Albator ou la Destinée... - Marie Souton - E-Book

Albator ou la Destinée... E-Book

Marie Souton

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Beschreibung

C'est officiel ! A Jana, Albator, le lapin nain, est devenu le représentant des "Tuteurs". Sur Terre, on dirait "Ambassadeur de la cause animale"! Albator doit, par conséquent, répondre aux exigences de sa mission. Ce qui sous-entend de résoudre l'énigme qui lui a été imposée par Dieu Lui-même et de protéger notre monde des "Opposants". Alors, avec le soutien de la douce Xéna et de sa fratrie féline, de l'intrépide Ulysse, l'espiègle L'abeille et de l'insondable Malaki, il va affronter l'inconnu et révéler l'Histoire... Parce que "Lire, c'est être, savoir et s'informer mais aussi le premier acte militant", l'auteur nous invite, une nouvelle fois, à la réflexion sur le monde qui nous entoure et la condition animale, implicitement liée à celle de l'Homme.

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Seitenzahl: 217

Veröffentlichungsjahr: 2022

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A mes héros, Albator, Ulysse et mes parents.

Fin des années 70, dans une émission télévisée. Le journaliste: "Quel est le dernier film que vous ayez vu ?" Robert Badinter : "Le livre de la jungle… Et j'ai remarqué qu'on ne tuait même pas le tigre. C'est quand même une attention délicate, ça m'a fait plaisir…"

Sommaire

Chapitre I

Chapitre II

Chapitre III

Chapitre IV

Chapitre V

Chapitre VI

Chapitre VII

Chapitre VIII

Chapitre IX

Chapitre X

Chapitre XI

Chapitre XII

Chapitre XIII

Chapitre XIV

Chapitre XV

Chapitre XVI

Chapitre XVII

Chapitre XVIII

Chapitre XIX

Chapitre XX

Chapitre XXI

Chapitre XXII

Chapitre XXIII

Chapitre XXIV

Chapitre XXV

Chapitre XXVI

Chapitre XXVII

Chapitre XXVIII

Chapitre XXIX

Ici-bas avec l'auteur

Bibliographie et Références par ordre d'apparition

“Lire, c'est être, savoir et s’informer mais aussi le premier acte militant.” Marie SOUTON

I

Je m’appelle Ulysse.

Du moins, c’est le nom que ma famille, que j’ai dû quitter pour je ne sais quelle raison, me donnait.

Je suis un lapin nain, plus précisément un lagomorphe… Voilà que je me mettais à dire des mots que je ne connaissais pas…

Un afflux ininterrompu d’informations envahissait mon esprit…

Je m’appelle Ulysse. Je m’appelle Ulysse.

Je me le répétais pour ne pas l’oublier.

Je n’avais aucune idée d’où je me trouvais et j’avais peur de perdre mon identité.

J'avais les pattes toutes engourdies.

Et au loin, j’entendais la voix d’un homme qui chantait.

Je savais que c'était une langue différente de celle que parlaient mes maîtresses mais je n’avais aucune difficulté à en comprendre les paroles...

[...] We all are one, we are the same person

Nous sommes tous un, nous sommes la même personne

I'll be you, you'll be me (Oh, yeah)

Je serais toi, tu seras moi (Oh, ouai)

We all are one, same universal world

Nous sommes tous un, même monde universel

I'll be you, you'll be me

Je serais toi, tu seras moi [...]

(Jimmy cliff, “We are all one”, 2003)

Hum...

Sympa comme chanson... La situation aurait été autre, je me serais même mis à me trémousser...

Mais pour l'heure...

Quel était cet endroit ?...

Une vive lumière blanche m'avait brûlé les yeux. J'avais alors eu le réflexe de les refermer.

Sentant, à travers mes paupières, que la lueur était devenue moins forte, j'avais décidé de m'assurer de ce qui se passait réellement.

J'ouvrais de nouveau les yeux.

Un grand couloir étroit, faiblement éclairé, se tenait devant moi mais aussi, derrière moi.

Je ne savais pas quelle direction prendre car il ne semblait pas y avoir d'issue.

Je décidais donc d'aller droit devant moi.

Étrangement, les mots qui me venaient à l’esprit, ne semblaient pas être les miens.

Même ma manière de bouger était différente.

