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Pour lui payer les 17 fr. 50, frais de notre match, je lui donnai un louis et, comme elle se disposait à me rendre la monnaie, je lui offris gracieusement (car elle me plaît beaucoup, cette petite) : « Gardez le tout, mademoiselle, ce sera pour votre dot. » – Et vous avez prononcé dot, sans faire sonner le t ? – Dame, oui, comme vous m’avez indiqué pour flot, pot, etc. – Alors, je m’explique tout ! La petite aura compris que vous lui donniez de l’argent pour son dos. – C’est moi qui ne comprends plus. – Dos est le terme argotique et bien parisien par lequel on désigne les gentlemen qui se font de détestables revenus avec l’inconduite de leurs compagnes. – Horrible ! Horrible ! Qu’est-ce que cette fillette va penser de moi ? Et Bott tint à revenir tout de suite au tir, porter ses excuses à la petite Charlotte et lui offrir une jolie bague, pour laquelle la petite citoyenne du dix-huitième arrondissement lui sauta au cou et l’embrassa de grand cœur.
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Chapitre 1 À la russe ou La basane collective
Chapitre 2 Isidore
Chapitre 3 Le lion, le loup et le chacal
Chapitre 4 Ébénoïd
Chapitre 5 Cupides médicastres
Chapitre 6 Le lard vivant
Chapitre 7 La malencontreuse prononciation
Chapitre 8 Simple croquis
Chapitre 9 Poète départemental
Chapitre 10 L’inhospitalité punie
Chapitre 11 Un nouveau pneu
Chapitre 12 Un point de droit
Chapitre 13 Unification
Chapitre 14 Pratique
Chapitre 15 L’art de s’amuser quand même au théâtre
Chapitre 16 Abaissement du prix du gaz
Chapitre 17 Un bonhomme vraiment pas ordinaire
Chapitre 18 La nouvelle direction de l’Odéon
Chapitre 19 L’année diplomatique
Chapitre 20 Pour un faux-col
Chapitre 21 Une vocation
Chapitre 22 Un patriote
Chapitre 23 Néfaste - parfois - influence de Jean Richepin sur la lyre moderne
Chapitre 24 Le kangoucycle
Chapitre 25 Farce légitime
Chapitre 26 Historique d’une mode beaucoup plus vieille qu’on ne croit généralement
Chapitre 27 Mieux qu’une sœur ! ou Un rude coup pour le pauvre amoureux
Chapitre 28 Le charcutier pratique
Chapitre 29 Fâcheuse confusion
Chapitre 30 Le bon bûcher
Chapitre 31 Une innovation à laquelle tout le monde applaudira
Chapitre 32 Truc funèbre et canaille employé par cette vieille fripouille de père Furet
Chapitre 33 Fraude
Chapitre 34 Dynastic
Chapitre 35 L’ascenseur du peuple
Chapitre 36 Artillerie
Chapitre 37 The Smell-Buoy
Chapitre 38 Batrachomatisme
Chapitre 39 La profession tue le sentiment
Chapitre 40 Le veau aux carottes
Chapitre 41 Un nouveau monopole d’État
Chapitre 42 Stricte observance
Chapitre 43 Pénible malentendu
Chapitre 44 Révolution dans la navigation à voile
Chapitre 45 L’homme qui aime à se rendre compte
Chapitre 46 Terrible éveil
Chapitre 47 Notes de voyage
À mon excellent ami
Léon Laurent (de Reims)
en souvenir
des Journées de Juin.1
Si nous voulons rester en bons termes avec le peuple russe, respectons ses traditions, sa foi, son idéal ; n’exigeons de lui aucune concession à nos façons de croire et de penser, car, dans une enveloppe souple, l’âme russe est rigide et tout d’une pièce, comme qui dirait une bille d’acier égarée dans un pneu.
De même aussi, n’empruntons à leurs coutumes que celles qui s’accordent à notre complexion, si différente de la leur.
En agissant ainsi, nous éviterons bien des gaffes, surtout celles d’une nature plutôt pénible, comme vous allez pouvoir en juger par ce récit.
Je commence par déclarer que l’histoire n’est pas de moi : elle me fut contée par le célèbre chansonnier américain Raphaël Shoomard, un garçon assez sérieux pour que je puisse garantir la véracité de cette aventure.
C’était, il y a quelques années, au début des manifestations de sympathie entre France et Russie.
Dans certains régiments, ces manifestations avaient pris tout de suite le caractère du pur délire.
