relents âcres de sueur, le parfum possessif du déodorant artificiel ou celui du savon bon marché titillaient son nez. Il était plus sensible aussi aux teintes de vieillesse de la cité. Il émergeait des rues des odeurs prenantes : celles du ciment et des égouts, de la terre des pots de plantes décoratives asséchées, des pisses animales ou humaines déversées. Il lui manquait cette fragrance si particulière, capable de percer les autres et de l’envoûter. Durant un instant, il ferma les yeux, en quête de cette teinte de violette, de ce sentiment d’apaisement qui pourrait le cajoler. Mais il se sortit de son espoir et dévisagea le buste de Jules Muraire2 qui siégeait en face de lui.

Les rues pavées oscillaient entre petits carreaux serrés et dalles plus larges, le tout serti par des briques en sorte de faux marbre blanc devenues grisâtres. S’il avait pris à droite, et choisi de remonter, il se serait exilé vers le boulevard de Strasbourg. Mais il préféra les entrailles de la cité pour sa chasse.

Ses yeux abandonnèrent la statue, il descendit la voie, en direction de la fontaine des 3 Dauphins de la place Puget. Couverts d’un massif fleuris, deux pilastres supportaient des vasques et des coquilles marines. Les trois dauphins à la queue enlacée déversaient de l’eau par leurs gueules dans le large bassin. S’installant à la terrasse du restaurant Le Chantilly, la petite serveuse arriva dans la foulée avec un joli sourire. Demoiselle dans la vingtaine, ses grands yeux clairs et ses cheveux rattachés en une queue de cheval lui donnèrent l’impression de voir Emily. Elle avait le visage qu’aurait pu avoir sa fille si elle avait vieilli. Pris un peu au dépourvu, il n’entendit pas sa demande de prime abord et du la faire répéter.

 

« Un café, ça suffira merci. »

 

Sa voix un peu prise au fond de sa gorge, il sortit de sa poche arrière, un portefeuille usé dans lequel se trouvaient encore les photos de sa famille, planquées, derrière sa pièce d’identité. Il retira un billet de cinq euros et le déposa sous le cendrier avant de s’allumer une cigarette. Redressant le visage, il crut sentir des yeux qui le scrutaient.

La nicotine entre ses lippes vampirique, il laissa son regard vagabonder, son esprit aussi.

Il ne paraissait pas y avoir de prédateurs de sa sorte ici. Aucune aura écrasante ne venait marquer son territoire, il ne ressentait aucun danger à porter. Se nourrir ne serait pas compliqué, en descendant un peu plus dans la basse ville, il pourrait trouver le nécessaire. En plus du fait qu’il ne soit pas tard, l’été sonnait aujourd’hui. Il y aurait du monde et du brouhaha. Les groupes de musique s’installaient, créant ainsi un terrain de chasse idéale.

La présence de Lawrence avait changé, il s’était affermi dans sa nature vampirique. Sa peau diaphane, ses pupilles séductrices, il se dégageait de lui quelque chose d’attractif. Les jeunes femmes qui le zieutaient auraient pu affirmer sans pression qu’il était attirant. La quarantenaire assise sur la terrasse d’en face aurait pu aisément le confirmer.

Quand la serveuse déposa la tasse, il lui tendit le billet en lui signifiant, qu’elle pouvait tout garder. Un sourire et des remerciements, elle s’éloigna. Ignorant les regards qu’on lui adressait, il finit par partir, son café à moitié bu…

Une fragrance le tiraillait. Un parfum s’échappant de l’amas massif autour de lui, des notes de jasmin qui étaient venues l’embrasser. La teinte florale s’était montrée possessive, désirant le prendre et l’emporter. Il avait fait le choix de la laisser faire et de la poursuivre. Descendant la place Pierre Puget, il s’était engouffré dans la rue Richard Andrieu, s’éloignant sans trop réellement le faire du cœur des animations. Cette rue adjacente était plus étroite et moins passante.