En jetant un coup d'oeil à mes pattes, je découvrais qu’elles étaient blanches, toutes blanches… Je m’appelle Ulysse… Je m'appelle Ulysse...

Et aussi bizarre que cela puisse paraître, l’enveloppe corporelle que j’occupais n'était pas la mienne… Je ne comprenais rien de ce qui m’arrivait… Je m’appelle Ulysse… Je m'appelle Ulysse et j’ai une famille, deux maîtresses et des “amis-chats”.

Au loin, la mélodie tournait en boucle. “We all are one” (“Nous sommes tous un”).

Je m’apprêtais à courir droit devant moi, par logique, mais subitement, je m’étais dit que ça ne servirait à rien.

Pourquoi courir quand on ne sait pas où l’on va?!!!

Alors, je m’étais arrêté pour observer l’insondable.

Tout, autour de moi, était d’un blanc laiteux, sans limite, sans que je puisse en toucher la surface ou même trouver un recoin, un rebord.

Une idée m’était alors venue à l’esprit...

« Y’a quelqu’un ?... » Aucun écho.

Mais c’était une nouveauté pour moi : pour la première fois de ma vie, j’avais entendu…ma voix.

Et si j’avais pu l’entendre, alors quelqu’un d’autre pouvait en faire de même.

Du coup, j’avais, de nouveau, tenté l’expérience. Ma première fois avait été un peu timide, alors je décidais d'y mettre un peu plus de coeur... et de voix.

«S’IL VOUS PLAIT !!! Y'A QUELQU'UN ?!!!!» D'ordinaire, cette découverte m'aurait stupéfait mais dans cet endroit, c'était presqu'insignifiant...

Je ne pouvais quand même pas être le seul ici.

Par définition, si j’étais là, il y avait forcément quelqu’un qui m’observait.

«JE VOUS PREVIENS : JE NE BOUGERAIS PAS TANT QUE VOUS NE M'AUREZ PAS REPONDU !!!» Et joignant mes gestes à mes paroles, je m’étais allongé de tout mon long, sur le ventre, de façon à tenir le plus longtemps possible, tout en étant à l'aise.

J’espérais fortement que cette stratégie allait fonctionner car je n’en avais pas d’autre...

Surtout que je n’avais pas envie de céder… Alors que je commençais à avoir soif, de l’eau fraîche s’était présentée à moi… J’avais raison !!! Je n'étais pas seul !!!

Il y avait vraiment quelqu’un qui m’observait !

«Allez !!! Montrez-vous qu’on aille droit au but !!!

Je sais que vous voulez quelque chose de moi. Je ne serais pas forcément d’accord mais si vous ne vous montrez pas, vous ne saurez jamais...» Comme j’avais compris qu’il me suffisait d’y penser pour être satisfait, je décidais d’avoir un petit creux.

Bingo !

Mon repas était plutôt diététique : Du foin frais, quelques végétaux et de l'eau... Tout tenait sur un plateau invisible.

J'aurais préféré quelques friandises colorées, mais ce n'était guère recommandé pour les lapins...

Force était de constater qu'on voulait mon bien !

Je m’installais donc confortablement pour manger, histoire de montrer à mon observateur que je n’étais pas pressé.

Les mets étaient de premier choix. C’était délicieux !

Enfin repu, j’avais baillé un peu plus fort qu’à l’ordinaire et m’étais jeté sur le côté pour me prélasser.

L'apesanteur avait pris possession de mon corps et c’était vraiment agréable de sentir toutes mes formes épousées par une invisible couverture polaire. Comme lorsque je me couchais auprès de mes maîtresses.

J’étais sur le point de m’assoupir lorsqu’une volute de fumée verte avait ondulé au-dessus de moi.

Une voix s’était, de suite, faite entendre.

« Bonjour Ulysse !

Heureux de te rencontrer !

Tu es… très rafraîchissant… si rafraîchissant !

Et quel entêtement !!!

Nous n’avons jamais vu quelqu’un avoir un tel aplomb, dès son arrivée à Jana !

Tu dois sûrement t'interroger sur les raisons de ta venue parmi nous… Nous… »

Il était hors de question que je les laisse m'endormir avec leurs blablas. Je décidais, donc, d'interrompre leurs babillages.

« Qui êtes-vous ?!!! »

La couleur de la volute avait viré au rouge et une pression s'était faite ressentir sur moi, pour m’empêcher de parler.