Tous les officiers apprenaient le russe, se nourrissaient de caviar et ne buvaient plus que kummel ou vodka.
Au bout d’un mois, dans maintes garnisons, l’astrakan avait doublé de prix.
Parmi les plus frénétiques de ces russophiles, se fit particulièrement remarquer certain colonel d’infanterie, officier dont la rudimentaire intelligence se panachait de la plus exquise brutalité envers le subordonné.
Cet homme de guerre déclara un beau jour qu’il allait mener son régiment à la russe.
La discipline russe, il n’y a que ça, pour une armée qui se respecte !
Une coutume militaire russe l’avait particulièrement séduit.
En Russie, quand un colonel arrive devant son régiment, il le salue de la main en disant d’une voix forte : « Bonjour, mes enfants ! »
Et les soldats de répondre, comme un seul homme : « Bonjour, mon colonel ! »
Il fut donc annoncé, au rapport, qu’à la prochaine revue, les choses se passeraient ainsi.
Hélas ! les choses se passèrent autrement.
Le jour de la revue arriva.
Toute la population était rassemblée au Champ de Mars de l’endroit, préfet et notabilités dans une superbe tribune.
Les cœurs haletaient à l’émotion du beau spectacle de bientôt.
Splendide, le régiment, sous les armes, attendait son colonel.
Un petit nuage de poussière, là-bas ! C’est lui, le père du régiment !
Au galop de son petit cheval arabe, il arrive sur le front du régiment, met la main à son shako et, d’une voix de tonnerre, gueule : « Bonjour, mes enfants ! »
Alors, sans quitter le port d’armes, deux mille mains gauches s’abattent sur deux mille cuisses gauches, produisant deux mille claques formidables.
Le geste se termine en forme de basane ; mais quelle basane mon empereur ! et combien inoubliable !
En même temps, deux mille voix répondent : « Zut ! hé ! vieux daim ! »
Et le plus terrible, c’est que les hommes employèrent, en leur clameur, des expressions autrement vives que zut et que daim.
Raphaël Shoomard ne nous raconta pas ce qu’il advint ensuite ; mais j’ai tout lieu de penser que l’infortuné colonel n’alla pas plus avant dans son essai d’acclimatation des mœurs militaires russes.
Mon ami Georges Street m’avait dit : — En revenant d’Italie, vous repasserez par Vintimile et Nice ? — Très vraisemblablement. — Alors, ne manquez pas, quand vous serez à Nice, de pousser une pointe jusqu’à N… et d’aller saluer, de ma part, le brave curé de ce village.
— Je n’y manquerai point.
— Vous le prierez en outre de vous laisser interviewer son perroquet.
— Son perroquet ?
— Son perroquet… Ce volatile est un des plus braves perroquets avec lesquels il me fut jamais donné d’échanger quelques propos.
— La nature de ses propos ?
— Souffrez, mon cher Allais, que je vous laisse la volupté de ce frisson nouveau.
Je n’eus garde, comme aisément vous l’imaginez, de manquer cette promise aubaine.
N… (je fausse à dessein l’initiale de la bourgade) n’est éloigné de Nice que d’une heure quarante-trois minutes de voiture (je fausse également à dessein l’évaluation de la distance et le mode de communication).
L’excellent abbé Z… (je fausse de plus belle) allait précisément sortir, quand je me présentai à la porte de son presbytère.
L’abbé Z… (conservons-lui cette désignation fantaisiste) est un de ces dignes ecclésiastiques comme il en fourmille en Provence, chez lesquels le mysticisme s’est mué, comme par enchantement, en ronde jovialité.
Le brave ecclésiastique fut visiblement satisfait du bon souvenir de l’ami Street.
Il s’informa comment il allait et si, bientôt, on aurait l’occasion de se revoir et de trinquer ensemble sous la lumineuse et embaumée petite tonnelle.
†
— Et votre perroquet, monsieur le curé ?
Il paraît que vous avez un perroquet qui n’est pas dans une musette ?
— Dans une musette ! Isidore dans une musette ! Qu’y ferait-il, le pauvre ?
Isidore ! Le perroquet s’appelait Isidore !
Tout de suite – lointaine pourtant, mais pernicieuse encore, influence de Grosclaude ! – je pensai à Isidore de Lara, Isidore de l’Ara !
— Venez, invita l’abbé, venez avec moi.
Et me faisant traverser son petit jardin, le digne prêtre m’amena jusqu’au perchoir d’Isidore, sis au bord d’un petit chemin qui passe derrière la cure.
