Arsène Lupin - Leblanc Maurice - E-Book

Arsène Lupin E-Book

Leblanc Maurice

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Beschreibung

Arsène Lupin est une pièce de théâtre en 4 actes, de Francis de Croisset et Maurice Leblanc, représentée pour la première fois le 28 octobre 1908.
Scénario
Les actes se passent successivement dans le grand hall d'un château ; un grand salon d'un hôtel particulier ; enfin, un fumoir très élégant (il n'y a pas d'entracte entre les deuxième et troisième actes).
Germaine de Gournay-Martin, fille très snob d'une famille cossue qui vient de racheter le château de Charmerace, va enfin, après sept ans de fiançailles, épouser l'ancien propriétaire désargenté, Jacques, duc de Charmerace, un fiancé peu empressé mais tellement séduisant, qui revient « officiellement » d'une expédition au Pôle Sud !
La conversation va rapidement tourner sur les récents exploits d'Arsène Lupin qui n'a pas hésité à voler toutes les collections de tableaux de son futur beau-père, car, le spectateur le soupçonne très vite, Charmerace et Lupin ne font qu'un. Le cambrioleur sera confronté au tenace limier Guerchard qui a une revanche à prendre. Le policier n'hésitera pas pour cela à tenir en otage la secrétaire de Germaine, la belle Sonia Krichnoff, qui n'avait pas laissé le duc de Charmerace longtemps indifférent. Mais Lupin compte une alliée de taille : Victoire, sa nourrice toute dévouée, toujours prête même pour les besognes les plus périlleuses.
|Wikipedia|

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SOMMMAIRE

PERSONNAGES

ACTE Premier

ACTE II

ACTE III

ACTE IV

AVIS ARSÈNE LUPIN au théâtre de l’Athénée

MAURICE LEBLANC ET

FRANCIS DE CROISSET

|21|

ARSÈNE LUPIN

PIÈCE DE THÉÂTRE EN QUATRE ACTES

L’Illustration théâtrale, 1909

Raanan Éditeur

livre numérique 869 | édition 1

PERSONNAGES

LE DUC DE CHARMERACE, 29 ans, M. André Brulé.

GUERCHARD, inspecteur principal de la Sureté, M. Escoffier.

GOURNAY-MARTIN, M. Bullier.

LE JUGE d’instruction, M. André Lefaur.

CHAROLAIS PÈRE, M. Bénédict.

BERNARD CHAROLAIS, 17 ans, M. Félix Ander.

BOURSIN, agent de la Sureté, M. Clément.

LE COMMISSAIRE, M. Narbal.

FIRMIN, garde-chasse, M. Terof.

DIEUSY, agent de la Sureté, M. Bosc

BONAVENT, agent de la Sureté, M. Bertic.

JEAN, chauffeur, M. Chartrettes.

L'AGENT de police, en tenue, M. Ragoneau.

LA CONCIERGE, M. Cousin.

SONIA Kritchnoff, 22 ans, demoiselle de compagnie, Mme Laurence Duluc

GERMAINE, fille de M. GOURNAY-MARTIN, Mme JEANNE Rosny

VICTOIRE, Mme GERMAINE Ety.

LA CONCIERGE, Mme Ael.

JEANNE, amie de GERMAINE, Mme Maud Gauthier.

MARIE, amie de GERMAINE, Mme Cézanne.

IRMA, femme de chambre, Mme Erizac.

2e fils CHAROLAIS, M. Bonvalent.

3e fils CHAROLAIS, M. Bertrand.

ALFRED, domestique, M. Marseille.

LE SERRURIER, M. Masius.

LE GREFFIER, M. Tribois.

ACTE Premier

Grand hall de château. Large baie vitrée dans le fond donnant sur une terrasse et sur un parc. Portraits historiques. La place d’un de ces portraits est occupée par une tapisserie. Porte à droite et à gauche. Piano.

Scène I

SONIA, puis GERMAINE, ALFRED, JEANNE, MARIE.