Mais j’avais continué, malgré tout.

« Et que me voulez-vous?!!! Et où suis-je?!!! » Le rouge était passé au violet.

De nouveau silencieux, je m’étais mis à scruter intensément mon interlocuteur progressivement redevenu vert.

« Il est vrai que je ne me suis pas présenté.

Je suis Malaki. Je suis en quelque sorte, le…gardien de ce lieu.

Tu te trouves à Jana, plus précisément dans le Dehliz, le couloir qui mène aux autres domaines.

Je pourrais continuer à t’expliquer longuement le pourquoi et le comment de ton arrivée ici, mais vu ton impatience et ta vivacité d’esprit, tu ne verras sûrement aucun inconvénient à être initié au programme accéléré. »

J’étais sur le point d’intervenir mais Malaki ne m’en avait pas laissé le temps.

Mon esprit avait été subitement envahi d’images d’un lapin nain blanc, tacheté de noir, de ma fratrie féline sur Terre, de Loïs, de ma maîtresse.

Il était question de permutation physique entre ce lapin et moi, de cause animale, de souffrance et d’espoir.

Le lapin à qui j’avais succédé dans ma famille, avait repris sa place sous mes traits.

Il était, bien malgré lui, le chef d’un groupe de militants appelés les “Tuteurs”.

Ce groupe avait des antagonistes, les “Opposants”, dont le meneur était un chien arrogant qui intimidait … Albator.

C’était le nom qui m’était venu à l’esprit en voyant mon prédécesseur, plutôt réservé.

Il allait lui falloir être plus entreprenant s’il voulait changer les conditions de vie des animaux sur terre...

Je n’avais pas particulièrement souffert dans ma courte vie mais j’avais ressenti au plus profond de moi, les affres et les tourments de la vie d’Albator.

Doté d’un caractère empathique qui l’éprouvait continuellement, Albator avait été momentanément renvoyé sur Terre à l’initiative de Malaki, histoire de faire redescendre la pression. Et j'avais vraisemblablement pris sa place... ici.

Toute la vie de mon “véhicule” du moment n’avait aucun secret pour moi et pourtant, il subsistait un point obscur : je voyais Malaki mais je percevais une autre présence qui échappait à mes sens. C'était comme une forte intuition.

J’avais conscience de la puissance de cette fumée aux multiples coloris mais je sentais qu’elle n’arrivait pas à la hauteur de l’autre force.

Alors, j’avais encore interrogé Malaki, devenu bleu.

« Hum... C'est bien beau tout ça... Mais Qui êtes-vous?...

Je vous vois “Vous” mais il y a une autre entité qui m’échappe.

Qui est-ce ?... »

Mon comportement effronté n'avait pas dû plaire : la volute avait disparu sans prévenir... C’était de bonne guerre !

Qu'à cela ne tienne, ce n'était pas grave : Je poserai toutes mes questions au moment venu car je savais que je reverrai Malaki.

Toute cette nouveauté m’intriguait et ma soif de savoir avait été immédiatement assouvie par l’image d’Albator auprès de ma famille.

J’avais découvert avec stupéfaction qu’une relation particulière existait entre Xéna et Albator. Beaucoup plus forte que les liens que j’avais pu tisser avec elle.

Xéna était la plus sociable de la bande, la plus sauvage étant Athéna que j’avais tellement aimée terroriser.

J’en étais d’autant plus satisfait que mes informations m’indiquaient qu’elle avait méchamment abîmé Albator lors de son passage sur Terre, donnant encore plus de crédibilité au prénom de mon nouveau “compagnon” de vie.

Les images d’un célèbre dessin animé, présentant un pirate borgne, s'étaient présentées à mon esprit, me permettant de faire le lien entre le héros et Albator.

Mon esprit vagabondait mais je me disais quand même que c’était étrange de savoir mon corps là-bas, sur Terre et mon esprit dans ces lieux aseptisés et immaculés.

Dire qu’Albator avait investi mon corps et moi, le sien...

C’était incroyable, néanmoins comme j’arrivais à ressentir ses émotions, je ne pouvais ignorer cette réalité.

Je le sentais heureux et apaisé.

Et lui, sur Terre, était-il possible qu’il ressente aussi mes états d’âme ?...

