A ... Mes Chevaux - Richard Amalric - E-Book

A ... Mes Chevaux E-Book

Richard Amalric

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Beschreibung

Ecoute, Partage, Respect sont des maîtres mots dans la vie de Richard Amalric. On pourrait y ajouter Amour en l'écoutant parler des couples qu'il a formés avec chacun des chevaux qui ont croisé son parcours. Lui-même n'hésite pas à dire "mariage" avec ceux qui furent la première passion de son existence. Et parce qu'ils méritent bien, comme les humains, une biographie, voici les portraits de ceux qui lui ont tant appris.

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Seitenzahl: 439

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Tout commence, en l’an mille neuf cent cinquante-quatre !

Table des matières

PONY

CAPRICIEUSE

MILORD

NAVAREZE

FAUVETTE

PIC JERRY

BOUM

HARAS NATIONAUX

LOLA

BLONDINE

TIGA

WALKYRIE

KALOU

MONASTIR DU GENEST

COLIBRI

VOLCAN

PHEBUS

PASKA

DELURIO

JERICHO

KHANN

ARC EN CIEL B2

LUTECE

NOIROT

ONNETO

DELURIO

OUVERTURE

MAGNOCA

ARCOLE B2

QUIJOTE

PEUT ÊTRE

SPIROU

MIRADOR

EQUI THERAPIE

CHOUCHOU

EDUCATION

VACALMIA

TOURNANT

ATTILA

DYNAMITE

DEBOURRAGE CHEVAUX SAUVAGES

BLOND

MARRON

BLOND

ROUGE CERISE

COQUELICOT

GRIS FER

SAINT-BRIEUC

LE CHEVAL ECOLE

NOISETTE

CABRIOLE

ELAN

HIDALGO dit TONTON

FATIMA

NOISETTE (suite)

APACHE

LUI

GYPSIE

DOMINO DU BERRY

DIATHERMIE

HOUDAN

HANOÏ

HARIBLIN

HISRA

GUETAPEN

CUZCO

PRINCESSE

DECA

NICOLE

IDOLE

LES TROIS « H » (suite)

BALADIN

ODE TOO JOY

FARWEST

GAELLE DE CHALAIZAC

JABLON

TABOU

ERONNE

BACH

VINGT CHEVAUX SAUVAGES

Nicole et REIMS DE LETTREE

QUTIA

GERBE D’OR

DELICATE ET CHOUCHOU

PRIAM

NOVAR

JIJI DE VILMER

BELLE DU MAISNE

La suite ?

1. PONY

Nous sommes dans la banlieue toulousaine, le village est tout près du fameux canal du Midi créé par Monsieur Pierre-Paul Riquet, ce village en amont de ce dernier cache une propriété habillée par une multitude forestière majestueuse, toutes les couleurs mélangées, chatouillent notre sens olfactif à plein poumons, une grille en position ouverte nous souhaite la bienvenue, Labège va montrer son château.

Sur la pelouse bien taillée le vert ressemble au terrain de golf qui dans cette année de mille neuf cent cinquantequatre est provisoirement au repos.

- Nous sommes heureux de vous recevoir, mais qu’il est mignon !

- C’est notre quatrième, Richard. Dis bonjour à la dame.

Je n’en ai pas du tout envie

- Ne soit pas timide et maintenant (sous la forme d’un commandement) dis bonjour.

Le décor est planté,

- Laissez-le tranquille, tout à l’heure il ira mieux, bien dites-moi comment va votre Mari ? Il y a bien longtemps que nous ne l’avons pas vu.

Même à mon âge j’ai compris le genre de dialogue, des paroles sans tête ni queue et sans rien dire je pars marcher dans le parc. Comme aimanté, attiré, je marche poussé par je ne sais quelle force. Nous, ce poney fait exactement le même mouvement en avant, venir. Notre essence demande la bonne question :

- Qui es-tu ?

- Je viens vers la découverte, du Vivant.

Et je pars pour rencontrer un animal vivant, nous sommes tous les deux dans la même sensation du partage de la connaissance ! Je n’ai que quatre ans et je ressens le pouvoir tout au fond de mon corps, de mon cœur vers ce monde inconnu, mon regard lit ces deux grands yeux ouverts comme s’il me parlait et je l’écoute, j’écarte mes deux bras le plus grand possible sous la forme de cette invitation : viens vite combler l’espace entre mes bras ; le poney est maintenant au trot, bien dans ce mouvement en avant, droit comme la flèche du bonheur venant toucher mon cœur !

Ce tout est enregistré dans mon cerveau et même des décennies après, rien n’a changé, tout est resté intact dans ma mémoire ! Merci Poney de ce cadeau somptueux.

- Non Richard, Noooon n’y va pas il est méchant et dangereux, reviens vite…

Sans mot dire ce fameux équidé est à mes côtés exactement à ma droite, et cerise sur le gâteau… Il a sa tête sur mon épaule droite !

- Vous voyez bien qu’il mignon et affectueux, vous vous êtes peut-être un peu trompée Madame. Avec vos lunettes de l’habitude la réalité est bien différente.

Silence, regards, incompréhension, et pourtant je vous propose le DEBUT de ma passion pour tout ce qui ressemble aux équidés !

Aucun retour, le dialogue est parti en même temps que la voiture, maman n’est pas contente, restée dans le déni ,je n’ai pas le bon numéro et je ne comprends pas le Pourquoi, dans le temps il sera comme la rallonge ça ira légèrement mieux…

Cette nuit même dans le noir (j’ai peur du noir !) j’aurai cette tache blanche de ce merveilleux Poney à qui je donne son nom : « PONY » il sera mon compagnon, mon ami, mon interlocuteur, Lui il saura m’écouter et me comprendre. Je m’endors avec un sourire que je ne connaissais pas, il est doux.

Ne sachant pas du tout dessiner je gribouille, le gaucher que je suis ne me gêne en aucun cas, quand je regarde le résultat noir sur blanc du papier, ça ressemble à tout sauf à mon Pony !

Avec comme image dans un des livres de mes grands frères- car je suis le quatrième, donc le plus petit des grands et le plus grand des petits, place inconfortable, je m’en apercevrai bien plus tard, mais là n’est pas mon souci- j’ai Mon Copain à quatre pattes, lui il me comprend.

Il habille mon esprit et surtout mon dessin, car avec une photo il devient de plus en plus ressemblant !

Pour tout vous dire, je ne l’ai jamais revu. Combien de fois j’ai demandé, redemandé, insisté et aucune réponse n’a été dite, elle (ma question) ne voulait pas être entendue !

Voilà mon premier rapport, je le trouve grandiose !

Papa avec son grand métier parcourait de nombreux kilomètres pour SOIGNER tout plein de gens, ne pouvait être à la foire et au moulin ! La régence, elle, était la reine… Cela était comme ça et en profitait au maximum !