SONIA est seule, elle fait des adresses. Dehors, jouant au tennis, GERMAINE et ses deux amies. On entend leurs cris : « Trente ! Quarante !… Play ?… etc… etc… »

SONIA, seule, lisant. D’un ton pensif. — « Monsieur Gournay-Martin a l’honneur de vous faire part du mariage de sa fille Germaine avec le duc de Charmerace »… Avec le duc de Charmerace !

Voix de GERMAINE. — Sonia ! Sonia ! Soniua !

SONIA. — Mademoiselle ?

GERMAINE. — Le thé ! Commandez le thé !

SONIA. — Bien, mademoiselle. (Elle sonne. Au domestique qui entre.) Le thé…

ALFRED. — Pour combien de personnes, mademoiselle ?

SONIA. — Pour quatre, à moins que… Est-ce que M. Gournay-Martin est rentré ?

ALFRED. — Oh ! non, mademoiselle, il est allé déjeuner à Rennes avec l’auto… cinquante kilomètres. Monsieur ne sera pas ici avant une bonne heure.

SONIA. — Et M. le duc ? Il n’est pas rentré de sa promenade à cheval ?

ALFRED. — Non, mademoiselle.

SONIA. — Tout est emballé ? Vous partez tous aujourd’hui ?

ALFRED. — Oui, mademoiselle.

Sort Alfred.

SONIA, reprenant lentement. — « Monsieur Gournay-Martin a l’honneur de vous faire part du mariage de sa fille Germaine avec le duc de Charmerace »

GERMAINE, entrant vite, sa raquette à la main. — Eh bien, qu’est-ce que vous faites ? Vous n’écrivez pas ?

SONIA. — Si… si…

MARIE, entrant presque aussitôt. — Ce sont des lettres de faire part tout ça ?

GERMAINE. — Oui, et nous n’en sommes qu’à la lettre V.

JEANNE, lisant. — Princesse de Vernan, duchesse de Vauvineuse…

MARQUIS ET MARQUISE… Ma chère, vous avez invité tout le faubourg Saint-Germain.

MARIE. — Vous ne connaîtrez pas beaucoup de monde à votre mariage.

GERMAINE. — Je vous demande pardon, mes petites. Mme de Relzières, la cousine de mon fiancé, a donné un thé l’autre jour dans son château. Elle m’a présenté la moitié de Paris, du Paris que je suis appelée à connaître et que vous verrez chez moi.

JEANNE. — Mais nous ne serons plus dignes d’être vos amies, quand vous serez la duchesse de Charmerace.

GERMAINE. — Pourquoi ? (à Sonia.) Sonia ! Sur tout n’oubliez pas Veauléglise, 33, rue de l’Université. (Elle répète) 33, rue de l’Université.

SONIA. — Veauléglise… a… u… ?

GERMAINE. — Comment ?

SONIA. — Duchesse de Veauléglise… v… a… u… ?

GERMAINE. — Non, avec un e.

JEANNE. — Comme veau.

GERMAINE. — Ma chère, c’est une plaisanterie bien bourgeoise. (à Sonia.) Attendez, ne fermez pas l’enveloppe. (D’un ton réfléchi) Je me demande si Veauléglise mérite une croix, une double croix, ou une triple croix.

JEANNE et MARIE. — Comment ?

GERMAINE. — Oui, la croix simple signifie l’invitation à l’église, double croix invitation au mariage et au lunch, et triple croix, invitation au mariage, au lunch et à la soirée de contrat. Votre avis ?

JEANNE. — Mon Dieu, je n’ai pas l’honneur de connaître cette grande dame.

MARIE. — Moi non plus.

GERMAINE. — Moi non plus, mais j’ai là le carnet de visite de feu la duchesse de Charmerace, la mère de Jacques… Les deux duchesses étaient en relations ; de plus, la duchesse de Veauléglise est une personne un peu rosse, mais fort admirée pour sa piété : elle communie trois fois par semaine.