II

J’avais décidé de profiter du temps libre, du confort et du silence dont je disposais pour m’imprégner du personnage dont je portais le nom.

Un écran, sorti de nulle part, m'avait montré l'histoire de mon prénom. Je savais maintenant lire toutes ces lettres qui composaient des mots qui, eux-mêmes, formaient des phrases, puis des textes... et se mettaient en l'occurrence au service de ma curiosité. C'était fascinant !

Donc, d’un naturel rusé, Ulysse (on disait aussi Odysséus) préférait la diplomatie à la force et cela s’avérait souvent efficace. Je n'avais jamais été exposé à une situation qui puisse confirmer cela mais ça me convenait tout à fait !!!

Je m’imaginais être le héros de toutes ses batailles lorsque j’avais été interrompu par un bourdonnement.

Encore sous l’emprise de mon personnage, je m’étais écrié de manière solennelle : « Qui ose interrompre la tranquillité de ces lieux ?!!! »

Sur fond blanc, j’avais vu apparaître des ailes, des antennes, puis un petit corps duveteux, jaune et noir, et pour terminer, un regard malicieux orné de cils...

Une abeille…

Elle s’était approchée, timidement.

« Albator ?... C’est toi ?... Je ne perçois pas ton aura ordinaire…

Mes antennes ont eu du mal à te localiser… c’était comme s'il y avait des parasites…

J’ai dû en faire abstraction pour te trouver, mais ça a mis du temps…

Albator ?... »

Je m’étais empressé de répondre.

« Mais non !!! Je suis Ulysse…»

Devant son air dubitatif, j’étais resté quelques secondes sans voix, ne comprenant pas qu’on puisse me prendre pour Albator. Mais un coup d'oeil furtif, jeté à mes pattes blanches, m’avait rappelé que j’avais pris les traits de mon… comment déjà ?... Ah oui !!! Mon nouveau “compagnon” de vie.

L'abeille me regardait d'un air méfiant.

J'étais donc parti dans une explication plutôt scabreuse pour toute personne douée de raison.

« Alors, oui !!! Ça parait compliqué comme ça, mais j’ai pris l’apparence d’Albator parce qu’il est retourné sur Terre pour se reposer de la pression qu’il subissait… Et moi, j’étais sur Terre et il a pris ma place. Et j'ai pris la sienne, ici. Tu comprends ?!!! »

L’abeille s’était approchée de moi, dard en avant.

« C’est quoi, ces salades ?!!! Il est où Albator ?!!! »

N’ayant aucune idée des conséquences de l’assaut d’une abeille dans ce monde-là, j'avais mis tout en oeuvre pour la raisonner. J'adoptais, aussitôt, une posture de défense, mes pattes avant faisant rempart et tout mon être reculant lentement mais sûrement.

« On se calme...Tu n’as pas vraiment envie de me faire mal et surtout… de perdre ton abdomen. Et puis, tu veux des réponses… »

Alors que je continuais à mettre de la distance entre nous, l’abeille s’était arrêtée net. Elle avait toujours un air méfiant mais semblait prête à m’écouter.

Rassuré, malgré tout, par cette trêve incertaine, je décidais de lui prouver ma bonne foi.

« OK. Pose-moi n’importe quelle question sur Albator !... » Sans attendre, elle m’avait regardé droit dans les yeux.

« C’est qui sa chérie ?!!! »

J’avais répondu du tac au tac.

« Xéna ! »

Elle ne me laissait aucun répit.

« C’est quoi sa friandise préférée ? Son tic ? Le nom de la petite peste qui lui a crevé un oeil ? »

Mais je m’étais plié à son interrogatoire.

« Les rebords de pizza. Il se caresse l’oreille gauche. Athéna. »

L’abeille était soudainement devenue silencieuse.

J’avais respecté son temps de réflexion et attendu qu’elle en revienne.

Après avoir virevolté un temps très court, elle s’était brusquement plantée devant moi.

« Ok, petit malin ! Tu t’appelles Ulysse. Moi, c’est L’abeille.

Qui me dit que ton histoire est vraie et que tu n’as pas usurpé son identité ?!!! »

Je n’avais pas eu à me justifier : Malaki avait pris la parole.

Cette fois-ci, pas de volute.

Juste une voix.

« Calme-toi, L’Abeille. C’est à notre initiative qu’Albator est retourné sur Terre.