Dans cette incompréhension je forgeais même à quatre ans le devenir de la vie. Si j’avais un jour pensé que cette merveille ne serait que le début de ma vie immense et complète !

Nous habitions tout près du jardin Royal, le carrefour du Grand Rond, du jardin des Plantes, et… j’ai entendu un drôle de bruit : je ne le connais pas, mais son odeur m’a tout de suite parlé. J’étais avec Papa pour une fois et nous rentrons tous les deux : ce n’était pas mon Pony.

Cette nouvelle connaissance est arrivée quatre ans après, j’ai huit ans je regarde sa haute taille, de grandes oreilles et pareil pour ses yeux en accents circonflexes : elle me donne l’image d’un géant et sa manière de parler est différente, gutturale, profonde presque chaude, je suis subjugué impressionné et pourtant attiré !

Le Monsieur qui lui savait leur parler :

- Tu voudrais monter ?

Je regarde Papa sous la forme d’une question

- Et pourquoi pas ?

- Oui …

Le Monsieur me met sur son dos. J’ai l’impression d’être sur le toit du monde, il me prend la main et me fait toucher son encolure, sa douceur de peau me fait aller plus loin, je caresse et ressens.

2. CAPRICIEUSE

- Elle s’appelle comment ?

- Capricieuse.

- Grande comme elle est, c’est quoi sa race ? Le PONY que j’avais vu est bien plus petit !

- Ce n’est ni un poney, ni un cheval, c’est une Mule ! Je vais te montrer comment ça marche ; et c’est parti pour le grand tour du Jardin des Plantes. Surtout tu poses tes mains ici et tu ne bouges pas, je vais te laisser seul et avec ton Papa nous te regardons.

Fier comme Artaban je suis devenu le plus grand cavalier du monde, Capricieuse va me montrer son caractère et comme un jeu de vie, elle s’amuse, reste bien au pas ; la configuration de cette pelouse légèrement en pente s’arrête sur un petit lac où les cygnes sont les patrons…

Et la vitesse de son pas est accélérée ET son encolure descend d’un seul coup, devant moi LE VIDE ! L’eau est bonne ,certes ce n’était pas le but, je chute sans comprendre réellement ce qui vient de se passer, je reste pantois.

Le Monsieur n’est pas surpris et encore moins inquiet car dans vingt centimètres d’eau ce n’est pas dangereux, ce n’est qu’une impression. Il vient vers moi et me remet en selle.

Après une chute on remonte aussitôt (Leçon Importante !) et me fait refaire tout le tour du Jardin. Le baptême est bien fait, ouverture complète.

- Votre fils sera un bon cavalier.

J’ai huit ans, mes rêves sont remplis de chevaux aussi bien avec des licornes voire des ailes, je vole avec eux et ne vois rien d’autre, ma scolarité est plus que secondaire, elle est dans sa place de subjugué surtout après avoir été puni de ne pas écrire avec La Bonne Main, le monde des humains est bien différent, ce sera bien plus tard encore une nouvelle manière de faire.

Pony, Capricieuse vont bien être avec mon esprit et ce seront bien ELLES qui vont m’éduquer ! Le chemin de ma vie.

J’entends des drôles de bruit sur les pavés de la Rue NINAU où nous habitons et je m’approche de la fenêtre de la cuisine pour voir de véritables monstres ! La carriole attachée à leur derrière, d’un pas lent bien frappé, avance.

Je descends à toute vitesse l’escalier et je suis en face devant Lui. Je ne sais trop comment agrandir encore plus mes yeux.

- Monsieur que votre cheval est beau ! Comment il s’appelle ?

- Gentil.

- Je peux le toucher ?

- Bien sûr.

Il me prend par la main, elles sont aussi énormes et comme un moustique je touche sa peau blanche avec une multitude de petits points noirs, rien que ce contact me donne la chair de coq !

Je n’en reviens pas.

- C’est quoi son travail ?

- Regarde bien, il, nous ramassons les poubelles…

- Un si beau cheval pour des poubelles, vous ne croyez pas qu’il mérite mieux ?

- Mais il l’Aime, il se promène dans les rues, il voit tout, il est fier de ce qu’il Est. Ce n’est pas tout mais nous avons pris un peu de retard, allez bonne journée à toi, au fait comment tu t’appelles ?

- Richard.

Je remonte le cœur heureux, je renifle l’odeur de mes mains qui ont touché « Gentil », que du bonheur.

L’école bof, les Jésuites rien d’intéressant, je suis toujours près de la fenêtre à regarder les oiseaux, les arbres, là je trouve mon évasion, dans ma tête je mets des ailes aux chevaux, je vole avec eux, bref on me ressort de ce beau monde pour apprendre.

Un virage pointe le bout de son nez, une nouvelle : samedi avec mes frères et Maman nous allons voir un Club Hippique !

- C’est quoi un club hippique ?

- C’est une école pour apprendre à monter sur des chevaux.

- Des veut bien dire beaucoup ?

- Tu verras bien.

J’essaye d’imaginer, le silence radio est allumé, plus personne dans la voiture ne parle, les kilomètres défilent, ça monte, descend et une grande ligne droite, la première maison est une église et bien plus loin une grande et grosse maison, des voitures sont bien rangées, notre voiture fait pareil, les quatre portes s’ouvrent toutes en cadence et nous descendons, les odeurs nous invitent, la porte du CLUB s’ouvre, il y a du monde.

- Nous avons pris rendez-vous.

- Pour combien de personnes ?

- Quatre.

- Vous savez tous monter ?

- Trois oui mais le quatrième non, c’est sa première fois !

- Allons dans les écuries.

- Le petit, s’appelle comment ?

- Je réponds Richard. (J’aime mon prénom)

- Je vais te donner un très bon cheval, il s’appelle « TARZAN ».

Tarzan est un barbe-arabe, il a 10 ans, sa placidité est exemplaire, et Lui il Sait !

Il est rangé dans ce qui est une stalle donc attaché, son cul est énorme et il bouge sans arrêt, je n’ose aller plus loin et pourtant c’est bien sur son dos que je vais être.

On me donne des instruments, brosse, étrille, cure pied et ce premier conseil qui compte beaucoup, il faut lui Parler…

Il va comprendre ? Mais c’est bien sûr.

Il, l’enseignant, est une bonne personne, il sait parler voire comprendre Ma position et nous rentrons tous les deux sur le côté gauche de Tarzan, il le caresse, lui parle et me demande de faire pareil, je le fais avec un immense plaisir, j’ai peur, content mais peur.

Lui c’est le moniteur, c’est le Commandant Roumanet (je me permets de marquer son nom, il est incrusté dans ma mémoire, même soixante ans après !)

Il me montre comment faire, l’étrille lui gratte sa peau, fait un massage, puis la brosse le caresse, et là pour les pieds c’est difficile, IL me montre, ça parait si simple et en deux temps et trois mouvements c’est fait.