Continuant son chemin, il eut l’impression fugace d’une présence, mais il n’y avait rien à part deux femmes ridées en blouses noires discutant sur le pas de leur porte. Elles le dévisagèrent, la sensation disparue…

Il n’attarda pas ses pupilles sur les vieilles, sentant pourtant les leurs le lorgner de haut en bas. Il se contenta d’avancer, jusqu’à la devanture discrète d’un magasin quelconque. Sur l’enseigne flétrit était indiquée Aux trésors de Charlie. La façade composée d’une entrée simple, flanquée d’une vitrine de part et d’autre, dévoilait qu’il s’agissait d’une bijouterie fantaisie. Au-dessus de la porte, il observa le dessin tracé sur le verre : un œil dont l’iris paraissait être une larme ou une goutte.

Siégeant sur des étagères rembourrées de coussins rouges, diverses sortes de bijoux, pendentifs et bagues fantasques aux pierres naturelles étaient exposés.

En s’approchant, il ressentit une vibrance inconnue qui fit dresser sur sa nuque quelques petits cheveux. Détaillant le pas de la porte, il se décida à en passer le perron et traversa le rideau de perles marron qui chanta son cliquetis à son entrée. À l’intérieur, une bouffée de jasmin fracassa sa silhouette et le prit tout entier. Trois modestes ventilateurs disposés, çà et là tournaient doucement. L’endroit minuscule ne permettait pas de bouger facilement. Des étagères sur les côtés exposaient divers bijoux et en quelques enjambées, l’on se retrouvait devant le comptoir boisé. Les lumières tamisées, les plantes, tout paraissait entretenir un mystère étouffant. Un large miroir derrière ledit comptoir et une porte taillée dans celui-ci réfléchissait l’image vampirique.

Lawrence se regardait difficilement. Tiraillé par le monde qui était le sien, par l’envie de sauver celle qu’il aimait, il ne voyait plus celui qu’il avait connu depuis des années et peinait à se reconnaitre dans le reflet. Il était devenu sombre, dur et plus déterminé. Une silhouette derrière lui le fit sursauter, apparaissant soudainement. Il se retourna, mais ne découvrit personne. Le gémissement de la porte du miroir le sortit de sa pensée.

 

« Bonsoir, je peux vous aider ? »

 

Une jeune femme apparue, silhouette fine aux hanches discrètes, elle portait une robe simple, aux pans longs, dans des teintes beiges et aux fleurs marron. Sa chevelure châtain tirant sur le blond était lâchée raide sur ses épaules, l’odeur de jasmin venait directement d’elle. Lawrence attarda ses pupilles sur sa gorge, il dévisagea la veine palpitante au-dessus de sa clavicule. Son cœur battait vite, elle devait le craindre dans un instinct inné bien ancré dans son inconscient. Naturellement le prédateur se rapprocha pour lui sourire. Ses yeux fixés aux siens, il avait sur la bouche un air espiègle et sa pensée chercha à frôler la sienne. Une tache de vin ornait son visage, siégeant autour de son œil.

Il désirait cette proie, son odeur l’alléchait. Son cuir était dénué d’artifice chimique et dégageait une fine senteur de chair, un peu de sueur et des teintes de jasmin. Il pouvait voir tous les détails de sa composition alors qu’elle se dévoilait sous ses pupilles. Il se surprit à avoir envie de déboutonner le haut de sa robe pour mordre dans le rond d’un de ses seins discrets. Le parfum le prenait au corps, éveillant des sensations dont il n’avait plus eu conscience depuis dix ans.

La capturant dans l’étau de son regard hypnotique, il lui tendit la main. L’émoi de la jeune femme la faisait respirer un peu plus vite, poussant son sang à circuler dans ses veines dans une cadence endiablée. Il ne la blesserait pas, juste quelques gorgées de vitae dérobées sans geste déplacé, histoire de se nourrir et de pouvoir repartir par la suite. Le vampire contourna le comptoir et alors que la mortelle lui donnait sa main, il y déposa un baiser.