La pression que Dieu avait exercée sur lui, l’avait un peu...

déstabilisé.

Nous avons donc décidé qu’une pause lui serait bénéfique.

Normalement, nous n’accordons pas ce genre de faveur mais il en avait fait la demande et ça semblait vital pour lui… et pour Nous.

Alors, voilà… Ulysse te dit la vérité. C’est son corps qui a servi de véhicule à Albator pour qu’il puisse retrouver les siens et se ressourcer. »

Un fois ces explications données, L’abeille m’avait tendu l'extrémité de sa patte crochue.

« Enchantée !!! Bienvenue !!! Tu sais... je suis d’un naturel protecteur... et Albator est mon ami. »

Soulagé, j’avais accepté ses excuses déguisées.

« Pas de problème !!!

En tout cas, tu es une amie impitoyable ! J’espère ne jamais être ton ennemi!!! »

A ces mots, elle m’avait toisé, avec défiance, pendant quelques secondes, histoire de me faire comprendre que ce serait à mes risques et périls.

De nouveau, nous étions seuls : le vide ambiant confirmait le départ de Malaki.

Maintenant que tout était clair entre nous, il était impossible d’arrêter le flot de paroles de L’Abeille.

Elle parlait du domaine de Jana qui comprenait Estrah, le paradis des animaux terrestres et marins; Moonrak, réserve des animaux en voie de disparition ou disparus sur Terre et le domaine des Exécutants, section animaux terrestres et marins militants…

J’écoutais attentivement son inventaire car très peu d’informations m'avaient été transmises à ce sujet.

Je devais avoir un air plus qu’interrogateur car elle avait stoppé son monologue.

« T’inquiète ! T’auras une visite guidée comme tout le monde ! Je m’en occuperai comme pour Albator !!! A plus tard !!! »

Cette fois, j’avais écarquillé mes yeux et bondi comme un diable.

« Quoi ?!!! Qui ?!!! C’est qui “tout le monde” ?!!! »

Mais L’abeille était partie sans avoir entendu mes questions.

Évidemment, cette donnée avait attisé ma curiosité. Il y avait donc un monde que je pouvais côtoyer, ici… à Jana.

Les mondanités n’étaient pas ce que je préférais car ma maîtresse qui était une amoureuse de la quiétude, nous avait habitués à une vie, loin de la ville et de ses tumultes.

Notre univers était constitué du ciel à perte de vue, de sapins, d’arbres fruitiers que nous pouvions contempler, depuis une terrasse aménagée de telle sorte à pouvoir se prélasser à longueur de journée.

Mais là, c’était différent. J’avais hâte de découvrir ce monde et de quitter cette vie d’ermite !

J’étais tout à ma rêverie de rencontres et de paysages inédits lorsque mon esprit avait été assailli par des images qui arrivaient par bribes furtives et saccadées. Cette intrusion était épuisante et je ne pouvais pas la contrôler.

Mes idées retrouvées, je faisais le tri de ce que j’avais réussi à entrevoir dans ce qui ressemblait à des visions.

Dans une pièce blanche éclairée par une lumière aveuglante, des soignants et des médecins s’affairaient autour d’une femme qui subissait des douleurs, à priori, atroces. Son corps avait fini par trembler et lâcher sous le coup du mal dont elle souffrait.

Puis soudain, un trou noir qui semblait me happer sans que je puisse réagir.

J’avais vu ma maîtresse en pleurs, entourée de sa famille, au chevet d’une femme plus âgée qu’elle, cette même femme qui était à l'agonie.

J’avais reconnu son frère, sa soeur et supposé que la femme alitée était leur mère dans la mesure où je retrouvais en elle des points communs à chacun d’eux : ma maîtresse avait ses tâches de rousseur, le frère, ses cheveux bouclés et la soeur, ses expressions.

La mère portait sur le visage, le masque de la mort : un teint cireux, détendu mais figé à jamais.

Une grande tristesse émanait de la pièce et elle me déchirait le coeur. J’étais submergé par l'émotion.

Aussi fugaces qu’elles puissent être, j’avais su percevoir les détails importants de ces images.

Et une inquiétude avait commencé à me gagner.

Etait-ce une vision prémonitoire ?...

Je n’arrivais pas à me défaire de la peine de ma maîtresse.