JEANNE. — Alors, mettez-lui trois croix.

MARIE. — À votre place, ma chérie, avant de faire des gaffes, je demanderais conseil à votre fiancé. Il connaît ce monde-là, lui.

GERMAINE. — Ah ! là ! là ! mon fiancé ! ça lui est bien égal. Ce qu’il a changé depuis sept ans ! (Feuillette son carnet.) Il ne prenait rien au sérieux, alors. Tenez, il y a sept ans, s’il est parti pour faire une expédition au pôle sud, c’était uniquement par snobisme… Enfin, quoi, un vrai duc !

JEANNE. — Et aujourd’hui ?

GERMAINE. — Ah ! aujourd’hui, il est pédant, le monde l’agace, et il a un air grave.

SONIA. — Il est gai comme un pinson.

GERMAINE. — Il est gai quand il se moque des gens, mais à part ça, il est grave.

JEANNE. — Votre père doit être ravi de ce changement ?

GERMAINE. — Oh ! naturellement ! Papa s’appellera toujours M. Gournay-Martin. Non, quand je pense que papa déjeune aujourd’hui à Rennes avec le ministre, dans le seul but de faire décorer Jacques …

MARIE. — Eh bien, la Légion d’honneur, c’est beau, cela.

GERMAINE. — Ma pauvre petite, c’est beau rue du Sentier, mais ça ne va pas avec un duc ! (S’arrêtant au moment de partir.) Tiens, cette statuette, pourquoi est-elle ici ?

SONIA, étonnée. — En effet, quand nous sommes entrées, elle était là, à sa place habituelle…

GERMAINE., au domestique qui entre avec le thé — Alfred, vous êtes venu dans le salon pendant que nous étions dehors ?

ALFRED. — Non, mademoiselle.

GERMAINE. — Mais quelqu’un est entré ?

ALFRED. — Je n’ai entendu personne, j’étais dans l’office.

GERMAINE. — C’est curieux. ( à Alfred qui va pour sortir.) Alfred, on n’a pas encore téléphoné de Paris ?

ALFRED. — Pas encore, mademoiselle.

Il sort. Sonia sert le thé aux jeunes filles.

GERMAINE. — On n’a pas encore téléphoné. C’est très embêtant. Ça prouve qu’on ne m’a pas envoyé de cadeaux aujourd’hui.

SONIA. — C’est dimanche, les magasins ne font pas de livraisons ce jour-là.

JEANNE. — Le beau duc ne vient pas goûter ?

GERMAINE. — Mais si, je l’attends à quatre heures et demie. Il a dû sortir à cheval avec les deux frères Dubuit. Les Dubuit viennent goûter aussi.

MARIE. — Il est sorti à cheval avec les Dubuit ? Quand ça ?

GERMAINE. — Mais cet après-midi.

MARIE. — Ah ! non… Mon frère est allé après déjeuner chez Dubuit pour voir André et Georges. Ils étaient sortis depuis ce matin en voiture, et ils ne devaient rentrer que tard dans la soirée.

GERMAINE. — Tiens, mais… qu’est-ce qu’il m’a raconté ?

IRMA, entrant. — On est là de Paris, mademoiselle.

GERMAINE, vivement. — Chic, c’est la concierge.

IRMA. — C’est Victoire, la femme de charge.

GERMAINE, au téléphone. — Allô, c’est vous, Victoire ?… Ah ! on a envoyé quelque chose… Eh bien, qu’est-ce que c’est ? Un coupe-papier… encore ! Et l’autre ? Un encrier Louis XVI… encore ! Oh ! là ! là ! De qui ? (Fièrement, aux autres jeunes filles.) Comtesse de Rudolphe et baron de Valéry… oui, et c’est tout ? Non, c’est vrai ? (à Sonia.) Sonia, un collier de perles ! (Au téléphone.) Il est gros ? Les perles sont grosses ? Oh ! mais c’est épatant ! Qui a envoyé ça ?… (Désappointée.) Oh ! oui, un ami de papa. Enfin, c’est un collier de perles… Fermez bien les portes, n’est-ce pas ? et serrez-le dans l’armoire secrète… Oui, merci, ma bonne Victoire, à demain. (à Jeanne et Marie.) C’est inouï, les relations de papa me font des cadeaux merveilleux et tous les gens chics m’envoient des coupe-papier. Il est vrai que Jacques est au-dessous de tout. C’est à peine si, dans le faubourg, on sait que nous sommes fiancés.