 

« Je ne vous ferais pas mal. »

 

Promit-il à demi-mot, alors que sa pupille s’électrisait et que ses crocs pointaient. Doucement, il posa sa main à sa taille, la guidant contre son corps et dégagea sa chevelure d’un geste délicat. Il respira sa peau, humant le nectar sous l’épiderme et frissonna de plaisir. Il allait planter ses canines quand la présence de Nicolas derrière lui le fit s’arrêter. Nullement partageur sur le coup, il laissa échapper un grondement, toutefois, ce ne fut pas à lui que son comparse s’adressa.

 

« Je suis désolé, la jeunesse de mon frère de lignée ne lui permet pas de connaître les statu quo entre nos races.

— Oh, ce n’est pas très grave, Manon était curieuse… Cela n’aurait coûté qu’une gorgée ou deux… non ? »

 

La voix ancienne et chantante voguant au gré d’un accent provençal le surprit. Il redressa les yeux et dévisagea une vieille femme qui se trouvait dans l’arrière-boutique, assise sur une chaise, fumant une longue et fine cigarette. Les pupilles de Lawrence s’agitèrent entre elle et Nicolas, puis la jeune fille qui toussota discrètement, lui rappelant qu’il la gardait toujours entre ses bras. C’était un peu gênant désormais, mais la magie du moment était passée.

 

***

Charlotte Martin était une dame d’un certain âge. Un air tendre et paisible était là sous ses prunelles indigo et ses cheveux jouaient de teintes blanches et grises dans une natte lâche réunie sur le côté. La marque du temps prenait son siège sur son visage, adoucissant son regard tout en donnant à ses lèvres une forme de malice bienveillante. Rajustant son chemisier élégant d’un noir profond, elle toucha l’énorme pierre d’ambre qu’elle portait autour de son cou, révélant qu’à chacun de ses doigts résidaient des bagues aux roches colorées et brillantes.

Ayant rejoint Nicolas et se tenant à son flanc, Lawrence gardait des allures de fauve, alors que ses iris vibraient. Nicolas avait sur ses traits une expression semblable à celle de son frère. En face d’eux, les deux femmes, grand-mère et petite-fille souriant bien plus calmement que les deux prédateurs qui leur faisaient face. Lawrence n’avait pas compris cet échange mystérieux. Toujours novice dans le monde vampirique, il était confronté à des éléments dont il ignorait tout. En même temps, il n’avait pas eu le temps que de se consacrer à son tout petit univers. Celui-ci ne s’était élargi qu’il y a peu, avec la perte de ses libertés.

 

« Il est rare qu’un vampire s’aventure ici même. Je trouvais qu’il y avait un étrange effluve depuis quelques jours dans le quartier, je comprends mieux.

— Nous ne voulions pas vous importuner, nous ne sommes que de passage, mieux vaut pour nous, comme pour vous, que vous ne fassiez pas cas de notre venue Madame Martin.

— Appelez-moi Charlie… »

Nicolas gardait une curieuse politesse, un peu comme si elle était nécessaire. Une forme de respect empreint de dignité et de méfiance, alors que tout échappait encore à Lawrence. Cela eut été plus aisé, s’il avait eu droit à une explication.

 

« Votre compagnon ne connaît pas les sorciers, je suppose ?

— Nullement et encore moins les Sangreal…

— Oh, impressionnant… dit Charlie surprise d’un tel discernement sur la nature de son Art.

—  Le jasmin qui émane de votre sang ne laisse aucune place aux doutes. »

 

Les yeux de Lawrence s’écarquillèrent, le terme de sorcière et l’autre lui firent comme un choc. Il tourna vivement le visage vers Nicolas qui, tout au contraire, ne broncha pas plus que cela. Ce n’était guère le moment. Dans ce vis-à-vis étrange, il y avait tant de choses à apprendre et si peu à comprendre. Au bout d’un instant, la vieille proposa.