Rien ne me consolait. Je n’avais pas envie de manger, ni même de boire.

La lassitude s’était emparée de moi et m’anéantissait.

J’étais au summum du spleen quand Malaki, dans une dominante bleue, avait fait son apparition.

“Bonjour, Ulysse… Nous surveillons attentivement les nouveaux arrivants et j’ai perçu ton abattement alors que j’étais éloigné du domaine de Jana.

Que se passe-t-il ?... Je n’arrive pas à déterminer la cause de ta peine…”

J’avais fait le récit de mes visions à Malaki.

En les lui rapportant, je m’étais rendu compte du bienfait de ma confidence. M’épancher me permettait d’alléger ma mélancolie.

Mais la souffrance était toujours présente.

Guidé par mon tout nouvel amour pour ma maîtresse, une idée m’avait traversé l’esprit.

De suite, je la partageais avec Malaki.

« Je sais que j’ai ressenti les émotions de ma maîtresse.

Je ne sais pas pourquoi mais je serais incapable de la voir endosser une telle souffrance.

Bien sûr, la mort est un processus naturel mais ne pourraiton pas retarder cette tragédie ?... » La volute avait alors migré vers des teintes orangées.

« Je comprends ta peine mais pour pouvoir agir ainsi, il faudrait maintenir l’équilibre de la vie et de la mort. Retarder le décès de cette personne implique de sacrifier une autre vie. »

J’avais interrompu Malaki qui n'avait pas viré au rouge, comme à chaque fois où j’étais insolent, mais au bleu orangé.

« Prends ma vie !!! »

Malaki avait cherché à modérer mon enthousiasme.

« Il faut donner du temps au temps. Ça fait partie du processus de deuil.

Et puis, tu ne peux pas prendre cette décision sans l’accord d’Albator qui se trouve en bas. Je pense que tu as du mal à gérer les facultés qu’Albator a développées ici et qui n’ont pas quitté le corps que tu habites momentanément.

Son don d’empathie est trop fort pour toi, par conséquent, tu n'arrives pas à le contrôler. Je comprends d’ailleurs, maintenant, le besoin qu’il avait de faire une pause.

Sois donc patient. Albator reviendra bientôt et tu reprendras ta place sur Terre... »

Les mots de Malaki ne me détournaient pas de mon objectif.

« Albator serait d’accord avec moi. Il ne supporterait pas de voir sa maîtresse souffrir. »

S’il y avait une chose dont j’étais sûr, c’était bien de ça.

« Je pense que le temps est compté et qu’il ne faut pas tarder à agir.

Malaki ! Vois ce que tu peux faire !!! S’il te plait !!!

Même s’il faut me sacrifier, je suis prêt !!!

Après tout, maintenant, je sais que je reviendrai ici.

Je ne serai plus sur Terre mais je serai toujours ici.

Je pourrais faire connaissance avec Albator... » Je réalisais alors que j’occupais le corps de mon compagnon et que nous étions plus proches que n’importe quels êtres auraient pu l’être. Je connaissais tout de lui et vice-versa mais nous ne nous connaissions pas.

Malaki, lui, tentait de me faire entendre raison.

« Ecoute Ulysse… Je vais me renseigner mais je pense que tu agis trop sous le coup de l’émotion. Essaie de te calmer. »

III

I needed the shelter of someone’s arms and there you were

J’avais besoin du refuge des bras de quelqu’un et tu étais là

I needed someone to understand my ups and downs

J’avais besoin de quelqu’un qui comprenait mes hauts et

mes bas

And there you were

Et tu étais là

with sweet love and devotion

Avec de l’amour tendre et de la dévotion

Deeply touching emotion

touchant profondément mon émotion

I want to stop and thank you baby

Je veux m’arrêter et te remercier chérie

I just want to stop and thank you baby

Je veux seulement m’arrêter et te remercier

How sweet it is to be loved by you

Qu’il est bon d’être aimé par toi

How sweet it is to be loved by you

Qu’il est bon d’être aimé par toi [...]

( Marvin gaye,“How sweet it is to be loved by you”, 1964 )

La musique envahissait toute la pièce et mon coeur.

J’avais remarqué que je continuais à comprendre les paroles des mélodies mais qu'à contrario, j’avais perdu mon extrême empathie. Et ce n’était pas pour me déplaire : je me sentais léger et jouissais tout simplement du moment présent.