Nous allons dans la sellerie : que de cuirs, ils sentent tous bon, les selles, les filets (le guidon des cavaliers !) les étiquettes montrent la bonne identité, car chaque cheval a son matériel rien que pour lui.

Nous partons avec les bras chargés, non ce n’est pas comme ça, on le porte différemment et il me montre.

Je ne sais plus du tout où j’en suis, et pourtant.

Une fois que Tarzan harnaché sort de l’écurie je le vois encore plus grand, beau, il semble content.

Le Commandant resserre la sangle c’est mieux quand elle est bien attachée, il règle la longueur des étriers et maintenant à cheval…

Je me trouve tout en haut ! Entre la mule et le cheval presque rien n’est ressemblant, je n’ai aucun point de repère, son dos est rond, dur, son cou est puissant même sans rien faire il bouge massivement, j’avoue avoir peur, je ne me reconnais pas, et pourtant j’en ai rêvé plus d’une fois dans ma tête, et aujourd’hui, je suis comme ça !

Le Commandant me fait faire le tour de la selle et je ne vois pas il me fait toucher avec mes deux mains les flancs, la croupe et l’encolure. Je commence un peu à me détendre.

Il me montre comment tenir les rênes, ouverture de l’avant-bras à droite et sa tourne, idem pour la gauche (c’est la rêne phase d’ouverture) et pour le frein lever les deux mains sans jamais tirer dessus. Les explications déjà écoutées ne font que commencer l’apprentissage !

Et maintenant au pas. J’ai comme l’impression de monter le plus merveilleux des chevaux, au pas ça bouge de droite à gauche et vice versa, je me sens grandir et cette allure me convient parfaitement.

Il me demande de faire le tour sur la selle comme tout à l’heure, et là blocage… je ne suis plus sûr de rien, mes jambes se bloquent.

Arrêt.

- Maintenant refais le tour.

Je débloque petit à petit et la confiance reprend sa place. Pour une première tentative, elle a marqué mon premier point négatif, Tarzan a tout ressenti, il est complaisant.

Aujourd’hui je peux parler de la psychologie du cheval ! La leçon terminée ma tête n’arrête pas de revoir tout ce qui s’est passé et en fait une marmelade de questions, j’ai huit ans !

Les leçons prennent leur temps, une fois par semaine, je reviens à chaque fois content et anxieux, je suis en position de fermeture dans la joie d’être là.

Peut-être provisoirement Tarzan a été remplacé par un autre cheval, lui aussi un barbe-arabe, il est plus fin et un peu plus petit, son moteur est différent, plus souple l’accélérateur, plus sensible, il marche au pas plus vite, je me sens mieux, et sans rien dire à personne, je fais avec facilité le tour sur la selle ! Première victoire sur moimême.

Le Commandant a bien compris une chose : le laisser seul dans son coin, il n‘aime pas trop être commandé et ce sera bien plus tard son ouverture. Il me donne d’autres montures, du coin de l’œil il me regarde sans rien dire, son sourire habille son visage, et ce jour il fait bouger ses jambes : change du pas au trot !!!

Il respire de satisfaction, il avance, sa peur est partie par la bonne porte, il ne bouge pas sur la selle, Nofren est au petit trot souple, mes fesses ne bougent pas et suivent les mouvements, quelle souplesse, je suis transporté dans un nuage de plaisir.

Une heure après le Commandant vient vers moi et :

- Aujourd’hui tu t’es fait un grand plaisir !

- Je ne me suis jamais senti aussi bien !

- Quand tu te sentiras bien tu pourras venir en reprise avec les autres, surtout prend ton temps.

Voilà le mot Pédagogie dans le bon sens, savoir proposer ce que je peux comprendre et admettre, c’est de très loin la bonne solution !

Attention… Mon premier Galop.

Un pur-sang anglais, dix ans, rouan, poil court et brillant, lui il sait. Pansage fait, selle, filet mis, il sort de son box, il est beau, ses naseaux respirent l’air pur de la campagne, il relève son encolure, sa tête respire la joie.

Quand je vais vous dire son nom, ça va faire « BOUM » le décor est planté ! Nous allons dans une clairière entourée de beaux arbres, le terrain n’est pas plat, ça monte et descend, une grande ligne droite dans le fond en contrebas et ouverture sur la montée !

Certes ce n’est pas une piste noire de ski, mais ça monte et Boum sans me demander mon avis part au galop… Sans savoir je me penche en avant, cela s’appelle la suspension, mes mains sont posées sur la crinière, je crie de joie, rien ne gache le grand plaisir ! Et je continue sur toute la longueur de la piste, mon visage doit rayonner, il rayonne : cette sensation alors que je n’ai que dix ans, même soixante après habille ma mémoire de plaisir.

3. MILORD

BOUM est gravé de bonheur, d’évasion toujours présente dans mon moi intérieur. Ce fut l’ouverture pour mon futur, la progression, la découverte intérieure font une construction d’un édifice disons important.

J’ai enfin intégré la Reprise (homonyme de leçon, cours) je sens des choses bizarres, petit à petit j’engrange ces éléments dans ma case mémoire et je grandis. Je n’ai jamais aimé le commandement, là c’est différent, le volume a changé de place, il s’appelle le Conseil et devient une sorte de drogue pour faire évoluer !

Les progrès, la jouissance, le début du mariage entre deux êtres vivants montrent le bout de leur nez, c’est que je ne connaissais pas Richard ! Les années s’égrènent, l’assurance prend une autre place. J’ai confiance…

Encore un nouveau, un pur-sang anglais, onze ans, alezan cuivré, un mètre soixante-cinq: « MILORD. » Il va être une ouverture énorme. Le pansage a été encore une première, je ressens une chose que je n’avais jamais connue, nous discutons par télépathie et nous sommes en accord.

Harnachements posés, nous sortons, rien n’est comparable avec BOUM, comme pour les hommes rien n’est comparable car nous sommes tous Uniques ! Je ressangle en moyenne deux fois, je règle mes étriers et à cheval.

EXPLOSION.

- Je crie.

Le commandant arrive en courant :

- Que se passe-t-il Richard ?

- Je vois tout l’intérieur du cheval, tous ses organes, j’ai pris les rênes et je vois toute sa tête, mon Commandant c’est extraordinaire !

- J’attendais ce moment depuis si longtemps ! Détends-le et vient me voir après.

J’ai quinze ans, j’ai transformé mon corps physiologique, biologique et psychologique, je ne suis plus dans la case du Timide. Je viens d’ouvrir tout simplement mon chemin de Vie.

Le Commandant a parlé aux parents pour m’inviter à voir La Représentation du

« CADRE NOIR DE SAUMUR » et à Toulouse !

Mes yeux étaient aussi gros et grands que la coupe de la tasse à café ! Mon corps bouge, suit les mouvements de tous ces cavaliers, rien ne bouge, les chevaux dansent, dans mon for intérieur aussi.