 

« Un thé ? J’ai toujours rêvé de discuter avec un vampire ! »

 

Nicolas haussa un sourcil visiblement hésitant, mais finit par incliner poliment la tête en signe d’acceptation.

 

***

L’arrière-boutique était à peine plus grande que la pièce principale, c’était un atelier et un coin de repos, sans fenêtre ne possédant qu’une seule autre porte. Celle-ci cachait un escalier menant à l’appartement à l’étage.

Entre eux, désormais, des tasses vides et un thé refroidi. Une heure ou deux était passée. Nicolas et Charlotte avaient parlé, instruit un peu au passage Lawrence qui s’était retiré dans un angle, écoutant d’une oreille les propos qui s’échangeaient. Il peinait à assimiler l’existence de l’Art avec celui du Sang.

Ces termes distinguaient donc la magie ou en tous cas, c’était la manière qu’ils avaient eue de l’appeler. Le Sang et l’Art étaient présents en ce bas monde et il se jouait maintenant dans son esprit des questions pour lesquelles il n’avait pas de réponse. Si les Nosferatu se départageaient en lignée réunie sous l’égide du Grand Saigneur, la sorcellerie se divisait en Coven qui formait une alliance sans Dieu ni Maître à leurs têtes. Les sorciers avaient chacun un domaine de compétences, enfin chaque Coven. Ils avaient été énumérés, mais il ne les avait pas tous retenus. Hormis celui des deux femmes ici : les mages Sangreal. Ceux qui agissaient sur le sang. Leurs parfums étaient envoûtants et de par leur terrain de prédilection, les vampires s’en méfiaient.

La mâchoire serrée, Lawrence avait toujours envie du liquide écarlate, mais il se tenait, pendant que les deux discutaient. Il s’était finalement éloigné, allant fumer dehors. La jeune demoiselle qu’il avait désiré goûter s’était jointe à lui.

Quand elle se trouva à son flanc, dans la rue passante, elle souriait. La musique battait son plein, le monde s’amusait et ils étaient en dehors de cette atmosphère jonchait de beuveries inutiles.

 

« Je suis désolée, je ne voulais pas…

— Peu importe… coupa-t-il avec brusquerie.

— Je vois. »

 

Son ton empêchait toutes formes de discussions. Mais elle resta à son côté en hésitant un peu. Elle semblait chercher comment échanger avec lui, un petit air espiègle sur la bouche. Son parfum continuait de venir contre lui, percutant sa personne sans qu’il n’ait d’autres choix que de le sentir. Elle se rapprocha, il ne la regarda pas. Fixant le mur en face de lui, il s’acharnait à aspirer la nicotine. Lawrence n’était pas stupide, il comprenait qu’elle n’était pas contre poursuivre des choses plus intimes. La morsure n’était pourtant pas une curiosité aussi séductrice que cela, non ? Il ignorait si cela lui plaisait ou pas. 

Au fond, il avait envie de plus, mais ce plus ne lui convenait pas.

Il avait passé dix ans de sa vie à négliger ces besoins. Il n’avait jamais eu le goût de les approcher. Toutefois cela venait doucement effleurer son esprit. Il songea plus fortement à Jezabel, soumise à une torpeur dont elle ne désirait pas l’existence et il s’imagina vivre d’autres choses. Ressentir d’autres choses. De l’amertume frôla le fond de sa bouche.

Il sentit sa main à la sienne. Sortie de ses pensées, il fut entrainé vers la porte du bâtiment à côté. Elle ne dit rien, l’embarquement simplement, sans même se soucier qu’il aurait pu la tuer. Lawrence jeta sa cigarette, retira ses doigts, mais passa l’entrée de l’immeuble.