JEANNE. — Il ne fait aucune réclame ?

GERMAINE. — Vous plaisantez, mais c’est que c’est vrai. Sa cousine, Mme de Relzières, me le disait encore l’autre jour au thé qu’elle a donné en mon honneur, n’est-ce pas, Sonia ?

JEANNE, bas, à Marie. — Elle en a plein la bouche de son thé.

MARIE. — À propos de Mme de Relzières, vous savez qu’elle est aux cent coups. Son fils se bat aujourd’hui.

SONIA. — Avec qui ?

MARIE. — On ne sait pas, mais elle a surpris une lettre des témoins…

GERMAINE. — Je suis tranquille pour Relzières. Il est de première force à l’épée, il est imbattable.

JEANNE. — Il était intime avec votre fiancé, autrefois.

GERMAINE. — Intime. C’est même par Relzières que nous avons connu Jacques.

MARIE. — Où ça ?

GERMAINE. — Dans ce château.

MARIE. — Chez lui, alors ?

GERMAINE. — Oui. Est-ce drôle, la vie ! Si, quelques mois après la mort de son père, Jacques ne s’était pas trouvé dans la dèche et obligé, pour les frais de son expédition au pôle sud, de bazarder ce château ; si papa et moi, nous n’avions pas eu envie d’avoir un château historique et, enfin, si papa n’avait pas souffert de rhumatismes, je ne m’appellerais pas, dans un mois, la duchesse de Charmerace.

JEANNE. — Quels rapports ont les rhumatismes de votre père ?…

GERMAINE. — Un rapport direct. Papa craignait que ce château ne fût humide. Pour prouver à papa qu’il n’avait rien à craindre, Jacques, en grand seigneur, lui a offert l’hospitalité, ici, à Charmerace, pendant trois semaines ; par miracle, papa s’y est guéri de ses rhumatismes. Jacques est tombé amoureux de moi ; papa s’est décidé à acheter le château, et moi, j’ai demandé la main de Jacques.

MARIE. — Mais vous aviez seize ans ?

GERMAINE. — Oui, seize ans, et Jacques partait pour le pôle sud.

JEANNE. — Alors ?

GERMAINE. — Alors, comme papa trouvait que j’étais beaucoup trop jeune pour me marier, j’ai promis à Jacques d’attendre son retour. Seulement, entre nous, si j’avais su qu’il devait rester si longtemps au pôle sud…

MARIE. — C’est vrai. Partir pour trois ans et rester sept ans là-bas.

JEANNE. — Toute votre belle jeunesse…

GERMAINE, piquée. — Merci…

JEANNE. — Dame ! vous avez vingt-trois ans, c’est d’ailleurs la fleur de l’âge.

GERMAINE. — Vingt-trois ans à peu près… Enfin, j’ai eu tous les malheurs, le duc est tombé malade, on l’a soigné à Montevideo. Une fois bien portant, comme personne n’est plus entêté que lui, il a voulu reprendre son expédition, il est reparti pour deux ans, et, brusquement, plus de nouvelles, plus aucune nouvelle. Vous savez que pendant six mois nous l’avons cru mort ?

SONIA. — Mort ! Mais vous avez dû être très malheureuse !

GERMAINE. — Ah ! ne m’en parlez pas. Je n’osais plus mettre une robe claire.

JEANNE, à Marie. — C’est un rien.