Le retour, les images, tout cela parlait, il n’y avait rien à dire et tout à penser. Moment inoubliable. Cette porte étant prise, les mariages que nous avons faits avec tous les chevaux sont avec le mot magique : « OUI ».

Je vais partir en exploitation du vivant, et cette fois-ci le Commandant me demande de préparer NAVAREZE, jument grise pommelée. Elle mesure un bon mètre soixante-cinq, nous faisons connaissance dans son box, dialogue fourni, découverte d’un nouveau corps, posture tranquille, de temps en temps elle me donne un petit coup de tête contre mon épaule, est-ce une manière de dire merci ?

Elle est prête. Nous sommes dehors.

- Allez, à cheval Richard.

- Laissez- moi la ressangler, tout doucement (il y en a qui serre d’un seul coup à fond.) Vous pensez à ses poumons ?

- Nous allons dans la carrière de l’église…

C’est là qu’il y a des obstacles de concours hippique ! Je commence à comprendre ce qui va se passer.

4. NAVAREZE

Détente assouplissements pour Navareze droite, gauche, je titille déjà le travail de dressage !

- Raccourcis tes étriers de trois trous.

- Position de suspension ! Le haut du corps en avant, les mains bien posées sur l’encolure, déplacements du haut du corps des deux côtés, voilà les changements de direction.

Vingt bonnes minutes après tout est prêt. Je, nous sommes piste à main droite, nous tournons petit galop, un obstacle, c’est un droit avec deux barres, on s’en approche, la jument allonge un peu sa foulée, nous sommes à quelques mètres de l’obstacle…

Au dernier moment nous allions SAUTER et l’imprévisible est là…

Le vol des canards de Barbarie s’envole ! Navareze, Nous, sautons le double de la hauteur du petit droit, je me sens poussé par une force énorme, avec l’impression de me rapprocher du ciel ! Je suis émerveillé de ce qui vient juste de se passer.

Le Commandant est encore sous l’effet de surprise d’avoir assisté à cela !

- Ça va Richard ?

- Ben oui, vous avez vu ? Je me suis senti porté vers le ciel. C’est toujours comme ça ?

- C’est la première fois que je le vois. Sacré baptême.

Et c’est parti pour une maladie grave qui a duré pendant toute ma vie de cavalier, elle a un nom : « Sautomanie ».

Tout a changé. Je suis porté par le mot envie, désir de grandir, d’aller encore plus loin et mon cerveau me donne l’enseignement de construire, de partir sur des bonnes bases (il avait raison !). Tout commence par un début du genre Sentir et Utiliser, la patience est un gouffre mais petit à petit je grignote !

Je change de chevaux comme si c’était des chemises et à chaque fois je marque dans ma mémoire tout ce qui est à enregistrer. Enumération.

5. FAUVETTE

Fauvette, petite jument baie d’un mètre cinquante-cinq avec une encolure en caoutchouc mais très confortable au trot assis (et amusante).

6. PIC JERRY

Pic Jerry, immense pur-sang anglais bai cerise d’un mètre soixante-dix, certes très grand mais sans caractère, gentil bonhomme agréable à monter.

Jalna, jument anglo-arabe baie commun un mètre soixante approximativement jument joueuse et pleine de vie, aime faire des surprises ! Un Anglo ne se dresse pas, il s’éduque… Clef de voûte pas toujours respectée !

Sortie imprévue, nous sommes trois :

Le Commandant. Il monte Nénuphar, anglo-arabe bai, un mètre soixante plein de sang et le cœur gros comme une valise !

Pierre monte Peut-être, cheval espagnol, trapu, résistant, fidèle et avec une résistance hors du commun, mesure un mètre soixante, très confortable !

Richard. Je monte Navareze surtout après le saut dans la carrière des canards (depuis ce saut !) et vais découvrir une nouvelle sensation. Navareze est heureuse, son moteur, je sens la poussée de son dos sous la selle, quelle jouissance ! La présence des fossés, des troncs d’arbres, des flaques d’eau, la galopade toujours à la même vitesse, tout est grisant, je me laisse emporter complètement.

Vingt bonnes minutes après :

- Comment avez-vous trouvé ? Surtout pour toi Richard !

- Idyllique, incroyable et vous faites cela souvent ?

- J’ai mon tableau de travail. Entre la préparation physique, les chevaux ne sont pas des mobylettes, il faut faire les préparations, physique (musculation) respiratoire (le souffle) cardiaque, les assouplissements, et ensuite la mise en œuvre donc beaucoup de travail…

- Ouhaa.

- Voilà juste une partie du Concours Complet d’Equitation.

- Il faut faire d’autres choses ?

- Hé oui, le dressage, et le concours hippique, tout viendra dans le temps, il faudra de la patience +++, à ce que je ressens tu as des possibilités dans ce monde !

- Mon Commandant, je veux en faire mon métier : Moniteur d’équitation.

- C’est une phrase que j’entends souvent et avec à la fin peu de résultat !

- Mais moi je Veux. Je voulais à cet âge, quinze ans, ma détermination ne m’a jamais fait faux bond…

Position cross, étriers raccourcis, petit galop, le petit plus, garder toujours la même vitesse, ne pas bousculer et c’est parti ! Le dialogue avec Navareze était agréable, la communication excellente, cette première me met en état de jouissance pure et profonde. C’est pour moi un plaisir sans fin, je jubile. La diversité du terrain coule comme une rivière énergétique tout le long de ces montagnes qui montent, descendent, eau, arbres, ça coule !

Une fois le temps de galop fait, deux cent mètres au trot enlevé pour la récupération du souffle, le retour au pas rênes longues me permet de revisualiser cet instant magique…

Le Commandant vient à côté de moi, et :

- Alors comment ça s’est passé pour vous deux ?

- Jamais je n’aurais pensé aller si loin, dans un état de libération complète, avec Navareze nous n’étions qu’Un.

- Tu as fait des progrès Richard ! Même encore débutant tu Sens !

- Vous comprenez maintenant pourquoi je veux être moniteur !

- Laisse le travail et le temps faire son ouvrage, avec bien de la patience et de la persévérance, rien n’est acquis, tout s’exploite petit à petit, surtout ne jamais confondre vitesse et précipitation.

- C’est donc tout cela ?

- Je vais te conseiller de te faire acheter par tes parents un livre : « La Psychologie du Cheval » de Maurice Hontang. Là tu commenceras à savoir.

- Vous croyez qu’ils vont vouloir ?

- Il suffit de demander. A toi de le faire !

J’ai inspiré très fort, j’ai formulé ma phrase dans ma tête, en pensant que j’avais trouvé la bonne formule et je me suis lancé :

- Voilà vous pouvez m’acheter ce livre ? S’il vous plaît.