Telle une petite folle, notre volatile s’amusait à imiter les aboiements du chien, ce pendant que sur la route un épagneul de passage s’éperdait à rechercher son congénère ainsi clamant.
À la fin, Isidore éclata d’un rire interminable ; se sentant bafoué, le pauvre chien se retira lentement.
Isidore m’aperçut.
Une évidente méfiance s’indiqua au rond virant de ses petits yeux, un grommellement de mauvais accueil ronchonna du plus creux de sa gorge.
— Allons, Isidore, sois bien gentil avec Monsieur qui vient exprès de Paris t’apporter le bonjour de ton ami Street. ( À moi.) Donnez-lui vos doigts à compter. ( À Isidore.) Compte les doigts de Monsieur.
Je présentai mes mains larges ouvertes, les doigts écartés.
Isidore compta :
— Une, deux, trois, quatre, cinq, sept… M… ! je me trompe !
Il reprit :
— Une, deux, trois, quatre, cinq, sept… M… ! je me trompe !
Et tant que je lui montrai ma main, Isidore ne se rebuta pas :
— Une, deux, trois, quatre, cinq, sept… M… ! je me trompe !
Ce fut moi qui me lassai le premier.
Aussi bien, j’avais fort besoin de mes deux mains pour me tenir les côtes, tant cette petite séance de numération parlée dépassait tout ce qu’on peut rêver de comique !
Et en rentrant à Nice, le soir, doucement bercé par la voiture, je me surprenais à murmurer, moi aussi :
— Une, deux, trois, quatre, cinq, sept… M… ! je me trompe !
Fabliau bien moderne
Il était une fois un Loup qui avait un procès de mur mitoyen avec son voisin le Chacal. Toute tentative de conciliation ayant échoué, on résolut de porter le litige devant la cour suprême des animaux, autrement dit le tout-puissant seigneur Lion.
Le Lion, exact au rendez-vous, battait négligemment de la queue ses flancs redoutables, tout prêt à rendre sentence sous son chêne ordinaire, un chêne d’au moins cinquante louis.
(Comme tout augmente, hein ! Du temps de Blanche de Castille et de son fils, un simple chêne de cinq louis suffisait amplement aux justiciables.)
Arrivèrent les plaideurs : le Loup accompagné de son avoué le Renard, le Chacal défendu par une vieille Pie, insupportable raseuse qui, tout de suite, indisposa le seigneur Lion.
— Assez ! s’écria brusquement ce dernier, ma religion est suffisamment éclairée.
— Ah ! firent les deux parties anxieuses.
— Loup, c’est toi qui as raison ! Chacal, ta cause ne tient pas debout ! Loup, je te livre ton adversaire et t’engage à le dévorer dans l’enceinte même de ce sylvestre prétoire.
Le Loup ne se le fit pas dire deux fois ; en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, du pauvre Chacal ne restaient plus que risibles déchets.
Discrètement, le Renard et la Pie s’étaient retirés vers leurs cabinets respectifs.
Quand la curée fut terminée :
— Mon cher Loup, dit le Lion, tu me feras plaisir en venant ce soir chez moi me remercier de ma sentence.
— Entendu, Seigneur. À ce soir.
Le Loup n’eut garde de manquer à sa parole : vers sept heures, sept heures et demie, il pénétrait dans la tanière du magistrat suprême.
Le Lion, comme en façon de familiarité gentille, lui mit sa forte patte sur l’échine, et :
— Eh bien, mon vieux Loup, digéras-tu à ta convenance ?
— On ne saurait imaginer mieux, mon Lord.
— Alors, à mon tour.
Le Loup, à ce moment, vit que le Lion ne badinait pas, et il devint blanc comme un linge.
— Quoi ! vous allez me manger ?
— Non, je vais me gêner ! Car j’ai une faim de Loup, si j’ose m’exprimer ainsi.
— Mais alors, pourquoi n’avez-vous pas, ce matin, dévoré le Chacal, puisque lui était dans son tort ?
— Dans son tort ou non, le Chacal vivant exhale une odeur qui me coupe l’appétit.
— Et moi, pourquoi avoir attendu jusqu’à ce soir, puisque vous me teniez ce matin en votre pouvoir ?
— Ce matin, tu étais trop maigre, mon pauvre ami.
Et, passant à l’action, le Lion mangea le Loup, dans des conditions exceptionnelles de prestesse et de bonne humeur.
Moralité
Soyez chacals ou soyez loups,
Les juges sont plus forts que vous.
Écoutez-moi (la chose est sûre),
Méfiez-vous d’la magistrature !