GERMAINE. — Heureusement, un beau jour, les lettres ont réapparu : il y a trois mois un télégramme a annoncé son retour et, enfin, depuis deux mois, le duc est revenu.

JEANNE, à part, imitant le ton affecté de Germaine. — Le duc !

MARIE. — C’est égal. Attendre un fiancé pendant près de sept ans, quelle fidélité !

JEANNE. — L’influence du château.

GERMAINE. — Comment ?

JEANNE. — Dame ! Posséder le château de Charmerace, et s’appeler Mlle Gournay-Martin, ça n’est pas la peine.

MARIE, sur un ton de plaisanterie. — N’empêche que, d’impatience, Mlle Germaine, pendant ces sept ans, a failli se fiancer avec un autre.

SONIA se retourne.

JEANNE, sur le même ton. — Qui n’était que baron.

SONIA. — Comment ! C’est vrai, mademoiselle.

JEANNE. — Vous ne saviez pas, mademoiselle Sonia ? Mais oui, avec le cousin du duc, précisément, M. de Relzières. Baronne de Relzières, c’était moins bien.

SONIA. — Ah !

GERMAINE. — Mais, étant le cousin et le seul héritier du duc, Relzières aurait relevé le titre et les armes, et j’aurais été tout de même duchesse, mes petites.

JEANNE. — Évidemment, c’était l’important. Sur ce, je me sauve, ma chérie.

GERMAINE. — Déjà ?

MARIE, avec emphase. — Oui, nous avons promis à la vicomtesse de GrosJEAN de lui faire un bout de visite. (Négligemment.) Vous connaissez la vicomtesse de GrosJean ?

GERMAINE. — De nom. Papa a connu son mari à la Bourse quand il s’appelait encore simplement GrosJean. Papa, lui, a préféré garder son nom intact.

JEANNE, sortant, à Marie. — Intact. C’est une façon de parler. Alors, à Paris ? Vous partez toujours demain ?…

GERMAINE. — Oui, demain.

MARIE, l’embrassant. — À Paris, n’est-ce pas ?

GERMAINE. — Oui, à Paris.

Sortent les deux jeunes filles.

ALFRED, entrant. — Mademoiselle, il y a là deux messieurs : ils ont insisté pour voir mademoiselle.

GERMAINE. — Ah ! oui, MM. Dubuit.

ALFRED. — Je ne sais pas, mademoiselle.

GERMAINE. — Un monsieur d’un certain âge et un plus jeune ?

ALFRED. — C’est cela même, mademoiselle.

GERMAINE. — Faites entrer.

ALFRED. — Mademoiselle n’a pas d’ordres pour Victoire ou pour les concierges de Paris ?

GERMAINE. — Non. Vous partez tout à l’heure ?

ALFRED. — Oui, mademoiselle, tous les domestiques… par le train de sept heures. Et il est bien de ce pays-ci : on n’est rendu à Paris qu’à neuf heures du matin.

GERMAINE. — Tout est emballé ?

ALFRED. — Tout. La charrette a déjà conduit les gros bagages à la gare. Ces messieurs et ces demoiselles n’auront plus qu’à se préoccuper de leurs valises.

GERMAINE, à la porte. — Parfait. Faites entrer MM. Dubuit. (Il sort.) Oh !

SONIA. — Quoi ?

GERMAINE. — Un des carreaux de la baie a été enlevé juste à la hauteur de l’espagnolette… on croirait qu’il a été coupé.

SONIA. — Tiens ! Oui, juste à la hauteur de l’espagnolette.

GERMAINE. — Est-ce que vous vous en étiez aperçue ?

SONIA. — Non ! Mais il doit y avoir des morceaux par terre, et… (à Germaine.) Mademoiselle, deux messieurs.

GERMAINE. — Ah ! Bonjour, messieurs Dub… Hein ? (Elle aperçoit devant elle Charolais et son fils. Un silence embarrassé.) Pardon, messieurs, mais, qui êtes vous ?