- Nous étions à côté de toi, pas de problème, même s’il est d’occasion il sera moins cher, mais ce sera le tien.

- Merci.

Entre les Rêves, les images, mes ressentis de ce cross, cette image de Liberté rentre dans le plus profond de mon être.

Le jour où ce livre est arrivé, exactement la même sensation de bonheur que le jour du Cadre Noir de Saumur, je rentre dans un monde nouveau !

Les chevaux hantent mon esprit, ils font partie de moi.

Le Livre est celui de mon chevet, une page lue et le matin j’écris ce que j’ai retenu, je ne comprends pas tout et je recommence, avec la sensation de bien faire, ce n’est pas toujours le cas.

Le Commandant m’a prévenu et j’écoute sa sagesse, elle m’aide bien. J’avance, les chevaux confiés (énumérés plus haut) me font grandir dans les demandes et réponses, une action bien demandée aura la bonne réponse.

Il m’a appri quelques notions de dressage, je les bois et ça marche. Toutes ces sensations me touchent. Il me fait sauter des obstacles :

- Non ce n’est pas bon, reviens bien droit.

Et je recommence, encore et encore,

- Voilà, c’est mieux comme ça.

Ainsi de suite il m’inculque des virages plus serrés, de variations de vitesses,

7. BOUM

- Mais tu vas regarder où tu vas ? Il faut l’anticiper. Recommence, ce verbe est toujours aussi invariable et pourtant si important !

- Bien.

Il me met un petit parcours d’obstacles hauts de quatrevingt-dix centimètres, me fait descendre et une personne tient Boum par les rênes et me montre.

- Avant de faire le tour, il faut faire sa reconnaissance. Suis-moi.

Et je découvre une autre facette du côté des coulisses !

- Tu as bien compris ? Maintenant tu le fais.

Il y avait neuf obstacles, pas de droit à l’erreur, et je fais.

- A cheval.

Je mets Boum au petit galop juste pour trouver la bonne cadence et c’est parti, numéro un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit et attention au dernier, le tour ne finit qu’après le dernier… et Neuf.

Sans Faute !

La grande fête le dimanche après-midi une fois toutes les reprises terminées, nous, les cavaliers, devons descendre les chevaux à la jumenterie, le Propriétaire est un éleveur de qualité avec son écurie de Pur-Sang Arabe, race des meilleurs chevaux du monde ! Et nous préparons les chevaux que nous devons faire descendre une pente vertigineuse avec deux virages fortement dosés, et la chose amusante nous n’avons ni filet, ni selle, juste un licol et une grande longe pour tenir l’autre cheval en main.

Grand galop, virages négociés (nous serrons bien nos jambes !) nous faisons le tour de la propriété, le parc est immense, bien clôturé, nous libérons une bonne dizaine de chevaux !

Ces moments-là restent inoubliables, liberté, les cris de nos joies, le vent dans les oreilles, et sachant que le retour finira dans le Club House de TourneBride !

L’auberge Tourne Bride juste à côté du club fut une première : devant son grand feu de cheminée allumé à la bonne saison elle m’a permis de découvrir les gens sous un autre jour, bien des filles, bien des blablas, des sourires et le moment pour le jeune ado que j’étais de toucher ne serait-ce qu’une main, de regarder des yeux fut un plongeon immense avec ce contact !

Mon cœur bat la chamade, que du bonheur, je rentre dans la drague ! Je vais vite apprendre que ce n’est pas toujours comme ça… Mais c’est agréable. ++

Les autres chevaux que j’ai gardés en mémoire sont plus haut. Voilà mon premier passage dans ce monde, je garde un souvenir éblouissant de ce partage, tout a été extraordinaire je ne remercierai jamais assez cette école de patience, de pédagogie, qui a réussi à faire ce que je suis devenu.

8. HARAS NATIONAUX

Toulouse, derrière la Gare Matabiau en centre- ville, avec une rue qui monte pour nous offrir une campagne, de l’herbe, des arbres, une vie dans ces maisons, son côté culturel, ses cafés, hôtels et son club hippique ! Nous sommes à Pin Balma.

La grande grille qui met le club en sécurité ouvre sa porte dans un autre monde, une immense allée découvre une bonne trentaine de boxes, les têtes de tous ces chevaux nous accueillent avec des hennissements et juste en face une carrière avec des obstacles de toutes les couleurs, une immense bâtisse fermée par son toit ouvre un autre espace, nous rentrons dans le manège couvert de quarante mètres sur vingt, une tribune surplombe, d’ici ont peu tout voir et entendre, il doit se passer bien des choses !

Attenant, le bureau : là un moment important, l’attribution des chevaux. On continue vers le bar, le clubhouse, les toilettes, le vestiaire, le local où est rangé l’orge, l’avoine et le reste.

La sellerie pour les propriétaires et nous passons de l’autre côté, des boxes encore et toujours, une immense grange avec la paille et le foin, encore une petite écurie où des chevaux sont dans des stalles (lieu où ils sont attachés) en phase de repos !

La dernière partie est réservée aux HARAS NATIONAUX qui viennent de la ville de Tarbes (Hautes-Pyrénées) pour faire la monte. Dans ce milieu extraordinaire les étalons bichonnés, entretenus, ont le plaisir de saillir les juments.

Pour ma première fois mes yeux ont vu, le sexe en érection est immense ! Présentation de ce lieu qui me laisse dubitatif. Nous sommes enfermés, des chevaux de proprios sont mis en liberté dans le manège (fermé), le travail de tous ces chevaux qui sont dans une boîte, cela à mon niveau de cavalier me donne envie de les lâcher en liberté dans un grand pré, dans du vert, mais nous sommes en ville ! Chose à ne pas oublier.

Le Jour J. Attribution de mon premier cheval :

- Tu sais monter ? Débutant ? Ou confirmé ?

- Avant de partir, vous ne savez pas dire bonjour ?

- …….

- Vous ne connaissez pas mon nom, voire mon prénom !

- Silence.

- Tu ne m’as pas répondu.

C’est bien parti, ce mec je ne le sens pas du tout.

- Je suis Richard. Et vous ? (Comme si le monde est à l’envers !)

- Monsieur Tartempion. Tu vas monter Lola.

Les autres cavaliers ont assisté à la scène ! Avec lui on ne va pas lui marcher sur les pieds ! Un de ceux-là me dit :

- Viens je vais te montrer où est la sellerie et ensuite où est Lola ! Dis donc tu ne l’as pas loupé pour une première, chapeau.

- Merci, c’est comment ton prénom ?

- Alain.

Je prends étrille, brosse, cure-pied et fais le pansage, je prends la selle et la mets comme appris et je vois d’un œil une personne me regarder, je fais exactement le contraire de cette attente, le filet, les rênes sur l’encolure et le mors dans la bouche.