J’étais le plus heureux.

Ma Grande Maîtresse s’activait dans la cuisine et toute ma troupe et moi-même étions sur la terrasse à profiter des doux rayons du soleil.

Ventre à terre contre le sol, je contemplais les jardins environnants et le ciel bleu, sans nuage, au-dessus de nos têtes.

Des effluves d’herbes fraîchement coupées me chatouillaient les narines et le chant des oiseaux nous parvenait par-dessus la musique, histoire de nous rappeler que la Nature pouvait reprendre les rênes, selon sa volonté.

C’était parfait. Nul besoin pour moi d’avoir plus.

Je n’avais même pas à bouger pour voir ma Douce.

Elle était à mes côtés, les yeux fermés et la tête légèrement en avant, signes de détente absolue chez elle.

Je lui avais dit que mon séjour serait de courte durée et j’avais cette impression qu’elle tentait de profiter pleinement des instants passés avec moi.

Je n’avais aucune idée du temps qu’il me restait à passer ici-bas mais je ne voulais pas y penser.

Les journées s’écoulaient, paisibles et reposantes, avec des nuits aussi douces et étoilées que dans mes souvenirs.

Parfois je pensais à Jana où il était impossible de distinguer le jour de la nuit, le matin du soir, me donnant toujours cette sensation d’éternité. Et franchement, ça ne me manquait pas.

Seuls les bavardages et la bonne humeur de L’abeille auraient pu me donner quelques regrets mais je savais que je la retrouverais tôt ou tard.

Le soleil avait commencé à décliner et l'heure du repas était arrivée.

Coco s’était rué vers la cuisine, au premier bruit de gamelle, suivi de près par Xéna et Seya, plus modérés dans leur ardeur.

Athéna était restée sur la table de jardin, le regard vers l’horizon.

Les relations entre elle et moi avaient changé.

Même si elle n’était pas une grande bavarde, elle discutait volontiers.

Elle mesurait sûrement la différence qu’il y avait entre Ulysse et moi. Si j'avais tenté de la connaître au risque d'en perdre la vue, lui s'était refusé à être malmené.

Coco m’avait rapporté la constante pression que mon successeur faisait subir à Athéna.

Il était toujours à la “courser”, ne lui laissant aucun répit : elle avait fini par ne plus quitter les chambres ou sinon, par vivre en hauteur, dans le salon.

Elle appréciait donc ma bienveillance et le répit que la situation lui offrait.

Au début, je lui avais demandé pourquoi elle n’allait pas partager le dîner avec les autres. Sa réponse avait été sans détour.

«J’aime pas ! Ça me donne la nausée, cette nourriture !!! Et puis, je sais pas trop ce qu’il y a dedans… Alors, je préfère m’abstenir… Et toi, t’y vas pas ? Dans le temps, tu raffolais de la pâtée et des croquettes…»

C’était l’une des autres particularités de mon séjour : je n’étais plus moi, mais Ulysse.

Mes amis avaient du mal à concilier la personnalité d’Ulysse et la mienne en seul corps. Alors, je devais constamment leur rappeler que j’étais un mélange des deux.

«Ulysse n’aime que le foin. J’ai bien tenté de me mettre à la pâtée parce que ça me fait, malgré tout, envie mais ça m’a aussitôt écoeuré… Par contre, il aime beaucoup les granulés colorés, alors, du coup, j'aime ça. Mais ça, c’est plutôt moyen… C’est pas trop conseillé pour les lapins…»

Athéna avait hoché la tête, le regard toujours fixe.

Le reste de l’équipe était revenu, la bedaine pleine et se pourléchant les babines de contentement.

Chacun avait repris sa place et se toilettait maintenant méticuleusement.

C’était le rituel de chaque soir : rassurant et réconfortant.

Je ne m’en lassais pas.

Xéna était allongée sur le flanc, les yeux mi-clos, ramenant sans cesse sa patte droite de l’arrière vers l’avant de son oreille, après l’avoir léchée.

Seya, assis et droit comme un "i", dans une éternelle attitude princière, en faisait de même.

Seul Coco s’affaissait de tout son long, complètement abasourdi par la digestion, un oeil fermé et l’autre entrouvert laissant apparaître sa troisième paupière atrophiée.