Scène II

Les mêmes, CHAROLAIS PÈRE, CHAROLAIS, premier fils.

 

CHAROLAIS PÈRE, avec une bonhomie souriante. — Monsieur Charolais… Monsieur Charolais… ancien brasseur, chevalier de la Légion d’honneur, propriétaire à Rennes. Mon fils, un jeune ingénieur. (Le fils salue.) Nous venons de déjeuner ici, à côté, à la ferme de Kerlor : nous sommes arrivés de Rennes ce matin : nous sommes venus tout exprès…  

SONIA, bas, à Germaine. — Faut-il leur servir du thé ?

GERMAINE, bas, à Sonia. — Ah ! non, par exemple. (À Charolais.) Vous désirez, messieurs ?

CHAROLAIS PÈRE. — Nous avons demandé monsieur votre père, on nous a dit qu’il n’y avait que mademoiselle sa fille. Nous n’avons pas résisté au plaisir…

Tous deux s’assoient. Germaine et Sonia se regardent interloquées.

CHAROLAIS FILS, à son père. — Quel beau château, papa !

CHAROLAIS PÈRE. — Oui, petit, c’est un beau château. (Un temps. à Germaine et Sonia.) C’est un bien beau château, mesdemoiselles.

GERMAINE. — Pardon, messieurs, mais que désirez-vous ?

CHAROLAIS PÈRE. — Voilà. Nous avons vu dans l’Éclaireur de Rennes que M. Gournay-Martin veut se défaire d’une automobile. Mon fils me dit toujours : « Papa, je voudrais une auto qui bouffe les côtes », comme qui dirait une soixante-chevaux.

GERMAINE. — Nous avons une soixante-chevaux, mais elle n’est pas à vendre ; mon père s’en est même servi aujourd’hui.

CHAROLAIS PÈRE. — C’est peut-être l’auto que nous avons vue devant les communs.

GERMAINE. — Non, celle-là est une trente-quarante, elle est à moi. Mais si monsieur votre fils, comme vous dites, aime bouffer les côtes, nous avons une cent-chevaux dont mon père désire se défaire. Tenez, Sonia, la photographie doit être là.

Toutes deux cherchent sur la table. Pendant ce temps, Charolaisfils s’est emparé d’une petite statuette.

CHAROLAIS PÈRE, à mi-voix. — Lâche ça, imbécile ! (Germaine se retourne et tend la photo.) Ah ! la voilà. Ah ! ah ! Une cent-chevaux. Eh bien, nous pouvons discuter cela. Quel serait votre dernier prix ?

GERMAINE. — Je ne m’occupe pas du tout de ces questions-là, monsieur. Revenez tout à l’heure, mon père sera rentré de Rennes, vous vous arrangerez avec lui.

CHAROLAIS PÈRE. — Ah !… Alors, nous reviendrons tout à l’heure. (Saluant.) Mesdemoiselles, mes civilités.

Ils sortent avec des saluts profonds.

GERMAINE. — Eh bien ! En voilà des types ! Enfin, s’ils achètent la cent-chevaux, papa sera rudement content… C’est drôle que Jacques ne soit pas encore là. Il m’a dit qu’il serait ici entre quatre heures et demie et cinq heures.

SONIA. — Les Dubuit ne sont pas venus non plus, mais il n’est pas encore cinq heures.

GERMAINE. — Oui, au fait, les Dubuit ne sont pas venus non plus. (à Sonia.) Eh bien, qu’est-ce que vous faites ? Complétez toujours la liste des adresses en attendant.

SONIA. — C’est presque fini.

GERMAINE. — Presque n’est pas tout à fait. (Regardant la pendule.) Cinq heures moins cinq. Jacques en retard ! Ce sera la première fois.

SONIA, tout en écrivant. — Le duc a peut-être poussé jusqu’au château de Relzières pour voir son cousin, bien qu’au fond je ne croie pas que le duc aime beaucoup M. de Relzières. Ils ont l’air de se détester.