Lola a compris, nous avons partagé un bon contact. Lola est une petite jument d’environ un mètre cinquante-cinq, ronde comme une bille, sa robe bai cerise, et une crinière rasée, une encolure d’étalon et une croupe toute en muscle. Ses proportions sont agréables à voir et elle marche avec une certaine légèreté !

Nous marchons tous deux vers le manège, il y a déjà un cavalier qui se prépare. Moi, je règle mes étriers, je regarde face au poitrail donc aux étriers s’ils sont à la même hauteur, en passant donne une caresse sur son encolure, et je ressangle.

Je sens encore des yeux me regarder.

9. LOLA

Je suis à côté de la tête de Lola et j’ai compris, il faut attendre, Alain est à côté de moi et me lance un clin d’œil, le pouce de sa main gauche redressé vers le haut.

L’instructeur marche le long des cavaliers et chevaux, s’arrête devant moi et :

- C’est toi le nouveau ?

- Oui monsieur. (Il m’impressionne)

- Tu as déjà monté ?

- Oui.

- Bien on va voir ça.

- Ressanglez.

- A cheval….

Je monte sans me servir des étriers, encore une caresse sur l’encolure, et c’est parti pour une nouvelle découverte.

Contact avec mes jambes, tout doux, je prends les rênes et j’attends.

- Au pas, piste à main droite.

Le contact est pris, je me sens bien, je vais enfin pouvoir… faire ce que m’a appris le Commandant Roumanet. Je n’ai rien à prouver mais tout à donner.

Le nouvel instructeur n’est pas comparable (personne ne peut se comparer) nous sommes tous Uniques ! C’est un ancien Spahi. La manière de voir et d’être est complémentaire, il est direct, au moins avec lui on sait tout de suite.

- Qui t’as appris à monter ?

- Le Commandant Roumanet.

- Il y a longtemps ?

- Oui.

- Je veux te voir sur un autre cheval, c’est gratuit !

- Si ça peut vous faire plaisir.

- Va me préparer Blondine.

- Pas de problème

Je vais chercher le matériel, je sais déjà où elle est, juste à côté de Lola. Elle est prête, je la regarde, même type de jument, peut être un poil plus haut, environ un mètre cinquante-huit, alezane, ronde comme une bille, race pas facile à trouver, aux dents elle a au moins quatorze ans et surtout un bon œil.

10. BLONDINE

Je rentre dans le manège, je suis seul ,mon instructeur Mr Berthelot regarde, il voit, au pas piste à main droite, la longueur, elle va faire son truc bien à elle…

Elle allonge beaucoup le pas, l’antérieur gauche se bloque, demi-tour sur les épaules et normalement chute du cavalier, mais ça ne marche pas, je donne des jambes, rêne d’ouverture droite et retour en avant !

J’ai bien lu dans sa tête et nous sommes maintenant bien d’accord.

- Pourquoi tu n’es pas tombé ?

- J’ai fait sa connaissance !

- Comment ?

- Je sais parler cheval ! Maintenant nous nous connaissons.

- Que veux-tu faire dans ta vie ?

- Être palefrenier pour apprendre.

- Avant je vais te faire passer ton premier degré, examen officiel. Dans un mois ce sera bien.

Je passe cet examen et dans la foulée je suis le Palefrenier des chevaux de propriétaires. De six heures du matin jusqu’à huit heures du soir. Je ne dis rien je fais, les autres me nient, ne me connaissent pas, pour eux je suis au cul des chevaux, ils ne savent pas, je ne suis que le Palefrenier.

Je suis observé, étudié, je monte une heure par jour et là c’est le premier cheval de proprio il s’appelle Priam, sellefrançais, un mètre soixante, alezan cuivré, bon port d’encolure, croupe ronde, dos large et fort, de bon pied, un engagement des postérieurs profond. Quand je monte sur son dos quelle position de confort ! Il a douze ans. Son travail ? Un peu de dressage, sauter de temps en temps une barre d’un mètre de haut et il lui manque un bon petit galop dans la campagne !

Un jour cela sera possible, ils habitent dans la campagne ! C’était mon premier cheval dans cette écurie.

Les questions fusent et surtout les réponses ! Un jour un proprio vient me voir et :

- Tu sais ce que c’est un cheval Propre ?

- Je pense Monsieur

- Viens je te montre, il sort un gant en tissus blanc, frotte l’intérieur de l’oreille de son cheval et me montre la couleur du gant… Il est sale.

- Bien Monsieur. Votre message est bien reçu, je vais en tenir compte.

Depuis ce jour là, je fais, je regarde avec profondeur et justement ce proprio qui ne fait que des chasses à courre vient vers moi :

- On m’a dit que tu sais monter ?

- C’est une erreur, jamais on ne Sait !

- Prépare- le et amène-le dans le manège.

C’est un véritable géant il mesure un mètre quatre-vingt, c’est un demi-sang-normand, il pèse juste au coup d’œil sept-cents kilos, il est bai, son corps n’en finit pas en longueur et largeur, il a un pas démesuré, je pense qu’il doit être très confortable et je le monte : impression de puissance dans la légèreté, je jubile.

- Tu sais faire le reculer ?

Et je fais.

- Il y a longtemps que tu montes ?

- Oui.

- Départ au galop. (Je suis piste à main droite et il me demande un départ à gauche !) je fais.

- Au pas, rênes longues. Merci Richard.

C‘est le premier à m’appeler par mon prénom.

Je continue mon travail de palefrenier et de temps en temps :

- Tu pourras me sortir mon cheval en liberté dans le manège ?

- Cela ne fait pas partie de mon travail.

- Mais tu recevras de l’argent pour le faire.

Et voilà ce foutu argent qui rentre dans ma vie ! Après tout c’est un bien, et je ne le refuse pas.

Coco-bel-œil, cheval de concours hippique, belle masse, selle-français d’un mètre soixante-dix, alezan avec une particularité, il boit dans son blanc (sous le chanfrein et sur toute la bouche c’est entièrement blanc !) un corps harmonieux, des pieds énormes et quelle amplitude quand il marche !

Licol et longe retirés, il est libre, je le regarde et je vois dans son intérieur ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas. Je le fais tourner à gauche, à droite juste sur un petit mouvement de ma main, nous jouons !

Je ne l’avais pas vu, son proprio était dans la tribune, il regarde :

- Vous avez l’air de bien vous entendre tous les deux !

- Nous nous comprenons.

- A croire que tu sais parler cheval !

- En quelque sorte…

- Peux-tu mettre un X au milieu du manège ?

- Oui.

Et le jeu continue.

- C’est tout, bon retour au box.

Je suis avec un bouchon de paille et je le frotte avec énergie.

- Dis-moi Richard (le deuxième proprio) je te propose de le sortir, de le monter deux fois par semaine et je te donnerai tant. Chaque semaine. C’est bon pour toi ?

- Oui, pas de problème, vous pouvez compter sur moi.

Et cet argent que je garde bien au secret dans ma cachette me comble de joie. Mes journées sont longues mais pas dans le temps car j’apprends. C’est bien mon but, grandir dans la connaissance ! Je fabrique mon avenir. Et dans un temps les proprios demandent encore et encore, j’apprends à me créer un roulement et chaque cheval a son droit, ses sorties, ses pansages appropriés, ses soins, en bref le tout !

J’avance, je fais du dressage, du saut d’obstacles, un peu de tout, et je sens monter l’envie d’aller plus loin.

11. TIGA

On me confie un nouveau cheval il s’appelle TIGA un trotteur français un mètre soixante-dix, bai cerise, il est chouchouté, pomponné, aimé jamais un poil ne dépasse de l’autre ! Il n’a pas de défaut sauf d’être un peu collant comme un jouet aimant, il faut le sortir, le doucher aux bonnes périodes, bien lui graisser ses pieds je m’amuse bien avec lui et sa proprio aime bien comment je lui parle !

Et comme de bien entendu j’ai ma petite enveloppe à chaque fin de mois, Hum, merci.

Ma communication avec les chevaux est sensible voire profonde, d’une part ils me sentent et d’autre part ils partagent mes sensations !

Quelque soit le cheval ou poney nous faisons un bon mariage, il arrive que certaines compréhensions demandent un temps plus long et elles aboutissent au résultat attendu.

L’instructeur me donne une nouvelle pour découverte, Rosemonde, petite jument pur-sang anglaise de treize ans, elle est baie. Quand je monte dessus j’ai l’impression d’être sur rien, son dos, ses flancs sont si fins que je ne la sens pas, elle a une encolure en forme d’élastique, une bouche insensible… et cette impression d’être assis presque sur la croupe !

Je ferme mes jambes, j’attends, rien et sans m’avertir Rosemonde part désordonnée, je ne suis rien sur ce dos et elle galope ; je ne cherche rien à contrôler et elle me sent, repasse au pas de l’air de dire :

- Toi tu n’es pas comme les autres !

Et là tout change, elle se grandit, je sens son dos sous mes fesses, elle semble heureuse !

L’instructeur :

- Tu as vu comment elle est avec toi ?

- Oui, j’ai senti !

- Je vais te mettre un petit droit. Viens dessus. Rosemonde s’est donnée.

Un plaisir partagé. Ne cherchant rien d’autre que de donner cette ouverture, ils (tous plus ou moins) donnent.

Les chevaux ont une mémoire qui nous guide pour cet apprentissage d’éducation et de formation, là est le secret.

Les proprios regardent en essayant de comprendre les « comment » ? Et voient les réponses.

Un des propriétaires me demande si je veux monter sa jument Walkyrie une petite jument toute en boule, angloarabe d’un petit mètre soixante, robe alezane, une encolure courte ; je regarde sa tête, il y a un plus dans ses yeux qui me parlent bien, nous allons bien nous entendre… Dans son box nous nous racontons notre histoire du genre :

- Je ne te connais pas mais tu as une bonne tête ! Tes yeux me parlent comme un livre ouvert !

- Nous allons bien nous amuser tous les deux !

La prise de connaissance dans un box est à égalité, nous avons tous nos pieds au sol, les capteurs font leur travail, moment de rare intensité sur tel ou tel cheval, là une information très importante « Un Anglo ne se dresse pas, il s’éduque ! » Quand nous sortons du box, tout est dit comme des enfants sortantsen récréation, un peu comme si Nous N’étions qu’Un.

12. WALKYRIE

Du coin de mon œil je vois son sourire, il est heureux, il n’a rien vu, mais il sent la complicité, il s’appuie sur la barrière de la carrière d’obstacle et regarde : avec Walkyrie nous nous amusons, même quelques figures de dressage données en Jeu. Pas, trot de galop, quel confort dans ses déplacements, ma position en suspension, je mets mon menton entre ses deux oreilles c’est amusant et pas gênant, presque une heure après la détente, nous sautons un petit droit en montant et descendant…

Ouhaa quel coup de saut !

Elle vole, son encolure n’a pas bougé d’un pouce ! Mais qu’elle est grande !

- Vous l’avez déjà fait sauter ?

- Oui, c’est ma fille qui la monte.

- Elle est déjà sortie en concours ?

- Oui, mais elle n’est pas toujours facile…

- C’est une Anglo !

- Vous pouvez faire le tour sur les obstacles installés ?

- Bien sûr.

Parcours à un mètre dix, agréable, les oxers sont un peu larges, et nous galopons, sautons, jouons, que du plaisir !

- Richard, juste pour voir, je vais vous monter un oxer, disons, un peu plus gros.

- Pourquoi pas…

Un mètre vingt-cinq, petit galop rassemblé bien compact, Walkyrie a compris, on va bien s’amuser !

Bonne foulée, bonne détente, nous volons au-dessus de l’oxer. Walkyrie à la réception montre son contentement avec un magnifique coup de cul !

- Elle a de bonnes possibilités !

- C’est la première fois qu’elle saute si gros !

- Bonne élève et peut largement faire plus !

- Richard, pouvez-vous la monter en SVP ?

- Et pourquoi pas.

- Nous nous arrangerons tous les deux, pardon tous les trois !!!

Avec ce petit bolide qui joue avec le plaisir du partage, nous formons un véritable mariage, le matin quand j’arrive au club elle est la seule à hennir, je viens vers elle et nous nous disons simplement bonjour !

J’ai beaucoup de travail. Elle est là, c’est vers dix heures trente que je fais une pause, un bon café, une bonne cigarette et un câlin.

13. KALOU

Un élément nouveau, il va y avoir un concours hippique à Lézat, dans quinze jours :

- Richard tu vas me préparer KALOU.

C’est un grand Selle Français de douze ans il fait un bon mètre soixante-dix, puissant de son arrière-main, une ouverture sur son poitrail tout en muscles et l’oblique de ses épaules est parfaite ; ce grand bai a une bonne tête, il est sage. Tout le monde l’aime bien voire très bien.

- Détends- le dans le manège.

Ce cheval est un vrai moteur, calme et puissant, avec un équilibre parfait, une souplesse pour sa taille et son poids fort agréable.

Des yeux de souris regardent, comprennent et sourient.

- Maintenant viens dans la carrière, je t’ai préparé un petit parcours.

- Bien.

- Raccourcis tes étriers de trois trous.

- Viens passer le droit en montant et en descendant.

- Descends - quelqu’un savait son rôle et vient tenir Kalou.

- Reconnaissance du parcours

Tout est dans le bon mécanisme, je comprends, visualise et :

- A toi de jouer.

C’est un peu comme si j’avais ça toute ma vie Hé oui !).

- Tu le monteras dans la bonne épreuve à Lézat.

Donc tous les jours je lui donne juste une bonne demiheure, nous sommes complices, je ne dénigre surtout pas les autres, mes préférés, ils sont tous mes préférés !

Le jour du concours, c’est mon premier officiel. Je ne me fais pas de souci, Kalou non plus, lui n’est pas débutant, il connaît la musique et tout se passe bien. Détente au paddock, deux sauts suffisent, un droit et un large.

- C’est bientôt ton tour. Allez va !

Je rentre dans l’arène, je respire un bon coup, une bonne caresse sur l’encolure et du genre

- Tu vas voir, on va bien s’amuser.

Obstacle numéro un bien franchi et les virages, les sauts, les accélérations fusent, attention tant que le dernier obstacle n’est pas franchi correctement le tour n’est pas fini !

Le numéro onze bien franchi ! Premier sans-faute et dans un temps rapide !

J’ai quinze ans et je reçois ma première coupe !

Qui a été arrosée dans un resto tout près avec une coupe qui n’était jamais vide ! Voilà le début de cette vie.

Les autres proprios m’aiment bien et à chaque fois me demande si je vais bien, ce petit mot est agréable à entendre, à prendre.

Je sors les chevaux, je les toilette et ce jour une personne me demande :

- Vous en faites quoi des crins ?

- Je les jette.

- Je vais vous donner un tuyau. Gardez- les et je vais les apporter pour un laboratoire qui en est gourmand.

- Pourquoi ils les mangent ?

Sourire

… Non ils s’en servent pour faire des pinceaux et manipulent l’acide chlorhydrique!

- Ah bon ?

Quelques temps après ils me demandent de sélectionner les crins de l’encolure et ceux de la queue, en séparant par paquet de dix grammes et par couleurs.

Je m’y intéresse et je crée mon petit laboratoire, tous les deux mois ma cliente vient les chercher et :

- Richard vous pouvez venir avec moi, ils voudraient vous connaitre ?

- Mais je n’ai pas le temps.

- Venez, on va demander à l’instructeur Mr Berthelot.

- Mais bien sûr, il est trop bien ce petit !

Une heure après, ce n’était pas loin, même pas dix minutes de chemin et on arrive avec mon colis.

- Voilà votre missionnaire, Richard. C’est lui qui prépare les petits colis comme vous le vouliez, et en plus de tout son travail, voyez la qualité ! Il mérite grassement sa récompense !

- Bonjour Richard, nous sommes très contents de votre travail. Mais qui êtes-vous ?

- Je suis moi.

- On parle bien souvent de vous…

- Merci.

Et chaque fin de mois, je fais mes comptes et je me suis payé un poste transistor qui est mon instrument de musique ; j’aime beaucoup le Jazz et le blues, mon premier cadeau.

De six heures du matin jusqu’à vingt heures cela fait des bonnes journées et le soir à vingt et une heures, je travaille dans un resto d’étudiant où je suis serveur, plongeur, balayeur et où je prends enfin le premier repas de ma journée… Journée bien remplie ! C’est mon choix ! Au début je n’avais pas toujours les sous pour mettre la solexine dans mon Solex deux-mille-deux cent, et maintenant Je Peux ! Enfin, c’est bien !

Je retourne avec la joie de me replonger dans et avec ce monde, Walkyrie me dit bonjour, je reprends mes attributions, mon poste de radio allumé, mis dans une de mes grandes poches - j’ai oublié de vous dire : c’est ma blouse grise de collégien qui fait partie de mon costume dans la position de palefrenier !

Et je fonce avec mon mouvement en avant, et :

- Les « Bonjour Richard » ça va ?

- Oui en pleine forme ! J’ai du boulot … A toute …

C’est vers les dix heures que le palefrenier va prendre son petit café au Club House (maintenant je peux !) et je me change, en cavalier.

- Dites-moi Richard, regardez ce qui arrive. Une voiture avec un van au cul, et il débarque un cheval !

- Vous le connaissez celui-là ?

- Non c’est la première fois que je le vois.

Le mec sans un geste, encore moins un mot il vient vers nous. Moi je regarde ce bel animal et je vois de la tristesse et de la peur dans ses yeux !

- Messieurs, bonjour, ce cheval je ne peux rien en tirer, il est mauvais, pensez-vous pouvoir en tirer quelque chose ? Je vous le laisse, c’est cadeau.

L’instructeur le regarde, moi aussi, il ne nous plaît pas.

- Nous sommes une écurie d’école et vous arrivez comme cela sans nous avoir demandé quoi que ce soit et vous ne nous plaisez pas.

- Mais…

- Il n’y a pas de mais.

Je m’avance vers ce cheval, je lui parle à ma manière et il me regarde avec un œil nouveau !

- Je vous le prends pendant un an et après vous viendrez voir. Il s’appelle Bijou. Votre cheval m’a parlé de vous, lui non plus il ne vous aime pas. Partez maintenant.

Mr Berthelot me regarde et approuve ma décision, il sera bien ici. Ma manière est de l’étudier, de le comprendre et je le mets en liberté dans le manège. Je vous le présente : un magnifique bai cerise, un bon mètre soixante-huit, corps proportionné, de bons pieds et, horreur, il a sa queue coupée : on appelle ça le couard, plus de défense contre les insectes. Ses yeux parlent, il se plaît. Je le rentre dans son box et comme il ne connait pas l’abreuvoir automatique je lui montre, je lui parle et il comprend. Notre contact est fait, établi, à voir pour la suite.

Ne le mettant en liberté que dans les heures creuses, nous sommes devenus des amis et le bon jour est là.

Je lui présente la selle et la lui glisse sur son dos, aucune défense, il connait. J’ai choisi un filet avec le mors en caoutchouc, il connait aussi. Au fait je ne vous ai pas dit son âge, il a environ, d’après l’examen de ses dents, huit ans.

Une fois harnaché il sort de son box en tenue du dimanche et nous marchons tous les deux vers le manège.

Les précautions d’usages (harnachements) vérifiées, je ressangle gentiment et je monte.

Bon pas, agréable dans son dos, on tourne, on s’arrête, on part au trot, au galop, Bijou donne tout, il semble heureux, (il l’est) pour la première fois il a henni ! Walkyrie lui a répondu ; caresse, je descends et nous passons devant les écuries fiers comme Artaban, tout est dans la joie !

Et tous les deux jours je le monte, il a enfin trouvé sa voie. Un jour je lui fais passer un petit X il s’en amuse ! Un autre jour je le fais monter par le cavalier de Tiga - il s’appelle Jacques et je voudrais voir.

Il est content de découvrir un autre cheval. Tout est agréable, tout passe.

Il y a déjà deux mois qu’il est chez nous, j’ai changé de box Walkyrie, elle est juste à côté : bon choix !

Petit à petit je l’incorpore dans des reprises, tout se passe bien, et même six mois après je mets des cavaliers débutants sur son dos et Bijou est celui qui est le plus demandé.

Arrivé à ce stade il saute des obstacles de maxi un mètre de haut ! Nirvana !